Avenue des CHRONIQUES
- Seuls 15 – L’hôtel au bord du mondepar Laurent Lafourcade
On vous attend à la réception !
« -Jezabel est piégée aux confins des limbes, il faut la délivrer !
-… Jezabel ?!… Attends !… Non ! Ne pars pas, tu dois m’en dire plus !
-Si l’élu la retrouve, elle complètera son enseignement ! Elle a compris tant de choses depuis le fond de sa prison !… Mais s’il échoue, les quinze familles entraîneront le monde à sa perte ! »
Dorénavant réunis, Dodji, Leïla, Terry, Yvan et Camille écoutent l’histoire de Lex qui s’apprête à leur révéler un secret. Ils sont interrompus par la prophétie d’un oiseau, une sorte de pie, qui leur demande de délivrer Jezabel du confins des limbes. Si l’élu la retrouve, il complètera son enseignement. Sinon, les 15 familles entraîneraient le monde à sa perte. Pendant ce temps, Saul, l’imperator, prépare un autodafé afin de mieux contrôler le monde. Le fameux élu, c’est Dodji. Sur le bateau qui mène les enfants vers une destination qu’ils ne connaissent pas encore, l’oiseau revient pour leur demander de retrouver ses sept sœurs et de les réunir au bord du monde, plus exactement au jardin d’hiver.
Le monde des limbes est un espace dangereux et instable où peut survenir le meilleur comme le pire. Nos amis débarquent sur une île. Camille a l’impression de reconnaître les lieux. Elle est déjà venue là, un an avant la nuit des anges. C’était un domaine laissé à l’abandon. Tout était retourné à l’état sauvage. Une légende urbaine racontait que les lieux étaient hantés par un enfant mort enterré dans le jardin. Mais à la place de la bâtisse délabrée qu’elle a visitée, Camille trouve ici une demeure flambant neuve, comme si elle avait remonté le temps. Y aurait-il un lien avec l’enfant-miroir qu’ils ont croisé il y a déjà quelques temps en d’autres lieux ?
2024 est et restera l’année du revival de Bruno Gazzotti. Avec deux albums de Seuls et un album de Soda replacé dans la grande époque de la série, on ressent le plaisir jouissif du dessinateur de collaborer avec des gens, auteurs et éditeurs, avec lesquels il se sent en pleine confiance. Tout cela transparaît dans son trait, plus dynamique que jamais, l’un de ceux qui se fait de mieux dans le franco-belge actuel. Grâce au résumé dessiné en préambule et des dialogues replaçant régulièrement les événements passés et les objectifs à atteindre, Fabien Vehlmann happe les lecteurs afin de les garder en empathie, au plus près des personnages dont ils sont des membres supplémentaires du groupe. Deuxième tome du quatrième cycle de Seuls, cet épisode pourrait quasiment se lire indépendamment. Et regardez bien la couverture. Un effet dissimulé laisse entrevoir un complément au dessin.
Les enfants de Seuls sont encore loin des portes du paradis qui les libérerait de la dimension dans laquelle ils sont prisonniers. Mais ils ne sont pas si seuls que ça, grâce aux milliers de lecteurs qui les accompagnent dans leurs aventures au-delà du réel.
Série : Seuls
Tome : 15 – L’hôtel au bord du monde
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Fabien Vehlmann
Dessins : Bruno Gazzotti
Couleurs : Usagi
Éditeur : Rue de Sèvres
ISBN : 9782810205929
Nombre de pages : 48
Prix : 12,95 €
- Les petits Mythos présentent les jeux antiquespar Thierry Ligot
Aux origines des jeux olympiques
L’album des petits Mythos nous replonge dans l’Antiquité et plus exactement dans la Grèce Antique.
Tout le monde connaît la légende du marathon, les grandes lignes de l’origine des Jeux Olympiques ou encore leur renaissance avec Pierre de Coubertin.
Mais savez-vous qu’il existait également d’autres jeux ? Les Jeux Isthmiques, les Jeux Néméens, les Jeux Pythiques, les Jeux Héréens, … Tout cela dans des stades mythiques, avec des grands champions, des héros dans des épreuves aussi variées que les « classiques » (pentathlon, lancer du javelot ou du disque, saut en longueur, …) ou les « surprenantes » telles le pancrace, la course en armes ou le … pugilat.
Entre violence et esprit, les Anciens Grecs mettaient à l’honneur le corps et la tête !
Tout cela, Totor et ses amis vont se faire une joie de vous les présenter !
Clairement destinées à un public jeune, les thématiques de la série « Les Petits Mythos » se devaient d’aborder ce grand moment de fraternité, de paix par le sport et d’exaltation de l’exploit au service du corps.
Christophe Cazenove reconnaît volontiers que l’Antiquité est source d’inspiration pour lui : mythologie, mythes, personnages plus légendaires les uns que les autres, … La quinzaine d’albums de la série est loin d’avoir épuisé ce terreau incroyable et infini d’histoires de l’Histoire !
50 % BD, 50 % texte, ce hors-série des « Petits Mythos » a nécessité un gros travail de recherche pour atteindre un résultat qui comblera le lecteur de tout âge.
Bref Totor, le Minotaure et ses petits Mythos de camarades vous garantissent quelques franches tranches de rire.
Série : Les Petits Mythos
Titre : HS – Les Jeux Antiques
Scénario : Christophe Cazenove
Dessin : Philippe Larbier
Couleurs : Alexandre Amouriq & Mirabelle
Edition : Bamboo
Genre : humour, jeunesse
Page : 48
ISBN : 979-1-0411-0329-4
Prix : 11,90 €
- Alfadog Gentlechien cambrioleurpar Laurent Lafourcade
BD animalière policière jeunesse
« -Ah, voilà la gamelle !
-Tu arrives tard, ce soir. Tant pis pour les détenus, ils sont déjà tous endormis…
-Même lui ? Tu es sûr ?
-Alfadog ?! Plus rien à craindre, mon vieux ragoût ! L’ennemi public n°1, c’est bien fini. »
Au large de Dogoville, le pénitencier d’Alcatros va être le théâtre d’une grande évasion. Alfadog, le gentlechien cambrioleur, l’ennemi public n°1 qui croupissait au fond d’un cachot, se fait la malle. Poursuivi par une tripotée de mâtons, il saute dans la mer au milieu des vagues. Il échappe au festin des requins grâce à son complice cachalot qui le dépose en ville. Dans le quartier de Lower Beast Side, au Garage Nestor et fille, le patron et sa gamine Eleonor sont interrogés par les forces de l’ordre. L’inspecteur McCrokett se demande si Alfadog n’a pas rejoint son ancien complice. Pas encore. Mais ça ne saurait tarder. Entre le bandit et le flic, le jeu du chat et de la souris est lancé… jusqu’à ce qu’un mignon chaton kawaï ne vienne pointer son museau trognon.
Arsène Lupin continue à faire des émules. Il prend ici les traits d’un chien nommé Alfadog. Mais pour une fois le voleur héroïque ne va pas être le maître du jeu. Après son évasion spectaculaire, le retour à la vie civile clandestine va se voir perturbé par le vol d’une œuvre d’art signée Tamara Beagle au Musée de la ville lors d’une exposition consacrée à l’artiste. Pour une fois, Alfadog n’en est pas responsable, mais il va se trouver mêler à cette affaire dont le cœur est plus trouble qu’il n’y paraît.
Depuis Chaminou de Macherot, la bande dessinée animalière policière jeunesse semblait bien oubliée. Avec Alfadog, Manu Causse et Fabrizio Petrossi revisitent le mythe Lupin à la sauce Zootopie. Il faut dire que le dessinateur italien est l’une des valeurs sûres des studios Disney. Il s’est déjà frotté à Mickey à travers les siècles et à la jeunesse de Picsou. Il convoque ici des seconds rôles quasi sortis de Robin des Bois : ici des matons vautours, là une poule en robe bleue. Les clins d’œil sont multiples. Si le graphisme est irréprochable et l’intrigue bien dirigée, le déroulement est un brin déséquilibré. Hormis la scène d’évasion, pré-générique à la James Bond, la problématique réelle met trop longtemps à arriver et, de ce fait, le final est trop rapide. Si la construction est repensée, l’univers a tout pour devenir une merveilleuse série.
Alfadog Gentlechien cambrioleur est une aventure qui ravira les plus jeunes et dont les dessins envoûteront aussi les plus grands. Du potentiel à confirmer.
One shot : Alfadog Gentlechien cambrioleur
Genre : Aventure animalière
Scénario : Manu Causse
Dessins & Couleurs : Fabrizio Petrossi
Éditeur : Oxymore
Collection : Luciole
ISBN : 9782385610654
Nombre de pages : 64
Prix : 16,95 €
- La patrouille du Faucon 4 – Régate au Mont-Saint-Michelpar Laurent Lafourcade
Les scouts à la voile
« -C’est incroyablement beau !
-Vous avez décidé de m’achever ?
-Un dernier effort… On est bientôt à l’abbatiale qui surplombe toute la baie.
-Il va falloir tout redescendre ?!
-Tu n’as jamais l’impression d’exagérer ?
-Hiiiii !!! Au voleur ! »
Charlie et ses camarades scouts de la patrouille du Faucon arrivent au Mont-Saint-Michel. Au VIIIème siècle, l’archange Michel serait apparu à l’évêque Aubert. Il lui aurait demandé de construire un sanctuaire à l’endroit où il avait combattu et vaincu le diable qui avait pris l’apparence d’un dragon. Des pèlerinages y furent rapidement organisés. Des moines bénédictins s’y installèrent. Au XIIème siècle, le sanctuaire fut finalisé. Pendant la révolution française, il deviendra une prison, avant d’être quasi-abandonné. En 1867, des moines revinrent et de nombreux travaux furent menés avec comme point d’orgue la statue de l’archange Michel au sommet de la flèche de trente-deux mètres de haut, installée en 1897, à la même époque qu’une digue fut érigée. Et nos scouts dans tout ça ? Comme des millions de touristes chaque année, ils viennent visiter le lieu.
Evidemment, si le séjour devait se passer sans encombre, il n’y aurait pas d’aventures. Avant même d’arriver au sommet du Mont, les scouts sont surpris par les cris d’une femme. Un voleur a dérobé une coupe en cristal de roche conservée au Mont depuis des siècles. Il semblait bien renseigné. Sous les yeux des scouts, il rejoint le bateau d’un complice grâce à un simple filin accroché à un grappin. Les scouts laissent l’affaire à la police qui va se charger de l’enquête. Le lendemain, lors de la régate qu’ils organisent entre eux, l’embarcation de Charlie et Romain s’égare et accoste sur une île sur laquelle ils découvrent…les bandits.
Après la Grande Chartreuse, Rocamadour et le château de Versailles, les scouts de la patrouille du Faucon nous emmènent au cœur du cinquième site le plus visité de France, fort de trois millions de touristes par an. Avec ce quatrième épisode, Jean-François Vivier signe un véritable scénario construit et équilibré. Finies le didactisme décroché des aventures précédentes. Même si l’on n’échappe pas au passage obligé historique, il est intégré ici avec beaucoup plus de naturel et de fluidité. Par ailleurs, l’intrigue commence très rapidement. Nouveau venu au dessin, l’italien Jean-Claudio Vinci apporte un dynamisme salvateur. Bref, La patrouille du Faucon prend ici un tournant décisif qui peut faire décoller la série de manière certaine.
Entre visites culturelles, challenges sportifs et intrigues policières, la Patrouille du Faucon vole en gardant un œil de Lynx ! Scouts, toujours prêts !
Série : La patrouille du Faucon
Tome : 4 – Régate au Mont-Saint-Michel
Genre : Aventure scoute
Scénario : Jean-François Vivier
Dessins : Jean-Claudio Vinci
Couleurs : Joël Costes
Éditeur : Plein vent
ISBN : 9782384880799
Nombre de pages : 48
Prix : 15,90 €
- Les Tuniques Bleues 68 – De l’or pour les bleuspar Laurent Lafourcade
De l’autre côté de l’uniforme
« -Rhâââ…
-Celui-là vit toujours !
-Rhâââ…
-Tenez bon, sergent !
-Aaah… Scarlett…
-Euh… Non ! Moi, c’est Cornélius !
-Scarltt… Ma fiancée… Rhâââ…
-Je crois qu’il trépasse… Pauvre gars… Il a eu une fin misérable.
-J’avoue… Expirer dans vos bras, c’est pas de chance !
-Rhâââ… Scarlett… Donnez-lui ma méd… médaille… Rhâââ… Promettez-moi…
-Promis…
-Rhâââ…
-Cette fois, c’est fini… Il a rejoint les verts pâturages ! »
Poursuivis par une bande d’outlaws, deux soldats confédérés sont abattus sous les yeux de Blutch et Chesterfield, planqués derrière une butte. Ce n’est pas un acte de guerre, c’est un pur assassinat. En s’approchant des victimes une fois les tueurs déguerpis, Chesterfield recueille la dernière volonté du sergent sudiste qui, dans un ultime souffle, lui fait promettre de donner sa médaille à sa fiancée Scarlett, dont il trouve l’adresse sur une lettre dans la veste du -à présent- cadavre. Après avoir voulu abandonner son collègue, le caporal Blutch revient sur ses pas pour accompagner le sergent Chesterfield dans sa mission. Ils entrent au Texas, en territoire confédéré et troquent leurs uniformes contre des ponchos de mexicains. Arrêtés peu après par une troupe de soldats gris, la lettre prêtant à confusion, nos bleus sont pris pour leurs compatriotes morts en mission. Les voici donc intégrés à une garnison sudiste. Ils vont être chargés, avec d’autres soldats confédérés, de récupérer un chargement de 750 000 $ en lingots d’or afin de consolider leur armée en déroute sur plusieurs fronts.
Voici donc Blutch et Chesterfield en bien mauvaise posture, embringués dans un quiproquo inattendu. Une simple promesse faite à un mourant et les voici devenus sudistes malgré eux. Comble du comble pour le sergent, lui, reste sergent, tandis que son petit caporal est à présent lieutenant. La mission va être complexifiée par plusieurs paramètres. D’une part, il y a dans la troupe avec laquelle ils partent chercher l’or le caporal Lee, « junior » dont c’est la première mission sur le terrain et dont le père tient à ce qu’il s’aguerrisse un peu. D’autre part, il y a Jones, un soldat confédéré noir. Et oui, contre toute attente il y avait bien des noirs dans l’armée sudiste. Celui-ci s’estime d’ailleurs mieux traité que son cousin engagé dans l’armée de l’union et qui doit se farcir les tâches que ne veulent pas faire les blancs : ramasser les macchabées et nettoyer les latrines. Ça vaut un dialogue détonnant entre lui et Chesterfield qu’il croit comme lui confédéré. Il lui assène un violent : « Vous croyez encore que l’enjeu de cette guerre, c’est l’abolition de l’esclavage ?… Ha ! Ha ! ».
Nouveau scénariste, même dessinateur, les Tuniques Bleues sont de retour dans De l’or pour les bleus. Avec Roger Leloup, Willy Lambil fait partie des derniers dinosaures que l’on retrouve toujours avec une émotion incommensurable, même si le poids des années se ressent dans son trait. Le dessinateur semble employer la méthode Morris après la disparition de René Goscinny. Contrairement à Lucky Luke, les histoires post-Cauvin restent toutes d’un excellent niveau. Celle-ci ne déroge pas à la règle. Après Kris, Lambil change donc de scénariste, montrant qu’il est seul maître à bord. On n’attendait pas Fred Neidhardt à cette place. Il a mené un véritable travail de recherche afin de trouver un angle pas creusé par ses prédécesseurs. Il montre le non-manichéisme de la guerre de Sécession à propos de la cause esclavagiste. Neidhardt propose une histoire dense tout en préservant l’ADN Cauvin quant aux relations dans le duo Blutch-Chesterfield.
Soixante-huitième chevauchée et les bleus sont toujours aussi frais. Quand un classique a encore une telle force après tant d’années, c’est qu’il y a quelque chose de magique.
Série : Les Tuniques Bleues
Tome : 68 – De l’or pour les bleus
Genre : Aventure/Histoire/Humour
Scénario : Neidhardt
Dessins : Lambil
Couleurs : Leonardo
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504188
Nombre de pages : 48
Prix : 12,50 €
- Anita Contipar Thierry Ligot
Une clandestine de l’histoire au secours des océans
Plus de 60 ans de lutte, de combat … de défaites parfois, souvent, longtemps … mais finalement d’importantes victoires pour la préservation des ressources de notre planète, de nos océans !
La peur ? Non, elle reconnaît qu’elle ne l’a jamais connue … Mais la TERREUR, oui !
« Quand déferle une mer souvent creuse qui arrive de 1.000 km sur vous qui naviguez dans une pirogue de bois, sortie d’un arbre … Eh bien vous êtes très léger, très vulnérable … Vous luttez avec la confiance que vous avez en votre destin ! »
Celle qui prononce ces mots lors d’une conférence à Saint-Malo en 1994, est Anita Conti, la redoutable « Dame de la mer » !
Première véritable écologiste de France, elle l’est en défendant la relation entre les humains et l’environnement, leur environnement car « oikos » signifie bien « maison » en grec ! Défendre sa « maison ».
Née le 17 mai 1899, son destin est la « mer » … Et tout l’y conduira !
Son prénom « Anita », en l’honneur de la grand-mère de Jésus qui aurait voyagé jusqu’en Bretagne pour devenir la sainte patronne des mères.
Son baptême que son père fait en la lâchant, au sens propre, dans la mer afin de lui apprendre à nager avant de marcher ! Ce sur quoi un marin lui répondra :
« Nous autres, ici, on ne sait pas nager. Quand la mer vous prend, à quoi bon vouloir lutter ? »
Et si cela ne suffisait pas … à 10 ans, elle pêche en pleine mer, dans une barquette, avec son petit frère et un ami. Un requin les fait chavirer … Recueillie par des marins, qui se moquent d’eux, convaincus qu’ils ne sont pas près de remonter dans une barque, Anita rétorque :
« Si ! Dès que nous aurons écopé.
Je ne suis pas un garçon manqué, je suis une jeune fille réussie ! »
Elle est définitivement atteinte du virus de la mer … d’autant plus qu’elle trouve triste tous ces poissons morts ramenés par les pêcheurs !
Pourtant, entrant dans la vie active, c’est comme relieuse d’art de talent que le Tout-Paris bibliophile se l’arrachera d’abord ! Elle sera même perçue comme novatrice en la matière.
Tempérament faisant, son travail d’atelier qui ne lui suffit cependant plus. Elle recherche plus d’action, plus d’un engagement qu’elle ne définit pas encore exactement ! Elle entre donc, en 1931, chez « Eve », hebdomadaire féminin, et entraîne ses lectrices dans les mystères des siphonophores (animaux marins en forme de plantes) ici ou aux origines de certains mots comme « mirobolants » !
L’année suivante, elle embarque sur l’aviso « La Ville-d’Ys » comme reporter-photographe. Elle approche pour la première fois les pêcheurs morutiers.
A partir de ce moment, elle ne cessera d’enchaîner les campagnes de pêche, d’exploration et de recherche sur les fonds marins et la vie sous-marine.
C’est ainsi qu’elle dénonce, dès les années ’30, les méfaits et conséquences de la surpêche !
Une prise de conscience qu’elle ne cessera de partager autour d’elle.
« Tous les bateaux ramassent le poisson à l’aveuglette. Tous rejettent des tonnes de « faux » poissons : les inutiles, les sales gueules, les indésirables, les traînards, les hors-la-loi. Ailleurs, des pays sont privés de nourriture … quel gâchis ! »
Dénoncé sera une fois, proposer des solutions et les expérimenter sera la suite de combat.
Femme libre des carcans sociaux de son époque, lanceuse d’alerte avant l’heure, pionnière océanique bien avant le commandant Cousteau, documentaliste, conférencière hors pair, réalisatrice de films, … elle devra lutter pour se faire entendre, pour se faire reconnaître !
Malgré une Légion d’Honneur tardive, les honneurs de festivals, … elle finira sa vie dans un quasi-dénuement général.
Et aujourd’hui encore, son nom est souvent ignoré du grand public !
C’est tout cela qui justifie amplement son « entrée » dans la collection des « Clandestines de l’Histoire » de Catel et José-Louis Bocquet.
L’envie de remettre en lumière le parcours de celle qui consacra sa vie aux océans est amplement mérité. Sa passion, son énergie, son jusqu’au-boutisme fera d’elle la première océanographe française.
Une biographie claire, vivante, rythmée, loin d’un académisme morne, José-Louis Bocquet utilise les recettes qui ont fait le succès des tomes précédents (Joséphine Baker, Olympe de Gourges, Kiki de Montparnasse et Alice Guy). Se centrant sur les dates et événements clés de l’existence de son héroïne, il relate sa vie par de petits chapitres de maximum une quinzaine de pages. Un ton léger, des dialogues efficaces, tout est fait pour faciliter la lecture.
Second atout de cette série, le dessin de Catel. Toujours aussi rond et jovial, il accentue le côté « positif » et agréable de la narration. Il nous donne ainsi « envie » de lire cette brique de plus de 300 pages.
Un trait n&b nuancé laisse une belle place aux dialogues, sans les écraser, ni les minimaliser. Un juste équilibre « texte » – « dessin » exclusivement au service du récit !
Tout comme les dossiers « Chronologique » et « Notices biographiques » ! Ce dernier présente les principales personnalités ayant simplement croisés ou au contraire joués un quelconque rôle dans la vie d’Anita Conti. Là, la lecture est toutefois plus « compacte ». Indispensable pour bien comprendre « qui est qui » mais qui sera peut-être un rien trop « encyclopédique » pour certains !
Nul doute du plaisir que les auteurs auront pris dans leurs recherches puis dans l’écriture du scénario et dans sa mise en dessin ! Un plaisir qu’ils réussissent parfaitement à nous partager au fur et à mesure des pages.
Maintenant que nous en savons plus sur Anita Conti, la « Dame de la mer », la seule question est : qui sera la prochaine « Clandestine de l’Histoire » ?
Série : Les Clandestines de l’Histoire
Tome : 5 – Anita Conti
Scénario : José-Louis Bocquet
Dessin : Catel Muller
Conseiller historique : Laurent Girault-Conti
Éditeur : Casterman
Genre : biographie, historique, roman graphique
Pages : 368
ISBN : 978 2 203 24163 3
Prix : 24,95 €
- Le petit Spirou 20 – Y a pas de « Mais » !par Laurent Lafourcade
Entre copains et Grand-papy
« -Qu’est-ce que c’est que ça ?
-Ça ? Mais c’est ta valise, mon papounet !
-Nous y voilà ! Jamais ! Tu m’entends ? Jamais je n’irai au terminus !
-Si papy va en maison de repos, je fugue ! »
Mais que se passe-t-il ? La maman du petit Spirou veut envoyer son père, le grand-papy du gamin, en maison de retraite ? Si c’est ça, le petit Spirou est catégorique, il fugue ! Heureusement, il n’aura pas besoin de le faire. Il y a confusion. Maman est simplement en train de préparer les valises pour les vacances. Pourvu que le vieillard ne soit pas abandonné sur la route comme un chien. Meuh non ! Trop soucieuse du bonheur de son fils, elle n’enverra jamais l’ancêtre à l’hospice. Pourtant, à la maison de repos Le terminus, Firmin va y aller, mais pour offrir à son pote Gédéon une escapade, une nuit d’évasion avec chamallows grillés, orchestre de bal, cigare et magazine olé olé. Va falloir couvrir les arrières. Cette nouvelle aventure de grand-papy clôt ce vingtième recueil du Petit Spirou, le deuxième de l’ère post-Tome.
En ouverture, le petit Spirou nous narre le fabuleux destin de Constantin Broutin, un éphémère camarade de classe tête à claques pour qui il finira par avoir un brin de compassion. Toujours flanqué de Pilou, son chien blanc en peluche, Constantin Broutin, dit « Concon » avait un don certain, pour ne pas dire un certain don, pour se faire détester de ses congénères. Mais méritait-il seulement un tel surnom ? N’y en aurait-il pas un plus sympa à lui trouver ? Si Jacques Louis a donné un joli coup de main scénaristique à Janry pour ces deux histoires courtes, Janry gère tout seul les gags avec la même intensité que lorsque c’était Tome qui s’en chargeait.
En couverture, le petit Spirou porte à la poubelle une peluche toute pouilleuse du Marsupilami, sous le doigt injonctif de sa mère. Si Janry lui-même donne un écho à ce gag en page de titre, il y a eu un concours dans le journal Spirou demandant aux lecteurs d’imaginer la suite de la situation de couverture pour cette fameuse page de titre. Les résultats étaient remarquables. Janry est le digne héritier de Franquin, certainement le meilleur. Bon nombre de dessinateurs actuels au trait trop rapide feraient bien de prendre exemple sur lui.
Avec Titeuf, ils sont les tauliers du genre, Y a pas de « Mais » ! Il faut se procurer cet album du petit Spirou, valeur sûre du gag franco-belge de la plus belle école de Marcinelle.
Série : Le petit Spirou
Tome : 20 – Y a pas de « Mais » !
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Janry
Couleurs : Cerise
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808503679
Nombre de pages : 48
Prix : 12,50 €
- The world is dancing 5par Laurent Lafourcade
Les passeurs d’émotion
« -Ecoutez-moi tous ! Voici Oniyasha de la compagnie Kanze ! A partir d’aujourd’hui, nous travaillerons ensemble pour le prochain spectacle ! Merci d’avance pour votre coopération ! »
Japon, XIVème siècle. Remarqué par le shogun Ashikagaya Yoshimitsu pour ses talents théâtraux de danseur, le jeune Oniyasha vit au palais afin de danser pour la compagnie Kanze. Lors de la compétition contre la compagnie Dengaku Shinza emmenée par Zôjirô, les deux troupes ont chacune remporté une manche. Après ces duels fratricides, Oniyasha et Zôjirô décident de travailler ensemble pour le prochain spectacle. Tous les comédiens n’en sont pas ravis. Cette épreuve a pour but de rapprocher les deux formes théâtrales que sont le Dengaku et le Sarugaku. Alors, pourquoi ne pas monter sur scène ensemble ?
Un poème est en dehors de l’espace-temps. Il va même au-delà du corps. Il touche aussi bien les roturiers que les nobles. Shiokumi a besoin de couleurs, d’odeurs, de vent et de sentiments. Shiokumi, c’est le spectacle qu’Oniyasha décide de réécrire afin de toucher Dame Nariko. Les sentiments sont au cœur de la pièce où deux sœurs plongeuses trouvent du plaisir malgré leur situation difficile. Il faut lui insuffler cette dose de poésie et de chant qu’il manque. Zôjirô et son équipe veulent mettre leur touche personnelle dans leur coin, jugeant Oniyasha inapte à le faire. Ça, c’est ce qu’ils croient.
Dans une histoire, qui plus est de théâtre vivant, ce qu’il y a de plus précieux est caché. Le cœur finit toujours par s’exprimer à travers le corps car c’est dans sa nature. La métaphore de la bûche que l’on fend en se concentrant sur sa base est l’incarnation parfaite de ce postulat. C’est le travail des interprètes qui va être primordial. Si les mots suffisaient, ceux-ci n’auraient plus de raison d’être. Sur scène, les corps sont des passeurs d’émotion. Dans cet avant-dernier épisode de The world is dancing, Kazuto Mihara nous emmène au cœur de la création en la justifiant. On fait aussi un gigantesque pas en avant vers la création du théâtre nô qui est le but de ce récit. On assiste ici à son « accouchement ».
Alors que son histoire semblait toute tracée, « The world is dancing » continue de surprendre en entraînant encore plus profondément le lecteur à la source de l’art, aux sources des arts. Dans le temps et hors du temps. Epanouissant.
Série : The world is dancing
Tome : 5
Genre : Emotion
Scénario & Dessins : Kazuto Mihara
Éditeur : Vega
ISBN : 9782379504563
Nombre de pages : 174
Prix : 11 €
- Gotlib La face cachée de Pervers Pépèrepar Laurent Lafourcade
Coucou, le voilà !
« A la fin des années 1970, je faisais de la BD depuis tellement d’années que j’avais parfois l’impression d’être à sec. Pervers Pépère, lui, continuait de m’inspirer… » (Marcel Gotlib)
Marcel Gotlib est sans conteste l’un des auteurs majeurs du Neuvième Art. Sa carrière exceptionnelle a fait de lui l’un des monstres sacrés. Au travers du personnage de Pervers Pépère, Yves Frémion et Anaïs Delpias nous invitent à comprendre l’humour si révolutionnaire de l’auteur, en saisissant son origine, son élaboration, sa consistance et son impact. Houlà ! Dis comme ça, ça a l’air lourdingue. Détrompez-vous. Sous la houlette de Frémion, un tel ouvrage se déguste comme un bonbon acidulé.
Gotlib est un des pionniers de la BD adulte. Après les Dingodossiers avec Goscinny dans Pilote, après l’humour Trash de L’écho des savanes, dès les premiers numéros de Fluide Glacial, Pervers pépère s’installe comme la vitrine d’un aboutissement de l’humour potache. Ce papi a été le seul personnage récurrent que Gotlib a créé dans le magazine. Le dessinateur a tourné la page du zizi, pipi, caca, prout pour faire rire et sourire d’une autre manière. Frémion analyse la démarche gotlibienne fondée sur l’esprit français, jeux de mots, vannes et Oulipo, l’humour juif, l’autodérision de l’école new-yorkaise, et le stoïque humour anglais. Il raconte comment cet esprit a posé les bases de Fluide, où Frémion lui-même était l’un des rédacteurs de la première heure.
Dans une deuxième partie, on découvre avec le même Frémion comment Gotlib a pris soin de ne jamais lasser en parodiant ses propres parodies. Ça, il l’a fait avec et grâce à Pervers Pépère, en jouant avec le lecteur. La farce finale n’est jamais celle attendu. Contrairement au Gros dégueulasse de Reiser, le graveleux n’est pas l’objectif du rire. Ce qui est drôle, c’est que la chute qui semblait y amener est paradoxalement imprévisible. On apprend aussi où Gotlib a puisé son inspiration pour ce personnage de bande dessinée muette.
Anaïs Delpias analyse dans la dernière partie les aspects propres à la série qui, on le précise, ne connu qu’un seul album. On découvre un scénario écrit. Ceux qui l’ignoraient apprennent la passion de Gotlib pour le roman-photo, qu’il a utilisé dans un gag. En plus de ses gags, Pervers Pépère a aussi animé des pages du magazine Fluide Glacial. On finit sur la reproduction des couvertures le mettant à l’honneur, avant de conclure sur un cadeau. Oui, oui, un cadeau : un Pervers Pépère à découper et à positionner entre l’âne et le bœuf dans la crèche.
Richement illustré de dessins et de gags, La face cachée de Pervers Pépère inaugure une toute nouvelle collection : Les Jolis p’tits Cultes. Ces tout petits albums carrés ont pour but de faire redécouvrir sous un angle nouveau ce qui fait le délice de la facétie fluidienne. Rendez-vous au printemps pour lire Edika sous couvertures.
One shot : Gotlib La face cachée de Pervers Pépère
Genre : Ouvrage d’étude
Scénario et dessins : Gotlib
Textes : Yves Frémion & Anaïs Delpias
Éditeur : Fluide glacial
Collection : Les Jolis p’tits Cultes
ISBN : 9791038207752
Nombre de pages : 72
Prix : 9,90 €
- Le voyage de Rennpar Laurent Lafourcade
Un merveilleux conte fantastique animalier
« -Maïssa, reviens ! Nous n’avons rien à faire sur la banquise ! C’est dangereux !
-La petite flamme m’a guidée. C’est un bébé. Il a l’air perdu… ou abandonné.
-On ne peut pas le laisser !
-Heu… Techniquement… Si !
-Mamaaaa ?
-Et il ne faut pas traîner là. »
Un ourson blanc attend sur le bord de la banquise que sa maman sorte de l’eau dans laquelle elle était allée chasser le phoque. Elle ne reviendra jamais. Une orque est passée par là. Au petit matin, guidés par une flamme bleue, deux rennes découvrent la petite boule de poils esseulée. Si Jörg ne ressent aucune empathie, Maïssa compter bien le ramener et le présenter à la harde. Seul problème, si c’est une femelle, les rennes s’en déferont sur le champ. Pas de souci. C’est un mâle… Il est nommé Renn. Quelques années plus tard, en tombant dans une cavité enneigée, accompagné par Solveig, Renn trouve un crâne qui se coince autour de son cou. De retour au camp des rennes, le shaman Ingrud reconnaît l’objet. C’est le crâne de l’ours Otso, talisman sacré du Peijaiset. Renn est donc l’élu de la fête de l’ours.
Une vieille légende raconte l’histoire d’Otso, un ours seigneur de la forêt. Il régnait en maître, fier, juste, craint et respecté sur son territoire. Il serait mort par accident lors d’une chasse. Son âme, trop en colère d’être partie ainsi sans gloire, se serait déchaînée telle une furie. Pour apaiser son courroux, la fête de ses funérailles symbolise le renouveau, le présage d’une année d’abondance, en s’assurant sa protection. Mais pour le shaman Ingrud, Renn est bien l’élu, mais pas de cette cérémonie. Il est destiné à quelque chose de plus grand. C’est Aarnivalkea qui le lui a dit, l’esprit de la forêt, cette petite flamme éternelle souvent associée aux souhaits qu’on pourrait avoir. L’avenir de Renn semble tracé… jusqu’à ce qu’un drame ne vienne endeuiller les rennes. L’ours en est tenu pour responsable. Il est banni. Commence alors un chemin, son chemin, vers la preuve de son innocence et l’accomplissement de son destin.
Après Uluru, sur scénario de Crisse, Christian Paty propose une nouvelle fable animalière, en tant qu’auteur complet cette fois-ci. S’inspirant de légendes lapones, l’auteur nous emmène dans les paysages enneigés, les forêts immaculées du Grand Nord. La poudreuse blanche va être tachée de sang. La cruauté des bêtes n’a peut-être rien à envier à celle des hommes, sauf que la leur est pour leur survie. Loups, singes, chouette effraie et glouton complètent le bestiaire dans une véritable ambiance semi-fantastique de contes populaires. Il y a de l’Andersen dans cette histoire, pas non plus dénuée d’humour. Dans ce monde impitoyable, Renn va réaliser sa quête initiatique. Abandonné, recueilli, banni, la vie ne lui fait pas de cadeau, mais jamais il ne baissera les bras… les pattes. Sous un même décor somptueux d’aurore boréale, le premier projet de couverture mettait en scène l’ours, avançant tête baissée, avec à la fois de la colère et de la fatalité en lui. Celle retenue le représente la tête haute et le regard interrogatif, beaucoup plus en adéquation avec le propos.
Valeurs sûres de la bande dessinée tous publics de grande qualité, les albums de Christian Paty sont des fééries animalières qui font aussi réfléchir sur la condition humaine. Une histoire de fin d’année idéale.
One shot : Le voyage de Renn
Genre : Aventure animalière
Scénario, Dessins & Couleurs : Christian Paty
Éditeur : Soleil
ISBN : 9782302103030
Nombre de pages : 64
Prix : 16,50 €
- Loisel Dans l’ombre de Peter Panpar Laurent Lafourcade
Le mythe de l’éternelle jeunesse est dans le créateur
« Enfant, j’ai toujours aimé dessiner. Ma mère m’a souvent dit que je recevais chaque fois le prix de dessin. J’avais sans doute ce qu’on appelle une prédisposition pour ça. Je me souviens qu’elle me donnait parfois une feuille de papier machine. On était dans les années 1950, et avoir une feuille aussi belle, ça n’arrivait pas si souvent. C’était formidable, cette feuille blanche, sans carreaux. Je ne pouvais pas y faire un gribouillis, alors, forcément, je m’appliquais. J’avais déjà ce côté perfectionniste qui me pousse encore aujourd’hui à toujours chercher à faire un beau travail, surtout quand j’ai sous la main un beau support. C’est vers 7 ou 9 ans que j’ai su que je serais dessinateur. » (Régis Loisel)
La majeure partie des passions trouve ses sources en enfance. C’est le cas de Régis Loisel qui tout petit déjà était tombé dans la marmite du dessin. Le déclic est venu un jour de pluie lorsqu’il s’est découvert plus doué que le copain avec qui il recopiait la couverture d’un recueil du journal de Mickey. Dès le départ, le monde de Disney joue un rôle déterminant dans sa construction d’auteur, grâce notamment aux émissions télévisées de Pierre Tchernia présentant des extraits de dessins animés. Dans tout le premier chapitre du livre, on accompagne Loisel dans sa construction de dessinateur et de scénariste. On y parle de Quête et de Salopard. On apprend et comprend comment il travaille seul, avec un scénariste ou en collaboration avec des dessinateurs. Dans un cas, jamais Loisel ne reste simple dessinateur. Dans un autre, il propose un story-board pour ses collègues. Il précise deux choses : ses partenariats ont toujours été à l’initiative d’autrui, et il détesterait travailler avec un type comme lui. Cette réflexion reste non dénuée d’humour parce que l’artiste s’avoue quand même ouvert à la discussion.
Justifiant le titre, la suite de l’ouvrage est quasi-exclusivement consacrée à Peter Pan. Loisel raconte comment il a découvert le personnage, tout d’abord par l’intermédiaire des émissions de Noël de Disney. Il attendra treize ans avant de voir le film en entier, et le milieu des années 80 pour lire le livre de James Matthew Barrie. Il raconte comment il s’est emparé du récit, pourquoi il a déplacé l’action à Whitechapel. Il a pris le contrepied de Barrie en racontant tout ce qui n’était pas dans le roman. Il a insisté sur le rapport mythologique avec Pan. Il a donné à Clochette un rôle déclencheur. Rebondissant sur chacune de ces informations, Christelle Pissavy-Yvernault ausculte Régis Loisel afin de faire émerger le diagnostic créatif.
Une fois passée cette étape, l’intervieweuse à la géniale idée d’ouvrir Londres, le premier tome de son adaptation de Peter Pan. Ça remet une pièce dans la machine. On découvre comment Loisel s’est lancé pour la première fois en auteur complet solo, chez Vents d’Ouest, alors jeune éditeur. On va y parler de couleurs, de cadrage, de lumière, de poésie aussi. Un par un, les six albums sont survolés, à la manière d’une fée Clochette qui distillerait sa poudre magique afin de faire parler l’auteur. Il y est question de l’évolution dans le « formatage » des albums qui a changé en cours de route. Loisel dialoguiste et Loisel metteur en scène sont aussi invités à la discussion. Sont ainsi synthétisées quatorze ans de fusion entre Régis et Peter. Comme le dit l’auteur, il laisse à présent au personnage l’opportunité de poursuivre son chemin, avant de conclure sur ce qu’a représenté ce partenariat dans sa vie, sur les échos sur la famille et la gestion du succès.
Après la leçon de dessin de Frank Pé et les conversations avec Numa Sadoul, cette belle collection de hors-séries des cahiers de la bande dessinée s’enrichit d’un troisième opus avec la réédition enrichie de cet entretien publié pour la première fois en 2005 entre Christelle Pissavy-Yvernault et Régis Loisel. Abondamment illustré de pages de scénarios, de croquis, de mises en couleurs et de photographies, Loisel Dans l’ombre de Peter Pan met en lumière l’un des plus grands dessinateurs de tous les temps. Instructif, émouvant, immersif, son témoignage au cœur de la création est une Master Class de premier choix. Un nouveau morceau d’Histoire du Neuvième Art.
Série : Les cahiers de la bande dessinée
Titre : Loisel Dans l’ombre de Peter Pan
Genre : Entretiens
Auteur : Christelle Pissavy-Yvernault, avec Régis Loisel
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344065525
Nombre de pages : 272
Prix : 32,50 €
- Glouton 8 – Le cabot de Noëlpar Laurent Lafourcade
Le roi des neiges
« -La seule chose que j’aime en hiver, c’est Noël…
-Noël ? C’est qui, ça ?
-Tu connais pas Noël ? C’est une fête qu’on célèbre au solstice d’hiver. On va la fêter ! Tu aimeras encore plus l’hiver !
-Je vois pas ce qui peut être plus fun que le long crépuscule glacé de la morte saison, mais essayons… »
Glouton et Médor se réveillent sous un paysage immaculé de blanc. Cette nuit, un épais manteau neigeux a recouvert la forêt. SI Glouton est tout excité par cette beauté et ce silence de mort, Médor est frigorifié. L’hiver est la saison préférée de Glouton. Les loups sont affamés, les proies s’enfoncent dans la neige et personne ne l’entend venir avec ses grosses papattes. Ce n’est pas l’avis de l’ours qu’il empêche de dormir avec sa grande bouche. Médor fait la tronche. Il n’aime même pas faire des roulades dans la neige. La seule chose qu’il aime en hiver, c’est Noël. Noël, c’est quoi ça ? Au cabot de lui démontrer qu’est-ce qui peut être plus fun que le long crépuscule glacé de la morte saison.
Premièrement, il faut donc choisir un beau sapin, vivant si possible. On va lui ajouter une super guirlande, faite maison, en ossements, on prend ce qu’on a sous la main. Pas sûr que ça plaise au Père Noël. Mais qui c’est, celui-là ? Il faut tout lui expliquer à Glouton. Le Père Noël, c’est un gros bonhomme qui apporte des cadeaux à tout le monde pendant la nuit de Noël…juste après le grand repas la veille où on mange comme des ours. Ha ! Ça, ça pourrait bien motiver l’intéressé. Par contre, quand Glouton apprend qu’il pourrait avoir comme cadeau un os à moëlle, il se méfie. Ça a l’air trop beau pour être vrai. Y a toujours une arnaque quelque part. Direction la Laponie pour aller dire au Père Noël sa façon de penser.
Quoi de plus magique que Noël, même pour des bêtes sauvages ? Glouton et Médor vivront-ils leur meilleure nuit de Noël ? Vont-ils rencontrer ce fameux bonhomme rouge ? On verra bien si l’étoile polaire les mène à destination, après avoir croisé une meute de loup et un capitaine dernier survivant d’un galion pris dans les glaces. Après le River-Movie saumoné du tome précédent, B-Gnet entraîne ses héros dans un Ice-Movie défiant les lois de la féérie. C’est toujours aussi drôle et bien mené. Aussi poilant que la fourrure de Glouton.
Si vous avez égaré un bout de votre magie de Noël, faites-vous aider par Médor. Le clébard saura vous montrer la bonne voie de la magie, tout comme B-Gnet montre avec Glouton celle du rire absurde et délirant.
Série : Glouton
Tome : 8 – Le cabot de Noël
Genre : Nature sauvage et humour polaire
Scénario, Dessins & Couleurs : B-Gnet
Éditeur : Bayard Jeunesse
Collection : BD Kids
ISBN : 9791036375224
Nombre de pages : 64
Prix : 10,50 €
- Soda HS 2/2 – Révélationspar Laurent Lafourcade
Dark NYPD
« -A toutes les patrouilleuses sur zone, on a un 10-10, 51 Manhattan Avenue. Individu dangereux, probable radical islamiste.
-Attendez ! « Manhattan Street », c’est ce secteur-ci !!
-Désolé, lieutenant, ce véhicule est en mission, pas en patrouille. Et de toute façon, le périmètre grouille déjà de collègues. Nous serons bientôt arrivés ! »
Si la traque au terroriste se terminait dans l’épisode précédent, les auteurs nous laissaient avec un cliffhanger insoutenable justifiant le début dramatique de ce nouvel album. On retrouve Soda au cimetière pour des obsèques. Bab’s le rejoint. Une fois la cérémonie terminée, les deux flics sont ramenés en voiture par des policemen du NYPD. Ils sont observés par un individu louche qui prépare une arme en haut d’un immeuble. Avant de pouvoir faire quoi que ce soit, il est surpris par un type qu’il abat de sang-froid, puis quitte les lieux.
Arrivé au bureau, Soda fait la connaissance d’Andrea Demorashield, sa nouvelle chef de service. Après lui avoir demandé des précisions sur ses dernières actions d’éclat, elle met en garde le lieutenant : Trash, le tueur professionnel qui sévit, pourrait bien le prendre pour cible.
« Je ne connais personne qui ait oublié ce qu’il faisait ce jour-là. Sauf ma mère bien sûr… Mais c’est ma mère… Au NYPD, on se souvient tous… et de tout… » Paru en 2014, Résurrection, la première partie de cette histoire de Soda était publiée neuf ans après la précédente. Tome ne pouvait continuer sans prendre en compte les événements du 11 septembre. Même si le temps n’a pas eu de prise sur le physique de nos héros de papier, les auteurs nous dépeignent une Amérique meurtrie et violente, une violence d’autant plus accentuée par le décalage entre le graphisme franco-belge et la noirceur du récit. Dans le métro new-yorkais, Mary, la mère de David Solomon, rend à un inconnu une enveloppe qu’il a laissé tomber. Mais il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un terroriste. Entre paranoïa post-11 septembre et réelles menaces d’attentat, Tome livre un scénario beaucoup plus angoissant qu’il n’y paraît au premier abord. Drones, caméras de surveillance et téléphones mobiles sont au cœur de l’action à laquelle ils apportent modernité et crédibilité.
Dieu qu’il a dû être compliqué à Dan de terminer cet album, interrompu par le décès de Tome à la trentième planche. Tome fournissait les scenarii des planches une par une à son dessinateur une fois qu’il voyait la précédente. Il n’avait pas écrit la fin. A partir des quelques notes griffonnées çà et là et des discussions avec le dessinateur, Zidrou et Falzar ont bouclé l’histoire au plus près possible de ce qu’aurait fait Tome. La transition ne se remarque pas. L’action s’enchaîne avec fluidité. Étrangement, à la dernière case de la planche 30, un personnage dit « Voici le moment de cette confession qui me plaît le moins… ». Pour « un moment qui plaît le moins », celui de la disparition du scénariste est un sale coup pour la BD. Merci Tome pour toutes les incroyables heures de lecture que vous nous avez apportées.
Alors que Gazzotti a repris du service avec Olivier Bocquet au scénario pour des aventures de Soda ancrées dans les années 80, on ne sait pas encore si Dan rangera ses crayons ou si l’élan Zidrou/Falzar va l’emmener pour continuer dans des histoires plus contemporaines. C’est en tout cas avec grande classe et talent qu’il boucle ce diptyque dont on n’osait plus attendre la fin.
Série : Soda
Tome : HS 2/2 – Révélations
Genre : Polar
Scénario : Tome, Zidrou & Falzar
Dessins : Dan Verlinden
Couleurs : Cerise
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034765188
Nombre de pages : 48
Prix : 13,50 €
- Débile une histoire de harcèlement scolairepar Laurent Lafourcade
Les histoires les plus ignobles ne sont pas toujours des fictions
« -Assieds-toi, Iñaki. Tu as beaucoup de devoirs ? Tout se passe bien au collège ?
-Ben, je crois que oui…
-Gorka, ça suffit, maintenant ! Ou tu manges ton sandwich ou tu files au lit tout de suite, sans dessert, ni rien. Qu’est-ce que tu disais, mon grand ? Tout se passe bien au collège ?
-Oui, maman, tout va bien. »
« Oui, maman, tout va bien. » Quand, page 11 de cette histoire, un adolescent répond à sa mère que tout va bien au collège, la phrase fait autant de bruit que le signal d’arrêt d’urgence d’un TGV lancé pleine puissance. Si le jeune homme ne laisse rien transparaître, on ne cache rien à une maman. Elle se doute bien que quelque chose ne tourne pas rond. Iñaki est beaucoup plus grand que ses camarades de classes. Alors, ils l’appellent Théodule, parce que Théodule, plus il est grand, plus il est nul. Les petits disent même que s’il est si grand, c’est parce qu’il a mangé son petit frère. Alors qu’il joue au basket dans la cour de récréation, des élèves viennent méchamment lui voler le ballon avant de le lui rendre en pleine face. Il n’a pas de réflexe, ce « débile » !
Débile, une histoire de harcèlement scolaire, est construit comme ces films d’horreur dont la tension monte crescendo jusqu’à atteindre un paroxysme insoutenable. Horreur, oui, le harcèlement est bien une histoire d’horreur. Tout ça parce qu’il est plus de taille que la moyenne, Iñaki est la risée du collège. Si tout commence par des phrases des plus jeunes, soi-disant drôles, quand les plus grands vont s’attaquer au jeune homme, tout va prendre une autre dimension. L’un d’eux va jusqu’à lui faire manger ses excréments. Et quand la spirale du cauchemar tourne dans le mauvais sens, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Même la prof de maths, qui au départ prévient la maman qu’il y a quelques chamailleries mais que ce n’est « rien de grave », finit par se ranger du côté des moutons de Panurge. Ce n’est pas qu’elle se moque de lui, mais elle ne voit rien de ce qu’il se passe réellement. Elle lui reproche ses erreurs d’opérations et le réprimande pour ne pas avoir son éteint son téléphone, alors que c’était justement un harceleur qui profitait de l’instant pour l’accabler. Bref, cette accumulation de problèmes va pousser Iñaki à songer au suicide.
Si Débile une histoire de harcèlement scolaire est une histoire si forte, c’est certainement, et dramatiquement, parce qu’elle est basée sur des faits réels. Elle est basée sur le témoignage d’Iñaki Zubizarreta, ancien basketteur espagnol victime de harcèlement scolaire, qui a trouvé sa résilience dans le sport. S’il peut le raconter aujourd’hui, c’est que, heureusement, ça s’est bien terminé pour lui, parce qu’à un moment donné, il y a eu une prise de conscience salvatrice. Depuis quelques années, le sportif donne des conférences et fait des interventions en classe pour dénoncer cette engeance. Fernanco Llor et Miguel Porto ont adapté son récit dans cette BD parue en Espagne en 2020 et que les éditions Des ronds dans l’O ont eu la bienfaitrice idée de traduire en français.
Le harcèlement scolaire est un problème aujourd’hui pris à bras le corps par le Ministère de l’Education Nationale. Depuis trois ans, les enseignants sont sensibilisés et formés dans le programme pHARe, un plan global de prévention et de traitement des situations de harcèlement. Le but est de :
- Éduquer pour prévenir les phénomènes de harcèlement ;
- Former une communauté protectrice autour des élèves ;
- Intervenir efficacement sur les situations de harcèlement ;
- Associer les parents et les partenaires de l’école au déploiement du programme ;
- Mobiliser les instances de démocratie scolaire (CVC, CVL) et le comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement.
C’est beaucoup complexe qu’il n’y paraît. Il faut expliquer aux élèves, et à leurs parents, ce qu’est et ce que n’est pas une situation de harcèlement. On ne peut rien prendre à la légère. L’objectif sera réellement atteint lorsque tous les personnels éducatifs auront pu mettre en place de manière efficiente les protocoles permettant de sauver des destins… et des vies. Ce livre y contribue.
En démontrant aux lecteurs qu’un harcelé est une victime et non pas un coupable comme les bourreaux voudraient le laisser paraître, en démontrant que la vengeance n’est pas la réponse face à la bêtise et à la méchanceté, Débile une histoire de harcèlement scolaire est de ces livres d’utilité publique à intégrer dans tous les CDI de collèges et lycées. Si j’étais Ministre, j’en achèterais un pour chaque établissement scolaire.
One shot : Débile une histoire de harcèlement scolaire
Genre : Témoignage émotion
Scénario : Fernando Llor
Dessins & Couleurs : Miguel Porto
Éditeur : Des ronds dans l’O
ISBN : 9782374181547
Nombre de pages : 148
Prix : 23,90 €
- Géostratégix – L’intégralepar Laurent Lafourcade
Mieux saisir les réalités internationales
« -Les nouvelles générations vivent-elles mieux que les précédentes ?
-La condition humaine s’améliore-t-elle ?
-Bref, le monde progresse-t-il ? »
L’histoire commence en 1945. Le monde est bipolaire. Ne comprenez pas par là qu’il change de comportement sans prévenir. Tout le monde le sait. On sort tout juste de la Seconde Guerre Mondiale. L’Europe est dévastée. Les conférences de Yalta, de San Francisco et de Potsdam redistribuent les cartes. Un clivage Est/Ouest s’installe. L’arme nucléaire est mise au point. Pendant une bonne trentaine d’années, le monde se construit ou se reconstruit au rythme d’événements localisés qui auront une portée internationale : la crise de Cuba, la guerre du Vietnam et celles au Proche-Orient, la construction de l’Europe, ce ne sont que quelques exemples. Les années 80 vont-elles mener vers un nouvel ordre mondial pacifique ? Alors qu’aux Etats-Unis, Ronald Reagan fait campagne sur le thème de la paix, dès son élection, il désigne l’URSS comme l’Empire du mal. Là-bas, initiée par Mikhaïl Gorbatchev, la perestroïka, ensemble de réformes économiques et sociales, tente de s’imposer. Au milieu, l’Allemagne se réunifie avec la chute du mur de Berlin. La guerre en Europe redémarre en Yougoslavie. En Afrique, le Rwanda connaît un génocide sans précédent. L’Afrique, l’Amérique latine et l’Asie vont faire entendre leurs voix. Le monde n’est plus bipolaire. Les problèmes au Moyen-Orient, la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine amènent jusqu’à aujourd’hui, avec ce constat amer : « Les dirigeants ont le droit d’être égoïstes, pas celui de n’être pas intelligents. »
Après cette première partie, historique et chronologique, le second volet est plus politique et géographique, soit, compilant les deux, géopolitique. Les auteurs commencent en définissant la mondialisation. Rien de ce qui se passe en dehors de nos frontières ne nous est réellement étranger. Si, en 1820, l’élection du Président américain ne concernait que leur pays, aujourd’hui, elle a un impact sur toute la planète. On comprend les rôles de l’ONU, du G7, du G20, ainsi que d’autres organismes moins médiatisés comme les Brics, groupe de quatre pays émergents, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, créé à l’initiative de l’économiste Jim O’Neill de chez Goldman Sachs, pour rassurer les marchés quant à leur fort potentiel de croissance. Le rôle des ONG est mis en exergue. Après la redéfinition des aires régionales, des Etats-Unis au monde arabe, les auteurs concluent sur les défis géopolitiques contemporains : la bombe atomique, le terrorisme, le dérèglement climatique, la croissance démographique, l’immigration, l’intelligence artificielle et même le sport, dont les compétitions renforcent les identités nationales et servent de moyen de communication. Tommy et Boniface terminent sur un constat pas si négatif que ça, en mettant en évidence toutes les avancées du XXème siècle. Le mot de la fin est laissé au philosophe italien Antonio Gramsci, mais ça, on vous laisse le découvrir dans l’album.
Compilation mise à jour des deux volumes Géostratégix La géopolitique mondiale de 1945 à nos jours en BD et de sa suite Les grands enjeux du monde contemporain, ce pavé est une mine d’informations et surtout d’explications sur la marche du monde. Comme le dit en préface Pascal Boniface, scénariste et directeur de l’institut de relations internationales et stratégiques, la BD n’éloigne pas de la lecture, elle y conduit. Elle n’interdit pas de penser, elle permet de le faire différemment. En bon enseignant qui se respecte, Boniface a pour mission de transmettre le savoir, et surtout d’aider à le comprendre et à réfléchir grâce à un apport minimum de connaissances. Quoi de mieux que de le faire en BD ? Le dessinateur Tommy, par des illustrations simples et explicites, illustre le propos sans lui voler la vedette et en le relevant. Il ajoute une petite touche personnelle humoristique qui dédramatise parfois certaines situations.
De l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud, bienvenue dans les arcanes de la géopolitique ! On ne sait pas comment on s’en sortira mais, grâce à Pascal Boniface et Tommy, on comprend mieux à présent comment on en est arrivé là.
Série : Géostratégix
Tome : L’intégrale
Genre : Histoire
Scénario : Pascal Boniface
Dessins & Couleurs : Tommy
Éditeur : Dunod Graphic
ISBN : 9782100860616
Nombre de pages : 328
Prix : 39,90 €
- Boule & Bill 45 – Bill donne sa langue au chat !par Laurent Lafourcade
Le merveilleux univers de Roba est toujours là
« -Mais… C’est mon camion de pompiers !… Et ma fusée… ?! Qu’est-ce que tu fais, Bill ?
-Ce que tu aurais dû faire quand je te l’ai demandé il y a deux semaines, mon chéri ! Ranger ta chambre, trier tes jouets… Tu t’en souviens ? Bill, lui, le fait très volontiers ! Une gamelle de pâtée pour chaque kilo de jouets sortis !
(-Il va me rapporter une grosse gamelle, celui-là…) »
Caché derrière un angle de la maison, Boule observe Bill qui fait le guignol dans le jardin. Mais que fait-il cette fois-ci ? Il fait sa plus belle grimace pour effrayer Caporal, le chat de la voisine Madame Stick. Si les mimiques de Bill sont si drôles, ça ne fait pas du tout rire le greffier qui paraît bien effrayé. Le cocker met Caporal au garde à vous. Nous sommes en toute fin d’après-midi. Bill avait sûrement besoin d’une dernière bonne poilade de la journée avant de rentrer à la maison. Quand il donne sa langue au chat, ce n’est pas pour lui faire plaisir. Bref, ce coquin de cocker et son petit rouquin de maître sont de retour pour une nouvelle salve de quarante-quatre gags.
Toute la petite famille et leurs amis reviennent comme tous les ans à la même époque. Pouf est prêt pour une partie endiablée, ou plutôt « encockeréé », de badminton ou un jeu de rôles de pompiers. Papa est toujours dérangé dans sa lecture… euh… sa sieste sur chaise longue. Pas moyen d’avoir un bout d’après-midi tranquille. Maman donne sans le savoir des idées de business à son fils. La tortue Caroline, en fine observatrice, est toujours de bonne compagnie, tout comme les oiseaux jaune et bleu, compagnons de jeux fidèles. En guest stars exceptionnelles, la maîtresse de Boule est là pour une leçon de géographie (c’est rarissime qu’on voit Boule à l’école), et Noé, le dresseur de singes de Bravo les brothers, qui apparaît aussi dans trois albums du Marsupilami, tente de lire sur un banc public.
Ce qui est merveilleux avec Boule et Bill, c’est que cette série est hors du temps. Jamais à la mode, elle l’est donc tout le temps. Il y a quelque chose d’intemporel chez eux. On dit souvent que les idées les plus simples sont les meilleures. Roba l’avait parfaitement compris et anticipé. Cazenove et Bastide poursuivent dans cette merveilleuse voie. S’il n’y a pas de recette pour faire un succès, il y a toujours un moyen de le comprendre. Boule et Bill prennent le temps de prendre le temps. Faites comme eux, coupez tous vos écrans et jetez vos smartphones. D’ailleurs, eux n’en ont jamais eu. Graphiquement, Jean Bastide fait un travail extraordinaire, loin des nouvelles séries aux dessins semi-informatisés et survolés. Chaque brin d’herbe, chaque brique de mur, chaque nuage est vivant. La plus belle école de Marcinelle est encore debout.
Est-ce qu’un nouvel album de Boule et Bill vient de paraître ? Bill donne sa langue au chat ! Si lui ne le sait peut-être pas, on peut vous assurer que oui et que vous pouvez vous précipiter pour l’acheter.
Série : Boule & Bill
Tome : 45 – Bill donne sa langue au chat !
Genre : Humour
Scénario : Christophe Cazenove
Dessins : Jean Bastide
Couleurs : Luc Perdriset &Jean Bastide
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782505126768
Nombre de pages : 48
Prix : 12,50 €
- La source 2 – Le clan du train par Laurent Lafourcade
Pour l’amour de sa fille
« -Au nom de la communauté, sois la bienvenue, Selma. Je te remercie d’avoir accepté de nous rejoindre et de nous aider à soigner les malades. François, le mari d’Eliane, est mort cette nuit. C’est le troisième cette semaine à cause de l’épidémie. On ne peut pas continuer comme ça.
– » Au nom de la communauté », Daniel, vraiment ? Qui a décidé de la faire entrer ? Je n’ai pas souvenir qu’on m’ait demandé mon avis. »
France, 2045, dix-sept ans après le début de l’effondrement. Dans la communauté de la source, on ne peut pas dire que l’accueil de la nouvelle venue Selma soit très chaleureux. Il faut dire qu’elle en avait été exclue. Elle est armée et ne compte pas se séparer de son attirail. Si Daniel, le chef du clan, lui a demandé de venir, c’est pour aider à soigner les malades. Cette décision est loin de faire l’unanimité. Pourtant, la survie des malades doit passer avant tout. Rodrigue, le vétérinaire qui fait office de médecin, va devoir travailler avec elle. Sa fille Violette est bien atteinte. Ils vont remplacer Josef, l’herboriste assassiné avec toute sa famille et dont l’enquête sur la mort n’est pas terminée. L’orgueil de Rachel, qui en avait la charge, est piqué au vif.
Un beau jour, des femmes de la communauté des cheminots se présentent à la Source pour demander asile, se disant traitées comme du bétail, battues et abusées par les hommes de leur clan. Au cercle des disparus, le conseil des sages se réunit. Faut-il les accueillir ? N’apportent-elles pas des maladies ? Sont-elles un cheval de Troie ? Leur arrivée si peu de temps après les meurtres n’est peut-être pas un hasard. Et puis il y a ces cris inhumains provenant de la forêt. C’est l’épouvantail. Qui est-il ? Quel est son nom ? Qu’est-ce qui l’a rendu comme ça ? La curiosité de Léa va l’amener à vouloir en savoir plus.
La source est un diptyque post-apocalyptique mettant en évidence les rapports entre humains en situation extrême. A l’instar de The walking dead, le sujet n’est pas ce que l’on voit en apparence, mais ce que cela induit dans les relations et les sentiments. Ici, pas de zombies mais des clans opposés et quelques marginaux. Et nous, que ferions-nous dans de telles circonstances ? Garderions-nous notre part totale d’humanité ? Cela semble impossible à savoir. Les scénaristes Sylvain Runberg, Olivier Truc et Gaël Branchereau nous invitent à nous poser la question. Le rythme narratif est soutenu, comme s’ils avaient dû compiler en un seul tome le matériel de plusieurs. Les dialogues sont parfois inutilement crus (« Les bouquins, c’est fait pour se torcher le cul. »). Ce n’est peut-être pas nécessaire dans une fiction, même si l’on veut se la jouer Mad Max. Pas bien grave au final, car, au dessin, Damour ne rentre pas dans une surenchère de violence. Son graphisme fait mieux passer la pilule que si un auteur trop réaliste avait dessiné la série.
En deux tomes, La Source montre comment l’humanité se relève d’une catastrophe ayant failli entraîner sa perte. Histoire sur la survie, sur la culpabilité et sur le pardon, elle propose un monde nouveau qui ne demande qu’à être développé et à se construire avec ses lecteurs.
Série : La source
Tome : 2 – Le clan du train
Genre : Polar post-apocalyptique
Scénario : Sylvain Runberg, Olivier Truc & Gaël Branchereau
Dessins : Damour
Couleurs : Greg Lofé
Éditeur : Philéas
ISBN : 978249146757
Nombre de pages : 80
Prix : 19,90 €
- Le réseau Papillon 9 – L’aube du débarquementpar Laurent Lafourcade
Derniers sabotages et premiers arrivages
« -Bien le bonjour, jeune homme !
-Heu… Bonjour ! Je peux vous aider ?
-Certainement. Je connais encore peu mes administrés, et pour les servir au mieux, j’aimerais vérifier les rationnements, les besoins de chacun à Saint-Cénéri… Pour cela, il va me falloir votre livre de comptes.
-Il faudra que je demande à mon père. Sinon, vous voulez quoi ? Y a des clients qui attendent. »
Dans la boucherie du village, le nouveau Maire de Saint-Cénéri vient s’assurer du bon fonctionnement des rationnements, pour le bien de ses administrés bien sûr. François le reçoit froidement, répondant à l’édile qu’il allait demander plus tard le livre de comptes à son père. Il faut dire que le nouvel élu est un collabo à la solde de l’envahisseur. Pendant ce temps-là, à Londres, Edmond travaille aux transmissions pour les services secrets britanniques, en attendant l’espoir de voir ses parents libérés des camps de prisonniers. Nous sommes en Mai 1944, l’opération Fortitude se met en place, visant à faire croire aux allemands que le débarquement serait organisé ailleurs qu’en Normandie.
En France, dans le maquis, la résistance prépare des opérations de sabotage. Dans les troupes ennemies, il n’y a cependant pas que des allemands. Il y a aussi des français, des alsaciens, comme Karl. On les appelle des « Malgré-nous » parce qu’ils ont été enrôlés de force. Karl, justement, ne supporte plus l’uniforme boche, déserte et vole des habits civils. C’est à l’hôpital d’Alençon qu’il va rencontrer Anne et que les jeunes gens vont se rapprocher. Mais l’heure n’est pas à la bluette. A Plouzané, au large de Brest, les premiers parachutistes alliés arrivent d’Angleterre. Alors que le sable d’Omaha Beach n’a pas encore été foulé, Edmond découvre dans un document les horreurs qui sont perpétrées à Auschwitz.
Il se passe tellement de choses dans ce neuvième tome du Réseau Papillon qu’on a l’impression de le lire en un clin d’œil. La tension est à son comble. Le débarquement n’a pas encore débuté. Le suspense est déjà insoutenable. C’est ça qui est scénaristiquement incroyable. Nous sommes dans une histoire dont on connaît tous le déroulement et la fin, et pourtant on tremble, on se demande si tout va se passer comme prévu. Là est toute la force d’un scénariste. Franck Dumanche, avec son complice Michel-Yves Schmitt (qu’il serait enfin temps de créditer sur la couverture), avance ses pions de manière stratégique. Et ce n’est pas évident. Nous ne sommes plus dans les premiers tomes où les copains du réseau étaient ensemble. La troupe est disséminée. Il faut jongler de personnages à d’autres, sans en oublier un pendant trop longtemps, sans perdre le lecteur et en gardant une cohérence temporelle.
On ne sort pas indemne d’un album comme La cellule qui racontait la préparation des attentats du 13 novembre. Ici, au dessin, on remarque de plus en plus que Nicolas Otéro intègre sa patte réaliste, subrepticement, dans quelques cases, comme si les lecteurs grandissaient et devenaient adultes avec la série. La chrysalide devient papillon, devient réseau papillon. Il serait curieux de revisiter totalement la série dans ce prisme complètement réaliste.
Le réseau Papillon est une aventure humaine, une œuvre de mémoire et un outil pédagogique. Après La guerre des Lulus et Les enfants de la résistance, pourquoi Gaston et ses camarades n’auraient-ils pas droit à l’adaptation cinématographique de leurs péripéties ?
Série : Le réseau Papillon
Tome : 9 – L’aube du débarquement
Genre : Aventure historique
Dessins : Nicolas Otéro
Scénario : Franck Dumanche & Michel-Yves Schmitt
Couleurs : 1ver2anes
Éditeur : Jungle
ISBN : 9782822244756
Nombre de pages : 56
Prix : 12,95 €
- Mémoires de grispar Laurent Lafourcade
La vie n’existe qu’entre lumière et obscurité
« -Will, maintenant que je suis enfin remis sur pied, je te souhaite officiellement la bienvenue à Val-de-Brume, domaine de la Province de Gris.
-Il fait un temps de chien, ça me rappelle le pays.
-Oui, on en regretterait presque le sable chaud.
-Le sable… mais pas le sang. Pierre, je suis un simple chevalier. Et tu es mon supérieur, alors je dois te prévenir… Plutôt mourir de ta main que d’y retourner.
-Je ne voulais pas rentrer… Ma vie ici était en ruine… Et je ne pense pas me trouver un nouvel avenir. »
Dans la forêt en pleine nuit, un homme entraîne sa fille enceinte à la rencontre de Dame Marion. Rebouteuse, fée ou sorcière ? Elle châtiera le responsable et consolera la victime. Où est la mort dans le temps ? Plus tard, ailleurs, au Val-de-Brume, domaine de la province de gris, un homme, de retour de croisades bien amoché, le chevalier Pierre de Brume, lutte contre la faucheuse sur une table où il est soigné. Si la mort n’a pas voulu de lui, c’est bien parce que Marion l’a aidé à s’en sortir. Elle n’est pas rancunière. Enfants, ils étaient bien complices avant que le futur chevalier n’abandonne la guérisseuse. Une fois remis sur pied, Pierre de Brume va souhaiter rencontrer sa sauveuse, mais on ne peut pas dire que l’accueil sera chaleureux. Apparemment, il arrive sept ans trop tard. De retour au château après avoir été victime d’un piège d’étranges hommes-corbeaux, Pierre se met au service du bailli Randolf d’Artois qui a pris les choses en main pendant son absence au combat. Il faut protéger les convois recueillant les taxes. Au milieu de tout ça, Jean, le jeune orphelin balafré, gagne de quoi manger en servant l’Eglise, tout en observant la folie des hommes. Tant que le passé n’a pas réglé ses comptes, les âmes resteront des armes aux pointes acérées.
A la base, Mémoires de gris est une relecture de Robin des Bois. Sylvain Ferret le revendique. Il a voulu faire ce qu’a fait Loisel avec Peter Pan, avec un côté Dark. Au fil de l’écriture, le projet s’est éloigné de l’objectif originel mais en garde l’ambiance. Ecrit en partie pendant la crise des gilets jaunes, il met en avant une lutte des classes et se pose la question de l’utilité de la violence pour acquérir des libertés. Ce récit social est avant tout réaliste, mais avec un soupçon de fantasy, sur le fil, de manière quasi-onirique. Le chêne majeur millénaire est un observateur des humains. Ferret s’est inspiré du Major Oak, arbre qui existe réellement dans la forêt de Sherwood en Angleterre, celui-là même qui aurait servi de repaire à Robin des Bois.
Ferret scénariste se place dans la peau du conteur de tradition orale. L’histoire pourrait être de celles racontées au coin du feu de générations en générations. L’auteur a particulièrement soigné les dialogues, avec des phrases sentences ciselées qui surlignent le récit et portent à réflexion. Un exemple : « Il y aura toujours une guerre et Dieu pour que les pauvres et les rois restent à leur place. » Un autre : « Les clefs les plus brillantes ne sont pas celles qui importent. »
Entre temps présent et flashbacks, Ferret dessinateur relève le défi en proposant des ambiances distinctes. Pour le présent, la ligne et l’encrage sont nets. Pour le passé, le trait est plus épais, plus jeté, tout en niveau de gris, sauf pour les souvenirs violents teintés de rouge. Si Ferret ne fait jamais de concession justement, c’est dans cette fureur, cette véhémence, cette brutalité dépeignant un Moyen-Âge sans concession où l’honneur est plus fort que le pardon. Le final, grandiose, n’est pas sans rappeler La belle au bois dormant. L’ombre de Maléfique agite la fureur des hommes.
Deux saisons, le printemps et l’automne, chapitrent le récit. Ce sont les saisons où les rêves sont des voleurs de réalité et les héros des princes du mensonge. Le printemps est la saison des amours et l’automne celle de la chasse. Mémoires de gris est une histoire d’amour et de haine qui s’ajoute aux contes et légendes dont la forme intemporelle invite à se questionner sur le fond, reflet des sociétés humaines.
One shot : Mémoires de gris
Genre : Aventure moyenâgeuse
Scénario, Dessins & Couleurs : Sylvain Ferret
Éditeur : Delcourt
Collection : Terres de légendes
ISBN : 9782413043645
Nombre de pages : 240
Prix : 29,95 €
- Garfield – Poids lourd 25par Laurent Lafourcade
Pâtée générale
« -De la bouffe ! Qu’est-ce que c’est ? On dirait que ça fait partie de la famille des croissants. Un vrai gourmet ne se défile jamais devant une nouvelle expérience gustative. Un peu sec, mais savoureux.
-Garfield, as-tu vu mes chaussettes de sport ? »
Pour Garfield, tout ce qui a une consistance et une odeur se mange. On verra plus tard ce que c’est… au risque de gloutonner les chaussettes de sport de Jon. Mais ce n’est pas la disparition de ses vêtements qui va faire rager le maître. Il s’énerve plutôt lorsqu’il n’y a plus que les os du poulet sur la table. Là, Garfield risque vraiment de se faire fâcher. Garfield n’est pas que gourmand, il est aussi dragueur. Mais il ne faudrait pas qu’une conquête ne s’en prenne à sa gamelle. Là, l’amour peut vraiment fluctuer. Hormis la nourriture, l’un des plaisirs de l’animal est de se faire les griffes sur les fauteuils. Mais quelle idée a donc eu Jon de l’emmener avec lui au Royaume du meuble ?
Après manger et dormir, la troisième occupation favorite de Garfield est d’en faire voir de toutes les couleurs à Odie, le chien avec qui il partage la maison. Ne pouvant plus rien avaler, le chat préfère jeter le contenu de sa gamelle plutôt que de le laisser à son camarade. Si une crise de gentillesse empêche Garfield de pousser Odie de la table, il attend que ça passe… avant de passer à l’action. Garfield tente même des expériences, à savoir laisser sa pâtée toute seule en pleine nature avec Odie à côté. Le félin veille, gare aux tentations. Là où l’on remarque que les chiens sont plus intellectuellement fragiles que les chats, c’est quand ils ne comprennent pas que le reflet dans le miroir, ben c’est eux.
On l’a vu, dans toutes les situations, Garfield garde une longueur d’avance, même si c’est beaucoup plus difficile quand il s’agit de miauler à la lune. Si un jet de réveil peut diminuer les ardeurs, celui d’un pot de fleurs dissuade, à moins que ce ne soit pour essayer de récupérer en sus un oreiller pour se faire un petit coin dodo avec tout ce matériel à la maison. Bref, c’est sur la même murette qu’il flirte avec Arlène, pour un débriefing du repas du soir, avec un bonbon à la menthe. Arlène, Garfield y pense chaque fois qu’il ne pense pas à lui. Il a le courage de le lui avouer, mais s’il veut aller plus loin, ce n’est peut-être pas la meilleure stratégie.
C’est déjà le vingt-cinquième tome Poids lourd de Garfield. Il faut dire que le chat sévit dans la presse depuis 1978. Il y a du stock pour encore de nombreux volumes. Les éditions Presses aventure publient ses strips et planches sans aucun ordre chronologique. Mais après tout, qu’importe, l’important est de passer un long moment avec lui ou de picorer des instants au hasard.
Série : Garfield
Tome : Poids lourd 25
Genre : Humour félin
Scénario & Dessins : Jim Davis
Éditeur : Presses aventure
ISBN : 9782898450242
Nombre de pages : 256
Prix : 14,90 €
- Dans les petits papiers de Margerinpar Laurent Lafourcade
Morgane de Margerin
« On me demande parfois si je commence par le dessin ou par le scénario quand je fais une BD… Ça me fait sourire car, a priori, on cherche d’abord une histoire en écrivant un scénario, on ne dessine pas sans savoir ce que l’on va raconter. Mais tout bien réfléchi, je me rends compte qu’avant de me lancer dans la construction d’un scénario de bande dessinée, je fais toujours plein de petits « crobards ». » (Frank Margerin)
Quand il se lance dans un projet, Frank Margerin n’écrit pas vraiment de scénario. Il se fixe un thème et note toutes les idées en rapport sur divers supports. Ces compilations de scènes, gags et situations l’entraînent ensuite dans une histoire avec une trame, un fil conducteur et une chute. Ces fameux petits crobards, comme il les appelle, n’avaient pas pour vocation à être publiés. Heureusement, les éditions Robinson sont passés outre en proposant ce recueil des petits papiers de Frank Margerin pour une plongée thématique dans les coulisses de son travail.
On commence par l’une des passions de l’auteur : la moto… non, la bécane ! Choppers, mobs, scooters, on allume les gaz ! Certains dessins sont crayonnés, d’autres sont directement au feutre. On a même droit à une scène coupée de l’album de Lucien « Toujours la banane » dans laquelle le héros à une altercation avec un bus après avoir déposé son fils à l’école. On admire un décor pour un film de Richard Gotainer « Rendez-vous au tas de sable ». On apprend qu’il existe une histoire de Lucien qui n’a jamais été finie dans laquelle le héros devait acheter une nouvelle voiture. C’est l’Alph’Art de Margerin (sauf que par bonheur il est toujours vivant).
Momo le coursier a droit à son chapitre. Le scooter jaune du reubeu du 93 l’emmène livrer ses colis à donf le plus rapidement possible. Les recherches de couverture montrent les différentes options envisagées. Autre passion de Margerin, la musique est présente avec pochettes de disques et affiches. Big up à Renaud, qui restera toujours Renaud. Tatatan ! L’amour, les femmes, la vie, Margerin, c’est aussi la BD du quotidien, le reportage de chaque jour, avec réalité et sensibilité. Petit tour ensuite au troquet du coin, avec le café du commerce, ses poivrots et ses joueurs de flipper. Après le sport et les voyages, le recueil se termine par les talents d’affichiste du dessinateur pour divers festivals, concerts et manifestations.
La bécane, le rock, les potos, les trois piliers de l’univers Margerin sont à l’honneur dans cet album rassemblant plus de quatre cents crobards. Cette immersion dans les coulisses de la création d’un des auteurs de BD majeurs de sa génération est un bonheur.
One shot : Dans les petits papiers de Margerin
Genre : Portfolio
Scénario, Dessins & Couleurs : Frank Margerin
Éditeur : Robinson
ISBN : 9782017265542
Nombre de pages : 192
Prix : 29,99 €
- La BD de l’Aventpar Laurent Lafourcade
Une histoire à déballer chaque jour avant Noël
« -Il n’est pas très beau ce sapin…
-Je suis navré, je n’ai pas mieux cette année, avec la météo, tout ça… Il n’y en aura même pas pour tout le monde… »
La petite koala est toute tristounette. En guise de sapin de Noël, elle doit se contenter d’un minuscule arbuste en pot. Cette année, la météo ayant été capricieuse, la production d’arbres a été catastrophique. La mort dans l’âme, le maire annonce lui-même qu’il n’y aura pas de sapin sur la place du village. La petite koala décide d’y placer le sien, même s’il est tout petit mini rikiki, afin que tout le monde puisse en profiter. Elle ne sait pas que son geste va en entraîner d’autres. Elle vient de déclencher un élan de solidarité qui va changer le Noël du village. Cette adorable histoire signée Dav est la première des vingt-quatre qui composent cet album.
Les éditions du Lombard viennent d’inventer la BD de l’Avent. Tel un calendrier dont on ouvre une case chaque jour de décembre pour avoir un petit cadeau ou un délicieux chocolat, le lecteur va devoir détacher les pages prédécoupées pour découvrir chaque jour l’une des histoires en quatre planches servies par les meilleurs auteurs du moment, la plupart déjà dans la maison du Lombard, quelques autres invités des éditions de la concurrence. En double-couverture signée Nob, le Père Noël démarre en trombe de son chalet, son traîneau chargé de cadeaux tiré par deux rennes. Quelques lutins l’accompagnent pendant que les autres sont restés bien au chaud dans la grande maison et que d’autres encore se détendent entre bonhomme de neige et bataille de boules de neige.
Les vingt-quatre histoires sont toutes plus drôles ou émouvantes les unes que les autres. Filippi et Camboni mettent en scène un lutin bricoleur qui a décidé qu’on pouvait se passer des rennes. Pujol et Horne montrent un enfant déterminé cherchant à comprendre pourquoi il n’y avait pas de cadeau pour lui. Pour les lutins de Dutto, c’est la panique. Le réveil n’a pas sonné et on n’est qu’à quatorze jours de l’échéance fatidique. Marie Avril, elle, invoque des fées. Kid Toussaint réalise un triplé avec des histoires pour ses dessinatrices Veronica Alvarez, Aurélie Guarino et Aveline Stokart. Dans la première, des enfants vont tout mettre en œuvre pour sauver Noël pendant que dans la deuxième un Noël blanc prendra des couleurs. Pour la troisième, un bûcheron qui ne voulait plus fêter Noël va reconsidérer son point de vue. A l’orphelinat des Chrysanthèmes, les enfants de Parme vont écrire au Père Noël. Chez Munuera, c’est une ouverture de cadeaux en réalité augmentée qui va vous arracher des larmes si vous avez un petit cœur. Mais si vous lisez ce livre, c’est que vous avez forcément un petit cœur de Noël. Tout ça ne sont que des exemples parmi tous ces récits splendides.
Laissez-vous embarquer par la magie de Noël. Avant le 1er décembre, courez vous procurer cet album indispensable pour un décembre enchanté et un Noël avant Noël. Merveilleux.
One shot : La BD de l’Avent
Genre : Fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Veronica Alvarez, Marie Avril, David Boriau, Silvio Camboni, Renata Castellani, Joris Chamblain, Clarke, Akexandre Cochez, Renaud Collin, Antonello Dalena, Dav, Dutto, Denis-Pierre Filippi, David Gilson, Goum, Aurélie Guarino, Horne, Thomas Le Petit-Corps, Annette Marnat, Mini Ludvin, José Luis Munuera, Nob, Fabrice Parme, Romain Pujol, Bastien Quignon, David Revoy, Théa Rojzman, Stan Silas, Aveline Stokart, Kid Toussaint, Virapheuille, Gaspard Yvan, Vincent Zabus
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808214407
Nombre de pages : 200
Prix : 22,50 €
- L’ombre des lumières 2 – Dentelles et wampumpar Laurent Lafourcade
Nouveau monde
« -Qu’est-ce donc que l’amour ?
-Une maladie à laquelle l’homme est sujet à tout âge.
-C’est joli, Madame de Féranville. Est-ce de vous ?
-D’un certain chevalier de Seingalt, un italien des plus charmants que présenta ce cher Patu.
-Eh bien moi, je dis que l’amour est un mécanisme. »
Juillet 1752, lors d’une fête galante chez Madame de Féranville, ce séducteur de Chevalier de Saint-Sauveur se positionne en horloger de l’amour dont les engrenages se nomment « désir », « orgueil » et « faiblesse ». Il lui sied de connaître ce dispositif pour ravir le cœur de qui lui plaît… ou jeter n’importe qui dans les bras de n’importe quoi. Ça, c’était il y a un an déjà, mais le Comte de Mirepoix s’en souvient. Aujourd’hui, ce dernier propose à Saint-Sauveur une mission en échange de l’effacement de ses dettes de jeux. Mirepoix hait le marquis d’Archambaud. Le chevalier en partance pour les Amériques avec la famille de son ennemi, le Comte lui demande de précipiter Mademoiselle d’Archambaud dans les bras d’un iroquois, l’un de ces indiens féroces, bestiaux et cannibales, la plus barbare tribu du Nouveau Monde.
Nommé Maître des Requêtes, le Marquis d’Archambaud est en effet envoyé aux Amériques pour remettre de l’ordre dans l’intendance de la Nouvelle France. Sur le bateau donc, se trouvent le chevalier de Saint-Sauveur, Gonzague et Adario qui, fait croire le chevalier à Mademoiselle d’Archambaud, est un prince en exil. Une fois arrivé sur place, tout ce beau monde est accueilli en grande pompe, avec un bal donné en leur honneur au palais par Monsieur l’Intendant des pays de Canada et autres régions de France. Pour Saint-Sauveur, c’est l’occasion de montrer à la noblesse de Nouvelle-France ce que vaut celle de l’ancienne. Les jours allaient filer au gré des saisons et à la découverte du pays jusqu’à ce qu’Adario, de son véritable patronyme Mitewile’un, et Mademoiselle d’Archambaud ne se lient d’une amitié de celle qui permet de déplacer des montagnes.
Dentelles et wampums sont les deux fléaux de la balance de ce deuxième tome des correspondances épistolaires de Saint-Sauveur et de son entourage. Si les « dentelles » s’expliquent par elles-mêmes, le libertinage étant l’une des occupations et préoccupations favorites du Chevalier, les « wampums » demandent éclaircissement. On peut les appeler des « perles de démocratie ». Ce sont des objets fabriqués à partir de perles de coquillages marins, échangés pendant plus de deux siècles – du début du 17e au début du 19e siècle – lors de rencontres diplomatiques entre les nations présentes dans le nord-est de l’Amérique, y compris les nations européennes. Entre colons et locaux, il va effectivement falloir faire preuve de démocratie. On n’envahit pas un pays sans dialogue avec ceux qui y vivent, quand dialogue il peut y avoir.
Le parti pris narratif épistolaire donne au récit une dimension qui lui est propre et particulière. Il aurait été facile de tomber dans le piège du texte illustré. Si dans la première partie de l’album (et troisième de la série), les lettres peuvent parfois paraître comme un exercice de style que s’impose le scénariste, dans la suite, elles prennent une toute autre envergure. Alain Ayroles parvient à les justifier avec malice dans des moments et des lieux improbables. Quant au graphisme et aux couleurs de Richard Guérineau, il n’y a rien d’autre à dire que le travail est impeccable. Mention spéciale à la scène d’action finale lorsque le chevalier et ses camarades sont poursuivis dans la forêt par les indiens : la mise en scène, le découpage et les prises de vue (tiens, comme au cinéma !) sont magistraux. A la cour, sur les flots ou dans le Nouveau Monde, Guérineau signe l’un de ses meilleurs albums.
Laissons le mot de la fin à celui qui est cité en préambule de l’histoire, un certain Pierre Choderlos de Laclos qui, dans Les liaisons dangereuses en 1782, écrivait : » L’humanité n’est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scélérat a ses vertus, comme l’honnête homme a ses faiblesses. Cette vérité me paraît d’autant plus nécessaire à croire, que c’est d’elle que dérive la nécessité de l’indulgence pour les méchants comme pour les bons, et qu’elle préserve ceux-ci de l’orgueil, et sauve les autres du découragement. »
Série : L’ombre des lumières
Tome : 2 – Dentelles et wampum
Genre : Histoire
Scénario : Alain Ayroles
Dessins & Couleurs : Richard Guérineau
Éditeur : Delcourt
ISBN : 9782413078555
Nombre de pages : 72
Prix : 22,95 €
- Marsupilami – El diablopar Laurent Lafourcade
La bête et le conquistador
« -… Et après avoir testé les fruits, vous me faites marcher devant pour quelle raison ? Pour que les bêtes sauvages se jettent sur moi en premier ?
-Il y a des hommes sauvages, ici. Ricardo s’est pris une flèche dans le bras en ouvrant la piste. Ils ont eu peur des coups de feu mais ils peuvent revenir.
-Là-haut ! Un singe !
-De la viande ! Arquebusiers, butez-le !!! »
Un galion de conquistadors espagnols cherche en vain les nouvelles Indes. Le Capitaine Santoro n’a pas l’air d’être disposé à protéger la vie de tous ses hommes au sacrifice de sa propre vie, surtout celle du jeune mousse José, pas prêt à être lui-même sacrifié parce qu’il manque de vivres sur le bateau. Il sera sauvé par la vue au loin des côtes, mais sa rébellion va lui valoir le privilège d’ouvrir la marche lorsque les envahisseurs vont débarquer dans la jungle hostile. C’est en allant chercher une espèce de singe jaune et noir à longue queue blessé sur la branche d’un arbre que José va chuter dans le fleuve et disparaître des yeux de ses compagnons et bourreaux. José va se réveiller aux côtés de l’animal dans la tribu des indiens Chahutas. Le shaman Fumdetro lui apprend qu’en échange de son sauvetage il va devoir épouser la fille du chef Telplubo sous peine de voir sa tête réduite pour intégrer une collection macabre.
L’animal que vient de croiser José, c’est un Marsupilami. Blessé par le fusil d’un conquistador, l’animal a fui le camp Chahutas pour regagner la luxuriante forêt. Mais à présent, José et le Marsupilami sont en fusion. José est connecté à cet esprit de la forêt. Le garçon ressent les souffrances de sa blessure. Le shaman lui demande de partir le retrouver avec Amanita, la meilleure chasseuse de la tribu. Retrouvera-t-il l’animal ? Et le Capitaine Santoro, a-t-il rebroussé chemin ? Que nenni ! Les envahisseurs ne vont pas tarder à vouloir convoiter l’or des Chahutas. Cet El Dorado est-il légende ou réalité ?
Après les deux recueils de récits complets réalisés par divers auteurs, après La bête, après l’animal de Humboldt, le Marsupilami a droit à une nouvelle grande histoire vue par d’autres auteurs que ceux de la série mère. Lewis Trondheim, véritable scénariste caméléon, plutôt que d’écrire une histoire contemporaine, remonte le temps pour revenir aux origines de la découverte de l’Amérique, au temps où les premiers conquistadors ont accosté. Avec les relations entre José et le Marsu, il reconnecte l’être humain et la nature. Trondheim retrouve Alexis Nesme, son complice dessinateur de l’aventure de Mickey Mouse : Horrifkland. Nesme réalise de superbes blanches, que ce soit en mer ou sur terre. Avec ses couleurs directes, il fait de la jungle un personnage à part entière. Les changements de scènes sont symbolisés par des enluminures dorées, comme si on allait découvrir de mystérieuses cités d’or.
A l’instar de Lucky Luke, de Mickey, de XIII, de Thorgal, des Tuniques bleues et autres Spirou, le Marsupilami fait partie des personnages sur lesquels les grands noms de la bande dessinée peuvent se succéder pour proposer leur vision. Une réussite.
Série : Marsupilami
Tome : HS – El diablo
Genre : Aventure
Scénario : Lewis Trondheim
Dessins & Couleurs : Alexis Nesme
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504751
Nombre de pages : 64
Prix : 17,95 €
- Histoires de l’artpar Laurent Lafourcade
A la rencontre des peintres, de la Renaissance au XIXe siècle
« -Qui sont ces grands maîtres, ces peintres d’exception capables de nous bouleverser au plus profond, d’un coup de pinceau, d’une harmonie de couleur, d’un trait puissant ? Pablo Picasso, Léonard de Vinci, Claude Monet… quelques noms parmi des centaines d’artistes majeurs connus, inconnus, oubliés. Dans cet ouvrage, j’approche une cinquantaine d’artistes. Ma sélection, nécessaire, est évidemment incomplète. Un choix coloré par l’histoire de l’art… et mon plaisir personnel. Accompagnez-moi dans ce voyage à travers les siècles à la rencontre des grands maîtres de la peinture ! »
Un crayon, un feutre, un fusain, un stylo-bille, un pinceau, une plume, un pastel. Dessiner, crayonner, croquer, griffonner, esquisser, gribouiller, barbouiller, graver, peindre, charbonner. Pour comprendre, expliquer, planifier, communiquer, éblouir, provoquer une émotion, exprimer un sentiment, partager, hurler, depuis que l’homme est venu à la conscience, le dessin est essentiel, nécessaire, inscrit en nous. Professeur d’arts visuels et d’histoire de l’art en Suisse, également scénariste et dessinateur, François Maret nous propose de l’accompagner dans un merveilleux voyage dans le temps, à bord de sa machine, afin de rencontrer les grands peintres de la Renaissance au XIXème siècle dans leurs ateliers.
Il serait exhaustif et surtout rébarbatif de les citer tous un par un. Partageons avec l’auteur quelques-unes des étapes de son voyage dans le temps. Pour chacune des époques visitées, pour chacun des courants picturaux analysés, François Maret commence par une double page d’anecdotes entourant une frise chronologique. On démarre à Bruges en 1434, en pleine Renaissance. Le méticuleux Van Eyck a mis au point avec son frère la technique de la peinture à l’huile, bien plus difficile que la peinture à l’eau. Les époux Arnolfini viennent lui rendre visite afin qu’il exécute leur portrait. Enfin, ça, c’est la version officielle, car un mystère subsiste. Les époux se tiennent la main. Or, ce n’est pas le cas dans le reflet du miroir en fond de tableau. La femme était-elle décédée ? Le peintre a-t-il voulu représenter un exemple de classe sociale ou bien s’est-il penché sur les fausses promesses du mariage ? Les avis divergent.
Rencontre inévitable avec Léonard de Vinci. L’artiste n’a pas dessiné le « smiley », il aurait été en avance sur son temps, mais bien L’homme de Vitruve, avant qu’il n’atteigne le sfumato divin avec la Joconde, dont la véritable identité n’est pas certaine. Epoque baroque au XVIIème avec Rubens. Depuis Anvers, le gentilhomme rayonne sur toute l’Europe. Il reçoit des travaux de commandes comme peindre la vie de Marie de Médicis, qu’il fallait mettre en valeur, à l’opposé des combines et des scandales dans lesquels elle trempait. Pendant ce temps, Nicolas Poussin s’impose comme le maître du classicisme français… alors qu’il réside à Rome. Avant de peindre ses toiles, il compose une mise en scène en maquette.
Après le rationalisme du siècle des Lumières, le romantisme s’installe comme un courant de grande ampleur en Europe. Pour Baudelaire, c’est l’expression la plus récente, la plus actuelle du beau. Goya en Espagne, Caspar Friedrich en Allemagne, Turner en Angleterre ou encore Géricault et Delacroix en France sont les maîtres de ce mouvement qui s’étendra de la fin du XVIIIème au milieu de XIXème. A la fin de ce siècle, l’invention de la photographie change la donne pour lancer un courant réaliste. Des détails de tableaux de Degas prouvent qu’il l’a utilisée : compositions décentrées, aplatissement de l’espace et, entre autres, jeux de lumières. En parallèle, l’impressionnisme fait les beaux jours des peintres paysagistes, Claude Monet en tête. L’essai dessiné de François Maret se termine au tout début du XXème siècle avec l’expressionnisme de Schiele et de Kandinsky. Entre impressions, improvisations et compositions, ce dernier clôt le voyage dans le temps.
En cent-soixante planches, François Maret en rencontre du monde. Même s’il regrette de ne pas avoir pu en croiser certains, le parcours temporel lui a permis de nous proposer une belle histoire de l’Art, en immersion dans chacune des époques. Ce livre est fabuleux. Il fourmille d’anecdotes. On ne rêve que de repartir, pourquoi pas à la rencontre des peintres du XXème siècle.
One shot : Histoires de l’art
Genre : Histoire de la peinture
Scénario, Dessins & Couleurs : François Maret
Éditeur : Dunod Graphic
ISBN : 9782100845989
Nombre de pages : 176
Prix : 19,90 €
- Louca 11 – La coupe du Griffonpar Laurent Lafourcade
Fan Club
« -C’est bon ? C’est bien notre commande !?
-Oui ! On l’a enfin reçue !
-Mais, pauvre fou, ne reste pas planté là et ouvre-moi vite ce carton ! Ça fait des semaines qu’on attend.
-T’as pas un couteau ou un cutter ? Ça irait plus vite.
-Tu t’y prends comme un manche. Laisse-moi faire…
-Encore un peu et on ne les avait pas pour le premier match de Louca ! »
Le Louca fan-club a reçu le colis tant attendu. Antin, le petit frère de Louca, qui a fondé le groupe, ouvre le carton avec ses amis. Tee-shirts, casquettes, banderoles, le kit du parfait supporter est complet. Encore un peu et ça n’arrivait pas avant le premier match de Louca. Chut ! Il ne faut pas que sa mère apprenne qu’il revient. Exilé à l’étranger pour échapper à un odieux tueur, dans la famille, seul Antin est dans la confidence de son retour. Quelques instants plus tard, assis dans les tribunes, les petits supporters attendent le coup d’envoi de la Coupe du Griffon avec l’équipe des Phoenix. Le match commence. A leur grand désarroi, pas de Louca… Et pour cause, il est perdu sur une felouque en plein milieu du Pacifique. A l’hôpital, les parents de Nathan, dans le coma depuis un certain temps déjà s’apprêtent à prendre une décision radicale.
Le moins que l’on puisse dire, après deux ans d’attente, c’est que le retour de la série Louca est bien animé. On retrouve le footballeur et ses amis quelques années dans l’histoire après le tome 9 Game over, le dixième étant un épisode à part racontant l’histoire de Nathan. Les personnages ont évolué, vieilli, mûri, sauf Nathan puisque, on le rappelle, il est réduit à l’état de fantôme, même si l’on sait maintenant qu’il n’est pas réellement mort mais plongé dans un coma dont l’issue semble fatale.
Après un détour-retour dans l’animation, Bruno Dequier retrouve ses personnages avec encore plus de dynamisme et de motivation. L’intrigue principale grandit en densité et en efficacité, comme si l’auteur faisait franchir un cap à l’histoire avec ses lecteurs. Dequier installe aussi ainsi des parts d’ombre qui pourront servir plus tard. L’auteur développe également le rôle des adultes. Iceman et Brane apportent la dose de suspense insufflant une part de tragédie dans un équilibre bien pesé avec l’humour. Louca entre dans plusieurs genres et catégories que ce soit donc au niveau du scénario, que du dessin. Revolvers et ballons sont deux armes traitées chacune à leur façon. Les terrains de foot semblent tout droits sortis de l’univers d’Olive et Tom (Captain Tsubasa pour les puristes).
Louca n’est pas qu’une bande dessinée sur le sport. Ça devient de plus en plus un thriller dans lequel on tremble parfois pour les personnages, avec qui l’on peut aussi rire ou pleurer. Ce tome 11 est un retour gagnant.
Série : Louca
Tome : 11 – La coupe du Griffon
Genre : Aventure sportive
Scénario & Dessins : Bruno Dequier
Couleurs : Yoann Guillo
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808506755
Nombre de pages : 64
Prix : 13,50 €
- Boruto Two Blue Vortex 1par Laurent Lafourcade
Team Naruto for ever
« -Je vous l’ai déjà expliqué plusieurs fois ! Pourquoi vous ne voulez pas comprendre ?!
-C’est plutôt à moi de te dire ça, Sarada… On a été vers lui à plusieurs reprises. C’est lui qui a dépassé la limite en premier. Ce traître a tué le hokage… et a aussi essayé d’éliminer son fils Kawaki. La sanction est inévitable.
-Puisque je vous dis que c’est la situation de départ qui est erronée ! Boruto ne peut pas avoir tué le septième ! C’est impensable ! Il faut au moins lui donner l’occasion de s’expliquer ! »
Pour Sarada Uchiwa, fille de Sasuke, la situation est insensée. Boruto ne peut pas avoir tué son père Naruto, le septième hokage, ni tenté d’éliminer celui que l’on prend pour son fils Kawaki. Mais alors, pourquoi donc s’est-il enfui ? Certainement parce qu’il aurait été exécuté s’il ne l’avait pas fait. Oter la sentence sur sa tête serait aller à l’encontre de la volonté du peuple de Konoha dont les habitants sont remontés. Tout le problème vient de Kawaki qui, grâce au pouvoir d’omnipotence, shinjutsu des Ôtsutsuki, peut matérialiser ses désirs. Il a ainsi changé les souvenirs de tout le monde le concernant et concernant Naruto. Les positions de Kawaki et Boruto ont ainsi été inversées.
Le manga dont il est question ici ouvre un nouvel arc narratif dans le destin de Boruto. S’il aurait pu être le vingt-et-unième tome de la série Boruto, il est le premier de Boruto two blue vortex. Autrement dit, il est possible de commencer la série ici. Bien sûr les lecteurs de la première heure, les aficionados, les Narutophiles comprendront mieux les tenants et les aboutissants, mais le texte introductif et la façon dont les personnages amènent la problématique de façon très explicite permet de tout comprendre. Hormis quelques privilégiés, les personnages sont comme dans une dimension parallèle. En fait, ils n’ont pas changé de monde mais des rôles ont été inversés, comme si des acteurs de théâtre avaient effectué une permutation. Scientifiquement, un vortex est un tourbillon creux qui prend naissance, sous certaines conditions, dans un fluide en écoulement. Spirituellement, c’est la situation que vivent Naruto, Kawaki, Boruto, ainsi que leurs camarades et ennemis.
Si la série a changé de nom pour repartir sur un nouveau cycle, c’est certainement aussi parce que Ukyô Kodashi n’est plus au scénario, comme sur Boruto Naruto Next Generations. Mikio Ikemoto prend totalement les rênes sous la supervision du créateur Masashi Kishimoto. Au niveau des combats, Ikemoto donne toute la puissance de son trait, notamment avec les hommes-lézards qui dévorent les ôtsutsuki. Une inquiétante scène finale avec Sasuke rend l’attente jusqu’au tome 2 insoutenable. Le temps va paraître long pour la fan-base, qui pourra patiente en collectionnant les autocollants Panini qui viennent de paraître avec un nouvel album. Attention, stickers spéciaux et cartes en éditions limitées.
Le danger plane à Konoha. Sous la menace de Code, recherché depuis trois ans, Boruto ne va pas tarder à sortir de sa tanière. Bienvenue dans le vortex !
Série : Boruto Two Blue Vortex
Tome : 1
Genre : Aventure
Dessins : Mikio Ikemoto
Œuvre originale et supervision : Masashi Kishimoto
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505123347
Nombre de pages : 184
Prix : 7,30 €
- Armelle & Mirko 3 – Vague à l’âmepar Laurent Lafourcade
L’âme de fond
« -Qu’est-ce qu’on va faire ?
-On pourrait se cacher dans un terrier ?
-On pourrait plutôt prier les nuages pour qu’ils se calment ?
-Se cacher ou prier ne nous servira à rien ! »
Dans la Forêt des Petits Bâtons, après un automne doux aux feuilles ambrées finissant de tomber des arbres, c’est un hiver neigeux qui s’installe. Armelle la tortue, Mirko la luciole et leurs amis, Fabienne la renarde et Pépin le lapin, profitent de leur amitié au milieu du paysage enneigé. Qui aurait cru il y a quelques mois qu’Armelle aurait trouvé une telle sérénité ? L’angoisse semble avoir totalement disparu. Mais le bonheur ne fait pas de bruit. C’est bien connu, on l’entend quand il part. Quand l’hiver va s’effacer, quand la neige va fondre et que les flocons vont laisser place à la pluie, à beaucoup de pluie, quand la terre ne va pas parvenir à absorber toutes les précipitations, quand le lac Scintillant va déborder et que la Rivière aux Galets Bleus va sortir de son lit, le bonheur d’Armelle va être mis à rude épreuve.
Au cours de ses voyages, Mirko a entendu des histoires sur des créatures appelées « humains »… Ils avaient complètement détraqué la météo et ont fini par disparaître. Pépin a l’idée de construire un radeau. Le temps est compté. Il ne faut pas céder à la panique. Face à la montée des eaux, nos amis vont-ils réussir à se mettre en sécurité ? La vallée va être inondée et après le retrait des eaux, il va falloir faire face au désastre et à la dévastation. En retrouvant son habitat inhabitable, Armelle va voir revenir ses démons. La perte de repères entraîne chez elle une angoisse qu’elle ne pourra surmonter seule. Ses amis vont vouloir l’aider, la rassurer, l’inviter à un nouveau départ. Mais pour Armelle, l’anxiété va être plus forte que l’amitié. Face aux maux, il y aura des mots. Si les paroles s’envolent, elles peuvent aussi blesser. Physiquement comme moralement, il va être compliqué de tout réparer.
Le premier épisode d’Armelle et Mirko montrait comment l’amitié pouvait soigner la dépression, avec une bonne dose de patience. Dans le deuxième, on voyait comment on pouvait continuer à avancer sans cette béquille que l’on avait trouvée, se débrouiller autrement. Dans ce troisième volume, on comprend que dans cette pathologie sournoise rien n’est jamais totalement résolu. On peut être guéri mais il reste une fragilité qu’un rien peut faire vaciller. En l’occurrence, ce n’est pas un rien puisqu’il y a quand même eu une catastrophe climatique comme on en voit si souvent de nos jours. Ici, c’est une allégorie de la neurasthénie, qui ravage tout de la vie sur son passage, tout de la vie des victimes et de leurs entourages. Mirko, Pépin et Fabienne restent très pudiques face à la colère d’Armelle. Ils préfèrent s’effacer plutôt que de l’affronter au risque d’accentuer la problématique.
En trois tomes, le trio Montel-Clément-Arnal a fait d’Armelle et Mirko une série jeunesse majeure sur un sujet sensible. Tout est sensible dans Armelle et Mirko : l’histoire, les mots, les images, les couleurs. Alors Monsieur Delcourt, vous allez m’écouter. Vous allez lancer une grande opération à l’instar de ce que font les éditions Bamboo et Serge Ernst en distribuant des albums de Boule à zéro dans les hôpitaux. Vous allez faire pareil en envoyant les albums d’Armelle et Mirko dans tous les hôpitaux psychiatriques et les centres de santé mentale qui accueillent des jeunes en souffrance psychologique afin que les médecins leur expliquent grâce à cette série qu’ils sont loin d’être des cas isolés et comment ils vont pouvoir s’en sortir. Par avance, merci.
Série : Armelle & Mirko
Tome : 3 – Vague à l’âme
Genre : Fable poétique
Idée & Histoire originale : Anne Montel
Scénario : Loïc Clément
Dessins & Couleurs : Julien Arnal
Éditeur : Delcourt
ISBN : 9782413082309
Nombre de pages : 32
Prix : 16,50 €
- Les Schtroumpfs et le village des filles 7 – Le pays des pierres schtroumpfantespar Laurent Lafourcade
La fin du voyage
« -Et voilà, les filles !… Encore une fois, nous sommes schtroumpfés à notre propre sort…
-Eh ho ! Je ne suis pas une fille, moi ! Et d’ailleurs, heureusement pour vous que je vous accompagne ! Mes connaissances en de nombreux domaines vous seront sûrement utiles pour schtroumpfer les embûches !
-Eh bien, on va dire que nous sommes tout à fait rassurées… Alors en route pour le pays des pierres schtroumpfantes !! »
Bouton d’Or, Menthe, Tempête et le Schtroumpf à lunettes viennent d’accoster au pays des Pierres Schtroumpfantes, où ils doivent trouver la source dans laquelle tremper le bâton de Saule, la grande schtroumpfette, afin de la guérir. Les filles et leur accompagnateur sont laissés sur le sable avec leur araignée comme monture, leurs compagnons de voyage souhaitant retourner à leurs occupations. Qu’à cela ne tienne ! Les quatre lutins bleus sont bien déterminés à accomplir leur mission. La route est encore longue et semée d’embûches. Il faut passer entre deux pics et continuer tout droit. Quand ils vont apercevoir les fameuses pierres schtroumpfantes, ils vont être ébahis du spectacle qui va s’offrir à leurs yeux. Accéder à la source va être une autre paire de manches.
Troisième et dernier acte du cycle entamé avec Le bâton de Saule, le pays des pierres schtroumpfantes donne à Laurent Cagniat l’occasion de s’exprimer dans des décors magnifiques. L’arrivée au pays des pierres est un spectacle incroyable aussi bien pour les acteurs que pour les lecteurs du récit. Depuis leurs débuts, les Schtroumpfs ont des problèmes avec l’eau, notamment quand leur barrage fissure. Des soucis avec de l’eau, ils vont en avoir ici aussi, tout d’abord avec la crue d’une rivière, ensuite avec une source qui ne va pas être aussi alimentée qu’ils le voudraient. Mais peut-être cela sera-t-il suffisant pour soigner la cheftaine. Avec le petit singe gardien du temple, Cagniat introduit ce genre de personnages secondaires qui font tout le sel et l’originalité des épisodes des séries classiques franco-belges comme on aime.
Les scénaristes Luc Parthoens et Thierry Culliford démarquent bien ce spin-of de la série mère. Le titre à rallonge n’est pas forcément le plus approprié et pourrait rebuter certains lecteurs à la virilité mal placée qui penseraient qu’elle est destinée aux filles. Ce serait faire erreur. En proposant une histoire dense de cent trente-huit planches, on a un récit qui prend le temps de se construire et de se développer sur trois albums. Quarante-quatre ou quarante-six planches, c’est trop court. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque de l’âge d’or, les récits publiés en beaux albums cartonnés faisaient soixante planches. C’est par souci d’économie à cause du coût du papier que le format a été amputé par principe d’un quart de son contenu. Grâce au côté feuilletonnant, on peut rattraper le coup, ce que font Parthoens et Culliford. Il ne reste plus qu’à espérer qu’ils continueront à fonctionner comme cela par cycles.
Les couleurs relief de Paolo Maddaleni contribuent également à cette différenciation bénéfique avec la série classique.
Si les auteurs annoncent que l’album est le troisième sur trois, on peut se douter que Saule sortira de sa léthargie. Pourtant, tout ne va pas couler de source. L’important n’est pas le but, c’est le chemin. Les filles du village schtroumpfs le prouvent bien.
Série : Les Schtroumpfs et le village des filles
Tome : 7 – Le pays des pierres schtroumpfantes
Genre : Aventure schtroumpfante
Scénario : Thierry Culliford & Luc Parthoens
Dessins : Laurent Cagniat
D’après : Peyo
Couleurs : Paolo Maddaleni
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808213103
Nombre de pages : 48
Prix : 11,50 €
- Jérôme K. Jérôme Bloche 29 – Perpétuitépar Laurent Lafourcade
Où es-tu doudou, dis donc ?
« -C’est trop profond. Je n’y arriverai pas comme ça, ma puce.
-Qu’est-ce qui se passe ici ?
-Ma fille a laissé tomber son doudou dans le soupirail.
-Rentrez immédiatement !
-Mais…
-Immédiatement ! »
Rachida est femme de ménage dans la grande maison d’une vieille dame professeur de piano. Aujourd’hui, elle est contrainte d’amener avec elle sa fille Mina car la maîtresse est malade. Et bien sûr, comme tout marche bien à l’Education Nationale, elle n’est pas remplacée. La propriétaire rechigne mais accepte sous condition que la gamine n’aille pas courir partout. Dans la cour, par un soupirail, la petite aperçoit un Monsieur. En lui montrant son doudou, elle le laisser tomber. Elle appelle sa mère qui tend le bras pour essayer de le récupérer. Rien à faire. Mina est en crise. La propriétaire descend à la cave mais prétend que la peluche n’y est pas et que la fillette affabule en disant avoir vu quelqu’un. De son côté, Jérôme, en panne de Solex, se fait prêter une mobylette par Arthur qui, à ses heures perdues, bricole de la mécanique. La nuit suivante, son ami épicier Buhran le réveille car Rachida, ancienne petite protégée de son association d’aide à l’enfance, l’a appelé pour lui dire que son frère a disparu. Il était parti récupérer le doudou, « d’une façon ou d’une autre ».
Le petit théâtre du mystère est en place. Voilà de nouveau Jérôme K.Jérôme Bloche mêlé à une affaire étrange. Où est passé le doudou ? Y a-t-il quelqu’un caché au sous-sol de la demeure de la pianiste ? La petite fille s’invente-t-elle des histoires ? Et surtout, où est passé son tonton Ali, frère de sa maman ? Toujours est-il que Madame Martin, la professeure de piano, aux mains gantées, est aussi énigmatique qu’antipathique. Evidemment, elle ne va pas grand ouvrir les portes de sa maison au détective privé. Celui-ci va devoir user de stratégies bien à lui pour s’approcher des lieux. Comme souvent, c’est dans le passé que se trouvent les origines des événements.
Pour la vingt-neuvième enquête de Jérôme K.Jérôme Bloche, Alain Dodier reste dans le classicisme de la série. Le pitch de départ lui a été inspiré de faits réels. A six ans, il a lui-même fait tomber un jouet dans le soupirail d’une boucherie. Entendant ses pleurs, le boucher était allé lui récupérer. Ce ne sera pas la même chanson pour Mina. Graphiquement, dans son réalisme souple, Dodier se base aussi sur des lieux existants. Pour la demeure de l’histoire, il a repris l’extérieur d’une maison en haut de la Butte Montmartre et l’intérieur d’un château de Flandre française. Comme Jérôme l’explore de fond en comble, Dodier avait à cœur que l’ordonnancement des pièces reste logique. L’auteur pourrait mener des Masterclass. Il est définitivement l’un des maîtres du scénario, du découpage et du dessin.
Mina retrouvera-t-elle son doudou ? Jérôme fait tout pour. Et dans l’affaire, c’est perpétuité pour qui ? L’Histoire vous le dira. Mais si c’est pour pouvoir profiter des enquêtes de Jérôme K. Jérôme Bloche le plus longtemps possible, on veut bien prendre « perpétuité ».
Série : Jérôme K. Jérôme Bloche
Tome : 29 – Perpétuité
Genre : Polar
Scénario & Dessins : Alain Dodier
Couleurs : Cerise
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034768776
Nombre de pages : 56
Prix : 13,50 €
- To your eternity 21par Laurent Lafourcade
Les poupées ne font pas de rêves
« -Dis, c’est encore loin ? On a beaucoup marché, je n’en peux plus !
-Encore un effort, on y est presque !
-Une poupée qui se fatigue… On aura tout vu.
-Que fera-t-on si quelqu’un trouve la sphere avant nous, pendant qu’on est là ?
-C’est une possibilité, oui, mais… Si elle existe, elle se trouve là où on habitait autrefois, sous terre… Tonali a bien dit que Kaibara creusait le sol… »
La petite poupée et son crabe ont été recueillis par les immortels. Imm est recherché. Les immortels sont une cible pour tenter de l’affaiblir. Mais peut-être que la sphère veut carrément tout contrôler, obtenir le pouvoir de tout créer à partir de rien. Si les knockers sont bien liés à Kaibara, la prudence est de mise. La poupée et les immortels doivent absolument trouver la sphère avant eux pour protéger le monde. Ensuite, elle pourra devenir humaine. Alors qu’elle découvre les différentes strates de la classification des sujets, de une à cinq étoiles, la poupée prend conscience de sa condition. Si elle a des souvenirs qui remontent, c’est sûrement la vérité… parce que les poupées ne font pas de rêves, voyons !
Une carte ultra secrète uniquement distribuée aux employés de Kaibara montre les emplacements probables des immortels en temps réel. C’est Anton Dee, le chasseur d’immortels qui a seulement huit ans mais qui est géant, qui la leur a fournie. Tonali s’étant évadée, Kaibara cybernetics offre une récompense conséquente à qui mettra la main dessus. Voilà pourquoi les traqueurs ont besoin d’unité. La chasse est ouverte. Pour les immortels, il va falloir user de stratégies pour passer entre les mailles du filet. Ça ne va pas toujours être possible.
Le cycle de la poupée entamé au tome précédent redonne à To your eternity la vigueur de ses débuts. D’ailleurs, la couverture du tome 20 ressemblait étrangement à celle du premier, comme un nouveau départ. Yoshitoki Oima revisite le mythe de Pinocchio, dont la poupée est un avatar et le crabe son Jiminy Cricket. Elle espère devenir humaine mais la route est longue et semée d’embûches. Face à elle, face à eux les immortels, se dresse Anton, enfant dans un corps d’adulte, déterminé, belliqueux, qui croît que la vie c’est comme les jeux vidéos. Prototype même du jeune lobotomisé par Fortnite et autres games du genre, il a des poings à la place du cerveau. On est super forts et on donne des coups. Des coups, il va en pleuvoir, notamment lors d’une scène courte mais d’anthologie entre Anton et l’ours de March.
To your eternity est une série atypique qui ne cesse de surprendre. Véritable réflexion philosophique sur le sens de la vie, elle est bien plus profonde qu’il ne pourrait paraître.
Série : To your eternity
Tome : 21
Genre : Fantastique émouvant
Scénario & Dessins : Yoshitoki Oima
Éditeur : Pika
ISBN : 9782811686185
Nombre de pages : 192
Prix : 7,20 €
- Les aventures de Camille & Pompon – Fissurespar Laurent Lafourcade
Le temps, le temps, le temps et rien d’autre
« -Par ici, messieurs… Le maître vous attend sur la terrasse.
-Ne me regarde pas comme ça ! Je ne comprends rien non plus !
-Au 150ème…
-C’est probablement un malentendu. Mais tant mieux ! Ça nous a ramenés dans la civilisation… Ici on trouvera sûrement des informations sur la source du Sud.
-… Et à manger ! … Et surtout à boire ! Ahhhh… !
-Le 150ème, messieurs.
-Ah ! Les promeneurs du désert ! Bienvenue à Plutonia. »
Sur le bord d’une route désertique, deux hommes attendent le bus. Pour l’un d’eux, ça fait 2375 ans qu’ils poireautent. Pour l’autre, c’est ridicule. Il n’y avait pas de bus au temps des grecs anciens. Le soleil du désert leur a peut-être tapé sur la tête. C’est en se déplaçant pour se mettre à l’ombre qu’une nouvelle fissure déchire le sol. La nuit suivante, une météorite s’écrase non loin. En se rendant sur les lieux, Camille et Pompon, ce sont leurs noms, découvrent une coquille Saint-Jacques géante. Elle s’ouvre. Il y a une perle qui éclot tel un œuf. En sort une fillette qu’ils enveloppent d’une chemise. Alors que la région semble se désintégrer, ils veulent la conduire en sécurité, à la civilisation. Au fil de leur marche, elle grandit à vue d’œil, jusqu’à devenir une belle jeune femme et mourir, comme un éphémère. Elle a juste eu le temps de confier à ses sauveteurs une pierre et de leur demander de la rapporter à la source du Sud afin d’empêcher la destruction totale de la Terre.
Arrivés en ville, Camille et Pompon sont pris en charge par une voiture conduite par des chauffeurs de maître qui les emmènent en haut d’un building de Plutonia, à la rencontre de Silas A.Goldstone Junior, fondateur et propriétaire de la ville, qui n’est autre qu’un singe. Il les avait vus en passant au-dessus d’eux en avion. Le personnage a tout simplement décidé de les rendre riches. Il leur explique le modèle économique de la ville, basé sur le travail de robots et le repos de l’être humain… et du singe. Mais les fissures menacent la cité. Afin de la sauver, Silas finance l’expédition des deux nouveaux venus vers cette fameuse et mystérieuse source du Sud.
Ambiance vintage pour les aventures de Camille et Pompon. Entre Le monde perdu de Conan Doyle et Ravages de Barjavel, Fissures est à la croisée des chemins entre une fin du monde et la survivance d’un passé qu’on pensait disparu. Dystopie ubuesque et aventure psychédélique, l’histoire navigue sur un fil du temps, comme le prouve la couverture, trouée, montrant un personnage s’observant lui-même. Pour M.C.Breton, la BD est un hobby. Il joue avec ses personnages à la manière d’un Ionesco ayant rencontré Pierre Lacroix qui a fait le succès du Bibi Fricotin de Louis Forton. Bien que le graphisme en ait l’aspect, l’auteur ne se revendique pas d’une ligne claire, se sentant tout autant influencé par l’école de Marcinelle. Breton se dit agressé par le design des soixante-cinq dernières années. C’est pour cela que ses décors semblent sortis du temps d’avant.
Véritable Ovni, Fissures est une aventure fort originale qui traverse le temps dans le fond comme dans la forme. Camille et Pompon n’appartiennent à aucune époque, à aucune mode. Bref, ils ont tout le potentiel pour revenir.
One shot : Les aventures de Camille & Pompon – Fissures
Genre : Anticipation
Scénario, Dessins & Couleurs : M.C.Breton
Editeur : Paquet
ISBN : 9782889324699
Nombre de pages : 64
Prix : 16,50 €
- Les aventures de Spirou et Fantasio 57 – La mémoire du futurpar Laurent Lafourcade
Sors de ce corps, Marty Mac Fly !
« -Vous êtes entré chez moi par effraction. Dans le noir, mon gardien vous a pris pour un voleur…
-Je t’avais bien dit que Monsieur d’Oups n’avait rien à voir avec le mystère du Cap Rose… Et surtout d’être prudent !
-Vous êtes resté inconscient bien longtemps, cher ami… Nous étions inquiets. Même mes sels de champignon n’ont pas réussi à vous réveiller. »
Spirou se réveille dans la villa de Herbert D’Oups. Fantasio, le Comte de Champignac, Spip et le Marsupilami sont là. Ils étaient inquiets. Le groom est resté inconscient bien longtemps. Nous sommes en 1958. C’est l’exposition universelle de Bruxelles. L’Atomium vient d’être construit à cette occasion. D’Oups ne s’est pas encore préoccupé de Korallion, la cité des hommes-bulles. John Héléna vient d’être arrêté, alors que Spirou pensait l’avoir fait des années avant. Spirou ne comprend plus rien. Il semble avoir fait un bond en arrière dans le temps. Fantasio tente de lui remettre les pieds sur Terre. Enfermé dans une bulle sous-marine de nos jours, Spirou a en fait été transporté en 1958 à cause de la Zorglonde. L’ennemi auxquels ils vont avoir affaire est plus dangereux qu’ils ne le pensent encore. Ils le connaissent pourtant, puisqu’il s’agit de Cyanure, le robot dorénavant recyclé en intelligence artificielle.
On l’avait donc laissé mort, on le retrouve coincé dans un espace-temps. Mais qu’est-il donc arrivé à Spirou ? Spirou par le trio Schwartz-Guerrive-Abitan Acte 2. Comment les auteurs vont-ils sortir Spirou de la situation dans laquelle ils l’ont laissé, à savoir : la mort ? Benjamin Abitan et Sophie Guerrive rebondissent grâce aux nouvelles technologies. Côté humour, ils réjouiront les afficionados de Yann, parce qu’ils font partie des rares qui, à sa manière, sont capables d’oser. Pour preuve, la scène avec le village africain dans l’exposition où Fantasio parle des autochtones comme de bêtes de foire.
Comme dans tout album de Schwartz, il y a à voir dans tous les coins de case. Le dessinateur ne sait pas faire dans l’à-peu-près et bourre ses vignettes de détail. Une image en demi-planche d’Olivier Schwartz, c’est l’assurance de s’y poser avec délectation pendant plusieurs secondes, si ce n’est minutes, au plaisir d’y revenir lors d’une deuxième lecture. Le fourbe n’a pas hésité à glisser un Tintin hebdomadaire sous le bras d’un gamin en culottes courtes. Kodo le tyran et Vito la déveine apparaissent dans le train fantôme. Schwartz parvient à déclencher des émotions comme personne n’avait réussi à le faire depuis Tome et Janry lorsque John Héléna réapparaissait dans Virus. Ici, c’est lorsque Secottine et le Comte de Champignac ouvrent le garage de ce dernier que l’on est pris aux tripes devant le bric-à-brac qui s’y trouve et notamment une zorglumobile endommagée. Le dessinateur réussit également l’exploit, dans une scène d’anthologie, à glisser de nombreux personnages de l’écurie Dupuis.
Cette Mémoire du futur confirme le retour en grâce de la série principale de Spirou & Fantasio. Réunissant les nouvelles générations et les nostalgiques de la première heure, Schwartz, Abitan et Guerrive semblent avoir trouvé la recette, si recette il y a, pour que le groom retrouve son aura.
Série : Les aventures de Spirou et Fantasio
Tome : 57 – La mémoire du futur
Genre : Aventure
Scénario : Benjamin Abitan & Sophie Guerrive
Dessins : Olivier Schwartz
Couleurs : Alex Doucet
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808503280
Nombre de pages : 64
Prix : 12,50 €
- Survival 1 – Warm Springspar Laurent Lafourcade
Pourtant, que la montagne est belle…
« -Je me demande quand même si c’est une bonne idée cette ascension…
-Ouais ! Un seul mot de travers et elle prend la mouche !
-C’est normal, les gars… Les psys appellent ça le « syndrome du survivant ». Après ce qu’elle a vécu, on ne peut pas s’attendre à ce que tout aille bien comme ça d’un coup… Je suis sûre que cette expédition ne peut que lui faire du bien.
-Ou faire empirer les choses encore plus ! »
Troutdale, fin de l’automne, dans l’Oregon. Un guide de haute montagne explique à un groupe d’alpinistes chevronnés qui l’a employé le tracé du parcours qu’ils vont effectuer. Pour atteindre le deuxième sommet de l’Etat à 3199 mètres d’altitude, il va falloir passer par le versant oriental en traversant une forêt appartenant à la réserve indienne de Warm Springs, avant de franchir le glacier Whitewater. Départ demain à quatre heures du matin pétantes. Un fois rendue au point de départ en voiture, la petite troupe, deux hommes, deux femmes et le guide, entame sa marche… jusqu’à ce que Sandy, lors d’une simple pause pipi, se fasse tirer dessus par un jeune chasseur l’ayant prise pour un cerf. L’aventurière est sévèrement blessée. Dans la panique, le gamin s’enfuit et fait une chute mortelle. Découvrant le drame, les chasseurs décident de venger la jeune victime en traquant les responsables de son décès. S’ensuit une chasse à l’homme à travers la forêt et le glacier.
« Qu’un coup meurtrier soit puni d’un coup meurtrier ; au coupable le châtiment. » « Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. » Ces deux citations inscrites en page de titre, issues des Choéphores d’Eschyle pour la première et du chapitre neuf de la Genèse pour l’autre, synthétisent parfaitement le propos de Warm Springs. Plutôt que d’attendre les secours et s’expliquer avec les chasseurs, craignant leurs réactions, les alpinistes choisissent la fuite. Crétins et sans aucun recul ni analyse de la situation, les tueurs d’animaux, le père de la victime en tête, décident de changer de gibier et d’appliquer une inappropriée loi du Talion. Là, commence le « survival », avec ses inévitables victimes l’une après l’autre, et ses personnages au passé parfois encombré.
Si Warm Springs est un one shot, Survival est bien une série, mais une série d’anthologie. Réunis par une même thématique, la survivance, chaque tome est indépendant des autres. Même si on n’est pas très fan du procédé empêchant les dessinateurs du contenu de s’exprimer en vitrine, Stéphane Perger assure l’unité en signant les couvertures. Comme d’habitude, Christophe Bec est excellent dans son rôle de scénariste de bandes dessinées blockbusters, avec une violence adulte. Afin d’assurer un rythme de parution soutenu, un dessinateur différent est en charge de chacun des épisodes. Pour l’instant, quatre sont prévus. L’italien Valerio Giangiordano ouvre le bal, aussi à l’aise dans la forêt profonde que sur les pentes du glacier. Assombrissant les visages des personnages, les couleurs de Stefania Aquaro apportent de la tension.
Le suspens est insoutenable. Alors que les slashers movies envahissent les salles de cinéma, Survival s’annonce comme le fer de lance du slasher comics. Qui en sortira vivant ?
Série : Survival
Tome : 1 – Warm Springs
Genre : Thriller
Scénario : Christophe Bec
Dessins : Valerio Giangiordano
Couleurs : Stefania Aquaro
Couverture : Stéphane Perger
Éditeur : Soleil
ISBN : 9782302102996
Nombre de pages : 56
Prix : 15,50 €
- Le Petit Théâtre des opérations 5 – Adrian Carton de Wiartpar Thierry Ligot
Le soldat britannique plus dangereux était Belge !
« Sans politiciens, pas de guerre, c’est donc grâce à eux que j’ai eu une vie si agréable. »
Ainsi pensait Adrian Carton de Woart, le plus Britannique des Belges et leur plus dangereux soldat ! Craint et admiré à la fois de ses hommes comme de ses ennemis, son seul mot d’ordre se réduisait à l’essentiel : « Suivez-moi ! »
Mais loin de n’être qu’un va-d’en-guerre, Adrian Carton de Wiart était conscient que son amour pour la guerre n’était pas forcément un danger pour l’individu. N’est-ce pas face au danger que les véritables héros peuvent se révéler ?
Tout comme les grandes gueules qui ne seraient en réalité que des couards et des lâches ?
Gardant les ingrédients qui font le succès de la série, pourquoi changer une recette qui prend à chaque tome ?
Humour décapant, dérision apparente, légèreté réfléchie mais gardant une authenticité assurée sur les événements relatés, ce nouvel opus est ainsi exclusivement consacré à un soldat hors norme !
Véritable machine de guerre, que rien n’arrêtera, Adrian Carton de Wiart naît à Bruxelles le 5 mai 1880. Une enfance en Egypte où son père fait du commerce avec les Britanniques, lui « offre » une formation de dur à cuir … notamment face à sa belle-mère !
A 9 ans, il est envoyé dans un collège privé en Angleterre. Il y découvre son goût avéré pour la baston ! Au détriment de ses malheureux camarades !
Nullement motivé par les études, il s’en enfuit deux ans plus tard, falsifie ses papiers et s’engage dans l’armée anglaise (car c’était le bureau de recrutement le plus proche) pour aller se battre contre les Boers (sinon, il aurait été s’engager chez ces derniers !).
S’en suivra son engagement et réengagement lors des 2 guerres mondiales avec des missions militaires en France, en Norvège, en Yougoslavie, … mais également diplomatiques en Pologne, … et jusqu’en Chine, …
Bref sur tous les théâtres des opérations … où l’on se bat !
Il ne comptera plus ses blessures : au visage, à la tête, à l’estomac, à la cheville, à la jambe, à la hanche et à l’oreille, borgne de l’œil gauche. Survivant à deux crashs d’avion, il s’évadera d’un camp de prisonniers en creusant un tunnel. Blessé à la main, Il s’arrache ses propres doigts qu’un médecin refuse d’amputer.
Mais la mort le refuse … Nous pourrions presque dire qu’elle l’évite à chaque fois !
Bref, un guerrier hors du commun … hors du temps et de toute logique militaire !
Julien Hervieux réussit le tour de force de compulser quelques-uns de ses innombrables exploits en un seul tome et 7 chapitres. Anecdotes et morceaux choisis d’une vie palpitante et improbable !
Comme à son habitude, dans sa structure, une page plus « didactique » s’intercale entre chacun d’eux ! Une planche écrite sur un ton légèrement humoristique et illustrée cette fois de photos … authentiques, elles aussi !
Tout ceci histoire de mieux cerner qui était « l’Anglais le plus dangereux au monde » !
Car « tout est vrai » !!!
Nouvelle bizarrerie de dessinateur ou erreur (fort peu probable) de la prod’, Monsieur Le Chien devient ici « monsieur le chiep », là « Monsieur Le Chon » !
Sinon, côté graphisme, le style ne change pas ! Humoristique et parodique à la fois, insérant ici et là quelques détails anachroniques ou clins d’œil, tel les Rapetous, un dessin qui fait mouche et colle au style narratif de son « connard » (sic) de scénariste !
Notons également le très bel hommage de Julien Hervieux à celles et ceux qui tous les jours, discrètement, tout autour du globe, sans les spots des plateaux et journaux télés, sont réellement dans leur « Petit Théâtre des Opérations » pour notre sécurité …
Les militaires en mission à l’étranger, notamment les marins du « PHA Tonnerre » (à bord duquel Hervieux était lorsqu’il écrivait ce scénario), navire de la Marine nationale française ! Ce dernier, alors en mission « Jeanne d’Arc 2024 » (formation des officiers-élèves lors d’un tour du monde) se dérouta afin de venir en aide à des civils en danger à Haïti !
Alors que les hélicoptères faisaient des rotations, sous le feu d’un ennemi invisible, pour évacuer ces civils, à bord, chaque marin mettait son humanité au service des refugiés ! Cours de yoga du commandant, petit récital de guitare ou de flûte des marins musiciens, livres et films offerts par chacun, sucreries et jeux pour les enfants, … Que de petits gestes qui resteront à toujours méconnus du grand public et qui mériteraient à eux seuls un tome de cette série !
C’est tous ces hommes et ces femmes, sous les drapeaux, hier, aujourd’hui et demain, que Julien Hervieux tient à remercier pour leur dévouement !
Pour conclure, laissons à notre héros le mot de la fin :
« Plus ça change, plus c’est la même chose. »
PS : des fiches pédagogiques existent et sont téléchargeables gratuitement sur le site de Fluide Glacial. Il y a également la possibilité de réserver une exposition itinérante pour les écoles et institutions intéressées.
Série : Le Petit Théâtre des Opérations
Tome : 5 – Adrian Carton de Wiart, l’Anglais le plus dangereux au monde était un Belge
Scénario : Julien Hervieux
Dessin : Monsieur Le Chon ou Le Chien ou Le Chiep (on finit par s’y perdre !)
Couleurs : Albertine Ralenti
Éditeur : Fluide Glacial
Genre : Histoire, humour
Page : 56
ISBN : 979 10 38207 44 8
Prix : 15,9 €
- Capitaine Flam – L’empereur éternelpar Laurent Lafourcade
D’aussi loin que l’infini… Retour de Flam
« -Simon… Crag… Mala… Ecoutez-moi…. Je ne vais pas m’en sortir… Je le sais… Vous êtes sa seule famille désormais. Jurez-moi de vous occuper de Curtis… Qu’il puisse grandir dans les valeurs qui sont les nôtres. La soif de connaissance… La justice… Tout ce qui devrait faire la force et la beauté de l’humanité. »
Le moment est enfin arrivé. En direct de la station de recherche stellaire, le célèbre couple de scientifiques Elaine et William Carton Newton va dévoiler sa dernière découverte. Des centaines de journalistes venus de toute la galaxie sont présents. Accompagnés de leur fils encore poupon Curtis, et du professeur Simon Wright réduit à une condition de cerveau dans un module anti-g à cause d’une maladie dégénérative, ils présentent leurs deux nouvelles créations. Parmi elles, Crag est un androïde à la force surhumaine mais doué de patience et d’empathie. L’autre androïde est Mala. Fait de chair synthétique, il peut changer de forme et d’apparence à volonté. La journée et la conférence avaient bien commencés jusqu’à ce qu’un bombardement de missiles ne vienne troubler la fête. Si les parents ne s’en sortent pas, Crag, Mala et le professeur Simon Wright réussissent à s’enfuir à bord d’une navette avec le petit Curtis. Elaine aura eu juste le temps de leur faire promettre d’inculquer à l’enfant des valeurs humanitaires.
Vingt-cinq ans plus tard, sur Terre, à Tokyo, le président Carthew s’étonne et s’inquiète d’être sans nouvelles de l’agent Peterson, l’un des meilleurs agents secrets, en mission sur la planète Dénef qu’il a quitté il y a deux jours déjà. Justement, voici que son vaisseau arrive. Mais il semble y avoir un problème. L’atterrissage est périlleux. Les équipes envoyées pour dégager le pilote se font attaquer par une bête monstrueuse aux allures simiesques qu’ils abattent. Aussi étonnant que cela puisse paraître, les analyses étant formelles, cet être et l’agent Peterson ne font qu’un, comme s’il avait subi une mutation génétique. Pour le président, il n’y a qu’une seule personne qui soit capable de mener l’enquête, scientifiquement et déontologiquement, c’est Curtis Newton, alias le Capitaine Flam.
Voyage intersidéral, mutations génétiques, extra-terrestres et robots, manigances politiques et virus, les poncifs du Capitaine Flam sont bien tous convoqués pour son revival en bande dessinée. Avant de se lancer dans une histoire originale, inspirée et reprenant le titre du premier épisode L’empereur de l’espace, dans l’esprit du dessin animé de Toei Animation et de l’œuvre d’Edmond Hamilton, Sylvain Runberg replace les personnages dans leur contexte. Il revient en introduction sur la mort des parents du héros, ce qui explique les rapports de Flam avec son équipe.
On sentait déjà l’influence du graphisme à la Flam dans le trait d’Alexis Tallone dès 2016 avec Golem, rebaptisé Rockstohl, un manga histoire de chasseurs de reliques qui ne connut qu’un tome. Tallone était donc le candidat idéal pour mettre en scène celui qui a traversé cent mille millions d’années pour sauver de son bras les gens de Mégara. Le résultat n’est pas formidable, il est époustouflant. En charge de la mise en couleurs, Annelise Sauvêtre et Arancia Studio modernisent l’ensemble, juste ce qu’il faut pour donner un relief immersif.
Après Albator, Les chevalier du Zodiaque et Goldorak, il était logique que les éditions Kana proposent la « résurrection » européenne du Capitaine Flam. Comme pour les autres, c’est une franche réussite. L’album n’est pas uniquement destiné à ceux qui ont été biberonnés à la série animée, même si ces derniers n’attendent plus qu’un autre héros ne revienne soit le bras armé, soit sur son 31.
Pour tous ceux désireux de connaître la genèse de la création de celui qui deviendra le Capitaine Flam, le documentaire suivant est une petite pépite.
One shot : Capitaine Flam – L’empereur éternel
Genre : Science-fiction
Scénario : Sylvain Runberg
Dessins : Alexis Tallone
Couleurs : Annelise Sauvêtre & Arancia Studio
D’après : Edmond Hamilton
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505112228
Nombre de pages : 168
Prix : 24,90 €
- Ecoute s’il pleutpar Laurent Lafourcade
Le moulin de mon cœur
« -Tu habites où ? Je ne te connais pas !
-Et toi ?
-La marinière.
-La ferme du Plessix ?
-C’est chez ma grand-mère.
-Moi, c’est le moulin.
-Lequel ?
-Ecoute-s’il-pleut, tu le connais ? »
Années 60, Normandie. Au fond de la vallée, il y a trois moulins. Le premier est le moulin de la Bée, plus loin se trouve celui de la forêt. Entouré de grands arbres, il faisait la meilleure farine. Plus haut, près des berges envahies de ronces et d’orties, on déniche un troisième moulin avec son drôle de nom : « Ecoute-s’il-pleut ». Cet été, Daniel passe quelques jours de vacances chez sa grand-mère, veuve depuis l’hiver dernier. En enterrant un chat qu’il venait de trouver écrasé sur la route, il rencontre Paul, un grand adolescent comme lui, qui prétend habiter le moulin « Ecoute-s’il-pleut ». Le lendemain, il y amène Daniel. La mère de Paul leur propose une citronnade. Pour le goûter, Paul tranche le pain avec un couteau suisse. C’était un cadeau de son père décédé. Les jeunes vont ensuite visiter le moulin, avec son stock de farine et sa roue à aube surmontant un profond puits. Quelques jours plus tard, lorsque Daniel raconte à sa grand-mère où il était, celle-ci s’étonne : « Daniel, personne n’habite à « Ecoute-s’il-pleut » !… Ni ce Paul, ni personne ! »
Dans un premier temps, Daniel pense que sa mamie a été perturbée par la perte de son mari et qu’elle déraille. En retournant sur place, il trouve le moulin « Ecoute-s’il-pleut » en ruines et inactif. Que s’est-il passé ? Ce n’est pas possible qu’en si peu de temps la végétation ait envahi les lieux. Est-ce lui qui a déliré ? Sa rencontre avec Louis Blonville, l’ancien instituteur du village, va répondre à quelques-unes de ses questions. Ça fait quinze ans que le moulin est abandonné. Il a été le théâtre d’un drame lié à la guerre. Les fantômes ont fait remonter à la surface la puissance des souvenirs.
Comme à son habitude, Rodolphe amène sur des pistes sur lesquelles le chemin est escarpé. La direction que l’on croît prendre n’est pas celle des intentions de l’auteur. Rodolphe flirte avec le fantastique, tout en restant dans la plausibilité des dérives et des limites du cerveau humain. A quel point les lieux offrent-ils leur passé à ceux qui les fréquentent ? On est là dans un surnaturel qui n’est pas farfelu. On dit souvent que les murs et les pierres parlent. C’est exactement le postulat de cet album. Et qui dit décor expressif, dit Patrick Prugne. Le spécialiste de l’histoire sauvage nord-américaine quitte les grands espaces pour une nature et une époque proche de la nôtre. Rodolphe l’invite au fin fond de la forêt de campagne française. Prugne y mêle une architecture comme si elle faisait partie de cette verdure. D’ailleurs, elle en fait partie. La couverture, magnifique, à regarder en détails, démontre comment Prugne a intégré cette place de l’homme dans la nature et comment Rodolphe annonce déjà qu’il va brouiller les apparences.
« Ecoute-s’il-pleut » montre un nouveau Prugne, tout en cohérence avec l’artiste qu’il est, et un Rodolphe bien en forme qui montre qu’il a encore de quoi surprendre.
One shot : Ecoute s’il pleut
Genre : Emotion
Scénario : Rodolphe
Dessins & Couleurs : Patrick Prugne
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741882
Nombre de pages : 72
Prix : 18 €
- Les pompiers 23 -Le coup du lapinpar Laurent Lafourcade
Les conseils de Strike Workout
« -Carême, regarde !
-Qui ça ? Strike ?
-Oui, tu as vu ça ? C’est fascinant ! C’est comme un super pouvoir ! Tous les gens avec qui discute Strike veulent devenir pompiers ! C’est fort quand même !
-Ah ça… C’est pareil avec Robert, tu sais !
-Robert ?
-…et une fois que le poulet est bien doré, vous ajoutez une lichette de fond de veau avec…
-Tous les gens qu’il croise veulent ouvrir un resto ! »
C’est un peu en crise que l’on retrouve les pompiers de la plus célèbre caserne de la BD. Ghislaine se plaint que les soldats du feu gaspillent trop d’eau. Elle trouve aussi que la sirène deux-tons a un niveau sonore si élevé que les chats paniquent et les chiens fuguent. Par ailleurs, le contournement proposé par la cheffe pour éviter les bouchons ne ravit pas les troupes, et quand le véhicule de secours arrive à se faufiler entre les automobiles, il se fait filer par des petits malins qui grillent les autres voitures.
« Salut les pomplards ! » Heureusement, il y a Strike. Smartphone greffé à la main, il passe son temps à faire des vidéos pour expliquer en quoi consiste exactement le métier de pompier. Si éteindre des incendies, secourir des accidentés de la route, gérer des inondations et ramasser des victimes de chutes est la partie émergée de leur métier, comme pour les profs, ce que l’on voit de leur boulot n’est qu’une infime partie de ce qu’ils font. Quand il n’intervient pas, le pompier bosse tout autant… sauf ceux qui jouent au baby-foot, mais ça, on va éviter de le montrer, sauf s’il est tout neuf. Outre tout cela, les pompiers s’entraînent physiquement très dur, nettoient les véhicules, entretiennent les locaux et gèrent l’administratif.
Strike Workout, ce nouveau pompier intégrant la série, n’est pas un novice. Qui plus est, il existe ! ce pompier youtubeur partage son quotidien sur les réseaux sociaux. Il promeut ainsi son métier pour susciter des vocations. Avec 62 000 abonnés sur YouTube et 400 000 sur TikTok, Strike est allé à la rencontre de pompiers dans toute la France, en Belgique, en Suisse, et bientôt aux Etats-Unis. Entre les gags, le vrai Strike prodigue ses conseils pour préparer le concours de sapeur-pompier professionnel et comment devenir volontaire. Il détaille les équipements du fourgon de secours routier et du véhicule de secours et d’assistance aux victimes. Des QR codes permettent de visionner les vidéos correspondantes.
Toujours aussi drôles, Stédo et Cazenove dépassent avec cet album le millième gag des pompiers. Les sauveteurs en ont encore sous le coude, surtout si Strike vient enrichir leur team.
Série : Les pompiers
Tome : 23 – Le coup du lapin
Genre : Humour
Scénario : Christophe Cazenove
Dessins : Stédo
Couleurs : Christian Favrelle
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9791041103386
Nombre de pages : 48
Prix : 11,90 €
- Les enfants de la résistance 9 – Les jours heureuxpar Laurent Lafourcade
Rebelles ou complices
« -Tu as assisté à une mission commandée par le lynx !?!… Cet inconnu qui se dit votre chef !
-Euh… Il a juste demandé d’aller voir si tout se passait bien. J’étais à l’écart de l’action, je te le promets !
-Cette fois, c’est fini ! Je ne veux plus que tu trempes dans la résistance ! Je te rappelle que ton père est mort à cause de ça ! »
En rentrant chez lui à vélo, en pleine nuit, François est accueilli très froidement par sa mère qui lui reproche de prendre trop de risques dans la résistance. Impossible d’abandonner des compagnons de lutte. S’il arrête, le réseau du Lynx pourrait prendre ça pour une trahison. Ce que la maman ne sait pas, c’est que le Lynx, c’est son fils et ses deux amis Eusèbe et Lisa. Depuis dix mois maintenant, vingt-et-un résistants venus de toute la France ont été embauchés pour travailler à la reconstruction des écluses. Le fracas du chantier leur permet de s’entraîner à l’escalade, au maniement des explosifs et au combat. Pendant ce temps, les messages arrivent de Londres. Le débarquement semble se préparer. Sentant le vent tourner, la milice française, à la botte des nazis, accentue la répression.
Lisa, François et Eusèbe vont être amenés dans cet épisode à prendre tous les risques. Lisa est soubrette chez un officier allemand, espérant glaner des informations confidentielles. Eusèbe assiste, impuissant, au retour d’Hyppolite dans l’uniforme d’un milicien. Il ne sait pas encore qu’une vision cauchemardesque l’attend lorsqu’il se trouve confronté aux conséquences du décret Sperrle faisant passer la France de territoire « ami » à « hostile » pour les allemands. François, lui, va recueillir et cacher un espion anglais. Si l’étau se resserre autour des mouvements de résistance, c’est le moment ou jamais pour ne pas lâcher le combat, d’autant plus qu’il semble que l’ennemi commence à paniquer.
Ce neuvième épisode des enfants de la résistance est un moment pivot de la série. La tension n’a jamais été aussi forte. Benoît Ers et Vincent Dugomier prennent leurs responsabilités d’auteurs en montrant des scènes insoutenables et réelles. Bien que l’on soit dans une bande dessinée tous publics, c’est ce qu’il fallait faire. On se surprend à avoir peur et à laisser couler des larmes, devant l’horreur et les décisions radicales. La série assume son rôle d’œuvre de mémoire, en abordant des choix politiques moins racontés. Ainsi, le décret Sperrle influence et accentue une collaboration radicalisée. On apprend que Les jours heureux intitulant l’album n’annoncent pas la fin du conflit. Si nous, on sait que ça approche, eux ne sont pas encore certains de l’issue. Les jours heureux est en fait le programme du conseil national de la résistance, prévoyant le plan d’action une fois la guerre gagnée, avec le jugement des collaborateurs et le rétablissement de la démocratie, du suffrage universel et du syndicalisme.
Les enfants de la résistance viennent de franchir le cap des deux millions d’albums vendus. Une adaptation cinématographique par Christophe Barratier (Les choristes) avec Artus est en production.
Intelligente, pédagogique mais pas didactique, dans un style franco-belge excellement maîtrisé et avec une mise en couleurs dynamique, la série continue à surprendre par sa justesse et son audace.
Série : Les enfants de la résistance
Tome : 9 – Les jours heureux
Genre : Histoire
Scénario : Vincent Dugomier
Dessins & Couleurs : Benoît Ers
Éditeur : Le Lombard
Nombre de pages : 56
Prix : 12,50 €
ISBN : 9782808210966
- Anya 2 – L’antre de la sorcièrepar Laurent Lafourcade
Pour l’amour de Papouchka
« -Papouchka… Ça va ?
-Je ne me sens pas bien. Je vais aller m’allonger un peu… Ça ira mieux demain.
-Pourtant tu portes tes nouvelles bottes.
-Oui, mais je les aies reçues trop tard… Mais ne t’inquiète pas… Je vais aller me coucher et demain matin tout ira bien. »
« Cristaux d’amour, étoiles de glace… La lalaaa… Les flocons dansent dans le vent… » Anya chantonne au coin du feu dans l’atelier de Papouchka. Sur le tapis, le chien Kozak dort du sommeil du juste. La pièce est inondée de jouets confectionnés par le grand-père. Une princesse, un chevalier, ils s’embrassent. Touss, touss !!! Papouchka n’a pas l’air en grande forme. Il part s’allonger un peu. Le lendemain, la petite fille va lui porter au lit un bon thé chaud et du miel. Le vieil homme est fiévreux. Il tremble de partout. Il a besoin de médicaments. Anya n’a pas d’autre solution que d’aller les chercher en ville chez Dame Petrovna. Elle emmène avec elle la plume bleue. Kozak tire la luge sur laquelle elle s’assoit. C’est parti.
On avait accompagné Anya et son Papouchka en ville pour y vendre des jouets fabriqués par ce dernier. On les retrouve chez eux, mais pas pour longtemps car il faut trouver le moyen de guérir le papi. Le voyage à la ville va être interrompue par Tatiana qui, telle la fée bleue de Pinocchio, veille sur Anya. Elle lui apprend que les médicaments ne suffiront pas et va emmener la fillette à la rencontre de Baba Yaga, la fameuse Baba Yaga, la sorcière… qui mange les enfants ! Si c’est la seule solution pour sauver Papouchka, il va bien falloir l’affronter. Ce qu’Anya ne sait pas encore, c’est que Baba Yaga connaît sa famille.
Didier Crisse nous ouvre les portes d’un monde merveilleux. Avec ses couleurs, Fred Besson nous y enferme pour que l’on ne puisse plus en sortir. Durant le temps de la lecture, les petits lecteurs seront émerveillés, tandis que les grands retrouveront la douceur et la quiétude des histoires au coin du feu. Un mot sur la maquette magnifique du petit album à l’italienne. Recto comme verso, comme page de titre, la composition est sublime. Chacune de ces trois illustrations est composée d’un grand dessin bordé de petites cases immergeant dans l’ambiance des contes enneigés de l’Est : un paysage, une fiole, un hibou, des corbeaux, un chat noir, une lune, des étoiles, … Avant même de commencer l’histoire, on est déjà projeté dans l’ambiance. Alors qu’on peut reprocher à certains récits de mettre du temps à nous immerger, Crisse, à qui l’on n’a plus besoin d’apprendre à raconter une histoire, ne pouvait pas faire mieux. Plus que bravo, à Crisse, on dit merci.
Oubliés Masha et Michka, notre référence des contes populaires d’Europe de l’Est, c’est Anya, série que l’on souhaite longue, à ranger dans un autre style à côté d’Ana Ana publié chez Dargaud, et à qui l’on souhaite le même succès.
Série : Anya
Tome : 2 – L’antre de la sorcière
Genre : Conte russe
Scénario & Dessins : Didier Crisse
Couleurs : Fred Besson
Éditeur : La Gouttière
ISBN : 9782357961111
Nombre de pages : 32
Prix : 10,70 €
- Paroles de poilus – Lettres du front 1914-1918par Thierry Ligot
Témoignagnes et respect
« En temps de paix, les fils ensevelissent leurs pères ;
en temps de guerre, les pères ensevelissent leurs fils. »
Hérodote
Un collectif de plus de 60 autrices/auteurs BD s’est donné comme « mission » de mettre en images les lettres, extraits de journaux personnels ou notes d’une centaine de Poilus, écrits sur le front, à l’arrière, avant un assaut, une déportation, …
Les 2 tomes parus initialement en 2006 et 2012, rassemblés en une intégrale en 2015, ressortent aujourd’hui dans une nouvelle édition …
Un témoignage unique sur la Grande Guerre vue de l’intérieur … de ces Poilus jetés en pâtures sur des champs de batailles sanglants.
Une guerre après une ère de 20 ans de croissance et 40 de paix en France et en Europe ! Une « Belle Époque » marquée par les développements techniques, les innovations dans tous les domaines, les synergies intellectuelles, les fastes des expositions universelles et coloniales, … illuminent les capitales européennes.
Une « Belle Époque » qui voit exploser une renaissance culturelle riche et variée ! Notamment en peinture avec ses divers courants : impressionnisme, fauvisme, expressionisme, cubisme, … !
Mais pour maintenir cette croissance, de nouveaux empires sont nécessaires, de nouvelles ressources indispensables ! Les « pays modernes » ne se construisent pas sur des châteaux de sable mais sur des luttes sociales ! Et si personne ne veut la guerre, cette dernière devient inévitable avec les expansions des empires coloniaux ! Mais quelle guerre ! Une mondiale, la première ! Si des guerres coloniales se déroulaient en Afrique, en Asie, … elles étaient loin du sol européen et passaient quasi « inaperçues » aux yeux du grand public !
Ainsi dans les hautes sphères, aussi bien en France qu’en Allemagne, on prépare lentement mais sûrement les populations à un affrontement direct ! Ils mettront 10 ans à faire sournoisement évoluer les mentalités, réussissant à convaincre, chacun de son côté du Rhin, que l’ennemi est sur l’autre rive !
Il est oublié le temps où l’ennemi héréditaire de la France était la perfide Albion !
En 1914, les esprits sont échauffés, prêts à se plonger dans l’horreur sans nom d’un conflit qui ne mettra personne à l’abri : l’enfer des tranchées, des gaz, les attaques aveugles et massives, véritables boucheries inutiles, … l’appel aux contingents des colonies …
Il n’y a plus qu’à attendre l’étincelle qui mettra le feu aux poudres ! Nous sommes le 28 juin 1914 et à Sarajevo quelqu’un l’allume !
Les Poilus vont y être plongé … 4 ans, 3 mois et 9 jours d’enfer !
Se remémorer l’enfer de leur quotidien, leurs espoirs, leurs déceptions, leur rage parfois, comme leurs horreurs face à un conflit où ils n’étaient finalement que de la chair à canon, sacrifiable pour gagner 5 m de tranchées.
« Je dis franchement. Un homme de 35 ans qui meurt, est un foyer détruit, avec toutes ses responsabilités et ses charges ; – mais, je ne puis ni m’empêcher de me demander si il n’y a pas encore plus de tristesse lorsque ce qui est brutalement détruit, c’est l’espoir même du foyer. »
Lieutenant Albert-Jean Després, 35 ans – Lettre à son fils de 9 ans – 11 octobre 1916
Des millions de morts, plus encore de blessés et combien de mutilés à vie ! Pour un résultat qui changea peut-être la carte de l’Europe, mais jeta les fondations du suivant, plus apocalyptique encore s’il avait été possible de l’imaginer.
A travers ce recueil des 3 tomes de « Paroles de Poilus – Lettres du front – 1914/1918 » nous ne pouvons qu’effleurer ce que tant de Poilus ont souffert.
« Je suis trop sale et j’ai trop de poux. Je ne peux croire que c’est le fumier qui fait la rose – et que notre pourriture acceptée par le camp et la tranchée, que notre révolte, que notre douleur feront de la justice ou du bonheur. »
Henri Aimé Gauthé – Lettre à sa correspondante de guerre
Vie (si nous pouvons appeler cela une « vie ») dans les tranchées, attentes avant l’attaque, barrages d’artillerie, coup de filet et poussées d’adrénalines, attaques sous les tirs de mitrailleuses des boches, les blessures (si par chance, la mort ne veut pas de vous), l’hôpital voire le camp de prisonniers, sans omettre le sort réservé aux déserteurs ! Tant de mots cachant tant de souffrances !
« Sur le soir l’on nous apprend une horrible nouvelle : au-dessus de nous l’asile brûle ; les obus ont mis le feu, c’est un véritable brasier ; puis le feu tombe par les soupiraux et enflamme la paille sur laquelle nous sommes couchés. Alors c’est un véritable sauve-qui-peut, les femmes, les enfants, les vieillards et les moins blessés se sont enfouis et moi qui ne peux faire un mouvement, je reste abandonné avec plusieurs de mes camarades, le feu se rapproche de nous. Alors, je me traîne, jusqu’au bas des marches, mais quelle souffrance j’ai endurée ! Je crache du sang à pleine bouche. »
Désiré, Lettre à sa fiancée, 22 août 1914
Des témoignages directs, vrais, sensibles ou durs, insoutenables bien souvent, tendres et amoureux parfois … des lettres de vie et de mort, admirablement mises en images par 60 autrices et auteurs du 9ème Art tel Bailly, Bajram, Boucq, Démarez, De Metter, Jarbinet, Lepage, Lidwine, Guarnido, Parnotte, Pedrosa, Rossi, Mallié, Juan Gimenez, Vernay, …
Chacun dans son style, avec sa sensibilité et son approche personnelles, parfois loin de ses univers de prédilection, a réussi à transposer chacune de ces lettres en un court récit de 2 à 6 pages.
Toutes ces lettres sont authentiques. Ces tranches de vie ont pu être regroupées suite à un appel sur Radio France en 1998. Des dizaines d’enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de poilus y ont répondu en confiant lettres et journaux de guerre de leurs aïeux afin d’enrichir cet émouvant recueil d’après les ouvrages de Jean-Pierre Guéno.
Lectrices, lecteurs, rappelle-toi d’eux ! Ils avaient 17 ans ou 50 ans, étaient paysans, instituteurs, ouvriers, boulangers, bourgeois et devinrent pour « la plus grande gloire » de … personne finalement … mais pour notre liberté et la chance de pouvoir écrire ces mots librement de la chair à canon sous des uniformes d’artilleurs, de fantassins ou de brancardiers !
Un travail de mémoire remarquable pour des hommes, les plus de 2 millions de Poilus qui ne rentrèrent jamais chez eux, pour les 4 autres millions qui revinrent dans leur foyer blessés ou mutilés à vie !
Ils méritent notre respect éternel …
Titre : Paroles de Poilus – Lettres du front 1914/1918
Scénariste : Jean-Pierre Guéno
Illustrateurs / Coloristes : collectif dont Pierre Alary, Bailly, Bajram, Bertail, Biancarelli, Boucq, David B., Démarez, De Metter, Drans, Adrien Floch, Juan Gimenez, Guarnido, Jarbinet, Lauffray, Lepage, Lidwine, Mallié, Thierry Martin, Emmanuel Moynot, Parel, Parnotte, Paty, Pedrosa, George Pratt, Rabaté, Thierry Robin, Rossi, Alec Séverin, Florent Silloray, Béatrice Tillier, Varanda, Valérie Vernay, …
Éditeur : Soleil
Genre : Histoire, Biographie, tranches de vie, témoignages
Pages : 288
ISBN : 978 2 3021 0425 9
Prix : 39,95 €
- Ducky Cocopar Laurent Lafourcade
Canard cow-boy et fière monture
« -On est faits pour s’entendre, Guiguite.
-Tu me dois minimum 200 $.
-Tu t’estimes à seulement 200 $ ?
-C’est le prix d’un canasson banal.
-Je reconnais que tu n’es pas banal. Merci. »
Ducky Coco, un cow-boy canard, débarque au Gold Ranch. Il cherche à acheter un cheval. Le propriétaire lui propose une bête exceptionnelle… capable de tresser des bracelets brésiliens. Ce n’est pas vrai mais c’est un argument de vente. Le cheval, qui parle, refuse d’être traité comme une vulgaire marchandise. Il s’appelle Steevy mais préfère qu’on l’appelle Guiguite. C’est gratos qu’il va accepter de partir découvrir les grands espaces avec Ducky Coco sur son dos. Ensemble, en ville et dans la nature, ils vont parcourir le Far West.
A l’hôtel, pas grave s’il ne reste qu’un lit. Ils vont dormir dans le même. Si Guiguite est fatigué, il monte dans une diligence, n’en déplaise aux dames indignées. Au saloon, il y a toujours moyen pour le cheval de siroter un whisky même s’il reste à l’extérieur. Quand il y rentre, c’est pour jouer au poker. Lorsque le duo risque de se faire braquer par un outlaw en pleine zone désertique, si l’un des deux est un cheval qui dort, il y a moins de risque que ça tourne mal. Dans ce monde sauvage, détecter les bandits, c’est bien, détecter les menteurs, c’est parfois moins évident mais on peut quand même y arriver. Sacrés chercheurs d’or qui tentent d’éloigner des visiteurs qui auraient des velléités pour orpailler avec eux.
Ducky et Guiguite est l’un de ces duos improbables que l’on croise souvent au cinéma ou en bande dessinée. Leur monde naturellement déjanté est à mourir de rire. A l’instar de Lucky Luke et Jolly Jumper, Ducky et Guiguite sont d’une complicité exemplaire. Comme Lucky, Ducky est relativement lisse. Ce sont les gens qu’il croise qui sont azimutés. Rien ne le surprend. Il fait son job de cow-boy, justicier quand il le faut mais ce n’est pas non plus son but premier. Si Jolly Jumper se contente de commenter, Guiguite fait ce qu’il veut quand il veut, comme s’il était un humain. Roublard, pas très délicat, il est sans gêne mais sait se montrer serviable.
Dans une pure ligne claire et des aplats de couleurs, Anouk Ricard réinvente le western. C’est débile au sens noble du terme. Philippe Katerine pourrait jouer le rôle de Ducky… s’il avait un bec. Ricard invoque Ionesco pour un album à ranger à côté de ceux d’Emilie Gleason. L’autrice ne peut pas nous laisser sans suite. Absurdement génial.
One shot : Ducky Coco
Genre : Western humoristique
Scénario, Dessins & Couleurs : Anouk Ricard
Éditeur : 2024
ISBN : 9782383870845
Nombre de pages : 72
Prix : 23 €
- Chats perchés / Petiote fête Noëlpar Laurent Lafourcade
Félins et lutin, Nuit et Noël
« -Mais… Il n’y a que des images ?
-Mais… Il n’y a pas de texte ? »
Dans la nuit noire, très noire, la lune monte au ciel à l’arrière des toits de la ville. L’ombre d’un chat s’en détache, puis celle d’un autre, avant qu’une chauve-souris n’excite les greffiers et les entraîne dans une course-poursuite. Si les chauves-souris volent, les chats non. Par bonheur pour eux, ils retombent toujours sur leurs pattes. Leurs facéties ne sont pas du goût de tout le monde, ils viennent de déranger une chouette qui semble furieuse. Ça ne va pas empêcher les chats de continuer à s’amuser, et à se séduire.
Chez Petiote, on s’approche du jour de Noël. La fillette se réveille, orne sa tête de cornes de cerfs et pose un bonnet rouge sur celle de son petit chien. Il est temps de demander à papa ou maman de descendre du haut de l’armoire la caisse avec toutes les décorations de Noël afin de garnir le sapin. Petiote accroche une boule rouge, le chien se charge d’un sucre d’orge. Il y a même une boule à neige avec une maison dedans. Il n’en fallait pas plus pour déclencher l’imaginaire de l’enfant. La voilà dans sa tête dehors, à s’amuser dans la neige avec son animal, à faire un bonhomme de neige, puis de la luge…
Après Mon cœur, cette si belle histoire d’un ours blanc, Antoine Guilloppé passe du blanc au noir, en noir et blanc, avec Chats perchés. Les yeux d’animaux sont comme des torches qui éclaircissent les mystères nocturnes. Comme un théâtre en ombres chinoises, il nous invite dans la nuit, sur les toits de Paris, avec un final hommage à ce qui est peut-être le meilleur dessin animé des studios Disney : Les Aristochats.
Petiote, quant à elle, est de retour déjà pour la troisième fois. Après avoir exploré son jardin, elle prépare Noël. Entre son imagination débordante et la réalité féérique de ce moment de l’année, Petiote va être la meilleure complice pour attendre le jour J. Le final en mise en abime est d’une incroyable poésie. On ne devrait jamais quitter l’enfance.
Mini-bulles et maxi-plaisir. Quand la bande dessinée s’adresse aux plus petits avec tant de malice, d’intelligence et de respect, que demander de plus ?
Tome : Petiote 3 – Petiote au jardin
Scénario, Dessins & Couleurs : Jane Massey
Tome : Chats perchés
Scénario & Dessins : Antoine Guillopé
Genre : Aventure pour les tout-petits
Éditeur : Nathan
Collection : Mini-bulles
ISBN : 97820950-39295 /-37123
Nombre de pages : 32
Prix : 8,50 €
- Les notes rougespar Laurent Lafourcade
Une sœur, un frère, la guerre…
« -Rassure-toi… Je ferai tout mon possible pour le retrouver. Ce n’est pas de ta faute, tu m’entends ?
-Mais si seulement j’avais…
-Ce n’est pas de ta faute, Anna.
-Merci. Andrej… Fais attention à toi… »
Pologne, automne 1941. Anna, une jeune fille, rédige une lettre pour son frère Dorian : « Rejoins-moi sur l’île. Ce soir, à 22h. Je t’attendrai jusqu’au lever du soleil. Ta sœur qui t’aime, Anna. » Elle la cachète et l’entoure d’un ruban rouge. Elle sort à vélo et la confie à Andrej, un homme qui la rassure. Il va essayer de retrouver l’enfant. Seize ans plus tard, Anna est une jeune femme. Elle compose sur son piano Les notes rouges, une œuvre musicale dont elle est l’autrice. Pour la première fois depuis si longtemps, elle retourne dans le village de son enfance, au théâtre, pour y jouer Les notes rouges. Depuis toutes ces années, elle lui écrit par l’intermédiaire d’Andrej, dans l’espoir qu’il réussisse à entrer en contact avec lui. Jamais Anna n’a eu de réponse. Est-il seulement toujours vivant ? Elle espère toujours un signe. Ce concert est l’occasion ou jamais…
Quelques années plus tôt, Anna et Dorian Kowalski sont deux orphelins en pleine Pologne occupée par les nazis. Alors que les enfants sont sortis du dortoir de l’établissement qui les a recueillis pour jouer du piano dans un auditorium, ils sont surpris par le bruit des bottes. Anna parvient à s’enfuir, croyant que son frère la suivait. C’est la dernière fois qu’elle devait le voir. Anna sera plus tard adoptée par une famille française de musiciens. Elle ne cessera jamais d’essayer de retrouver son frère. Elle ne laissera jamais la place à l’oubli, gravant en elle le visage de son frère.
Sept chapitres, chacun portant le nom d’un type de composition musicale, composent cet album. Un prélude, une ouverture, une nocturne, une fugue, une marche et un impromptu enveloppent ce récit poignant. Les notes rouges est une histoire interrompue entre un frère et une sœur. On suit Anna dans sa route de Paris à cette ville de Pologne dont le nom commence par L., certainement Lublin, partiellement détruite par l’armée allemande en 1939. Les flashbacks racontent sa vie, son enfance, son adoption, et surtout la séparation avec son frère et le mystère l’entourant, au travers de lettres qu’elle a écrites pour lui. L’autrice Nadia Nakhlé offre à l’histoire un écrin somptueux dans des tons différents selon l’époque ou le narrateur concernés. Hormis le temps présent, les scènes sont en bichromies. Des hachures grattées retranscrivent les moments les plus douloureux. La musique jouée sur les touches du piano accompagnent la lecture de l’album. Si l’on ne peut que regretter de ne pouvoir entendre celle composée pour l’album par Stéphanie Verissimo (un QR code pour y accéder aurait été bienvenu), il est toujours possible de se rabattre sur la délicate Nocturne de Chopin en si bémol mineur, pour accompagner la lecture de cet album majeur.
De tous les albums dont la toile de fond est la seconde guerre mondiale, Les notes rouge est l’un des plus lyriques. Le mystère est tenu jusqu’au bout. Cerise sur le gâteau, la couverture ne pouvait pas être plus réussie.
One shot : Les notes rouges
Genre : Drame historique
Scénario, Dessins & Couleurs : Nadia Nakhlé
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
ISBN : 9782413048190
Nombre de pages : 208
Prix : 27,95 €
- Ana Ana 24 – Les doudous licornespar Laurent Lafourcade
Inquiétude chez les doudous
« -Aaaah !!!Pourquoi voit-on autant de licornes tout d’un coup, Ana Ana ?
-De plus en plus d’enfants aiment les licornes, Zigzag ! Alors leurs parents leur offrent ces doudous. »
Quel beau soleil pour se promener à vélo dans les rues du village avec tous les doudous ! Ana Ana et ses compagnons profitent de cette météo resplendissante en se baladant. Tiens ! Une nouvelle peluche, puis une autre, et encore une autre ! Toutes des licornes ! Les enfants les adorent, alors leurs parents leur en offrent. Cette analyse d’Ana Ana va mettre ses propres doudous en état de stress. Si la gamine s’entiche d’une de ces bestioles, elle jouera tout le temps avec elle et oubliera ses vieux compagnons. Quand elle va vouloir leur lire une histoire…. de licorne, c’est l’affolement général. Les doudous préfèrent faire la sieste tout de suite. Ça va être l’occasion pour Goupille de mettre en place une stratégie machiavéliquement drôle.
Les licornes font partie d’un imaginaire d’enchantement ravissant les enfants et ceux qui en ont gardé l’âme. Si elles émerveillent tant de monde depuis si longtemps, ce n’est pas innocent. Pourtant, elles se trouvent rarement au premier plan des fictions, sauf peut-être dans les séries de dessins animés My little pony ou Mia and me. On en croise également une, Unikitty, licorne-chat, dans la grande aventure Lego, et dans Adventure Time, Miss Rainicorne, qui parle coréen. En bande dessinée, récemment, elles sont les vedettes des Héricornes, de Kid Toussaint et Veronica Alvarez aux éditions Le Lombard, pour un public jeunes ados, et des Licorniers, de Victor Dixen et Gloria Marino chez Glénat. Grâce à Ana Ana, les licornes intègrent sans mièvrerie la littérature jeunesse.
On ne va pas vous dévoiler la farce de Goupille. Il faut laisser la surprise. Mais il est certain que vous ne verrez jamais plus les licornes comme avant. Méfiez-vous des apparences ! De façon sous-jacente, car il y a toujours du sous-jacent chez Ana Ana, cet épisode est sur le thème de la peur de l’abandon. Evidemment, ça n’arrivera pas puisque, là aussi sans spoiler, la fraternité vaincra. Mais cette crainte est fréquente chez les doudous… euh… chez les enfants. Il est alors nécessaire de les rassurer. Une discussion autour de cet album d’Ana Ana pourra aider à expliciter les choses. On ne remplace pas des amis, ou des enfants, on complète son cercle sans délaisser ceux qui étaient là avant. Alexis Dormal et Dominique Roques signent un vingt-quatrième titre de la série aussi fort que les précédents. La magie opère toujours.
On retrouvera bientôt Ana Ana pour un grand pique-nique. Peut-être même qu’une licorne sera invitée. Et comme c’est bientôt Noël, n’oubliez pas qu’un épisode de la série y est consacré. En attendant, câlinez ici des doudous licornes. C’est si réconfortant… comme un album d’Ana Ana. Vive vive Ana Ana !
Série : Ana Ana
Tome : 24 – Les doudous licornes
Genre : Petit bonheur poétique
Scénario : Dominique Roques
Dessins & Couleurs : Alexis Dormal
Éditeur : Dargaud Jeunesse
ISBN : 9782205211702
Nombre de pages : 32
Prix : 7,95 €
- Les Antres 2 – Quéapar Laurent Lafourcade
Musique interdite !
« -Tu as vu ce que fait Nina dans son hangar ?
-Bien sûr, Anton. C’est un ouvrage magnifique. Ne pars pas.
-Et elle l’aura bientôt fini ?
-Elle passe la laque aujourd’hui. C’est la dernière étape.
-Eh bien je vais aller voir Nina. Je vais la convaincre de me confier ce chef-d’œuvre, et j’irai défier Sedah ! »
Anton réussira-t-il à s’enfuir dans les collines avec un piano à queue ? Le clandestin poids plume, recherché par tous les sbires des sœurs-juges, voudrait traverser les antres avec un instrument interdit de 150 kilos. Mais pourquoi donc Anton est-il clandestin ? Tout simplement parce qu’il est au royaume des morts… et qu’il n’est pas mort. Dans ce monde où la musique est totalement interdite, Nina Simone est en train de construire en secret un piano à queue. Si Anton parvient à en jouer devant Sedah, le grand régisseur des morts, ce dernier sera plongé en état hypnose. Anton pourrait ainsi lui demander de revenir dans le monde des vivants. C’est Quéa, la jeune sœur-juge fille de Sedah qui lui a suggéré de faire comme ça.
N’ayant aucun souvenir de sa vie d’avant, Anton est néanmoins persuadé qu’il est bel et bien vivant. Dans ce monde entre les mondes, cet entre-monde, ce monde des « antres », Anton est comme le ramoneur du Roi et l’Oiseau. Il court, il court. Il fuit tout autant qu’il poursuit. Si Les antres est une série sur la mort, c’est aussi une série sur la musique. L’art en général et la musique en particulier peut sauver un monde, quel qu’il soit, concret ou dans les limbes. Ce n’est pas pour rien si Frédéric Chopin et Nina Simone sont de la partie. On aperçoit même Régine, Prince, Michou, Dalida et… Geneviève de Fontenay, avant que les frères Montgolfier ne viennent tester leurs nucléon-moteurs.
Eric Puybaret a mis plus de deux ans à publier ce deuxième tome des Antres. Il faut dire que chaque planche, chaque case, est un tableau en soi. Ce n’est certainement pas un hasard si Anton croise aussi la route de Laïs de Corinthe, non pas parce que c’était une courtisane de la Grèce antique, mais parce qu’elle a été le sujet d’un portrait de Hans Holbein le Jeune. Il a adopté le style du sfumato, technique mise au point par Léonard de Vinci. Le sfumato donne des contours imprécis en jouant sur les textures. Les antres est une des rares bandes dessinées « sfumato ». Il n’y a aucun trait de contours. Les éléments de décors se fondent entre eux. Les personnages s’y intègrent avec délicatesse pour certains, avec horreur pour d’autres. Attention, voilà de méchantes créatures ailées !
Anton réussira-t-il à rejoindre le monde des vivants ? Sera-ce où il veut quand il veut ? Le cliffhanger final ne lui promet pas un avenir proche de tout repos. Notre souhait n’est pas qu’il ressuscite tout de suite, mais qu’Eric Puybaret ne nous fasse pas trop languir pour le retrouver. En attendant, rêvons dans sa mort, car si c’est vraiment comme le décrit l’auteur « de l’autre côté », on ne risque pas de s’ennuyer.
Série : Les Antres
Tome : 2 – Quéa
Genre : Fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Eric Puybaret
Éditeur : Delcourt
Collection : Terres de légende
ISBN : 9782413049258
Nombre de pages : 56
Prix : 15,50 €
- La fille aux cheveux turquoisepar Laurent Lafourcade
Sous la baguette de la fée bleue de Pinocchio
« -Raconte-moi une histoire.
-Pour qui me prends-tu ? Un bonimenteur ? Toi, raconte-m’en une !
-Mmh… D’accord.
-? Qu’y a-t-il, chérie ?
-Chaque fois que je dois raconter une histoire, j’ai peur de la sorcière au marteau !
-La sorcière au marteau ? Pourquoi ?
-Elle pend les enfants au grand chêne !
-Pour commencer, si tu crois aux sorcières, tu dois aussi croire aux bonnes fées. »
Juillet 1872. Ecrivain et journaliste italien, Carlo Lorenzini, dit Collodi, prend quelques jours de repos chez son frère Paolo et sa belle-sœur Luisa. C’est là qu’il va faire la rencontre de Giovanna, la fille du jardinier. La gamine vient de se faire réprimander parce qu’elle a cueilli toutes les roses pour les offrir à Luisa. Carlo dédramatise la situation, ce qui n’empêchera pas ses parents de la priver d’histoires avant d’aller au lit, punition ultime pour elle. Trois ans plus tard, en repos forcé à la campagne, l’auteur retrouve la petite fille. Elle a sept ans et ne résiste pas aux bonbons. Il lui raconte des histoires. Ses cheveux aux reflets bleus l’inspirent. Elle aussi sait en imaginer. « Il était une fois un homme fait de bois ! » Elle l’interrompt dans ses contes. Lequel des deux s’amuse le plus ? Le duo se nourrit l’un de l’autre. Au fil des ans, la petite grandit. Carlo la retrouve à chacun de ses séjours.
La première partie de l’album est consacrée à la relation quasi-filiale entre l’écrivain et la fille du jardinier qui deviendra servante de la maison. Mais en octobre 1890, Carlo Collodi meurt. Celle à qui il aura donné un rôle dans Pinocchio, celui de la Fée bleue, est inconsolable. S’instaure entre eux un dialogue imaginaire. Cette seconde partie suit la vie de Giovanna jusqu’à sa disparition. L’esprit de l’auteur de Pinocchio ne la quittera jamais. Elle a inspiré la fée, elle est devenue la fée. La magie de l’imagination a pris le pas sur la réalité. Les histoires sont un remède. Elles sont plus fortes que la mort. Giovanna a sans le savoir aidé Carlo à surmonter le décès de sa sœur Marianna. Carlo a sans le savoir aidé Giovanna à affronter la vie et à supporter les épreuves grâce à son livre, qui parlait aussi de la mort.
La fille aux cheveux turquoise est l’histoire de la genèse d’une création, mais c’est aussi l’aventure d’un duo que la mort n’a pas réussi à séparer. Dans son récit empreint d’une émotion intense, Elena Triolo montre la force et la puissance de l’imagination. Dans un graphisme clair et des tons pastel, l’autrice invite ses lecteurs en Toscane, il y a cent-cinquante ans. On connaît tous Pinocchio passé par le prisme Disney. Ce que l’on sait moins, c’est que le récit de Collodi est beaucoup plus sombre. Connaissant à présent toute la sensibilité sous-jacente dans sa genèse, on n’a qu’une envie : se plonger dedans.
Biographie de Giovanna Ragioneri, La fille aux cheveux turquoise est une immersion à la source d’une œuvre magistrale. Sous le pinceau d’Elena Triolo, les yeux gigantesques sont une majestueuse invitation à la lecture évasion. La fée bleue a donné un coup de baguette magique sur ce livre.
One shot : La fille aux cheveux turquoise
Genre : Fiction historique
Scénario, Dessins & Couleurs : Elena Triolo
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782931105313
Nombre de pages : 176
Prix : 24 €
- Aux côtés du Dieu-Loup 1par Laurent Lafourcade
Le sacrifice consenti
« -Vous êtes sûr, vénérable doyen ? Je peux vraiment manger tout ça ?
-Il faut que tu montes jusqu’à l’autel de la montagne, aujourd’hui. Ce pain servira à te donner des forces. Il en va de même pour notre Dieu-Loup. Il doit te manger, car il a besoin de forces. Pour que le printemps revienne dans notre village. Qui sait, il nous offrira peut-être une bénédiction, pour nous remercier de notre offrande. »
Jadis, une terrible famine a ravagé la région. Grâce à la bonté du Dieu-Loup, le village a été sauvé. D’après le doyen, c’est lui qui est aujourd’hui responsable de l’hiver perpétuel. Les récoltes sont maigres. Les offrandes déposées à chaque pleine lune sur l’autel de la montagne n’y font rien. Elles semblent insuffisantes. Un sacrifice humain pourrait mettre fin à tout cela. Se débarrasser d’une bouche inutile à nourrir ne devrait pas coûter trop au village. Un jeune garçon, dont un colporteur pour qui il était un fardeau s’était délesté en échange de foin pour son cheval, est prié de monter jusqu’à l’autel de la montagne pour se faire dévorer par le Dieu-Loup. Si c’est pour aider les villageois, il est d’accord, heureux d’être utile.
Une apparence bestiale, un corps divin rouge, le Dieu-Loup cause de profondes perturbations au monde lorsqu’il est contrarié. Conscient de ce que le village a fait pour lui, le garçon attend d’être croqué. Contre toute attente, la bête refuse de le dévorer. Pas assez dodu. Il lui demande de d’abord se remplumer. On verra à la prochaine lune. Une relation imprévisible va s’installer entre les deux êtres. Le loup apprend à l’enfant à pêcher, à faire un feu. Il lui raconte ses fabuleuses histoires dans le vaste monde. L’humain adore l’animal, lui et les flammes de sa fourrure, sa beauté et sa chaleur. Rapidement, l’enfant se rend compte que l’humeur du loup a une influence sur le temps, mais ce dernier n’a pas fait la relation de cause à effet. L’enfant n’a pas de nom car il n’a pas de famille. Peut-être en acquerra-t-il un et une…
Yomoko Yamamoto joue sur une dualité et un duo improbable pour une série dont il est encore complexe de définir les intentions. Si le premier chapitre est relativement « classique », une victime consentante, un bourreau qui n’en veut pas, la suite emmène sur des terrains inattendus. Il y sera question d’horticultrices et de fleurs, des bénédifleurs et des maléfleurs. L’apparition d’un personnage aux habits contemporains va casser l’ambiance fin de Moyen-Âge. Nos héros seront mis au cœur d’une malédiction familiale. A la manière de To your eternity, va-t-on changer d’époques et de lieux… ou pas ? L’avenir nous le dira. Il est en tous cas très prometteur.
On n’avait pas vu, ou plutôt lu, si beau duo depuis L’enfant et le maudit, de Nagabe, paru chez Komikku. Le Dieu-Loup et l’enfant, à qui il donnera un nom, démarrent à leur tour un voyage pour soigner leurs blessures et celles du monde.
Série : Aux côtés du Dieu-Loup
Tome : 1
Genre : Seinen Heroïc-fantasy
Scénario & Dessins : Yomoko Yamamoto
Éditeur : Bamboo
Collection : Doki Doki
ISBN : 9791041107810
Nombre de pages : 192
Prix : 7,95 €
- Idéfix et les irréductibles 7 – La traversée de Lutèce par Laurent Lafourcade
Manigances et détournements
« -Pour une bonne soirée, on peut dire que c’est une bonne soirée…
-Qui va là ?
-Par Bélénos, filons !
-Au voleur !!
-Hue !
-Au voleur !! »
La nuit est tombée sur Lutèce. Pendant que les fêtards gaulois chantent, ripaillent et rient oubliant un temps l’occupation romaine, un riche citadin se fait dérober ses sesterces par Lentix, le « voleur à la charrette ». Dès le lendemain, le général Labienus proclame le couvre-feu. Alors que les romains pensaient mettre ainsi plus facilement main basse sur le voleur, la stratégie lui laisse au contraire le champ libre. Poulérotix, qui vient d’acheter de nombreuses trouvailles « factum in Sina » au marchand Epidemaïs, a intérêt à bien surveiller ses stocks.
Lentix est le héros, ou plutôt l’anti-héros, des trois histoires débutant par « La traversée de Lutèce ». Dans « Vocalises au caveau », Lentix chante dans une rue de la capitale, applaudi par la foule et accompagné par deux centurions romains. Accompagné par deux centurions ? C’est étrange, par Toutatis. Tout simplement, Lentix n’est pas Lentix. C’est le préfet de la ville, Pleindastus, se rêvant artiste, qui a pris son apparence grâce à une potion du druide Amnésix qu’il séquestre.
Dans « Labienus légionnaire », le général est dégradé par le préfet sous prétexte d’un plastron rayé. Le voici condamné à verbaliser le quidam dans les rues de Lutèce, attendant son retour en grâce. En effet, Pleindastus veut détourner son attention pour vider les réserves d’or romaines avec la complicité de Lentix.
Les trois récits de ce septième album sont issus de la deuxième saison de la série de dessins animés. Alternant dorénavant les albums avec Jean Bastide, Philippe Fenech est au dessin de ces histoires et pour la première fois au co-scénario de l’une d’entre elles. La série BD peut se targuer d’approcher les 400 000 exemplaires vendus sur les six premiers albums. La série animée dépasse les 600 000 téléspectateurs. Plus que jamais, le petit chien est une valeur sûre. Pour couronner le tout, du 9 décembre 2024 au 9 mars 2025, Idéfix est au cœur d’une exposition au centre belge de la bande dessinée de Bruxelles. Idéfix et Cie, la grande aventure d’un petit chien, retrace la carrière du canidé de sa première apparition dans Le Tour de Gaule, jusqu’à la série animée actuelle.
Rantanplan, Milou, Bill, Cubitus, Snoopy, Grimmy, les chiens mythiques de la bande dessinée ne se comptent plus. Idéfix est plus que jamais la tête de liste de ce club select.
Série : Idéfix et les irréductibles
Tome : 7 – La traversée de Lutèce
Genre : Aventures humoristiques
Scénario : Lison d’Andréa, Philippe Clerc, Olivier Serrano & Philippe Fenech
Dessins : Philippe Fenech
D’après : René Goscinny & Albert Uderzo
Éditeur : Albert René
ISBN : 9782864977551
Nombre de pages : 72
Prix : 8,99 €
- Boulevard Tintin – La Castafiore à Moulinsart, un anti-récitpar Laurent Lafourcade
Le vol du siècle… du 9ème Art !
« -… et la clef de ce tiroir, je la cache dans le vase qui se trouve sur ce meuble. Faites un effort pour vous en souvenir, ma fille !
-Oui, madame. »
La célèbre cantatrice Bianca Castafiore débarque pour quelques jours de villégiature au château de Moulinsart. La blonde ne vient pas seule. Elle est accompagnée d’Irma, sa dame de compagnie, d’Igor Wagner, son pianiste attitré, et d’un perroquet en guise de cadeau pour le Capitaine Haddock, enchanté, doux euphémisme, de voir la chanteuse s’imposer dans son havre de paix et de tranquillité. Des bohémiens ont établi leur campement à proximité. Une émeraude disparaît. Le mystère est lancé. Les coupables sont trouvés. Pas si simple.
Dès l’avant-propos, l’auteur pose les jalons de son essai. Le livre est composé de deux parties imbriquées : un cursus suivant la lecture chronologique des Bijoux de la Castafiore, et un excursus s’attachant à l’iconographie illustrant le propos. Il en faut de l’audace pour passer après Les bijoux ravis, analyse pointue de l’œuvre réalisée par Benoit Peeters en 1984, et surtout après Les bijoux distraits ou la cantatrice sauve, signé par le philosophe ami de Hergé Michel Serres. Pierre Fresnault-Deruelle apporte sa propre vision de l’affaire. L’histoire est-elle celle de la disparition de bijoux ? Evidemment. Mais cela n’est qu’un prétexte pour traiter de « la recherche de la viabilité d’un territoire entre les uns et les autres ». Cette quête du territoire tourne autour de cette fameuse marche cassée dans l’escalier. Mais qu’attend donc le marbrier Boullu pour venir la réparer ?
Avant que la diva ne paraisse, Tintin et Haddock semblaient vouloir jouir de quelques jours de repos après l’aventure tibétaine. Ce ne sont pas quelques bohémiens en bordure du parc qui allaient inquiéter leur quiétude. La bourrasque allait venir de Milan, avec notamment ce perroquet-cadeau, perroquet qui est à lui seul un running-gag dans l’œuvre d’Hergé, depuis le témoin de L’oreille cassée. Le capitaine Haddock va jusqu’à en cauchemarder, imaginant la chanteuse en volatile dans un théâtre bondé de perroquets, lui étant le seul humain de l’assistance, occasion pour Pierre Fresnault-Deruelle de s’attarder sur la caricature. L’auteur va ensuite disséquer tous les rebondissements et faux rebondissements de l’histoire, avec notamment l’arrivée de la police, en l’occurrence les Dupondt, lorsque le mystère aura une densité avérée. Ne nous attardons pas sur la fin de l’intrigue. Il y a peut-être ici des lecteurs-auditeurs qui ne l’ont pas lu (peu probable) ou qui en ont oublié le dénouement (plus plausible). Quant à la conclusion de l’essai de Pierre Fresnault-Deruelle, on peut en parler. L’auteur démontre à juste titre que l’album ne se suffit pas à une seule lecture. C’en est une seconde qui permet d’en dégager l’essence et le sens.
Une fois n’est pas coutume, l’ouvrage d’étude est richement illustré de cases ou d’extraits de cases signées Hergé. La société Tintin Imaginatio aurait-elle enfin décidé de lâcher du lest ? Même si on s’était habitués à en être privés, ça fait quand même plaisir de pouvoir en profiter. Ce qui est étrangement paradoxal, c’est que les illustrations les plus parlantes sont les autres, issues de tableaux de maîtres ou de gravures d’époque. Cette femme, « L’indiscrète », le doigt devant la bouche dans une toile du XVIIème siècle signée Nicolas Maes, ne rappelle-t-elle pas Tintin sur la couverture de l’album ?
A lire en parallèle à l’analyse Bianca Castafiore, celle qui rit de se voir si belle, signée Pierre Bénard parue chez 1000 sabords, cet anti-récit La Castafiore à Moulinsart apporte un éclairage pertinent sur l’antépénultième album d’Hergé paru de son vivant. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : La Castafiore à Moulinsart, un anti-récit
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Pierre Fresnault-Deruelle
Éditeur : Georg
ISBN : 9782825713471
Nombre de pages : 192
Prix : 20 €
- Tokyo Cannabis 3par Laurent Lafourcade
La violence du poison, le poison de la violence
« -Une herbe cent fois meilleure que la kexceed, tu dis ? Hm… J’imagine que tu m’appelles pas pour parler de la pluie et du beau temps…
-Non… Je t’appelle pour parler affaires. Si tu veux mon herbe… je te la vends !!
-En effet, je fais aussi dans ce genre de business. Donc, tu veux que je sois ton revendeur, c’est ça ? »
Morio est en pleines négociations pour tirer Kagayama d’un bien mauvais pas. Prisonnier et torturé par Shimizu, son « ami » est ensanglanté. Au téléphone, Morio propose donc au mafieux de lui acheter un cannabis d’exception, pour un prix il est vrai élevé, mais qu’il pourrait revendre encore plus cher. En échange, il libère Kagayama. Mais avant, Shimizu va vouloir tester la beuh, soi-disant bien meilleure que la kexceed. Courageux mais pas téméraire, il fait préparer et fumer un joint par Yoshio, son homme de main. Après une première bouffée pas convaincante, l’herbe n’étant pas assez sèche, le shit s’avère qualitatif. C’est planant. Shimizu en veut l’exclusivité. Morio, alias Mick le cultivateur, a gagné la libération de son partenaire. Il va falloir assurer et assumer le service après-vente.
Pas question de tomber dans la routine. Avec ce troisième tome, les cultivateurs de Tokyo Cannabis ne vont pas avoir le temps de se reposer sur les lauriers de leur culture que tout le monde envie. Rappelons à ceux qui l’ignoreraient que Morio est à la base un simple fleuriste à la main verte qui cherche à financer les conséquences de l’accident de circulation de sa femme. Embarqué dans la culture et le trafic de cannabis à la suite d’une mauvaise mais salvatrice rencontre avec le fameux Kagayama, il a mis le doigt dans un engrenage duquel il semble impossible de s’extraire.
« Cette œuvre est une fiction. Toute ressemblance avec des personnes, des organisations ou des événements ayant existé est purement fortuite. Cette œuvre n’est pas une incitation à reproduire les actes illégaux qu’elle décrit. L’éditeur décline toute responsabilité le cas échéant. » Cette mise en garde en préambule est de bon aloi. Quand on voit l’argent brassé dans ce trafic mortel, ça pourrait donner des idées d’enrichissement facile. Quand on pense que certains politiques voudraient légaliser cette merde, on se demande ce qui peut leur passer par la tête. Ça ne pourrait qu’encourager les toxicomanes à se plonger dans des drogues encore plus dures.
Clairement, le message de Yûto Inai n’est pas d’inciter ni à consommer, ni à revendre. Morio le dit lui-même : « Mais bon, peu importe l’âge, on ne devrait pas consommer de cannabis… » Tokyo Cannabis est à lire comme un lanceur d’alerte. Dans un graphisme réaliste classique, le mangaka n’hésite pas à montrer la violence que peut engendrer la substance. Il ridiculise les consommateurs sous effets et vampirise les magnats qui tirent les ficelles du business.
Jusqu’on peut-on aller pour sauver les siens d’une situation financière compliquée ? Tokyo Cannabis pousse un quidam du quotidien dans un buisson d’orties qui piquent. Pourra-t-il en utiliser le venin pour s’en sortir ?
Série : Tokyo Cannabis
Tome : 3
Genre : Seinen Thriller
Scénario & Dessins : Yûto Inai
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505125969
Nombre de pages : 160
Prix : 7,90 €
- Avni 11 – Extra-marrantpar Laurent Lafourcade
Le bal des extras
« -Les extraterrestres ! Ils sont parmi nous !
-Euh… Désolée mais ce n’est pas le mom…
-J’ai vu un ovni atterrir dans mon champ à la Ferme du Terrier !
-Enfin ! Calmez-vous !
-Ils ont même laissé des traces avant de repartir !
-Bon, ça suffit, on rend l’antenne !
-Surveillez le ciel ! Ils sont lààà ! »
Devant la télévision, Avni, son père et son pote Bambou sont pétrifiés. La maman d’Avni, reporter sur une grande chaîne, était en direct pour l’inauguration d’un nouveau pont ouvert à la circulation lorsqu’un fermier du coin l’interrompt pour alerter le monde que des extraterrestres ont atterri sur son champ dans une ferme à proximité. L’ovni a laissé ces fameuses traces géométriques parfaites, les crop circles. Avni va se rendre sur place pour enquêter avec sa maman. Lui-même aurait débarqué d’une autre planète. Va-t-il rencontrer d’autres êtres venus d’ailleurs ? Ceci est le sujet de « Extra-bizarre », la grande aventure qui clôt ce onzième recueil des facéties d’Avni.
Avni, le petit être bleu, élastique, qui se transforme à son gré, est une source de gag dont il est tantôt l’auteur, tantôt la victime malencontreuse. Alors que sa mère bosse à la télé, quand il crève l’écran, lui, c’est plus au propre qu’au figuré. Quand il donne un coup de main vestimentaire à un copain, il ne va pas savoir faire la part des choses avec l’autre petit conseiller du pote mal habillé. Quand ses parents passent une commande au drive du burger, qu’ils se méfient. Elle risque d’être plus longue que prévue. Lorsqu’on regarde un film d’horreur avec lui, c’est encore plus terrifiant. Quand on admire les constellations d’étoiles en sa compagnie, c’est cette fois-ci beaucoup plus drôle et poétique.
Pendant qu’Ariol et Anatole tiennent le devant de l’affiche chez Bayard jeunesse dans la collection BD Kids, Avni se tient en embuscade. Fort de déjà dix ans d’expériences, le petit bonhomme bleu rassemble tout ce qui peut plaire dans une bande dessinée familiale. Romain Pujol et Vincent Caut montrent que l’on peut faire de l’universel et du populaire, du gentil sans mièvrerie, et même de l’aventure gaguesque pour toutes les générations. Des petits jeux concluent le livre, comme pour faire écho aux très bons magazines de presse du même éditeur.
Extra-bizarre, mais surtout extra-marrant, Avni, l’animal vraiment non identifié, est un être épatant, symbole d’un personnage qui montre que la presse BD a encore de la santé et peut réussir le passage de ses héros en albums.
Série : Avni
Tome : 11 – Extra-marrant
Genre : Humour gamin
Scénario : Romain Pujol
Dessins & Couleurs : Vincent Caut
Éditeur : Bayard jeunesse
Collection : BD Kids
ISBN : 9791036370991
Nombre de pages : 64
Prix : 10,50 €
- Team Phoenix 5par Laurent Lafourcade
Soigner le monde
« -Fire, qu’essaies-tu de faire ?
-Tu t’es déjà lancée dans quelque chose de désespéré ? Quelque chose qui te surpendrait toi-même ?
-C’est moi qui ai amorcé toute cette pagaille, donc on peut dire que oui ?
-Voilà, tout à fait ! Nous prenons constamment des décisions qui changent notre destin sans jamais savoir si ce seront les bonnes, ou si, au contraire, elles vont tout dévaster. C’est au moment de prendre ces décisions que nous nous sentons les plus seules. Et si… nous n’étions pas si seules ? »
Les biologiques et l’union robotique s’affrontent dans un combat final. Uran et Fire traversent les dimensions, le temps et l’espace. Uran pense que Fire est issue en partie du Phoenix et d’elle-même. En effet, dans le laboratoire secret du Docteur Tenma, sur Palawan, c’est le cœur d’Uran, réplique de celui d’Astro, qui a dégagé l’énergie photonique nécessaire au réveil du Phoenix. Voilà les deux complices à présent en route pour soigner le monde. Pendant ce temps, le Docteur Black Jack fait face à Hyakkimaru, le cyborg-guerrier, qui semble réserver un bien mauvais sort à Sharaku, le garçon aux trois yeux. Mais les apparences sont parfois trompeuses. Plus loin, ce sont Léo et Hercule qui semblent en difficultés. Les forces de la Team Phoenix vont-elles pouvoir se rassembler dans l’espoir d’un monde nouveau ?
Cinquième et ultime volume de la série Team Phoenix. Sous couvert d’un hommage à Osamu Tezuka en reprenant dans un cross-over ses principaux personnages, Kenny Ruiz a réalisé un space opera démontrant que l’union fait la force, que rien n’est jamais perdu, mais que le combat ne finit jamais. Ode à la tolérance, avec en particulier le personnage de Saphir, étonnamment en avance sur son temps surtout à l’époque où Tezuka l’a créé, et ode à la solidarité, Team Phoenix est de ces histoires beaucoup plus profondes dans le fond qu’elles ne peuvent le laisser paraître dans la forme.
Si le fait d’avoir pu revivre avec ces personnages emblématiques que sont Astro, Léo et les autres a été un plaisir incommensurable, quelqu’un est devenu un super-héros au fil des cinq tomes de ce manga : c’est son auteur Kenny Ruiz. On savait le dessinateur de Télémaque très doué, on le découvre prodigieux, dans des planches de manga aux compositions splendides et émouvantes. Page 92, quatre cases horizontales, avec dans chacune un personnage différent regardant dans la direction de la voix off de Fire qui annonce laisser une part d’elle en chacun d’eux. Ça a l’air tout simple mais la composition est poignante. Ce n’est qu’un exemple à découvrir parmi tant d’autres tout au long des deux cents planches de ce manga.
Comme dans toute série qui se termine, il est bon de la reprendre depuis le début pour profiter au mieux de sa conclusion. Dans la post-fin, Ruiz enfonce le clou en mettant en abîme Tezuka dans une scène en forme de remerciement. C’est Ruiz à son tour que le lecteur peut remercier pour cette route dans l’univers exceptionnel de l’un des pères fondateurs du manga moderne.
Série : Team Phoenix
Tome : 5
Genre : Aventure / Manga Shonen
Scénario, Dessins & Couleurs : Kenny Ruiz
D’après : Osamu Tezuka
Éditeur : Vega – Dupuis
ISBN : 9782379501739
Nombre de pages : 208
Prix : 8 €
- Ces jours qui disparaissentpar Laurent Lafourcade
Qui est qui ?
« -On est mardi aujourd’hui. T’es pas venu travailler hier. Le patron est furax.
-Mais non, on est lundi… Sérieux ? Tu serais assez vicieux pour trafiquer la date partout juste pour gagner ton pari ? Ça marche pas. Je ne suis pas dupe.
-Je te promets ! Regarde sur ton téléphone ou sur internet. Hier, je t’ai appelé plein de fois pour que tu te ramènes, mais t’as jamais répondu.
-Promis, tu ne me fais pas de blague ? Ça ne me fait vraiment pas rire…
-Tu me crois capable d’une blague aussi sophistiquée ? »
Sur la scène d’un théâtre à la française, un acrobate fait son numéro. Une chute n’interrompt même pas sa prestation. L’artiste se relève et poursuit. C’est Lubin, un jeune homme d’une vingtaine d’années à la longue chevelure blonde. Le lendemain, il se réveille et se rend à son travail à la supérette. Le lendemain ? Il croit être lundi. C’est déjà mardi. Son collègue Léandre lui apprend qu’il n’est pas venu la veille et que le patron est furax. Lubin en est tout abasourdi. Il aurait dormi 24 heures ? Peut-être est-ce dû à son coup sur la tête au théâtre ? Le soir, Lubin retrouve Gabrielle, sa petite amie. Au réveil, il est déjà jeudi. Encore un jour qui a disparu pour Lubin ? Toujours est-il qu’il est viré de son job. La situation va devenir vraiment mystérieuse le jour où Lubin va rater le départ de sa troupe de théâtre pour Bruxelles. Ses camarades de jeu lui apprennent qu’ils sont venus le chercher chez lui la veille et qu’il n’y avait personne.
Les jours disparaissent au sens propre dans la vie de Lubin. Un jour, il se réveille les cheveux coupés cours. Il se filme la nuit. Il pensait qu’il dormait pendant les journées oubliées. Même pas. C’est comme si quelqu’un prenait sa place. Il ne se souvient de rien. Il se confie à Gabrielle. Est-il schizophrène ? Souffre-t-il d’un dédoublement de la personnalité ? Son « double » se filme sur son ordinateur. Il se pense amnésique, se découvre Lubin Maréchal. Le corps est manifestement partagé. Au fil du temps, les périodes de disparition vont être exponentielles. Lubin souffre-t-il de schizophrénie ? de bipolarité ? Toujours est-il qu’il est de moins en moins longtemps maître de son corps. Le doute et le trouble s’installent. Deux vies se partagent sans se mélanger. Qui phagocyte qui ?
Timothé Le Boucher écrit une histoire terrifiante. Rarement un auteur aura réussi à faire monter une tension de cette façon. On y va pas à pas. On accompagne Lubin le vrai et Lubin l’imposteur au fil de leurs apparitions. Le « faux » laisse des messages au « vrai » sur l’ordinateur. Pour que le lecteur ne s’y trompe pas, le « faux » s’exprime dans des phylactères orangés. En avançant dans le temps, le doute n’est plus que dans la tête de Lubin. Il est aussi dans celui du lecteur, jusqu’à la dernière page que l’on peut interpréter de plusieurs manières. Les personnages secondaires sont extrêmement bien campés. Les problématiques parallèles sont incroyablement d’actualités pour un album paru il y a déjà sept ans. De l’intelligence artificielle au genre, Ces jours qui disparaissent était et est encore en avance sur son temps, comme une parabole sur un avenir qui nous attend tous, une mise en garde face à la société qui voudrait que l’on soit autre chose que ce que l’on souhaite. Ça pourrait être glaçant. Ça porte à réflexion, invitant à profiter de chaque instant présent.
Publié pour la première fois il y a sept ans, Ces jours qui disparaissent a été l’un des albums événements de l’année 2017. Ce troisième album de Timothé Le Boucher l’a révélé au grand public. La collection poche des éditions Glénat le remet en lumière. Plus que mérité pour ce one shot immanquable.
One shot : Ces jours qui disparaissent
Genre : Emotion
Scénario, Dessins & Couleurs : Timothé Le Boucher
Éditeur : Glénat
Collection : BD poches
ISBN : 9782344064221
Nombre de pages : 192
Prix : 10 €
- D-Day storiespar Laurent Lafourcade
Débarquement manga
« -Le boujou, mon julot ! Déjà en pause ?
-Jamais ! Je goûte la marchandise ! Des fois que le ver soit dans le fruit…
-Je vais t’accompagner. On ne sait jamais, deux avis valent mieux qu’un.
-Ne te gêne pas, Dédé, la bouteille est à peine ouverte. Les boches sont nerveux en ce moment… Il se prépare quelque chose, c’est certain…
-Je ne te le fais pas dire… Et peut-être plus rapidement qu’on ne le pense !
-Toi, t’en dit trop ou pas assez ? »
Juin 1944. L’opération Overlord, nom de code du débarquement en Normandie, est en passe d’être réalisée. Après près de cinq ans d’occupation allemande, l’espoir pointe enfin son nez pour les français, prisonniers corps et âmes du joug nazi. Dès septembre 1941 pourtant, les premiers préparatifs de contre-offensive alliés avaient lieu, jusqu’à la récolte de sable normand pour analyser sa consistance. En 1942, un raid est tenté en Normandie pour tester la défense ennemie. Un échec retentissant, qui sera suivi d’un autre quelques mois plus tard. Début 44, c’est la supercherie Fortitude qui va semer le trouble et le doute chez les allemands. Pendant ce temps, dans le Calvados, la famille Lebreton attend l’arrivée d’un été incertain. Les enfants profitent d’un printemps insouciant. Leur mère Mireille gère le quotidien pendant que Jules, le papa, s’occupe de l’affaire familiale.
Dimanche 4 juin, à Escoville, le facteur s’arrête au bistro municipal pour boire un verre avec Jules Lebreton. Les boches semblent nerveux. Un peu plus d’un jour plus tard, dans la nuit du 5 au 6 juin, l’opération Deadstick est la première étape de la croisade pour la libération. A Escoville, au même moment, Jules apprend à sa petite famille que les libérateurs arrivent. Il faut se réfugier au fond du jardin. A Sainte-Mère-Eglise et alentours, les parachutistes américains tombent du ciel. Cibles mouvantes, certains ne toucheront pas terre vivants. D’autres affronteront les soldats nazis dans les premiers corps à corps. Le lendemain, Jules aiguille les sauveurs vers les caches des allemands. Nous sommes le 6 juin 1944, pour tous, alliés comme ennemis, soldats comme civils, ça va être le jour le plus long.
Les situations évoquées dans ce manga sont toutes inspirées de faits réels. Entre Caen et la mer, la famille Lebreton est le témoin des événements. Jules est le propriétaire du café-épicerie du village d’Escoville. Marié et père de sept enfants, il va faire partie de ces héros ordinaires qui auront contribué, parfois par de simples indications aux américains, au succès du débarquement allié. La famille a échappé de peu au bombardement de leur maison. C’est notamment grâce au témoignage de Michel Payen, dix ans au moment des faits, que Wallace a pu scénariser ce manga. La seconde guerre mondiale est un thème rarement traité sous ce format. Sous les crayons de Tonda, ça fonctionne sans problème. On est au cœur de l’événement. On retrouve le format et les codes graphiques dynamiques du medium, tout en gardant un certain découpage franco-belge. Vu par le prisme d’une famille, ce manga a tout pour être le premier volume d’une série qui permettrait de vivre le conflit en immersion, avec les acteurs involontaires d’un drame international. Le D-Day est un jour tellement important qu’on pourrait très bien imaginer l’aborder par les yeux d’autres témoins innocents.
Installées en Normandie, avec D-day stories, les éditions Orep osent aborder la seconde guerre mondiale dans une forme et dans un fond inhabituels : le manga. L’Histoire et l’émotion sont au rendez-vous.
One shot : D-Day stories
Genre : Histoire
Scénario : Wallace
Dessins : Tonda
Éditeur : Orep
ISBN : 9782815107990
Nombre de pages : 136
Prix : 8,90 €
- Damn them all 2par Laurent Lafourcade
Tous les monstres ne sont pas des monstres
« -Maîtresse… ? J’ai le regret de vous informer…
-Qu’un fils de pute a piqué le corps de mon oncle et a rempli la tombe de bougies magiques ?
-Hum. Voilà.
-Bon, reprenons de façon logique. Même si tu pouvais sentir quel démon a fait ça, tu n’aurais pas le droit de me le dire ou de me filer une adresse, pas vrai ?
-Oui.
-Mais tu es un chien.
-J’en ai la forme en tout c…
-…Et tout n’est que question de croyances, avec vous autres. La fonction suit la forme qui suit la foi. »
Ellie Hawthorne est détective de l’occulte. Accompagnée de Cillian, un irlandais qui l’aide à enquêter, elle découvre une nouvelle victime d’une attaque de penanggalans. Les autochtones ont beau installer des épines sur les fenêtres pour les empêcher d’entrer, avec leurs entrailles traînant derrière eux, visiblement, ça ne marche pas toujours. Si Cillian vient pour affronter les monstres, tout en rêvant de la chatte d’Ellie (sic), celle-ci est là pour en apprendre plus sur les mystères occultes. Tous les monstres ne sont pas des monstres. Il faut savoir prendre du recul. Ça, c’était il y a quelques jours. Aujourd’hui, ou plutôt cette nuit, Ellie est réveillée par son chien dans sa voiture. Ce n’est pas un cabot comme les autres. Il est un puissant comte capable de tout enseigner, passé comme présent. Il emmène sa maîtresse au cœur du cimetière londonien. Des êtres mystiques perturbent les pensées insipides des mortels. Il va falloir creuser la tombe de tonton Alfie pour dénouer tout ça. Problème : apparemment, un fils de pute a piqué le corps de l’oncle et rempli sa tombe de bougies magiques.
Londres part en couille et c’est la faute d’Alfie. Ellie tente de remettre de l’ordre mais elle a besoin d’aide. Est-ce Bifrons, qui commande six légions d’esprits inférieurs, qui va lui être du meilleur secours ? Sa fonction consiste à déplacer les cadavres et allumer des flambeaux sur les tombes des défunts. Il devrait donc savoir où est passé le corps d’Alfie ? Pas si simple. Un ordre nouveau est en marche. Les clés et les lumières de la grâce ont été invoquées. Si même les anges s’en mêlent, on n’est pas sortis de l’auberge. Avec son bon vieux marteau tout rouillé, Ellie est à la chasse aux soixante-douze démons de l’Ars Goetia.
« L’exorcisme ne consiste pas à chasser les démons. Ce n’est que la triste réalité, une autocorrection. C’est la raison qui se définit elle-même. » La possession par les esprits est au cœur de Damn them all. Simon Spurrier montre que dès que l’on écoute un morceau de musique, dès qu’on lit un article de journal, dès qu’on a des interactions sociétales, on commence déjà à être possédé. Et pourtant, on ne fait pas appel systématiquement à un exorciste. Sous couvert d’un fantastique très présent dans un monde gangréné par les démons, la série invite à se poser des questions sur l’influence, sur l’endoctrinement et sur le sectarisme. A l’opposé du noir et blanc de The walking dead, Charlie Adlard s’éclate dans des compositions lumineuses, électriquement démoniaques.
Le diptyque Damn them all se clôt dans une ambiance à la Hellboy, non dénuée d’humour noir. Ellie Hawthorne est suffisamment charismatique pour revenir affronter de nouveaux démons. Il serait dommage que les auteurs ne continuent pas à exploiter tout cet univers qu’ils ont mis en place.
Série : Damn them all
Tome : 2
Genre : Thriller ésotérique
Scénario : Simon Spurrier
Dessins : Charlie Adlard
Couleurs : Sofie Dodgson
Éditeur : Delcourt
Collection : Comics
ISBN : 9782413082675
Nombre de pages : 176
Prix : 17,95 €
- Le petit théâtre des opérations présente Les guerres napoléoniennespar Laurent Lafourcade
Sur le front de Napoléon
« -Halte ! On ne passe pas ! Personne ne passe sans être accompagné d’un officier d’état-major ! Si tu fais encore un pas, je te plante ma baïonnette dans le ventre !
-Il menace l’empereur !
-Pétez-lui la gueule !
-Mais il n’est pas accompagné d’un…
-Laissez-le ! C’est lui qui a raison. Il a appliqué la consigne. Ce grenadier mérite non pas une punition mais bien une récompense ! »
Mai 1809. Si ce grenadier se fait rabrouer de coups par des hussards, c’est parce qu’il a refusé le passage à l’Empereur. Il s’appelle Jean-Baptiste Coluche. S’il a fait ça, c’est tout simplement parce que c’était Napoléon lui-même qui lui en avait intimé l’ordre : personne ne passe sans être accompagné d’un officier d’état-major. Fier de voir que les ordres étaient appliqués, Napoléon sauve le malheureux zélé. Cette anecdote, comme toutes celles recensées dans cet album, est vraie. Après Le petit théâtre des opérations s’attachant aux histoires improbables des deux guerres mondiales du XXème siècle, le scénariste Julien Hervieux s’attaque aux guerres napoléoniennes.
Le recueil s’ouvre avec Antoine Charles Louis de Lassalle. Ce cavalier téméraire était un véritable trompe-la-mort, terrorisant ses ennemis par son intrépidité aveugle. La roulette russe de la vie ne pouvant pas être à tous les coups victorieuse, Lassalle mourra à seulement trente-quatre ans. Si Madame Sans-gêne était le sobriquet de Catherine Hubscher, l’épouse du maréchal Lefebvre, la vraie Madame Sans-gêne, c’était Marie-Thérèse Figueur. Belliqueuse, grossière, elle démontra que ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on ne peut pas être au front. Direction la mer, avec l’amiral Dmitry Senyavin. « Victime » collatérale du traité de Tilsit, le militaire se verra contraint par Napoléon de changer d’ennemis. Il se refusera à tirer sur les anglais, préférant se ranger derrière une neutralité moins illogique. Plus loin, on rencontrera un cheval de guerre vorace et on apprendra que les femmes furent autorisées à accompagner leurs époux soldats sur les campements de combat.
CamillePrieur & Vincent Malgras dessinent et colorisent ces anecdotes de guerre plus incroyables les unes que les autres. Dans une digne filiation de Jean Solé, l’un des maîtres historiques de Fluide glacial, ils dépeignent ces situations cocasses et ces êtres obstinés et dévoués (N’est-ce pas, Daumesnil ?), zélés et têtes brûlées. Entre les courts récits, un portrait des personnages principaux permet de les connaître mieux. Des informations à la limite du gag (et pourtant véridiques elles-aussi) sont autant de respirations entre chaque histoire. Pied droit et pied gauche sont différenciés depuis cette époque, et déjà, en ce temps-là, ces crétins de chasseurs lâchaient des bestioles pour satisfaire leurs tout-autant crétins de congénères qui tiraient sur ces animaux semi-apprivoisés se ruant vers les humains sans s’en méfier.
Abel Gance a filmé Napoléon. Serge Lama l’a chanté. Hervieux, Prieur et Malgras rétablissent la vérité vraie dans ce petit théâtre des opérations napoléoniennes. Instructif et drôle.
Série : Le petit théâtre des opérations présente
Tome : Les guerres napoléoniennes
Genre : Humour historique
Scénario : Julien Hervieux
Dessins & Couleurs : CamillePrieur & Vincent Malgras
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038206878
Nombre de pages : 56
Prix : 15,90 €
- Alix Senator 15 – Les cercles des géantspar Laurent Lafourcade
Alix, Blake & Mortimer : même combat
« -Tu vois : allons dans le Nord ! Je suis sûr que tout n’a pas disparu sur l’ancienne île des Atlantes. Avec un peu de chance, nous y découvrirons d’autres objets comme le disque d’Osiris et nous reviendrons dans l’Empire avec des connaissances et un savoir que nous ne soupçonnons même pas. »
En 9 avant notre ère, Alix et sa troupe arrivent en Armorique. Osiris serait passé par là après avoir quitté l’Atlantide. Son disque indique que la région est le sixième point de passage du voyage de l’ancêtre du jeune Jiaan. C’est bien dépaysant pour celui qui vit d’ordinaire dans les gigantesques marais du haut-Nil blanc, en Egypte. A la recherche du continent perdu, la première chose que les voyageurs découvrent en arrivant est une installation circulaire de monolithes, étrangement dénués de neige comme tout autour. Ce cercle est-il d’origine atlante ? Sert-il de lieu pour faire des calculs astronomiques ? Ou est-ce un endroit de sacrifices humains ? Impossible à savoir. Ce n’est qu’une étape. Alix est décidé à mettre le cap au Nord afin de ramener de l’ancienne île des Atlantes d’autres objets comme le disque d’Osiris, ainsi que des connaissances et un savoir insoupçonnés.
Mais pour l’instant, il va falloir trouver un moyen de s’y rendre. Dans un village armoricain, les voyageurs font la connaissance de Cellos, propriétaire d’un chantier naval, et de son fils Nanto. Cellos admire la légion depuis qu’il y a servi comme pilote de navire pendant les guerres de César. Il est donc tout à fait disposé à construire pour Alix un vaisseau prêt à affronter l’océan du septentrion. Ça ne va pas être du goût de tout le monde, notamment de Vinda, première prêtresse de la Dame de la mer et fervente gardienne des traditions. La déesse a toujours interdit la navigation au-delà des côtes bretonnes. Vinda s’oppose donc à ce qu’Alix et les siens courent de tels dangers. Le village est scindé en deux entre le clan Cellos et le clan Vinda, jusqu’au feu et jusqu’au sang.
Pour ce quinzième tome d’Alix Senator, Valérie Mangin et Thierry Démarez emmènent Alix sur les terres d’Astérix avec un objectif à la Blake et Mortimer. Les puissances divines des meilleures bandes dessinées sont invoquées. Comme à son habitude, Valérie Mangin signe un album riche en événements. Aucun temps mort dans cette relecture de La zizanie, avec en filigrane une histoire d’amour impossible à la Roméo et Juliette, entre Nanto, le fils de Cellos, et Sertis, fille de Vinda. Le final est grandiose. Démarez se surpasse. La planche 45 restera dans les annales, notamment pour sa dernière case. La scénariste s’engage. L’ultime case de l’album délivre une double mise en garde à propos de sciences et de religion. On peut y comprendre un écho à tout ce qui se passe actuellement au Proche-Orient, ou bien un simple hommage à Gargantua quand il disait à Pantagruel : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ! ». Au lecteur de se l’approprier.
Alix Senator est un politicien aventurier bien plus en forme que nos sénateurs actuels. Lui, en tous cas, on peut lui renouveler son mandat sans problème. La série a dépassé le stade de spin of pour s’octroyer une place de choix dans le paysage de la BD dans l’héritage Martin.
Série : Alix Senator
Tome : 15 – Les cercles des géants
Genre : Aventure historique
Scénario : Valérie Mangin
Dessins : Thierry Démarez
Couleurs : Jean-Jacques Chagnaud
D’après : Jacques Martin
Éditeur : Casterman
ISBN : 9782203257627
Nombre de pages : 48
Prix : 14,50 €
- L’aventure HS 4 – Les prémonitions d’Edgar P.Jacobspar Laurent Lafourcade
Les secrets du rêveur d’apocalypses
« -Mais non, tante Jane… Cessez de vous inquiéter pour moi !… Oui, la Marque Jaune est hors d’état de nuire !… Je peux vous le promettre !…
-Miss Benson vous a préparé un splendide repas, Sahib ! Je n’ai pas pu résister ! J’ai déjà dégusté ma part ! Ne laissez pas refroidir… »
Blake & Mortimer affichent soixante-dix-huit ans au compteur et sont plus que jamais d’actualité. Signé Olrik, par Juillard et Sente, s’annonce comme l’un des événements BD de cette fin d’année. En plein cœur historique de La Havane, sur l’Avenida de Belgica, une gigantesque fresque murale est inaugurée, dans le cadre de la semaine culturelle belge de la capitale de Cuba. Au cinéma, La marque jaune est en tournage pour une sortie prévue fin 2025-début 2026. En co-éditions avec Le Monde et les éditions de la Martinière, le hors-série Blake et Mortimer de A à Z, signé Jean-Pierre Naugrette, ressort en beau livre avec une mise à jour. Aux éditions du Tiroir, c’est un voyage dans le temps au cœur de la création des épisodes réalisés par le maître Edgard-Pierre Jacobs auquel nous invitent Arnaud de la Croix, Christian Lallemand & André Taymans, sous l’œil bienveillant d’Alain de Kuyssche, malheureusement disparu, à qui ce livre est dédié.
Comme Arnaud de la Croix dans son introduction, on se souvient tous avec plus ou moins de précision de la première fois où l’on a ouvert un album de Blake et Mortimer, début d’un tour du monde à leurs côtés au fil des aventures. Arnaud de la Croix n’a jamais eu la chance de croiser la route de Jacobs, mais il a croisé celle de bien des gens l’ayant connu. Il y est question entre autres de Bob de Moor, de Roger Leloup, de Jacques Martin, de Castafiore et d’opéra. Grâce à la richesse de ses rencontres, Arnaud de la Croix propose de redécouvrir les œuvres de Jacobs, auteur singulier aux visions prémonitoires.
Neuf récits, neuf chapitres. On commence avant Blake et Mortimer, avec Le rayon U, où Jacobs sème le trouble et le doute entre l’uranium et le radium avec l' »uradium ». Coïncidence ou inspiration ? Toujours est-il que c’est grâce à l’interruption des planches de Flash Gordon pour Opera Mundi en 1942 que Jacobs a pu signer sa première grande aventure.
C’est ensuite dans les pages du journal Tintin que paraîtra Le secret de l’Espadon, dès le premier numéro en 1946. Jacobs se lance dans le réalisme fantastique, à la frontière d’un surnaturel qui pourra être explicité plus tard. Plus tard, Le mystère de la grande pyramide emmène Blake et Mortimer en Egypte. De la Croix fait un parallèle avec le diptyque Les 7 boules de cristal / le temple du soleil. Vient ensuite la mythique Marque jaune, dont le sujet a été inspiré à l’auteur par des expériences américaines sur la modification de la personnalité. Jacobs se posera la question de savoir si l’on pourrait s’emparer de la conscience humaine pour faire de l’homme un super-robot. On vous laisse découvrir les coulisses des cinq autres récits dans ce livre, jusqu’aux Trois formules du prof.Sato, héritage du mythe de Frankenstein. Arnaud de la Croix conclut sur le don à anticiper qu’avait Jacobs.
Un cahier graphique hommage clôt l’album, avec des illustrations signées Di Sano, Duguay, Walthéry, Foerster, Cossu, Luguy et Léturgie. Cerise sur le gâteau, on découvre le début du synopsis de L’ultime citadelle, prequel de L’énigme de l’Atlantide, projet qu’avait eu Alain de Kuyssche en 2007, avec André Taymans. Deux planches prometteuses montrent l’excellente prise en main de Taymans. Et si c’était l’occasion de réveiller le projet ?
Après Tillieux, Vernes et Desorgher, ce quatrième numéro hors-série du magazine L’Aventure perpétue la mémoire de Jacobs en réveillant les plus beaux souvenirs des aventures de Blake et Mortimer.
Série : L’aventure
Tome : HS 4 – Les prémonitions d’Edgar P.Jacobs
Genre : Biographie
Dossier : Christian Lallemand & André Taymans
Rédaction en chef : Arnaud de la Croix
Éditeur : Editions du Tiroir
ISBN : 9782931251140
Nombre de pages : 46
Prix : 18 €
- Blake et Mortimer 30 – Signé Olrikpar Laurent Lafourcade
Le dernier Juillard
« -Quel est l’inconscient qui vole aussi bas ?! Un Lysander… sans immatriculation !?… Des tracts ! Qu’est-ce que…? J’en tiens un ! »
Au-dessus de Londres, un petit avion, un Westland Lysander, survole la Tamise avant de larguer des tracts à hauteur de Scotland Yard. Se penchant à la fenêtre, le Capitaine Francis Blake en saisit un. Mais que revendiquent-ils ? « Au gouvernement illégitime d’Angleterre… Libérez nos frères patriotes de vos prisons et dites au Premier Ministre de renoncer à faire venir de nouveaux migrants en terre libre de Cornouailles. Demain, avant minuit, nous donnerons une preuve de notre détermination et de ce qui attend le prince héritier s’il maintient sa venue sur l’île de Corineus. » C’est signé FCG, « the free cornwall group ». Dès le lendemain, Blake se rend en Cornouailles. Ça tombe bien, Mortimer doit aussi y aller pour y tester sa nouvelle invention commandée par le ministère de l’Industrie, une excavatrice de poche appelée « La Taupe », au fonctionnement inspiré du célèbre Espadon. Et Olrik ? Que fait-il pendant ce temps ? Il croupit dans une cellule de la prison londonienne de Wandsworth, qu’il partage, surpopulation carcérale oblige, avec deux nationalistes faisant partie du FCG.
Direction Longval, près de Penzance pour Blake, en face de l’île de Corineus. A défaut de pouvoir empêcher l’action des terroristes, il sera sur place. En effet, une explosion va détruire la route reliant l’île. A marée basse, Blake va découvrir dans les gravats de la route un coffre renfermant un étrange contenu, semblable à une météorite. Des inscriptions en cornique ancien sont gravées à l’intérieur du contenant. Plus tard, pendant que le professeur Mortimer se rend en train dans l’extrême Sud-Ouest du Royaume-Uni, le Père Michael Joseph, de la paroisse de Longval, lui raconte l’histoire des Cornouailles, en remontant jusqu’au Vème siècle, époque du vrai Roi Arthur, pas celui de la légende des chevaliers de la table ronde. L’ecclésiastique n’aura pas le temps de terminer son récit, un attentat interrompant le voyage. Et Olrik ? Que fait-il pendant ce temps ? Ses compagnons de cellule lui apprennent que leur but est de retrouver l’île d’Avalon, la légendaire épée du roi Arthur, le vrai, et son trésor, ce qui leur permettrait de rallier plus de fidèles à la cause des indépendantistes et de financer leur mouvement. Mais pour cela, il faut sortir de prison… Olrik sera-t-il le complice de leur objectif, ou bien aidera-t-il le Capitaine Blake à endiguer le mouvement terroriste ?
Qu’il est riche et dense, ce nouvel album des aventures de Blake et Mortimer ! Après le décevant Dernier Espadon et le très bon Huit heures à Berlin, quel plaisir de les retrouver dans une aventure qui aurait certainement beaucoup plu à Jacobs. Yves Sente ne serait-il pas le scénariste qui aurait le mieux cerné l’univers, les intentions et la narration de Jacobs ? Il a en tous cas offert à André Juillard une histoire solide et maline. En proposant pour Olrik un rôle moins téléphoné que d’habitude, Sente sort des sentiers battus tout en gardant la cohérence nécessaire. En traitant d’un sujet comme l’immigration, thème plus que jamais d’actualité, les auteurs permettent à la série de parler aussi aux nouveaux lecteurs. L’écrin est classique, sans qu’on puisse lui reprocher d’être old school. On ne peut que remercier Juillard pour tout ce qu’il fait pour la série. C’est avec énormément d’émotion que l’on tient dans les mains le dernier album du dessinateur décédé l’été dernier.
Blake et Mortimer ne sont pas prêts à prendre leur retraite. Peter Van Dongen s’est déjà attelé aux Revenants du Doggerland, suite de L’énigme de l’Atlantide, sur scénario d’Yves Sente. Il enchaînera avec Le fantôme de Rowan House. Toujours avec Sente, Teun Berserik travaille sur L’héritier de l’île de Man.
Le 11 novembre, en plein cœur historique de La Havane, sur l’Avenida de Belgica, une gigantesque fresque murale va être inaugurée, dans le cadre de la semaine culturelle belge de la capitale de Cuba.
Au cinéma, La marque jaune est en tournage pour une sortie prévue fin 2025-début 2026.
Enfin, en co-éditions avec Le Monde et les éditions de la Martinière, le hors-série Blake et Mortimer de A à Z, signé Jean-Pierre Naugrette, ressort en beau livre avec une mise à jour.
Une édition à l’italienne en strips, comme travaillait Juillard, est également disponible.Signé Sente, signé Juillard, signé Olrik s’annonce comme l’un des événements BD de cette fin d’année.
Série : Blake et Mortimer
Tome : 30 – Signé Olrik
Genre : Espionnage
Scénario : Yves Sente
Dessins : André Juillard
Couleurs : Madeline Demille
D’après : Edgar-Pierre Jacobs
Éditeur : Dargaud
Collection : Blake et Mortimer
ISBN : 9782870973097
Nombre de pages : 64
Prix : 17 €
- Les héritiers d’Agïone 2par Laurent Lafourcade
Ville-frontière… de la vie et la mort
« -Notre mère est morte, idiote.
-Gloup !
-Tu pers ton temps avec cette obsession !
-Prince Adel…
-Elle était avec toi, évidemment.
-Adalise… Je te l’ai déjà dit… Ce gamin n’est pas fréquentable.
-Je fréquente qui je veux ! Et sache que j’ai la preuve que notre mère est en vie ! »
Le Prince Adel vient de retrouver sa sœur Adalise au fond d’une mine où elle traînait avec le jeune Gidéon. Très mauvaise fréquentation selon lui. Adel rappelle sa sœur à l’ordre. Leur père le roi compte sur eux deux pour les prochains jeux d’Oranone. Ils doivent dénicher le prochain maudit de la dernière épreuve. La princesse n’en a pas l’intention. Dans la ville de Mériolide, il se passe des choses étranges. Les jeux d’Oranone ayant lieu tous les trois mois, il faut à chaque fois trouver celui ou celle qui sera transformée en maudit pour le final, quelqu’un qui sera préparé à briser son esprit avant sa mort, enfermé, torturé, démembré. Ce sont systématiquement des criminels qui sont choisis, mais Adalise ne veut plus se prêter au jeu. Ograge, l’Ëdrelin, cette petite boule pensante faite de pure rochelune, la rassure de sa présence et la convainc.
Mériolide est la ville protégeant la frontière du pays. C’est le seul accès terrestre vers Tyriadoc. Revers de la médaille, de nombreux réfugiés de Kordéal, pays voisin, traînent dans les rues comme des mendiants. Polonre, le marquis de Mériolide, qui fait comme s’ils n’existaient pas, a préparé un banquet pour célébrer l’arrivée d’Adel et d’Adalise. La ville accueille également le monastère des clartés. Ces prêtresses de la lune, discrètes et détachées, sont coiffées d’un cône orné de pierres de rochelune. Plus elles en possèdent, plus leur statut est élevé. Leurs prières, les murmières, servent à chasser les mauvais esprits et à guider les âmes vers l’Êdre. Entre un couvent mystérieusement dévasté et un sombre marquis, le séjour en ville va être moins transitoire que prévu.
Après un premier volume présentant les personnages et installant la problématique, la mangaka Tpiu ne laisse aucun répit à ses personnages. Ils sont mis face à des dangers de plus en plus périlleux, et en particulier ce tueur masqué dont la révélation de l’identité dans un twist final ne laisse pas de marbre. Surtout, ne feuilletez pas le manga avant de le lire, votre plaisir pourrait s’en trouver gâché, ou tout du moins amoindri. On avait déjà parlé de l’influence D-Gray Man, d’Hoshino. Elle est confirmée ici par la présence d’Ograge, lointain cousin de Timcanpy. Niveau mise en scène, Tpiu fait preuve d’une étonnante maîtrise, comme si elle avait déjà vingt-cinq tomes derrière elle. De toutes les séries francophones lancées ces derniers temps chez Kana, toutes excellentes au demeurant, celle-ci se classe au niveau global (dessin/scénario) en tête de peloton.
En deux tomes seulement, Les héritiers d’Agïone s’installe comme une série majeure du manga européen. Il serait intéressant de voir ce qu’elle pourrait donner sur le marché asiatique.
Série : Les héritiers d’Agïone
Tome : 2
Genre : Shonen
Scénario & Dessins : Tpiu
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505116417
Nombre de pages : 208
Prix : 7,90 €
- SuperBeasts 2par Laurent Lafourcade
New Kaïjus
« -A couvert ! Vite ! La prochaine salve de tirs arrive !
-Oups ! Mon transmetteur s’est cassé.
-Tu comptes désobéir aux ordres ?
-Mikorin. Tu devrais arrêter de jouer la petite fille sage. Nous sommes des sorcières. »
Elles ne sont ni humaines ni Chymer, mais les sorcières existent et sont là pour une seule raison : déglinguer les monstres. Mikoshiba et Mikui font face à Zekkyo, le hurleur, la deuxième Chymer à recevoir le classement de « Calamité » depuis l’établissement de la Mairie. Les Chymer, Créatures HYbrides et Menaces à Eradiquer, ont envahi l’île de Kibitsujima. « La Mairie » est un groupe de personnes déterminées à lutter contre l’invasion. Ils sont aidés en cela par celles qu’on appelle des sorcières. Mikui a tout d’une écolière modèle. Pourtant, l’ange cache une arme incroyable. Ses bras sont en mesure de muter en mâchoires prêtes à croquer du monstre. Les sorcières sont des êtres surhumains nés de l’exposition au facteur M. Touchées par la brume, leur mutation a été stoppée avant qu’elles ne se mutent complètement en Chymer.
Ce sont ces sorcières qui sont les véritables découvertes de ce deuxième volume de SuperBeats. Même si les Chymer restent les personnages les plus spectaculaires, les bêtes voient en ces femmes des entités bien à même de leur tenir tête. Mais sur l’île, les organisations s’étant donné pour mission de lutter contre les monstres ne sont pas toutes si claires que cela. Et notamment la BCIA qui, sous couvert de lutte contre l’apparition des Chymer et par manque de transparence, semble cacher des activités suspectes. C’est ce qu’apprend de la bouche même du professeur Karyû, Kazuki Kisaragi, psychologue chercheur du centre des sciences humaines, arrivé il y a peu sur l’île.
Se basant sur l’œuvre originale de Toy(e), Nykken poursuit l’installation de la mythologie monstrueuse qui, après avoir invoqué dans ses références les Yo-Kaï, les Kaïjus et autres Akumas, rend dans le deuxième chapitre de ce volume, et septième depuis le départ, un bien bel hommage à Jurassic Park. Voici Jokô, une Chymer aux allures de dinosaure, de T-Rex, devant lequel il est interdit de bouger d’un iota, la bête se nourrissant des êtres en mouvement. Dans une scène d’anthologie, on va trembler pour Kazuki. On se surprend même à ralentir la lecture et à tourner les pages avec délicatesse pour ne pas éveiller les soupçons du géant.
SuperBeasts confirme son démarrage sur les chapeaux de roues. Déjà, l’univers se développe, ne se réduisant pas à un simple affrontement binaire entre humains et Chymer. Deux tomes et déjà culte, qui dit mieux ?
Série : SuperBeasts
Tome : 2
Genre : Shonen Survival
Œuvre originale : Toy(e)
Scénario & Dessins : Nykken
Éditeur : Vega Dupuis
ISBN : 9782379503818
Nombre de pages : 204
Prix : 8,35 €
- Caledonia 1 – La IXe légionpar Laurent Lafourcade
Vae victis !
« -Comment va-t-elle ?
-La blessure est mauvaise, elle n’a pas repris conscience… Elle a perdu beaucoup de sang… Elle ne passera pas la nuit…
-Il ne faut pas qu’elle meure »
Deuxième siècle de notre ère. Caledonia. Une légion romaine avance dans la plaine. Une fois franchi le défilé, les soldats ne devraient pas tarder à apercevoir la côte. C’est en le traversant qu’ils sont assaillis par une horde de guerriers caledonii. Le combat est sans pitié. Les deux camps subissent de lourdes pertes, mais les romains font une prise de guerre inestimable. Ils parviennent à capturer Leta, la fille de Galam, chef de camp scot. Lucius, le commandant en chef de la IXe légion, tient là une importante monnaie d’échange. Mais c’est sans compter sur Ciris, à qui Leta est promise s’il parvient à la délivrer. Avant cela, dans la nuit, de mystérieuses créatures attaquent le camp romain.
Après l’excellente histoire de freaks SideShow, le duo Corbeyran/Despujol se reforme pour une tragédie antique aux accents fantastiques. Si l’histoire commence comme une aventure racontée par le grand Jacques Martin, le virage fantastique du milieu d’album montre à ceux qui en doutaient encore que l’on est bien dans un album signé Corbeyran. Encore plus que d’habitude, le scénariste brouille les pistes dans toute la première partie, tant et si bien que l’on ne s’attend pas du tout au virage mis en place, et qui connaîtra un rebond spectaculaire en toute fin d’album. On en reparlera dans le tome 2. Corbeyran soigne les dialogues, en particulier ceux entre Lucius et Leta. Si l’une parle de ses terres comme un espace qui l’a façonnée, l’autre lui présente une nécessité de développer la région. Comme quoi, la pression du capitalisme ne date pas d’aujourd’hui.
Emmanuel Despujol s’aventure sur un nouveau terrain pour lui : la bande dessinée historique. Ses combats n’ont rien à envier à ceux d’un Jean-Yves Mitton dans Vae Victis. Il oppose la finesse et l’exactitude des apparences romaines à la rudesse et la sauvagerie des barbares scotishs. Contre toute attente, on ne peut s’empêcher de penser à Astérix dans la scène où Lucius rencontre le légat Deodatus Faustus. Elle aurait pu se passer à Babaorum ou à Laudanum, tant dans le fond que dans la forme. La mise en couleur de Juliette Despujol transmet le climat fin de terres de la saison. Les scènes nocturnes, très sombres, accentuent le mystère et trouvent une autre dimension lorsqu’on les éclaire…juste pour voir les détails du trait.
Caledonia s’annonce comme un tryptique impitoyable avec un équilibre historico-fantastique et une violence ordinaire pour ces guerriers des temps jadis. Vikings et Game of thrones sont passés par là. Il n’y a plus de concession. Corbeyran n’en avait jamais fait. Ne serait-il pas un précurseur ?
Série : Caledonia
Tome : 1 – La IXe légion
Genre : Historico-fantastique
Scénario : Corbeyran
Dessins : Emmanuel Despujol
Couleurs : Juliette Despujol
ISBN : 9782302095816
Éditeur : Soleil
Nombre de pages : 56
Prix : 14,95 €
- Boulevard Tintin – Hergé face à son fétichepar Laurent Lafourcade
Allers-retours entre réalité et fiction
« Si un objet mythique des Aventures de Tintin me fascine, ce n’est pas la fusée lunaire et son damier rouge et blanc, ce n’est pas le Carreidas 160, ce n’est pas la boîte de crabe renfermant peut-être de l’opium, ce n’est pas non plus le sceptre d’Ottokar. Le fétiche à l’oreille brisée possède une aura qui n’a pas fini de m’émerveiller et de m’interpeller. Serait-il un personnage à part entière ? » (Patrice Guérin)
Sixième album des aventures de Tintin, L’oreille cassée n’est pas l’album qui a suscité le plus d’analyses. Benoît Peeters et Alain André se sont penchés sur cet album, le préféré de Jacques Martin. Après un premier article paru dans la revue Doryphores ! en 2015, encouragé par Pierre Fresnault-Deruelle, le tintinologue Patrice Guérin revient sur cette œuvre parue pour la première fois en albums en 1937. Qui était Hergé au mi-temps des années 30 ? Quels secrets se cachent derrière la statuette Arumbaya ? Comment l’auteur a-t-il nourri son œuvre ? Voici les questions auxquelles tente de répondre l’essai Hergé face à son fétiche.
Dans la première partie « La mélancolie du fétiche Arumbaya », Patrice Guérin embarque dans une relecture de L’oreille cassée. Après Le lotus bleu, L’oreille cassé n’est que le deuxième album de Tintin au scénario savamment structuré. L’aventure commence en décembre 1935 dans le Petit Vingtième. Une statuette est dérobée au Musée ethnographique et remplacée par une fausse. L’enquête amène Tintin en Amérique du Sud sur fond de conflit armé entre deux pays imaginaires, pendants de la Bolivie et du Paraguay en pleine guerre du Chaco. Ce n’est pas sur ce contexte historique que Guérin va s’attarder, mais sur la figurine de bois elle-même, dont Hergé a pris pour modèle une statuette pré-inca. Il va s’attacher à sa plastique, à son visage symétrique, mis à part l’oreille, à sa bouche inexistante. Guérin l’ausculte sous toutes les coutures. Il visite la chambre de Balthazar, peintre et sculpteur retrouvé mort à son domicile, à la rencontre de son perroquet, témoin de son meurtre, qui va révéler que l’assassin et le voleur ne font qu’un. Guérin multiplie les références cinématographiques et artistiques, de La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock à l’autoportrait de Vincent Van Gogh à l’oreille bandée. L’essayiste met en évidence le côté mortifère de l’épisode avant de revenir sur des traumatismes supposés dans l’adolescence d’Hergé, ainsi que sur un atavisme familial lié à sa mère. Les rapports de l’auteur avec son éditeur Casterman ont aussi eu des influences sur l’œuvre. Epuisé par son travail, Hergé semble s’être projeté dans la statuette…cassée.
1979, le vol du vrai fétiche d’Hergé : quand la réalité rattrape Tintin. La seconde partie de l’essai est le texte publié en 2015 dans Doryphores ! et légèrement amendé. Nous sommes le mercredi 1er août. Il est 16h. un jeune homme dérobe le fétiche de l’exposition Le Musée imaginaire de Tintin au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. On croit à une supercherie de Pierre Sterckx. Hergé propose d’envoyer les Dupondt mener l’enquête. Trois jours plus tard, le voleur propose un rendez-vous à Hergé. Le bandit ne viendra pas. Comment se dénouera l’histoire ? Lisez le livre pour le savoir. Vous pourrez même y découvrir une version bédéssinée en trois planches signées Alain Goffin et Benoît Peeters.
Le livre de Patrice Guérin se conclue autour d’un dessin de Ted Benoit, image imaginaire, relativement dépouillée, dans laquelle un portrait de Tintin a les yeux fixés sur deux fétiches qui marchent, se dirigeant vers ce qui semble être un hall d’entrée. Guérin l’analyse avant de conclure sur la fin même de l’histoire de L’oreille cassée.
Hergé face à son fétiche invite à se replonger dans un album culte, comme tous, des aventures du petit reporter. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Hergé face à son fétiche
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Patrice Guérin
Éditeur : 1000 sabords
ISBN : 9782494744202
Nombre de pages : 144
Prix : 15 €
- Un sombre manteaupar Laurent Lafourcade
La sorcière des Pyrénées
« -L’avenir, c’est toi et moi, que le monde le veuille ou non.
-Tu n’es qu’un cauchemar. Demain, à mon réveil, tu auras disparu.
-Tu ne peux pas me fuir. Nous sommes inséparables. N’oublie pas ton manteau. Tu rencontreras quelqu’un qui en aura besoin. Tu sauras alors quoi faire. Et tout redeviendra comme avant. »
Milieu du XIXème siècle, en pleine montagne des Pyrénées, Serena, une jeune femme, est abordée par un loup. Elle lui reproche d’avoir détruit son avenir. Il lui prédit que tout redeviendra comme avant le jour où elle rencontrera quelqu’un qui aura besoin de son manteau. De son côté, la vieille Mara vit isolée dans sa masure, sur les hauteurs, à l’écart du village. Elle visite les maisons avec ses décoctions à base de plantes afin de soigner les uns et les autres. C’est une trementinaire, comme ces femmes des Pyrénées catalanes qui cueillaient des herbes pour élaborer des remèdes qu’elles commercialisaient à travers les villages de catalogne, parcourant les routes à pied. Sur le marché, les commerçants commencent à rechigner le troc qu’elle propose pour s’assurer des biens de première nécessité. Les enfants la traitent de sorcière.
Avec le poids des ans, les tâches quotidiennes deviennent de plus en plus ardues pour Mara. Leo, le père de la petite Sol, lui propose de racheter sa maison. Hors de question pour elle. Un jour, elle va recueillir Serena, inanimée et muette. Mara va alors initier Serena aux secrets des plantes afin d’en extraire leurs propriétés de guérison. Au village, la nouvelle venue suscite bien des interrogations, d’autant plus qu’une mystérieuse épidémie contamine les habitants. Lorsque Leo va disparaître, tout va changer. Suspectées d’en être responsable, les deux femmes vont devoir déployer de fines stratégies pour échapper à… la chasse aux sorcières.
En quelques albums, Ce que le vent apporte, Toute la poussière du chemin, Les guerres silencieuses, Jamais je n’aurai 20 ans, Nous aurons toujours 20 ans, et à présent Un sombre manteau, le dessinateur Jaime Martin est devenu un pilier de la collection Aire Libre. Ses livres s’attachent à l’Histoire et aux coutumes. Celui-ci est un drame aux frontières du réel, qui fait appel à la tradition de sorcellerie des montagnes pyrénéennes, qui ont valu bien des procès dès le Moyen-Age. Martin ne tombe jamais dans le spectaculaire. Les rares éléments fantastiques peuvent très bien être vus comme des disgressions psychédéliques de Serena. Ce sombre manteau est l’aventure de deux femmes dont on apprendra en toute fin d’album les origines de leurs maux. L’émotion est au rendez-vous. Martin justifie tous les éléments qu’il pose dans un souci de cohérence scénaristique fort bien menée. Graphiquement, l’auteur est proche de la ligne claire, détournée par une colorisation ombrée dans des tons gris-mauves.
Dénonçant certains travers de l’âme humaine, Un sombre manteau est un récit aux sources du féminisme, témoignage d’une époque et dans un décor assez rare. Un très bon album.
One shot : Un sombre manteau
Genre : Conte
Scénario, Dessins & Couleurs : Jaime Martin
Traduction : Alexandra Carrasco-Rahal
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9791034769810
Nombre de pages : 104
Prix : 21,95 €
- 100 bucket list of the dead 14par Laurent Lafourcade
A la mémoire de papy
« -Comment voulez-vous qu’on se batte contre un truc pareil ?!
-La règle d’or, dans tout combat contre les boss géants, c’est d’esquiver les coups dans un premier temps tout en analysant leur schéma d’attaque ! Il ne faut pas observer l’ennemi dans son ensemble mais se concentrer sur les mouvements des parties du corps qui lancent les attaques. »
Coincés dans un laboratoire de recherche biologique, Akira et ses compagnons se battent contre une monstrueuse entité. Avec tout son courage et toute sa détermination, c’est Izuna qui mène le combat face à ce boss géant capable de se regénérer. La rixe va valoir une scène d’anthologie à mourir de rire avec un Kenichirô prêt à donner de sa personne pour sortir ses copains de la panade. Pendant ce temps, le professeur Tsurumi continue ses recherches sur un vaccin contre la zombification, poursuivant ses analyses sur le sang d’Izuna, qui a été mordue sans conséquences. Son sang est donc immunisé. Reste à savoir pourquoi et comment.
Akira ne compte pas rester ensuite inactif pendant les expériences du professeur. C’est l’occasion de reprendre le tour du Japon pour accomplir un autre désir de la bucket list. Quant à lui, Kenichiro, originaire de Hakata, se demande ce qu’est devenue sa famille. Izuna va l’accompagner, pour une émouvante visite sur la tombe de son grand-père. Le duo va se trouver projeté dans une zombhorrifique partie de Pac-Man poursuivi par les fantômes en grandeur nature. La troupe se réunira dans un dernier chapitre pour une pêche au Marlin bleu, comme si on y était.
Avec l’avancée sur la recherche du vaccin, les auteurs ont amorcé un tournant vers un nouvel arc narratif dans 100 bucket list of the dead, d’autant plus que plus des deux tiers des souhaits ont été réalisés. Dans ce quatorzième volume, Haro Aso et Kotaro Takata résolvent la problématique du laboratoire contaminée entamée précédemment, en traitent entièrement une autre, avant de terminer par un chapitre indépendant. Pour une fois, mis à part l’intrigue principale, rien n’est laissé en suspens pour le prochain tome. Cela cache-t-il un rebond inattendu ?
Effrayante et drôle, horrifique et poilante, 100 bucket list of the dead est l’une des toutes meilleures séries du moment. Elle est de celles permettant aux jeunes lecteurs de Shonen à passer au Seinen, même si les frontières entre les deux catégories se sont amenuisées.
Série : 100 bucket list of the dead
Tome : 14
Genre : Zombies
Scénario : Haro Aso
Dessins : Kotaro Takata
Éditeur : Kana
Collection : Big Kana
ISBN : 9782505125129
Nombre de pages : 160
Prix : 7,90 €
- La vie d’Otamapar Laurent Lafourcade
Japon-Italie reliés par l’art
« -C’est beau ! Madame, tu dessines vraiment très bien.
-Oh ! Merci !
-Il y a beaucoup de dessins de fleurs. Tu aimes ça, les fleurs ?
-Oui. Je trouve les fleurs extrêmement belles. Et j’aime courir mes toiles de belles choses. Regarde. Ceci est un hortensia.
-Non, moi j’appelle ça un ajisai.
-Et là-bas un iris.
-Mais non ! C’est un ayame !! Pourquoi tu leur donnes tous ces noms bizarres ?
-C’est sous ce nom que je les connais…
-Hein ?
-C’est le nom qu’on leur donne là où j’ai vécu. »
Automne 1877, à Tokyo, un occidental portant un kimono, italien travaillant à l’école d’art impériale, est venu visiter un jardin japonais dont la beauté n’est pas à la portée du premier venu. C’est là qu’il va croiser le regard de Otama, jeune nippone occupée à dessiner. Plus de cinquante ans plus tard, au début des années 30, c’est une vieille dame et elle se remémore sa vie avec cet homme Vincenzo Ragusa, sculpteur, qui l’amena en Italie. Aujourd’hui, c’est à un petit garçon de sept ans, Atsushi, qu’elle raconte son voyage, son mariage, sa vie et ses drames à l’avancée de la marche de l’Histoire et au rythme de l’Art. Aujourd’hui, sa petite fille lui propose de l’accompagner à Palerme retrouver les lieux où elle a vécu avec son mari et ses amis. Elle se trouve trop âgée pour effectuer un si long voyage.
La mangaka Keiko Ichiguchi s’adjoint les services du dessinateur italien Andrea Accardi pour un one shot tout en sensibilité et délicatesse. La vie d’Otama est le nouveau scénario de l’autrice de Là où la mer murmure et Les cerisiers fleurissent malgré tout. Librement inspiré de la vie de Tama Eleonora Ragusa, dite Kiyohara Tama (1861-1939), le livre retrace le parcours de la première peintre japonaise de style occidental. Nous sommes au cœur de la « Belle époque », à Palerme. Nul ne pense que le bonheur ambiant sera terni par un vingtième siècle tragique. Otama ne reviendra au Japon qu’en 1933, à soixante-treize ans. Dans un style graphique académique, Accardi démontre que le talent peut se révéler dans la simplicité, à des instants d’une émotion rare.
Plus que l’histoire d’une vie, le manga traite de la place de l’art dans une société à deux vitesses. Le jeune Atsushi en fera l’amère expérience. Subjugué par le talent d’Otama, il rêve de faire une école d’art. Pour son grand-frère militaire Takeo, l’artiste lui a mis des idées ridicules en tête. Pour lui, les riches sont des hypocrites dont la vie de rêve est bâtie sur la sueur et les souffrances des pauvres paysans. Le gamin va fuguer, se réfugier chez Otama. Le récit va prendre un virage philosophique. Chez la vieille dame, le petit garçon dit : « J’ai l’impression d’être dans un tableau… J’aime être ici… » Instant suspendu, lourd de sens. Notre vie conditionne-t-elle notre art ? Ou bien notre art dirige-t-il notre vie ? Otama connaît la réponse. Réussira-t-elle à transmettre le message ?
Fresque historique et artistique, histoire sur l’absence, celle de ceux qui partent, pour un autre pays ou un autre monde, et celle de ceux qui ne sont jamais venus, La vie d’Otama a la force des grands récits qui font qu’on n’est plus tout à fait les mêmes après les avoir lus, parce qu’on a peut-être pris conscience de quelque chose. Inattendu.
Série : La vie d’Otama
Genre : Biographie romancée
Scénario : Andrea Accardi
Dessins : Keiko Ichiguchi
Éditeur : Kana
Collection : Made in
ISBN : 9782505117193
Nombre de pages : 136
Prix : 15,50 €
- La piste de L’Oregonpar Laurent Lafourcade
La terre promise
« -La providence nous a confié une mission divine, Monsieur Charbonnier… Vous ne pouvez pas rester sourd au message de Dieu !
-Une mission qui implique de tuer des gens et de leur voler leur terre ? Drôle de message, révérend !
-Ne soyez pas obtus, mon vieux… Vous percevez un salaire pour conduire ces colons à travers le pays, non ? Alors que vous le vouliez ou non, vous faites partie de ce mouvement ! Vous en profitez !
-Monsieur Tyler a raison… C’est notre destinée de nous déployer sur cette terre pour la peupler et y développer nos institutions ! »
1843. Pierre Charpentier escorte un convoi de colons vers l’Ouest américain. Charpentier est un trappeur français. Son atout est d’avoir épousé Wakanda, une indienne. Cela risque de permettre d’éviter certains dangers. 640 âcres de terres sont offerts aux membres de l’expédition. Le problème est que cette terre est spoliée aux indiens. Si pour les colons, leur conquête est légitime, pour Pierre, elle trahit un traité signé avec les peaux-rouges. Mais qu’il le veuille ou non, il fait partie du mouvement et perçoit un salaire pour traverser le pays avec le groupe. Pour le révérend de l’expédition, c’est leur destinée de se déployer sur cette terre pour la peupler, y développer des institutions, apporter la civilisation et prêcher la parole du Seigneur. Pierre Charpentier craint que ce soient plutôt la violence, la maladie, la désolation et la mort qui risquent de gagner l’Ouest. Le voyage va être semé d’embûches. Lors d’une halte, Wakanda revient au campement avec un jeune africain qui avait tenté de voler son cheval. Elle a eu pitié de lui et l’a ramené. Ça ne va pas être du goût de tout le monde.
Cette piste s’éloigne des poncifs habituels du genre et de l’opposition cow-boys/indiens. C’est un road movie avec ses rebondissements, ses faux-semblants et ses surprises. Le couple Pierre/Wakanda fait l’originalité et la force de l’aventure. Corbeyran et Krings ont eu l’excellente idée de chapitrer l’histoire, lui donnant un côté feuilletonnant. Les plus anciens lecteurs auront une pensée émue pour un album mythique de la bande dessinée franco-belge : Go West, signé Derib et Greg. L’action se passait quelques années plus tard, en 1886, mais l’espoir d’une vie rêvée de l’autre côté de l’Amérique était le même. Il y avait aussi ce côté chapitrage puisque l’histoire avait été publiée en récits complets dans le journal Tintin.
Après la version luxe noir et blanc parue il y a près d’un an en auto-édition, Corbeyran et Krings voient enfin édité ce western tant attendu. Le graphisme semi-réaliste de Krings n’est pas non plus sans rappeler naturellement celui des débuts de Derib. Go West et La piste de l’Oregon étaient destinés à se faire écho. Les similitudes s’arrêtent là. Les directions prises par les deux récits sont vraiment indépendantes. Corbeyran et Krings ont écrit une aventure avec des thèmes de société dans l’air du temps, du féminisme à l’égalité des peuples, de la justice à l’écologie. Les pages de titres des chapitres permettent de bénéficier de belles et grandes illustrations, comme des couvertures intercalées. Les couleurs de Vera contribuent au voyage dans les plaines, avec en particulier des tons de fin de journée et des nuits éclairées à la flamme aux dégradés et aux éclairages parfaits.
Prenez la piste de l’Oregon. Elle vous mènera vers les grands espaces dans une aventure avec un grand A. Présenté comme un One shot, espérons que ce ne soit que la première étape d’une longue série de demain.
One shot : La piste de L’Oregon
Genre : Western
Scénario : Corbeyran
Dessins : Jean-Marc Krings
Couleurs : Vera
Éditeur : Kennes
Nombre de pages : 80
Prix : 14,95 €
- Bertille & Lassiterpar Laurent Lafourcade
Cross over pour une boule rouge
« -Vous êtes ici en touriste ?
-Oui, j’adore… la France.
-C’est la première fois que vous venez ?
-Oui. J’ai toujours voulu visiter… Je connais un peu la langue… Je suis ici… depuis… trois mois.
-Trois mois ! Vous faites un long voyage, Monsieur… Monsieur ?
-Euh… Lassiter. Jonathan Lassiter.
-Je suis ravie. Bertille Bertille. »
Noël 1966, dans le compartiment d’un train partant de la gare Montparnasse, John Lassiter, américain du Nebraska, fait la connaissance du commissaire Louis Bertille et de son épouse, dont le prénom est le nom de son mari. C’est pour cela qu’elle s’appelle dorénavant Bertille Bertille. Le quatrième voyageur du compartiment va rapidement éveiller les soupçons du policier et révéler son vrai visage. Il a pris Lassiter en filature pour le compte d’un homme d’affaires américain très important, afin de retrouver Edward, truand et escroc notoire qui avait embringué John dans les tourments de la nuit parisienne après qu’il se soit fait dérober ses papiers. Le suiveur est arrêté à la gare d’arrivée, à Saint-Brieuc. Le couple propose à John de les accompagner sur leur île, dans leur villa derrière laquelle se trouve une gigantesque boule rouge, la gigantesque et énigmatique boule rouge à laquelle ils avaient eu fort affaire quarante ans auparavant.
Si les protagonistes de cette histoire vous rappellent quelque chose, c’est tout à fait normal. Eric Stalner réunit les personnages de deux one shot qu’il a signé : Bertille et Bertille, polar fantastique, et 13 heures 17 dans la vie de John Lassiter, thriller psychologique.
Dans le premier récit, Bertille et ses hommes arrêtent un anarchiste dans un café restaurant de banlieue parisienne. En ramenant l’individu en voiture, sur une petite route, le véhicule voit sa route coupée par une grosse boule rouge venue de l’espace et qui se pose à grand fracas dans la campagne francilienne. Ils n’ont jamais vu un truc pareil. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas un obus. Sur les lieux, le commissaire rencontre une jeune femme, elle aussi témoin de l’atterrissage de l’OVNI. Elle s’appelle Bertille de Chavronnes des Argons. C’est une petite bourgeoise qui aime bien fourrer son nez dans les affaires qui ne la regardent pas forcément. Pendant ce temps, le prisonnier disparaît dans la nature. Entre les tourments politico-anarchistes de la Belle Epoque et cette boule surnaturelle qui vient d’apparaître et grossit de jour en jour, Bertille et Bertille étaient faits pour se rencontrer.
Dans le second, Jonathan Lassiter, trentenaire américain employé d’assurances, a été plaqué par sa chérie Helen et viré de son job au cabinet Maxwell. En 13h17, Edward va démontrer à Jonathan comment on prend son destin en mains. Edward est un truand semble-t-il en retrait des affaires. Homme de la nuit, il amène Jonathan dans un grand hôtel, marbre sur le sol, larges colonnes, fauteuils en cuir, belles femmes et clients bien habillés, haut lieu de l’élégance et du bon goût. Mais, ça, c’est l’apparence. En réalité, c’est la jungle. C’est ensuite dans un club select dont il était précédemment propriétaire qu’il amène son « élève » d’un soir pour lui faire découvrir là une autre face de la nuit, plus mafieuse, plus truande, mais tout aussi cravatée. Toutes les cartes sont à présent jouées. Jonathan va découvrir comment Edward va abattre son jeu, en se servant de lui tout en lui offrant une certaine prise de conscience.
A la manière de ce qu’il a fait avec Fabien M. et La croix de Cazenac, Eric Stalner mélange deux univers qui n’avaient rien pour se croiser. Bertille et Lassiter mêle le polar et le fantastique, les amoureux et les truands. Le récit a une ambiance fin d’époque, celle où la pègre faisait la loi au grand dam des flics qui ne se laissaient pourtant pas faire. On va en apprendre plus sur cette fameuse boule, mais l’auteur garde une part de mystère qui donne, contre toute attente, un côté très émouvant au récit après un assaut impitoyable. Y aura-t-il une suite ? Peu importe. D’un côté, on aurait envie de retrouver encore les personnages. D’un autre, on ne serait pas contre préserver le côté énigmatique.
Stalner est un stakhanoviste de la BD. Adepte des one shot et des séries relativement courtes, chacune de ses histoires montre un angle d’approche particulier qui fait qu’on s’en rappelle. Comme les autres, Bertille et Lassiter est Stalnerissime.
One shot : Bertille & Lassiter
Genre : Polar fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Eric Stalner
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand angle
ISBN : 9791041103898
Nombre de pages : 96
Prix : 19,90 €
- Un travail pour Fantomialdpar Laurent Lafourcade
Super-Canard
« -Pourquoi devrais-je te faire un don, Onc’ Picsou ?
-Parce que tu habites ici, dans ma maison. Et que tu n’as jamais payé de loyer.
-Mais enfin, où veux-tu que je trouve de l’argent ?
-Devinette : ça commence par « tra » et ça finit par « vail » ?
-Un boulot ?!
-Bravo, c’est ça ! Il est super fort en devinettes ! »
Pourquoi donc Onc’ Picsou a-t-il un si soudain besoin d’argent qu’il demande à Donald de lui payer un loyer pour la maison dans laquelle il habite avec ses neveux Riri, Fifi et Loulou ? Ses coffres sont remplis à ras bord ! Mais, car il y a un « mais », si d’ici un mois il ne reçoit pas ce don de la part de Donald, il passe à la deuxième place au classement annuel des milliardaires, derrière Flairsou. Vous imaginez la catastrophe ? Si Donald doit déménager, Picsou découvrira son armoire ascenseur qui débouche sur le repaire de Fantomiald. Il ne sait pas que les deux ne font qu’un. Il faut rapidement trouver une idée. Qui dit idée, dit Géo Trouvetou. Ce dernier présente à Donald le Binz, brouillard à idées nouvelles pour zozos, qui donne à celui qui en reçoit une giclée l’impression que la première idée qu’il entend vient de lui. Ça marche. Géo asperge le neveu du milliardaire pour qu’il pense de lui-même à aller chercher du travail.
Si Donald va dans un premier temps enchaîner les petits boulots, lorsque Picsou va lui demander de mensualiser ses loyers, c’est Fantomiald qui va se mettre en quête d’embauches. Il va ainsi travailler chez U-beurre, pour livrer des petits pots de produits laitiers à domicile. Il deviendra ensuite gardien de nuit dans un Musée d’art moderne, avant de démêler une affaire de bonbons ultra-rafraîchissant ayant coulé la fabrique de ventilateurs dans laquelle travaillait Donald. Entre exploits de Fantomiald d’un côté et recherche d’emploi de Donald de l’autre, deux poncifs de la BD Disney sont mixés pour cette excellente collection de productions franco-belge Glénat.
Après Mickey contre l’alliance maléfique, Nicolas Pothier passe à Donaldville. Dans « Un travail pour Fantomiald », découpé en quatre histoires courtes enchaînées, le scénariste s’occupe de ce super-héros mythique, sans oublier les guests dans autant de clins d’œil réjouissant les lecteurs les plus âgés. Outre ceux déjà cités, on retrouve Gontran Bonheur, les frères Rapetou, le voisin Lagrogne et le trop peu exploité Super-Dingo. (Nicolas, tu sais ce qu’il te reste à faire !)
Bien secure entre les pattes du Marsupilami, on n’attendait pas Batem sur le terrain Disney. Le dessinateur prend un plaisir jouissif, non pas à se fondre dans l’univers américain, mais à s’y inviter. Il y a à voir dans tous les coins de cases, et même un magazine coquin bien planqué. En bonus, outre des essais de personnages, on trouve quatre fausses couvertures de Comics, comme si l’album en était le recueil.
Déjà dix-huitième album de la collection Disney Glénat, Un travail pour Fantomiald ravira tout autant les nostalgiques que les jeunes lecteurs. Un bon moment de lecture pour tous.
One shot : Un travail pour Fantomiald
Genre : Aventure
Scénario : Nicolas Pothier
Dessins : Batem
Couleurs : Cerise
Éditeur : Glénat
Collection : Walt Disney
ISBN : 9782344044452
Nombre de pages : 56
Prix : 15,50 €
- Les fondus de la moto 13par Laurent Lafourcade
Tout roule en deux roues !
« -Ça bosse dur, on dirait !
-On prépare notre périple à moto, Régina…
-Ce qui est chaud, c’est de bien anticiper les étapes !
-Il y a plein de facteurs à prendre en compte !
-La distance, l’état des routes, la météo, les impondérables…
-La circulation, la fatigue… Sans compter les bécanes elles-mêmes !
-On les a révisées à mort, mais vu le circuit qu’on a prévu, faudra qu’on les chouchoute ! »
Cinq pigeons picorent quelques miettes tombées sur un chemin. Les oiseaux ne vont pas pouvoir terminer leur dégustation. Deux motos arrivent à toute allure, vrombissant dans la calme campagne. Un volatile finira d’ailleurs dans la sacoche ouverte de Piang. Il ne les ferme jamais quand il roule. Le pigeon ne verra sa libération qu’à l’arrêt suivant dans une station Pompafrik. Il n’y a pas que les motards et les oiseaux qui font du deux roues dans cet album puisque, l’ascenseur étant en panne, le troisième âge va pouvoir bénéficier de descentes d’escaliers en moto trial.
Régina, l’épouse de Thierry, est l’une des héroïnes de la première partie de ce treizième album des Fondus de la moto. Motard, c’est une passion. Femme de motard, c’est un sacerdoce. En effet, il en faut du courage et de l’abnégation pour exercer cette fonction. Le deuxième bloc majeur de l’album est l’emménagement de Thomas et Karine dans une sympathique maison avec garage donnant sur une deux fois deux voies, en face d’un atelier de mécanique-peinture-carrosserie et à côté d’une station-service. Trop cool ! Le bonheur ! D’autant plus qu’il y a un interrupteur rien que pour le garage. Pour le couple, c’est un méga-coup de cœur.
Si Les fondus était au départ une série concept prétexte à aborder diverses passions, Les fondus de la moto sont rapidement devenus une série à elle seule. Embrayant le pas du Joe Bar Team, ces Fondus ont vite acquis leur personnalité, plus familiale, plus intergénérationnelle que la série créée par Bar2. Ce qui est agréable avec les fondus, c’est que : 1. On n’a pas besoin d’être soi-même fondu de cylindrées pour se marrer ; 2. On a l’impression de faire partie de leur famille.
Avec Bloz, Richez et Cazenove, l’équipée n’est pas sauvage, elle est juste drôle et enjouée. Voilà du bon gag comme on l’aime, pour tous et dans le plus pur style franco-belge.
Série : Les fondus de la moto
Tome : 13
Genre : Humour mécanique
Scénario : Hervé Richez & Christophe Cazenove
Dessins : Bloz
Couleurs : Pierre Schelle
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9791041103256
Nombre de pages : 48
Prix : 11,90 €
- Peter Pan de Kensingtonpar Laurent Lafourcade
A quoi bon quitter l’enfance ?
« -Vous avez entendu ?
-Oui… Qu’est-ce que c’est ?
-On dirait des pleurs, des gémissements…
-Un humain !
-Maintenant ? En pleine nuit ? Nous envahir la journée et nous obliger à nous faire passer pour des fleurs ne leur suffit donc pas ? Il faut en plus qu’ils nous importunent après la fermeture !
-Ils ne manquent vraiment pas de toupet ! »
Toutes les villes habitées par les créatures humaines recèlent des endroits particuliers… Des endroits magiques où cohabitent ce qui est, ce qui n’est pas et ce qui pourrait être… A Londres, cet endroit correspond aux jardins de Kensington. Cet après-midi, une vieille dame, la vendeuse de ballons, y a laissé la vie, vraisemblablement victime d’une attaque cardiaque. Cette nuit, une petite fille y sanglote. Elle était venue avec son papa mais elle s’est perdue. De vilaines fées veulent lui réserver un mauvais sort. Elles vont rapidement se faire chasser par un jeune homme bien mystérieux. Cette fillette s’appelle Maimie Mannering et a six ans. Lui, c’est Peter Pan, l’authentique et inimitable Peter Pan. C’est un aventurier, c’est un pirate. Il est Peter des jardins de Kensington. Comme le dit son ami corbeau, il n’est ni ceci, ni cela, ni ici, ni là. C’est un entre-les-deux. Ni un oiseau, ni un enfant, même s’il vole comme un oiseau et se comporte comme un enfant.
Alors que Maimie souhaiterait que Peter la ramène chez elle, celui-ci lui donne des ailes pour survoler la capitale anglaise. Il lui fait admirer le ciel et notamment les étoiles. Et qu’y a-t-il au-delà de la deuxième étoile, là-haut, à droite ? Neverland ! Le pays imaginaire, une île où les enfants ne grandissent pas et où il n’existe qu’une seule règle : s’amuser ! Peter propose à Maimie de l’y emmener, afin de devenir une enfant pour l’éternité. On trouve aussi là-bas des sirènes, des indiens, des cannibales et des milliers de fées, ainsi que des pirates aussi effrayants que risibles comme le redoutable Capitaine Crochet. L’enfant volant réussira-t-il à convaincre la fillette ?
Après Bartleby le scribe, d’Herman Melville, et Un chant de Noël, de Charles Dickens, José-Luis Munuera adapte, non pas l’histoire de Peter telle qu’on la connaît par le prisme Disney, mais une autre histoire de James Matthew Barrie, publiée en 1902, qui en est en quelque sorte le préquel, dans le recueil The little white bird, Le petit oiseau blanc. Sous les pinceaux de Munuera, ce récit méconnu prend une dimension féérique au sens propre du terme. Au sommet de sa carrière, comme touché par la grâce, l’auteur espagnol enchaîne depuis quelques années les coups de maître.
Une fois n’est pas coutume, saluons la sublime maquette de Philippe Ghielmetti pour cette collection en général et pour cet album en particulier. Sous une magnifique jaquette en quatre pans (et un seul Peter Pan), on trouve un livre vert, avec quelques herbes et fleurs en ombres blanches et où aucune inscription ne figure. Le contenant est aussi beau que le contenu.
Histoire d’enfance, histoire de deuil, histoire du deuil de l’enfance, Peter Pan de Kensington ne laissera pas insensible, en particulier ceux qui ont oublié de grandir. Elle les confortera dans leur idée de garder leur âme d’enfant. Sublime.
One shot : Peter Pan de Kensington
Genre : Conte
Scénario & Dessins : José-Luis Munuera
D’après : James Matthew Barrie
Couleurs : Sedyas
Éditeur : Dargaud
Nombre de pages : 96
Prix : 21 €
- L’espion du jour J. 3 – Le débarquementpar Laurent Lafourcade
L’as des as
« -Qui est ce type ?
-Je ne sais pas, Capitaine, il me dit qu’il est officier de l’armée anglaise.
-Alors, comme ça vous êtes des nôtres ?! Il va falloir m’en dire un peu plus…
-A vos ordres, Capitaine… »
6 juin 1944, Caen, Normandie. Greg Honey, agent du SOE, special operations executive, service secret créé par Churchill, s’apprête à rejoindre les troupes britanniques qui s’installent en tête de pont dans le département. Il quitte Marguerite et enfourche son vélo. C’est le jour J, mais ça, il ne le sait pas encore. Faisant fi des conseils, il passe entre les bombes pour atteindre sa destination. A la prison de Caen, c’est le branle-bas de combat pour les boches qui commencent à fusiller leurs otages avant que les anglais ne les libèrent. Alors que la ville est ravagée, Greg atteint Ranville et se présente au premier officier qu’il rencontre. Ensemble, ils vont organiser la contre-attaque, mais les nazis ne sont pas du tout, mais alors pas du tout prêts à rendre les armes. Acculés, ils comptent bien encore abattre toutes les cartes qu’ils ont encore en main.
Après La cavale et La mission, revoici Greg Honey pour le troisième acte de ses aventures romancées sur fond historique véridique. Le scénariste Frédéric Leterreux installe son héros au cœur de la tragédie. Greg est héroïque, mais il n’est pas un super-héros. Il donne des coups, mais en reçoit pas mal. Il n’est pas épargné. Il va savoir se tirer d’affaires plus d’une fois et, un peu de chances aidant, trouver les alliés nécessaires au bon moment. Greg pourrait s’apparenter à James Bond. Il est plus proche du Belmondo de L’as des as. Un sens du devoir et un dévouement exemplaires, à peine un peu d’humour, juste ce qu’il faut pour ne jamais tomber dans le ridicule, Greg n’est jamais abattu et participe à la Libération de la France.
Jérôme Eho entraîne son héros au milieu du conflit dans des planches à la composition de plus en plus maîtrisée. Les cases à fond perdu équilibrent les pages pour donner une dimension spectaculaire et cinématographique. Les visages rudes et sévères des nazis s’opposent aux expressions inquiètes des personnages féminins bien campés. Les auteurs ont eu l’excellente idée de ne pas se focaliser sur l’arrivée des troupes américaines sur les plages, mais de rester dans les villages alentours, ce qui est beaucoup plus original et cohérent avec la mission de l’espion. Le trio d’albums gagne à être relu d’une traite.
Le triptyque français de Greg Honey, l’espion du jour J., se clôt avec ce débarquement. Il lui reste une mission à accomplir de l’autre côté de la Manche. Peut-être l’occasion d’un nouveau cycle.
Série : L’espion du jour J.
Tome : 3 – Le débarquement !
Genre : Histoire
Scénario : Frédéric Leterreux
Dessins : Jérôme Eho
Couleurs : Claire Dumas
Éditeur : Idées Plus
ISBN : 9782374700458
Collection : Histoire
Nombre de pages : 48
Prix : 15 €
- Le convoipar Laurent Lafourcade
Une histoire de la « Retirada »
« -Téléphone pour toi ! C’est René !
-René !?!
-Ça m’a l’air important, il est paniqué !
-Oui, René, que se passe-t-il ? Quoi !?! Maman !?… Mais ?!… Comment… Qu’est-ce que… !?! Ce n’est pas possible ! »
Montpellier, un soir de 1975. Angelita prend un verre dans un bistrot avec le directeur de la comptabilité de sa boîte. Un simple verre, une discussion, un peu de charme, puis un baiser au moment d’être raccompagné à sa voiture. Un dérapage pour une femme mariée. Bien loin de l’ambiance routine de la maison entre un mari professeur de lettres, aimant mais dont elle est lassée, et un fils étudiant avec qui les discussions sont parfois houleuses. Le lendemain matin, c’est un coup de téléphone qui va changer son emploi du temps. Son beau-père René lui annonce que sa mère a fait une crise cardiaque. Elle est hospitalisée à Barcelone, alors qu’elle était censée être en Auvergne avec son groupe d’archéologues. Angelita retrouve René à la gare, direction l’Espagne.
Le voyage en train va être l’occasion pour René d’apprendre par sa belle-fille comment la famille est arrivée en France. Angelita va fouiller ses souvenirs, remontant presque quarante ans plus tôt, en 1939. Elle a huit ans. Barcelone est alors bombardée par des avions italiens. Elle se réfugie dans les couloirs du métro avec son père, sa mère et des dizaines d’habitants de la ville. Ils songent à l’exil, à partir pour la France, en convoi. On ne peut pas dire que l’accueil y sera des plus chaleureux. Ils étaient sauvés mais avaient perdus tous leurs droits. Les femmes sont parquées dans un camp sommaire en bord de plage, tout comme les hommes, mais séparés. Depuis, Angelita n’a pas revu son père, disparu dans les drames de la guerre. Aujourd’hui, en rendant visite à sa mère malade qui avait pourtant juré ne jamais retourner en Espagne sous Franco, Angelita ne se doutait pas que c’était elle qui allait voir sa vie bouleversée par des révélations.
La « retirada » est le nom donné à l’exil de 450 000 républicains espagnols fuyant le franquisme et la guerre civile en franchissant la frontière française. Les réfugiés sont parqués dans des camps dans les Pyrénées-Orientales. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’une guerre mondiale allait bouleverser la donne. Denis Lapière imagine la vie d’une famille déracinée, puis séparée par le conflit, par les conflits. Le convoi est un récit historique, mais aussi une histoire de secrets. Lapière démontre comment la grande Histoire a induit des trajectoires de vie imprévisibles, puis comment des révélations peuvent faire prendre conscience qu’il est possible, ou qu’il est temps, de changer de vie. Au dessin, Eduard Torrents invite en particulier à plonger dans les regards, les yeux des personnages qui racontent leurs parcours.
Paru une première fois sous forme de diptyque, Le convoi trouve chez Aire Libre l’écrin que mérite un tel récit, historique, puissant et émouvant.
One shot : Le convoi
Genre : Drame historique
Scénario : Denis Lapière
Dessins : Eduard Torrents
Couleurs : Marie Froidebise
Postface : Christelle Pissavy-Yvernault
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9782808502825
Nombre de pages : 136
Prix : 27,95 €
- Spoon & White 7 – Manhattan Kaputt / 8 – Neverlandpar Laurent Lafourcade
De 24 h chrono à Lost
« -White ! Rascal, tu roupilles pendant ton tour de veille !
-Mmhh… ? Mais pas du tout… Je réfléchissais.
-Si mon sixième sens ne m’avait pas alerté, on laissait passer l’heure légale !
-Qu’est-ce que tu racontes ? Il est à peine trois heures.
-Tout est endormi chez toi, même ta montre. Jette un œil à l’horloge là-haut. TES SECONDES DE LIBERTÉ SONT COMPTÉES, MARTINEZ !
-Pas de bavure. Le commissaire nous a donné des indications précises pour coincer notre présumé trafiquant.
-Perds pas ton temps à lire ! »
Arrêter un certain Martinez dans un immeuble de Manhattan où tout le monde s’appelle Martinez, ce n’est pas franchement évident. C’est le hic auquel se heurtent les agents Spoon et White. Par bonheur, ils ne sont pas les seuls sur le coup puisque Zack Bauer est aussi présent sur place. C’est le magnum dans la bouche qu’il entraîne le bon Martinez recherché vers la sortie… jusqu’au moment malencontreux où Spoon, glissant les étages sur la rampe, ne percute le flic anti-terroriste faisant partir le coup. Adieu, Martinez ! Il n’empêche que la menace terroriste pèse sur new-York. Nos agents favoris vont être certainement d’une grande aide auprès de Bauer pour l’éliminer. Tout est raconté dans Manhattan Kaputt
C’est une toute autre problématique qu’ils vont devoir résoudre dans Neverland. L’Amérique est sans nouvelles depuis deux mois du vol 815 en provenance de Sydney transportant Hugo Gole, terroriste bien connu des services de renseignements, la journaliste Courtney Balconi, ainsi que Spoon et White. Les recherches viennent de cesser. Ils sont tous considérés comme morts. Par chance, ils sont bel et bien en vie. L’avion s’est abimé sur une île paradisiaque. Les survivants sont en mode survie. Entre un ours blanc assoiffé de sang, un pirate oublié dans les Caraïbes et un incendie malencontreux, Spoon et White parviendront-ils à ramener le brigand sur le continent et le rendre au FBI ?
C’est avec une pointe d’émotion qu’on lit ou relit ces deux dernières rééditions des enquêtes de Spoon et White aux éditions Bamboo, relance qui avait commencé avec la parution de l’inédit Road’n’trip. Il n’y aura malheureusement pas de dixième épisode. Pourtant, dans la veine parodique, on peut difficilement faire aussi bien. Chaque album est la parodie d’une série ou d’un blockbuster américain. Mickey Spoon, Donald White et Courtney Balconi ont ainsi revisité malgré eux Piège de cristal, Le silence des agneaux, Chinatown, James Bond Goldfinger, 24 heures chrono, Lost, Mad Max et bien d’autres entre les lignes. On aurait bien aimé les voir dans Twister, Truman Show, Scream, La tour infernale, Air force one ou autres Psychose. Les Léturgie avaient encore de quoi s’amuser pour longtemps. Le parcours éditorial de la série ne l’a jamais aidée à s’installer. De plusieurs collections chez Dupuis à Vents d’Ouest, on pensait que son arrivée chez Bamboo allait la stabiliser. Les ventes n’étaient peut-être pas à la hauteur des espérances. Serait-il encore temps de corriger le tir ? N’hésitez pas à vous plonger dans Spoon et White, excellente série parodique humoristique dans un pur style franco-belge hérité de Conrad et Yann (qui a participé aux six premiers albums).
Spoon et White s’inscrit dans la catégorie des plus grands duos de la bande dessinée. Le ton parodique de la série est naturellement poilant. C’est un incontournable qui atteindra un jour le statut de classique.
Série : Spoon & White
Tomes : 7 – Manhattan Kaputt / 8 – Neverland
Genre : Thriller humoristique
Scénario : Jean Léturgie
Dessins : Simon Léturgie (& Franck Isard pour le 7)
Couleurs : Julien Loïs (7) / Gom (8)
Éditeur : Bamboo
ISBN : 979104110 -3324 / -7841
Nombre de pages : 56
Prix : 12,90 €
- Les noces des lucioles 1 / Promise Cinderella 1par Laurent Lafourcade
Des couples improbables
« -Qui aurait cru que mon père me laisserait sortir ! Pas vrai, Kotaro ?
-En effet.
-Nous y voilà. Ça te dérange, si je reste ici un peu ?
-Votre père m’a demandé de faire une course pour lui, je reviendrai dès que j’aurai terminé. Ne vous éloignez pas trop.
-Entendu. »
Fin XIXème début XXème, en plaine ère Meiji, Satoko Kirigaya se promène en ville avec un homme de confiance. Pour une fois que son père lui laisse un peu de liberté. Elle attend d’épouser l’homme qu’il lui choisira. Les femmes nobles sont toujours forcées de se marier par arrangement. Quelle chance ils ont, les roturiers, de s’unir par amour. Ça, c’est ce que pense sa demi-sœur, avec cependant une pointe de jalousie. Condamnée par une maladie et respectueuse des traditions, Satoko est à l’écoute de son père. Lors d’une sortie en ville, le 27 juin, à 17 heures, la jeune femme est kidnappée par un mystérieux commanditaire qui la laisse aux mains d’un assassin de légende. Le « client » a demandé de ne pas la tuer tout de suite. A 21 heures, elle sera à lui, mais c’est sans compter sur les autres malfrats qui veulent leur part du « gâteau ». Pour se sortir de ce guêpier, Satoko va proposer à son geôlier… de l’épouser. Ainsi débute Les noces des lucioles qui va montrer à une jeune noble l’envers du décor, en dehors de la vie dans une demeure dorée.
Faisons un bon dans le temps d’une bonne centaine d’années pour nous retrouver de nos jours au Japon. Trompée par son mari au bout de moins d’un an de mariage, Hayame accepte le divorce qu’il lui demande de lui accorder. Quel imbécile ! Elle lui aurait pardonné. A la rue avec sa valisette à roulettes, elle se voit contrainte à dormir dans des cartons en plein jardin public, le vol de son sac n’ayant pas arrangé les choses. Presque trente ans, divorcée et fauchée, quelle aventure ! Issei, un jeune homme aisé va lui proposer de la sortir de ce pétrin, à condition de participer à un jeu. Il l’amène chez lui et lui propose d’accomplir les actions d’une to do list farfelue. Hayame refuse. La situation dégénère et elle dégrade malencontreusement un kakémono à trois millions de yens. Pour rembourser, pas le choix, elle va devoir se plier aux exigences du garçon.
Du Shojo tout sauf mièvre, voilà ce que propose Oreco Tachibana dans ces deux séries lancées simultanément par Glénat manga. Si Promise Cinderella est une série débutée en 2018 et close en 16 tomes, elle est éditée pour la première fois en France. Quant aux Noces des lucioles, c’est une nouveauté qui a démarré sur les chapeaux de roue au Japon. Avec deux millions d’exemplaires écoulés en cinq volumes et plusieurs récompenses remportées, la série ouvre les portes de l’Europe à la mangaka.
« Les femmes sont les propriétés de leur famille et peuvent être offertes ou échangées. Elles n’ont pas le droit de choisir leur mari. Et pourtant, j’ai choisi d’aimer un homme… que je n’aurais pas dû aimer. J’étais heureuse. » Dès l’introduction des Noces des lucioles – on aurait appelé ça un pré-générique au cinéma – , on sait que la vie de Satoko Kirigaya va être longue et mouvementée. Princesse vs Assassin psychopathe, quel couple improbable. Couple improbable, c’est le point commun entre les deux séries d’Oreco Tachibana. Dans Promise Cinderella, la princesse est une femme au foyer qui pensait son avenir tout tracé qui se retrouve à devoir remettre sa vie et son destin en question. Elle se trouve face à, non pas un psychopathe assassin, mais une sorte de pervers narcissique, avec qui un drôle de jeu de séduction va se mettre en place.
A l’occasion de leurs lancements simultanés, deux shikishis, planches cartonnées, sont offertes pour l’achat des deux tomes. Histoires d’emprises en parties consenties, Les noces des lucioles et Promise Cinderella sont deux aventures aux nombreux points communs qu’il est pertinent de lire en parallèle.
Série : Les noces des lucioles
Tome :1
Genre : Thriller romantique
Scénario & Dessins : Oreco Tachibana
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344064672
Nombre de pages : 208
Prix : 7,90 €
Série : Promise Cinderella
Tome :1
Genre : Comédie romantique
Scénario & Dessins : Oreco Tachibana
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344064689
Nombre de pages : 192
Prix : 7,90 €
- La BD super géniale de Chachapar Laurent Lafourcade
Une pépite inattendue
« -Quoi ! Une BD archi super dans ce livre ?!
-Ouais !
-Génial ! Où ça ?!
-T’as qu’à tourner la page.
-J’ai rien qu’à tourner la page ???
-Si je te le dis.
-Ok, je vais apprendre à lire et je reviens. Salut.
-Salut mec »
Chacha, c’est Charlotte. Elle a dix ans et se définit comme une petite fille normale. Elle n’a ni frère, ni sœur, ni perroquet. Elle a eu un poisson rouge, mais pas longtemps. Ses parents ne veulent pas qu’elle ait un animal de compagnie. A la place, ils lui ont acheté des feutres, un coffret maxi dingo. Mais Chacha continuait à s’ennuyer… jusqu’au jour où elle eut l’idée de faire une bande dessinée, sa bande dessinée. C’est justement celle-ci qui se trouve dans ce livre. Entre commentaires façon journal intime et l’incroyable histoire de Moquette et Clic, voici un bouquin hors du commun.
Moquette est une gamine de l’âge de Chacha. C’est une mégastar connue dans le monde entier parce qu’elle est filmée depuis la sortie du corps de sa mère le jour de l’accouchement. Elle s’appelle ainsi parce qu’elle est née sur la moquette du salon. Sa mère n’avait pas pu se rendre à l’hôpital parce qu’on lui avait volé la selle de son vélo. Suite au succès de la vidéo de la naissance, sa mère acheta toutes les caméras de la ville pour la filmer tous les jours. Le rendez-vous était donné sur les réseaux à 18h07 pétantes quotidiennement pour le TV Moquette Show. En grandissant, Moquette commençait à souffrir de cette notoriété qui l’entraînait dans une solitude sans ami. Elle veut tout arrêter. Pour sa mère, c’est hors de question. La fillette fugue.
En feuilletant La BD super géniale de Chacha, on est loin d’imaginer qu’on a entre les mains un OVNI scénaristique à côté duquel il est inconcevable de passer. A partir d’une idée somme toute simple, une fillette réalisant une BD, les autrices Virginy L.Sam etMarie-Anne Abesdris signent l’un des livres les plus débilement drôles de l’année. On n’avait peut-être pas lu quelque chose d’aussi déjanté depuis Nini Patalo par Lisa Mandel. Graphiquement, on est plus proche d’un José Parrondo. On est dans l’ambiance des histoires de Allez, raconte ! qu’il a dessiné pour deux albums et une série de dessins animés sur des histoires de Lewis Trondheim. Chacha, non, pardon, Moquette vit dans un univers avec un professeur foufou, une créature affreuse, un gardien d’hôtel et sa femme collectionneuse compulsive, un cheval qui pète et autres absurdités. C’est débilement drôle.
La BD super géniale de Chacha, contrairement à ce qu’annonce l’éditeur, n’est pas que pour les enfants de 8 à 12 ans. Elle a deux atouts incroyables : 1. Celui de faire passer un excellent moment de lecteur pour tous avec un livre dans lequel on suit non seulement l’héroïne d’une histoire mais aussi les ressentiments de sa créatrice, et 2. Celui de prouver aux gamins qu’ils peuvent oser se lancer dans une BD. Une idée de génie de ses deux autrices. Cet album est une pépite inattendue.
One shot : La BD super géniale de Chacha
Genre : Humour déjanté
Scénario : Virginy L.Sam
Dessins & Couleurs : Marie-Anne Abesdris
Éditeur : Auzou
ISBN : 9791039545068
Nombre de pages : 104
Prix : 11,95 €
- Tout le bleu du cielpar Laurent Lafourcade
Le dernier voyage est le plus beau
« -Salut… C’est moi… Emile !
-Joanne.
-T’es là depuis longtemps ?
-Deux heures.
-Voilà le camping-car où on vivra.
-Oh. Parfait.
-Pour l’itinéraire, on ne s’est pas encore mis d’accord…
-Ça n’a pas d’importance pour moi.
-Bon. Alors, on sait pas où on va, mais on y va ! »
Joanne est une jeune femme solitaire de 29 ans. Un jour, elle tombe sur une petite annonce sur le net. Un jeune homme de 26 ans, condamné par un Alzheimer précoce, cherche une ou un compagnon de voyage pour un périple en camping-car dans les montagnes françaises. Au programme, randonnées avec tentes et sac-à-dos. Le départ est prévu le plus rapidement possible. L’histoire pourrait durer jusqu’à deux ans. Le profil recherché est celui de quelqu’un pas effrayé par des conditions de vie rudimentaires et qui a envie de partager une aventure humaine. Joanne se reconnaît dans le profil et contacte Emile, l’auteur du post. Deux jours plus tard, c’est déjà le départ.
Cohabiter dans un endroit aussi exigu qu’un camping-car, qui plus est quand on ne se connaît pas, c’est un véritable challenge. Mais quand il y a du respect de l’intimité et une entente cordiale avec bien sûr ses compromis, il n’y a pas de problème. Joanne et Emile vont rapidement trouver cet équilibre. Joanne, qui vit une rupture, a besoin d’espace et de calme. Emile, condamné par les médecins, est parti comme un voleur, sans le dire à sa famille. Il a refusé un essai clinique et ne souhaite pas que les siens assistent à sa dégénérescence. Déjà que leur comportement changeait… Au fil de leur voyage, les deux exilés vont découvrir des villages et des habitants de moyenne montagne. Ils vont faire des rencontres qui vont les poser, les apaiser. Evidemment, leur amitié va évoluer, se transformer… jusqu’à l’inévitable, jusqu’à l’inéluctable.
Carbone transpose au mieux le best-seller de Mélissa Da Costa. Quel défi que de transformer un tel succès de la littérature populaire, dans le sens noble du terme, en un roman graphique. Cette expression est fréquemment employée à tort et à travers, mais elle se justifie ici par le fait qu’on lit un roman dessiné. L’émotion est au rendez-vous, avec même une petite larme à la fin. Bien sûr, les puristes déploreront quelques raccourcis inévitables, mais ceux qui n’ont pas lu le livre originel ne remarqueront rien. Carbone se place du point de vue de Joanne et transforme le lecteur en troisième passager du camping-car. Juliette Bertaudière adopte un trait rapide, jeté, parfois un peu trop proche d’un story-board. Certains passages auraient mérité plus de finesse. Là où la dessinatrice ose et excelle, c’est dans la mise en couleurs. Loin d’être conventionnelle, dans des bichromies jaune-bleu nuit, ou jaune-rose, elle fait tout le charme de l’adaptation.
Le roman Tout le bleu du ciel a fait le succès de Mélissa Da Costa avec 1,2 millions d’exemplaires vendus. La bande dessinée Tout le bleu du ciel relève le gant de faire celui de ses adaptatrices. L’émotion est au rendez-vous.
One shot : Tout le bleu du ciel
Genre : Road movie
Scénario : Carbone
D’après : Mélissa Da Costa
Dessins & Couleurs : Juliette Bertaudière
Éditeur : Albin Michel
ISBN : 9782226482709
Nombre de pages : 256
Prix : 24,90 €
- Mr.Crook !par Laurent Lafourcade
Arsène Lupin à New-York
« -Sacré caillou, n’est-ce pas ? Cet Openthal peut se vanter d’avoir tiré le gros lot. Dites-moi… Vous feriez quoi vous, avec un tel diamant ?
-Humm… Je le placerais sous bonne garde avant toute chose. A l’abri des malfaiteurs…
-Pour sûr ! Vous allez voir le défilé de policemen, cela nous promet de l’agitation. Ce monde est fou. Tout ce remue-ménage pour une breloque en verre, finalement. »
En coiffant cet homme dans son Barber Shop de New-York, ce barbier ne se doutait pas qu’il était en train de refaire une beauté à l’un des plus grands escrocs que le monde ait pu connaître. Il s’agit de Mister Crook. Il file entre les doigts de la police depuis des années, parvenant toujours à s’évanouir avec son butin par on ne sait quelle diablerie. Si les forces de l’ordre sont à nouveau sur le qui-vive, c’est parce que le Mangaza, plus gros diamant du monde découvert par le célèbre explorateur Sigmund Openthal, débarque dans la ville. Nul doute que le transfert risque de susciter bien des convoitises. Les forces de l’ordre vont devoir déployer un dispositif de sécurité exceptionnel. Ce n’est pas ça qui va impressionner Mister Crook, qui est loin d’en être à son coup d’essai.
Usant de divers pseudonymes, changeant de visage grâce à divers postiches, moustaches, barbe, chapeaux, lunettes et autres artifices, Crook est un Arsène Lupin international. Dans un New York des années 30, il tente de mettre la main sur un diamant inestimable venu d’une mine du Botswana. Crook ne se contente pas pour autant de ne faire que dans le grand banditisme. Chaque acte de sa vie quotidienne est prétexte à arnaquer son prochain. Le barbier peut toujours envoyer la note. Peu de chance qu’il soit récompensé de sa prestation. Aux champs de courses, quiconque croisera Crook verra son ticket gagnant disparaître. Le Capitaine Jenny Holson peut bien tenter de mettre sous les verrous l’ennemi public numéro 1, il perd son temps. Crook devrait plutôt se méfier de Blackheart. Cette femme de la pègre américaine a de vieux comptes à régler.
Il y a des bandits qu’on adore détester et il y en a d’autres qu’on a envie de voir réussir leurs coups. Mister Crook est de ceux-là. Jérôme Tillard s’inspire d’Arsène Lupin pour écrire un Ocean’s eleven 2.0 à un seul et unique voleur. La première partie du récit, après avoir posé rapidement les événements, s’attarde sur la personnalité de l’anti-héros qu’est Crook. La suite met en scène l’arrivée du Mangaza sur le nouveau continent, avant d’apprendre comment le personnage a développé sa stratégie bien en amont. On vibre, on se demande comment il pourrait arriver à ses fins. Réussira-t-il ? Dans une ambiance proche du sépia, le dessinateur Romain Blais fait de Crook un grand type dégingandé qui se déplace à la manière d’un acteur de théâtre ou de ces personnages de dessins animés sortis des premiers studios outre-Atlantique. Avec un physique proche de celui de Popeye, l’ambiance américaine fin du premier tiers du XXème siècle est assurée.
Une pose victorieuse sur un piédestal comme la statue de la Liberté, un point d’exclamation à la suite de son nom, Mister Crook est un personnage original, dans tous les sens du terme. Espérons que cette aventure ne soit que la première d’une longue série.
One shot : Mr.Crook !
Genre : Thriller/Polar
Scénario : Jérôme Tillard
Dessins & Couleurs : Romain Blais
Éditeur : Paquet
ISBN : 9782889324255
Nombre de pages : 72
Prix : 17,50 €
- Frank Pé Dessine ! / Franquin et moi, entretiens avec Numa Sadoulpar Laurent Lafourcade
Master class
« Quand je dessine, je suis un enfant, tous les soucis disparaissent. Je suis dans un monde différent. Je me bats avec mes personnages, je ris, nous avons peur ensemble. J’ai peur du jour où je devrai arrêter de dessiner. Vraiment. Je me sentirai alors un enfant qui n’a plus le droit de jouer. » (André Franquin)
Ça fait maintenant quelques années que les cahiers de la bande dessinée vivent leur nouvelle vie trimestrielle. Une collection parallèle de hors-série cartonnés est consacrée aux plus grands classiques, auteurs ou séries, du Neuvième Art. Voici un nouvel avatar de ce qu’on appelait autrefois Schtroumpf, puis CBD, avant que la substance du même nom ne vienne dévoyer l’acronyme. Ce troisième concept emmène au cœur de la création, par le biais d’entretiens avec des auteurs ou des spécialistes, ou par l’intermédiaire de regards d’auteurs. Avant la nouvelle édition du mythique Loisel Dans l’ombre de Peter Pan, deux ouvrages déjà indispensables ouvrent le bal.
Le premier livre est signé Frank Pé. Il est intitulé Dessine !… et tu connaîtras l’univers et les dieux. Ne vous attendez pas à un Artbook du dessinateur de Broussaille et Zoo, ni à une interview de l’artiste. Il y a même très peu de dessins de Frank Pé. Le recueil est un ensemble de réflexions de l’auteur sur le dessin. Dès l’introduction Frank fait référence à un ouvrage indispensable à tout auteur : Franquin et Gillain répondent aux questions de Philippe Vandooren dans Comment on devient créateur de bande dessinée. Publié pour la première fois en 1969, Frank Pé l’a lu. Il s’est approprié les paroles de Franquin et Jijé. Aujourd’hui, Frank a quarante-cinq ans de métier. Nourri lui-même de conversations entre collègues de travail, il a modestement pensé qu’il était important de laisser une trace. Dans une première partie, l’auteur définit un dessin de BD et montre comment et pourquoi le juger. Dans une deuxième, il s’attache aux outils et à leur évolution. Dans la troisième, il recense les qualités nécessaires à la réussite, visant les étoiles pour atteindre la lune. Deux interludes ponctuent l’ouvrage : une galerie de ses idoles, de Wendling à Hermann en passant par Emmanuel Lepage, puis ses trucs de magicien, autrement dit les techniques à maîtriser. A l’instar de Comment on devient créateur de bande dessinée, à la manière d’un dictionnaire amoureux, Dessine !… et tu connaîtras l’univers et les dieux, à force d’exemples et de références, s’inscrit dans la bibliographie indispensable pour tout dessinateur en devenir ou souhaitant progresser, sous la plume d’un Frank Pé, pédagogue émérite.
Il y a quelques mois, les éditions Glénat rééditaient un autre livre mythique très longtemps introuvable : Et Franquin créa la gaffe, ouvrage d’entretiens entre André Franquin et Numa Sadoul. Christelle Pissavy-Yvernault inverse les rôles en positionnant Sadoul dans le rôle de l’interviewé. Celui qui s’est entretenu avec tant d’auteurs, notamment pour la première version des Cahiers de la bande dessinée, rencontre celle à qui il a certainement donné envie de faire son métier. Rencontre rapide à Angoulême 2023. Quelques mois plus tard, Christelle propose à Numa un livre d’entretiens où ils parleraient de Franquin. Il la reçoit chez lui dans le Sud de la France. La journaliste découvre l’écrivain, le théâtreux, le critique d’opéra et le militant de Greenpeace, en un mot le passionné.
Acte 1. Sadoul remonte en 1970, à l’époque où il préparait un mémoire de maîtrise sur la bande dessinée, premier contact avec Franquin. Il est question des Cahiers de la bande dessinée et de Jacques Glénat, avec des échanges épistolaires. Il parle du livre d’entretiens qu’il a réalisé avec Hergé : Tintin et moi. L’acteur et metteur en scène de théâtre contemporain prend la parole. Acte 2. Entre rendez-vous manqués et projets avortés, Numa parle de ses relations avec auteurs et éditeurs de l’époque. Il découvre un Franquin pas si conventionnel que ça dans ses goûts et pose les premiers jalons du livre qu’ils feront ensemble. Acte 3. Après une interruption due à une visite qui n’était pas celle du plombier (il arrivera plus tard), Christelle et Numa reprennent leur dialogue. L’anecdote de ce break pourrait sembler anodine. Elle ne l’est pas et révèle les intentions de l’intervieweuse. Elle ne se veut pas seule assise en face de Numa Sadoul, le lecteur y est aussi. On découvre que Sadoul et Franquin avaient un projet de livre autour de doodles, dessins abstraits du maître. Il ne verra jamais le jour. Sadoul s’attarde sur le Franquin d’après ses entretiens. Acte 4. On arrive à la réédition de Et Franquin créa la gaffe. On parle de Trombone illustré et d’Idées noires. Acte 5. On conclue sur une sublime déclaration d’amour.
Qui aurait cru qu’un livre de Frank Pé, mais pas sur l’œuvre de Frank Pé, pourrait émerveiller ? Qui aurait pensé qu’un livre d’entretiens avec un exégète de la BD mais pas un auteur de BD pourrait passionner ? On est un peu dans l’histoire de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours. Et pourtant, ces deux bouquins sont un enchantement, deux morceaux d’Histoire du Neuvième Art.
Série : Les cahiers de la bande dessinée
Titre : Dessine !… et tu connaîtras l’univers et les dieux
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Frank Pé
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344065518
Nombre de pages : 200
Prix : 25 €
Série : Les cahiers de la bande dessinée
Titre : Franquin et moi
Genre : Entretiens
Auteur : Christelle Pissavy-Yvernault, avec Numa Sadoul
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344065501
Nombre de pages : 240
Prix : 32,50 €
- Cinq Avril 3 – La reine blanchepar Laurent Lafourcade
Fils de qui ?
« -Une dague à double tranchant, une épée de bonne facture, un peigne qui n’a pratiquement jamais servi, un plan ou une carte déchirée, un collier avec motif, étoile ou soleil, une sphère en verre contenant une miniature du château de Windsor at des paillettes blanches simulant la… neige… Je crois que c’est tout. Ton cheval sera bien traité. Tu seras enfermé dans une chambre individuelle sous bonne garde. Tu peux avoir du papier et de quoi écrire. Des questions ?
-De quoi suis-je accusé ?
-Pour l’instant de rien. Mais le grand enquêteur de France va venir du Mont-Saint-Michel pour t’interroger. Il sera à Rouen dans une semaine. Le temps de te transférer dans le cachot de Jeanne d’Arc ! »
1532. Revenant d’Angleterre, Cinq Avril, c’est son nom parce qu’il fut trouvé ce jour-là, est arrêté sur le port de Dieppe par le chevalier de la Trémoille. Ariane, qui croyait protéger Cinq Avril, ne comprend pas pourquoi Michelle de Saubonne, qui l’a toujours protégé, laisse le jeune homme se faire cloitrer. Un procès est organisé au parlement de Normandie. Cinq Avril est-il le fils légitime de Louis XII, mort suite à des douleurs intestinales, et de Marie Tudor ? Si c’est vrai, François Ier, couronné parce que c’était son cousin et que son prédécesseur n’avait pas d’héritier reconnu, n’a rien à faire sur le trône de France. L’arbre généalogique de Cinq Avril est loin d’être clair et d’être prouvé. Le portrait de Mona Lisa, peint par Léonard de Vinci, pourrait révéler des secrets et apporter des réponses.
Les affaires familiales de Cinq Avril continuent à être passionnées dans tous les sens du terme. Dans un contexte historique précis, le rouquin côtoie les personnages célèbres de l’époque avec certains desquels il aurait des liens de parenté étroits. Mais ni lui, ni nous lecteurs, ne savons encore tout. Et quand on pense qu’une piste se confirme, elle est rapidement sabrée par une preuve contraire. Finalement, Cinq Avril ne serait-il pas un XIII avant l’heure ? Il n’est pas amnésique mais comme il a été abandonné bébé, c’est tout comme. En bon feuilleton à la Alexandre Dumas, l’intrigue est sans cesse relancée. Le final impulse un rebond. Redoutablement efficace.
Michel Bussi et Fred Duval maîtrisent leur sujet. Le mélange fiction/réalité est tel qu’on se demanderait presque si leur histoire ne serait pas la vérité historique. La série n’en n’oublie pas non plus l’humour, juste ce qu’il faut pour un bon dosage. Noë Monin prend un plaisir certain à mettre l’univers en images avec un dynamisme digne des grandes productions de cape et d’épée. On ressent dans les attitudes et les mimiques des personnages les influences mangas du dessinateur, lui qui avait été l’un des premiers auteurs français à s’y lancer avec Yodji, qui ne connut qu’un tome. Trop tôt. Le pays n’était pas encore près à l’époque pour lire autre chose que des productions asiatiques.
Cinq Avril mériterait d’être plus mise en avant par Dupuis. Incompréhensible qu’elle ne soit pas prépubliée dans Spirou. Espérons que l’effet Bussi lui permette de sortir du lot.
Série : Cinq Avril
Tome : 3 – La reine blanche
Genre : Cape & Epée
Scénario : Fred Duval & Michel Bussi
Dessins : Noë Monin
Couleurs : Antoine Lapasset
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808502634
Nombre de pages : 56
Prix : 12,95 €
- San Francisco 1906 2 – La part du feupar Laurent Lafourcade
Répliques
« -Trouvez moi une solution !!!
-Les lignes sont coupées, Monsieur, nous ne pouvons plus…
-C’est insupportable !
-Il paraît que la ville entière est ébranlée…
-On dit que l’opéra s’est effondré !
-Tout le monde fuit vers les docks mais le bruit cour qu’il n’y aurait plus de place en première.
-Il n’y a plus de classes, ma chère. C’est l’apocalypse ! »
Avril 1906. San Francisco se réveille après une nuit d’horreur. Un tremblement de terre a ravagé la ville. Le pire est à venir. Les conduites de gaz sont éventrées. Ça pète de partout. Les cuisinières et les foyers propagent aussi des incendies. Les structures en bois des quartiers industriels flambent comme des fétus de paille. Les pompiers sont désarmés. Leur chef est mort dans l’effondrement de sa caserne. Les canalisations d’eau fuitent de partout. C’est le chaos. Il y a des milliers de blessés et de morts. Comble de tout, des pillards vandalisent maisons et boutiques. Eugène Schmitz, maire de la ville, et le général Frederick Funston, commandant de la garnison du Presidio, organisent les secours. Ça ferait presque oublier qu’un tableau est au cœur de nombreuses convoitises.
A la fin de la première partie de ce diptyque, on avait laissé Judith, la femme de chambre, avec ce fameux tableau de Gustav Klimt qu’elle voulait redonner à son supposé propriétaire le ténor Enrico Caruso. On la retrouve dans les ruines de la cité californienne. Le chanteur lui conseille vivement de le rendre à la mafia. Entre les italiens et les chinois, tous les coups sont permis. Ça va saigner. En interlude, on assiste aux séances de pose, deux ans plus tôt, entre Gustav Klimt et son modèle, Eva, sa Judith. On assiste aux affres de la création, aux souffrances de l’artiste, à l’influence de son modèle. Petit à petit, les pièces du puzzle, les morceaux de la toile, se mettent en place.
Sous couvert d’un contexte historique précis, Damien Marie dévoile les dessous de l’âme humaine avec ses complexités et sa violence. La ville détruite devient une jungle sauvage dans laquelle la végétation a fait place à des constructions dévastées. Les animaux sauvages sont remplacés par des humains aux abois tout aussi redoutables, qu’ils soient vandales ou mafieux. L’histoire du tableau, que l’on croyait être juste un prétexte au milieu du drame, prend une toute autre dimension. Sans que l’on s’en rende compte, le scénariste a mis en place une tragédie, non pas gréco-romaine, mais austro-sino-italienne. Au dessin, Fabrice Meddour détruit scientifiquement le décor qu’il a mis en place dans le tome précédent. On s’y croirait.
San Francisco 1906 est un diptyque puissant, violent aussi bien physiquement que psychologiquement. L’Histoire a montré que la ville s’est relevée de ce grand tremblement. Ce ne sera pas le cas de tous les acteurs du drame.
Série : San Francisco 1906
Tome : 2 – La part du feu
Genre : Drame
Scénario : Damien Marie
Dessins & Couleurs : Fabrice Meddour
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9791041103058
Nombre de pages : 64
Prix : 16,90 €
- Complots à Versailles 9 – La pièce mauditepar Laurent Lafourcade
Au théâtre ce soir
« -Oui, j’ai entendu que le Roi voulait officialiser son mariage.
-Si la pièce de M.Racine était un fiasco, celui nuirait grandement à son image. N’est-ce pas ? Et par conséquent au Roi…
-Cela va sans dire…
-(Il se trame quelque chose. Mais qui sont ces gens ?) »
Décembre 1690, Guillaume et Cécile de Saint-Béryl décident de ne pas repartir et de prolonger leur séjour à Versailles. Seul leur fils Luis n’est pas ravi. Lui qui a perdu tous ses repères martiniquais aurait préféré quitter la cour. Bref, il fera contre mauvaise fortune bon cœur. Son père va reprendre son poste auprès du Roi. Sa mère, enceinte et dont tout le monde n’est pas au courant de la grossesse, va proposer ses services à Madame de Maintenon pour enseigner à nouveau. Impossible pour elle de se reposer. Malheureusement, les choses ont changé. Pour professer, le Roi a décidé qu’il fallait renoncer à la vie extérieure et au mariage. Qu’à cela ne tienne. Cécile travaillera à l’apothicairerie de l’école. Pendant ce temps, les élèves étudient la pièce de théâtre que Monsieur Racine a écrite pour elles. Les alexandrins d’Athalie résonnent dans les couloirs de la maison royale. Cependant, des comploteurs souhaiteraient que la pièce soit un fiasco afin de nuire au Roi. Cécile les a entendus. Parviendra-t-elle une fois de plus à déjouer un complot ?
Afin de pouvoir enquêter en toute discrétion et au plus près des stratèges, Cécile ne va pas tarder à avouer qu’elle est enceinte, pour quitter son poste à l’apothicairerie où il y a des substances qui pourraient lui être nocives, et briguer un emploi de répétitrice auprès des jeunes courtisanes, actrices de la pièce de Racine. Parmi elles, Mademoiselle de Palissy souffre de maux dentaires. C’est étonnant parce qu’elle est prise de vomissements depuis que M.de Portal lui a fait faire un bain de bouche particulièrement amer. Mais peut-être est-ce tout simplement une allergie à une plante… La représentation de la pièce devant le Roi est pour bientôt.
Depuis que Carbone et Cee Cee Mia ont pris la main sur le destin des personnages créés par Annie Jay (c’est-à-dire depuis la fin de l’adaptation des romans), la série prend une dimension supplémentaire. On sent les scénaristes plus libres. Les intrigues sont écrites et développées dans une efficace logique bédessinée. Sans dévoiler la fin de l’album, tout ne sera pas résolu dans ce tome. Les autrices créent un fil rouge. Racine et sa pièce Athalie sont au cœur de ce neuvième épisode. C’est la dernière tragédie grecque du dramaturge. Comme c’est raconté ici, il l’a écrite pour les pensionnaires de l’institution scolaire de Madame de Maintenon : la Maison royale de Saint-Louis à Saint-Cyr. La dessinatrice Mara Angelilli continue à s’améliorer, tant dans les attitudes que dans les cadrages. La série y gagne en « personnalité ».
Entre racines théâtrales et racines dentaires, la pièce maudite va se jouer sous vos yeux. Triomphe ou fiasco ? Les acteurs des Complots à Versailles sont en place. Le spectacle peut commencer.
Série : Complots à Versailles
Tome : 9 – La pièce maudite
Genre : Aventure historique
Dessins & Couleurs : Mara Angelilli
Scénario : Carbone & Cee Cee Mia
D’après : Annie Jay
Éditeur : Jungle
Collection : Miss Jungle
ISBN : 9782822241991
Nombre de pages : 56
Prix : 13,50 €
- Kurusan, le samouraï noir 3 – Kaishakuninpar Laurent Lafourcade
La guerre des Daimyos
« -Le duel est fini, vous m’avez suffisamment diverti pour aujourd’hui. Votre vaillance au combat est égale. Je suis satisfait de compter vos deux katanas dans mes rangs. Rendez-vous présentables et rejoignez-moi pour le thé. Je donnerai mes ordres. »
Japon, fin du XVIème siècle. La guerre oppose les clans de Tokugawa Ieyasu et Takeda Shingen. Le daimyo de la province de Mikawa, vassal d’Oda Nobunaga, est opposé au daimyo des provinces de Shinano et de Kai. Entre eux, pas de sentiments. C’est la loi du katana. Tokugawa a la chance d’avoir dans les combattants de son camp Yasuke, le samouraï noir. Oda Nobunaga distribue ses pions. Il envoie Mitsuhide assiéger Nagamasa et lui rapporter sa tête. Il demande à Hideyoshi de combattre sans pitié sur les terres de Yoshikage Asakura avec une seconde armée. Yasuke aurait bien aimé y aller, mais, protégé par le gouverneur militaire, il est envoyé prendre en mains sa nouvelle épouse à la cour des Tokugawa. C’est en fait stratégique. Nobunaga renforce son emprise militaire sans pour autant froisser l’orgueil de son allié Ieyasu. Que le samouraï noir se rassure, son sabre ne restera pas longtemps dans son fourreau.
L’univers des samouraïs semble sans pitié. Ce Japon médiéval paraît bien loin de celui dépeint par Kazuto Miharadans The world is dancing, racontant la naissance du théâtre nô deux cents ans auparavant. Entre contemplation et massacres, y aurait-il eu comme une révolution ? Qu’est-ce qui a amené un tel embrasement interne ? On ne le saura pas ici. Peut-être que Thierry Gloris, passionné du Japon, le racontera un jour. En attendant, c’est bel et bien au destin de Yasuke qu’il s’attache, personnage historique bien réel, dont il romance la carrière au milieu des chefs de guerre du siècle.
Dans un trait réaliste frôlant parfois l’hyper-réalisme, Emiliano Zarcone coupe des têtes et éventre des nippons. Il en enterre même, jusqu’à la tête, pendant dix jours. Il est certain qu’il ne faut pas être rebuté par la violence pour entrer dans cet univers. Mais c’était une si dure réalité. Le dessinateur excelle dans les décors, des champs de bataille jusqu’à l’intérieur des bâtisses. L’immersion est totale, grâce aussi aux couleurs de Cyril Saint-Blancat, qui succède à Bruno Tatti dans la continuité.
Il reste encore un tome aux auteurs pour clôturer la saga Kurusan. En attendant, on peut voir sur Netflix une série animée dans laquelle on retrouve un Yasuke vieillissant reprenant du service. Une curiosité.
Série : Kurusan, le samouraï noir
Tome : 3 – Kaishakunin
Genre : Samouraï
Scénario : Thierry Gloris
Dessins : Emiliano Zarcone
Couleurs : Cyril Saint-Blancat
Éditeur : Delcourt
Nombre de pages : 56
Prix : 15,50 €
ISBN : 9782413076506
- On est heureux… Nationale 10 La route Paris-Biarritzpar Laurent Lafourcade
765 kilomètres de voyage et d’anecdotes
« Je vous propose de partir pour une belle échappée à la découverte d’étonnants paysages du grand mais aussi du petit patrimoine. Ce voyage se fait essentiellement à travers le prisme des années 1950 aux années 1970, époque où la France ne savait pas qu’elle était heureuse. C’est un retour sur une époque révolue, pas nécessairement idéalisée, mais bien plus loin des monotones autoroutes couvertes de monospaces climatisés, aveuglément guidés par GPS. »
La nationale 10 est une route bien connue de Laurent Carré, auteur de ce somptueux livre illustré par Thierry Dubois. Il l’empruntait en Peugeot 204 avec sa famille tous les étés pour leur permettre de rallier Royan depuis la Touraine. Au fil des ans, l’auteur a vu la route se métamorphoser, disparaître les stations-service et les publicités murales. C’est en partie cela qui l’a incité à remonter le temps, pour figer les années 50 à 70 de cette route mythique dont l’âme subsiste encore dans quelques rares endroits. Bienvenue dans ce voyage dans l’espace et dans le temps. Après un brin d’histoire montrant les origines gauloises de la route, préparez vos valises. On part de Paris, direction le Pays Basque !
Le parvis de Notre-Dame est le kilomètre zéro, point de départ de toutes les routes de France, et donc de la Nationale 10. On va tout d’abord aller jusqu’à Versailles, dans les Yvelines, en passant par Sèvres. Jusqu’à la Révolution, c’était une route royale. Au XVIIIème siècle, la liaison jusqu’à Rambouillet se construit. Les hameaux la bordant vont devenir des villes de banlieue. Jusqu’à la fin des années 1940, la RN10 rejoignait Chartres. On pourrait détailler toutes les étapes une par une. On vous les laisse découvrir une par une, dans le livre. Arrêtons-nous sur les cartes postales et les photographies, car ce sont elles, avec bien sûr les merveilleuses illustrations sentant l’essence et le bitume de Thierry Dubois, qui sont les héroïnes.
Les bornes kilométriques étaient des blocs de bétons peints en blanc et chapeautées de rouge portant le nom de la route et celui des prochaines villes-étapes. Des plaques émaillées se trouvaient plutôt aux angles de rues en ville et comportaient les mêmes informations. Des anciens relais de poste devenus garages ou restaurants routiers scandaient les voyages. Ici une carte postale du poste frontière à Hendaye, là une autre des postes d’essence de La Fourche. Qui imaginerait aujourd’hui poster une carte (déjà qu’on n’en poste plus trop) d’une station-service ? Une carte de visite d’un bar-restaurant Chez Daniel nous invite à nous arrêter à Rambouillet. Des cartes Michelin au 1/200.000ème mettent en avant le fameux Bibendum. Quelques photos d’accidents montrent également les dangers de la circulation. N’oublions pas non plus le motard de police qui s’apprête à rattraper les automobilistes en excès de vitesse, ni le panneau Bouchon annonçant une route plus qu’encombrée. Dégustons un canelé à Bordeaux, au détour d’une place de la Victoire bien verte en ces années 50, avant de repartir plein Sud. On ne va pas mourir de faim. A Bayonne, il y a du jambon et du chocolat. L’occasion de se rassasier avant les dernières étapes et la frontière espagnole.
De Paris à Biarritz, en passant par Chartres, Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux, Mont-de-Marsan, jusqu’à Hendaye même, la nationale 10, tout comme la 7, est l’emblème de la France des années 60 et 70, une époque où l’on savait prendre le temps, parfois parce qu’on y était obligé, mais qu’est-ce que ça faisait du bien. En 2 CV, en Aronde ou en DS, ce livre thérapeutique ravivera les souvenirs de certains et fera découvrir aux autres ces instants bénis.
One shot : On est heureux… Nationale 10 La route Paris-Biarritz
Genre : Album illustré
Textes : Laurent Carré
Dessin & Couleurs : Thierry Dubois
Éditeur : Paquet
Collection : Calandre
ISBN : 9782889324996
Nombre de pages : 208
Prix : 35 €
- Idéfix et les irréductibles 6 – La forêt lumière par Laurent Lafourcade
Jamais bon chien n’aboie à faux
« -Ouhouh, salut les irréductibles, vous avez besoin d’une potion ?
-Salut, Voldenuix ! Ton maître en prépare une ! Il a un plan pour chasser les romains qui détruisent la forêt !
-En plus, lui ses potions marchent !!
-Pff, les miennes aussi ! Juste, pas toujours comme elles devraient ! »
Un matin, au palais de la Louve, Anglaigus vient proposer un nouveau projet à Labienus. C’est le « Rome express », une voie qui rallierait Lutèce à Rome en moins de quatre jours. Le légionnaire donne deux mois à l’architecte pour réaliser son projet. Tout cela ne peut se faire sans mal. Il va falloir trancher dans la forêt. Aussitôt, une troupe de romains commence la tâche : des milliers d’arbres vont devoir être abattus. Le druide Amnésix s’attèle rapidement à la confection d’une potion qui permettrait aux arbres de bouger, ce qui ferait fuir l’envahisseur. Son hibou Voldenuix va y ajouter sa griffe. Les effets ne seront peut être pas ceux escomptés. Du moment que ça marche… La forêt lumière est la première des trois aventures d’Idéfix et ses compagnons irréductibles composant ce déjà sixième opus de leurs histoires.
Dans Le retour de Chevrotine, un petit roquet revient à Lutèce. Poursuivi par les chiens romains, elle retrouve la maison dans laquelle elle habitait, qui n’est autre que celle qu’occupent aujourd’hui les irréductibles avec le vieux pigeon Asmatix. Cette bâtisse était précédemment celle de son maître, le grand chef gaulois Camulogène, avant l’invasion des romains. Chevrotine a de l’ambition, elle veut reprendre Lutèce. Ça risque d’être compliqué.
Dans Des miettes et des jeux, le général Labienus offrent aux lutéciens une somptueuse course canine au cirque Mercurocrum, avec dégustation de garum lupus, le condiment des champions -ça, les gaulois s’en moquent, et du pain gratuit pour tous -ça, les gaulois s’en réjouissent. Ils s’en réjouissent parce qu’il est actuellement impossible de trouver le fameux pain de Lutèce, et pour cause, tout est réquisitionné par les romains. Mais pourquoi donc ? Idéfix va tenter le découvrir.
Après la longue aventure Idéfix et le druide, la série revient avec le concept initial qui lui va tout aussi bien, à savoir trois histoires consistantes de vingt planches. Dans ce volume, c’est Jean Bastide qui est intégralement au dessin. Le repreneur de Boule et Bill est tout aussi à l’aise avec les cabots uderziens. Chaque récit est scénarisé par un auteur différent. Olivier Jean-Marie, Matthieu Choquet et Cédric Bacconnier restent dans une unité et une harmonie logique, montrant que le héros et le concept sont plus forts que les auteurs qui, paradoxes, doivent l’être pour garder la série à haut niveau.
Idéfix et les irréductibles démontre qu’un spin-off n’est pas une série au rabais. Loin de là. C’est frais, c’est malin, c’est bien, et ce n’est pas réservé aux enfants, loin de là.
Série : Idéfix et les irréductibles
Tome : 6 – La forêt lumière
Genre : Aventures humoristiques
Scénario : Olivier Jean-Marie, Matthieu Choquet & Cédric Bacconnier
Dessins : Jean Bastide
D’après : René Goscinny & Albert Uderzo
Éditeur : Albert René
ISBN : 9782864977520
Nombre de pages : 72
Prix : 8,99 €
- La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner – Volume 2par Laurent Lafourcade
Tête à Terre
« -Ouh, ça caille ici !
-On va mourir glacés !
-On pourrait brûler le bateau ?
-On voit toute la constellation de la Banshee ! On est de l’autre côté du monde ! Sur la face bloquée sans soleil, de toute évidence… »
Altek doit porter la quête qui va sauver le monde. Elle aurait tant aimé grandir comme une fille normale. On l’a déguisée, élevée en garçon alors qu’elle aurait voulu faire tout ce qu’elle fait, étudier, se battre, diriger, mais en tant que fille. Tout ça pour quoi ? Parce que le trône ne pouvait revenir qu’à un garçon. Et comme elle n’a qu’une sœur, il fallait bien que l’une d’entre elles s’y colle. Parce que de l’autre côté, il y en a un qui convoite le pouvoir, c’est le tonton, Lompyste, l’intriguant. Sa stratégie ? Epouser la princesse Lythek, la sœur d’Altek. Elle n’est pas franchement d’accord. Tu m’étonnes que le monde ne veuille plus tourner. Et ça, c’est un autre problème.
On l’a déjà dit pour Nécromants. C’est aussi le cas pour La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner. Tant de temps entre deux albums, aujourd’hui, ce n’est plus envisageable, à moins de s’appeler Régis Loisel. Bien sûr, ce n’était certainement pas l’intention de départ et les aléas de la vie personnelle des auteurs ne leur permettent parfois pas d’avancer comme ils le voudraient. Le problème est que les lecteurs s’évaporent en route. Et quel dommage. C’est du pur Arleston, drôle, moderne, avec un vrai message à faire passer, aussi bien politique qu’humaniste. Le trait de Dana Dimat est dans la veine de celui d’un Olivier Boiscommun.
La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner montre un monde bloqué géographiquement. On pourrait dire spatialement. Mais au-delà du phénomène physique, la problématique est la même du côté moral. Le pays est bloqué dans une royauté empirique. Une évolution sociale serait nécessaire mais tout le monde ne la souhaite pas. La monarchie doit-elle compter ses jours ? Côté maquette, l’éditeur est revenu à un modèle plus classique que sur le tome 1. La couverture où le titre prenait toute la place aurait-elle rebuté des lecteurs ? Sa réduction permettra-t-elle d’en récupérer de nouveaux ? Il aurait fallu rééditer la première partie pour gagner du public.
Notre monde ne tourne plus à cause de politiciens infoutus d’avancer ensemble. Celui d’Omnamül est victime d’un problème d’un autre type qui l’empêche aussi de tourner. Espérons que chacun trouvera une solution.
Série : La baroque épopée du monde qui ne voulait plus tourner
Tome : Volume 2
Genre : Heroïc-Fantasy
Scénario : Christophe Arleston
Dessins : Dana Dimat
Couleurs : Stefania Aquaro
Éditeur : Bamboo
Collection : Drakoo
ISBN : 9782382331064
Nombre de pages : 64
Prix : 15,90 €
- Petite Forêtpar Laurent Lafourcade
Carnet de recettes
« -La vie est une spirale. Une spirale avec des hauts et des bas, et dont je peux même élargir le diamètre à ma guise. Et petit à petit élargir le champ des possibles. Cette idée m’a donné du courage. »
Ichiko vit paisiblement à Komori, hameau dont le nom signifie “Petite forêt”. Elle utilise les produits locaux, issus des terres et de la nature qui l’entourent, pour cuisiner. A travers les différents plats qu’elle se plaît à concocter, c’est toute sa personnalité qui s’exprime et se libère. Une ode à la contemplation, au partage et à la poésie qui se niche dans les petites choses du quotidien.
L’œuvre s’ouvre sur la protagoniste qui a fait le choix de retourner dans sa campagne natale après de nombreuses années en ville. Cependant, en retournant là-bas, elle doit tout reprendre de zéro, sans famille à ses côtés pour lui montrer l’exemple.
Plongé au cœur de la vie d’Ichiko, nous suivons ses aventures et mésaventures au plus près. De réussites agricoles et culinaires en expériences ratées, l’œuvre suit le développement des compétences d’Ichiko, et par conséquent de ses recettes. Ces deux thèmes, présents tout au long du manga, nous offrent une immersion culturelle au cœur de la vie rurale japonaise. Comme un carnet de recettes passé de parents à enfant, Petite Forêt nous invite à entrer dans son univers.
Cette œuvre offre une expérience contemplative et instructive culturellement parlant. Les souvenirs et le présent se mêlent, préparant le futur.
L’intégrale Petite forêt témoigne de la difficulté du passage à l’âge adulte, de la difficulté à trouver sa place. C’est une parfaite représentation du genre slice of life : une expérience hors du temps et en même temps tellement proche de la vraie vie.
Marie Charrière
Série : Petite forêt
Tome : Intégrale
Genre : Slice of life
Scénario & Dessins : Daisuke Igarashi
Éditeur : Delcourt
Collection : Moonlight Manga
ISBN : 9782413084594
Nombre de pages : 352
Prix : 15.99 €
- Ouessantinespar Laurent Lafourcade
L’île aux secrets
« -Oh ! Marie ! Quelle surprise !
-Je vous ai apporté du gâteau.
-Comme c’est gentil, entrez !
-Oh, je vais pas rester longtemps. Je voulais vous rendre visite, mais vous savez ce que c’est, on n’a jamais le temps.
-Vous voyez, ça touche à sa fin. Il y a intérêt, j’attends mes premiers clients lundi après-midi.
-C’est bien.
-Vous voulez que je vous fasse visiter ?
-Si vous voulez. »
Le rêve de Soizic était d’ouvrir une maison d’hôtes sur l’île d’Ouessant. Le rêve de Soizic s’est réalisé. C’est d’ailleurs ce nom, Le rêve de Soizic, qu’elle a donné à son gîte. Ouessant se mérite. On y aime les gens convenables. Si certaines rombières acariâtres, comme Yvonne, craignent que ça n’amène une faune indésirable, d’autres, comme Marie, sont plus avenantes. Soizic termine l’aménagement de sa maison, s’intègre aux habitants. Elle veut devenir une vraie Ouessantine, quitte à accomplir quelques sacrifices comme aller à la messe. La cérémonie va être interrompue par Yvonne entrant comme une tempête dans l’église. Elle vient de trouver Marie au bout d’une corde. Quelques jours plus tard, alors que Soizic s’occupe de ses premiers clients, elle reçoit une lettre une convocation chez le notaire. Marie a fait de Soizic l’héritière de ses objets.
Ouessant se mérite. On peut dire que Soizic y met du cœur à l’ouvrage. On ne peut pas dire qu’elle soit accueillie à bras ouverts. En découvrant les objets laissés par Marie, Soizic va aussi découvrir ses secrets et tous ne sont peut-être pas bons à faire remonter à la surface. Il va être question d’or et de naufrage, comme dans toutes les grandes histoires qui se passent à proximité de récifs escarpés. Au-delà de secrets, Soizic va trouver autre chose, de plus personnel, qui risque aussi de changer sa vie.
Réédité dans la collection BD poche, Ouessantines est la première des quatre histoires maritimes bretonnes dessinées par Nicoby sur scénarios de Patrick Weber. A la fois polar et voyage dépaysant, l’histoire donne envie de se rendre sur place, d’autant plus que l’album se clôt par un portfolio de photographies de l’île sur lesquelles Nicoby a dessiné Soizic découvrant les lieux. On l’accompagne pour marcher dans la lande, sentir les embruns et le goémon. On en apprend plus sur la Proella, dont il est question dans l’album, cette croix de cire catholique matérialisant le corps et la mémoire d’un marin disparu en mer.
Avec son trait jeté et efficace, Nicoby est l’un des dessinateurs les plus prolifiques du moment. Il choisit par ailleurs extrêmement bien les scénaristes avec qui il travaille, aussi éclectiques soient-ils, que ce soit Patrick Weber ou plus récemment Vincent Zabus avec le sublime Nos rives partagées. Ici, il fait d’une île une héroïne inattendue.
One shot : Ouessantines
Genre : Drame
Scénario : Patrick Weber
Dessins : Nicoby
Couleurs : Kness
Éditeur : Vents d’Ouest
Collection : BD poches
ISBN : 9782749310206
Nombre de pages : 128
Prix : 10 €
- Boulevard Tintin – Archibald le marinpar Laurent Lafourcade
Une biographie de Haddock
« -Ce garçon n’a pas du tout envie des faire des études. Il aime la mer par-dessus tout et il veut y faire carrière. J’ai connu ça et, connaissant son caractère, je crois qu’on ne pourra pas le faire changer d’avis. Mais je suis d’accord qu’il est bien trop jeune encore pour cela. Je pense qu’une solution d’attente serait de demander à mon frère Aanatole de le prendre comme apprenti dans sa boutique de shipchanler. Il pourra se familiariser avec le monde des marins et nous aviserons plus tard, dans deux ans, de la meilleure conduite à tenir… »
Papy Max a été la toute première personne à comprendre la passion de son petit-fils Archibald pour la mer, en demandant à son frère Anatole de le prendre en stage dans sa boutique de shipchanler, magasin vendant des fournitures pour bateaux. Ce sera le début d’une vie de passion, d’une vie de marin, d’une vie d’aventurier. Si l’on connaît bien le parcours du Capitaine Haddock à partir de sa rencontre avec Tintin dans Le crabe aux pinces d’or, on ignorait tout de sa vie d’avant, jusqu’à aujourd’hui et cette biographie rédigée par Yvon Thalamer.
On commence évidemment par la jeunesse de l’individu. L’homme est né en Belgique à Anvers le 29 mars 1894. C’est lui-même qui raconte sa prime enfance dans ce premier chapitre. Son père flamand est décédé alors qu’il n’avait que quatre ans. Archibald sera élevé avec l’aide de ses grands-parents maternels. Dans la marine marchande toute sa vie, son Papy Max, on l’a vu, lui transmettra sa passion. En 1910, le jeune homme embarque pour la première fois. C’est sur le Vaderland, un bateau de Red Star Line qui assurait la ligne Anvers-New York. Il est groom. Ce n’est pas très bien payé mais ça lui permet de faire ses armes, et il découvre l’Amérique. En 1912, dans un bar de Hambourg, il sort d’un bien mauvais pas un type, Filax, qui avait maille à partir avec des consommateurs malhonnêtes de l’établissement. Des années plus tard, Filax, dans un camp ennemi, se rappellera ce que Haddock avait fait pour lui ce jour-là.
Dans La guerre d’Archibald, on suit le marin de 1914 à 1919 à travers les mers et océans du monde, pendant que le conflit ravage l’Europe. Mais la bataille était mondiale, comme son nom l’indique, la route des navires dans lesquels se trouvaient Haddock croisait des vaisseaux ennemis. C’est en 1919 qu’Archibald fera pour la première fois fonction de Capitaine, sur le schooner Albatros, en pleine tempête dans la mer martiniquaise, alors que le Capitaine titulaire était descendu à terre, à la capitainerie, pour des formalités administratives. Les souvenirs du Capitaine Chester vont étayer le chapitre 1920-1923 : Une étonnante reconversion. Les deux hommes, alors simples matelots, se sont rencontrés en 1920 aux Bahamas. Ils vont se trouver mêlés à du trafic d’alcool, en pleine prohibition. De 1924 à 1935, ils deviendront les rois des rum-runners. Archie vivra une histoire d’amour avec Louise, danseuse de cabaret. Changement de cap à partir de 1935. Lorsqu’il sera question de trafic de drogue, Chester prendra le large. Pour Haddock, ce sera plus compliqué, à cause de l’alcool. L’histoire s’arrête alors qu’il allait rencontrer Tintin, dont il avait failli croiser la route plus tôt. La suite, on la connaît. Le livre se termine par un focus sur les ancêtres du Capitaine, dans les veines duquel on apprend que ce n’est pas n’importe quel sang qui coule.
Archibald le marin donne vraiment l’impression de connaître intimement l’individu, apportant ainsi un tout nouvel éclairage. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Archibald le marin
Genre : Biographie imaginaire
Auteur : Yvon Thalamer
Éditeur : 1000 sabords
ISBN : 9791033401766
Nombre de pages : 200
Prix : 20 €
- Le voyage de Shunapar Laurent Lafourcade
L’aventure en tant que destin
« -Je suis le prince d’un modeste royaume, à l’Est loin d’ici. Nous sommes pauvres, et mon peuple souffre sans répit de la faim. A l’époque où j’étais aussi jeune que toi, j’ai rencontré un voyageur solitaire. Voici ce que ce voyageur m’a remis. Avec cette céréale, ton peuple pourra vivre en paix, sans jamais se soucier de la faim…
-Nos graines d’hiwabié sont petites et chétives, pouvez-vous nous donner les vôtres ? »
Nous sommes il y a fort fort longtemps, dans une ancienne vallée creusée par un glacier, au milieu d’un petit royaume oublié de tous. Dans la vie, certains naissent indigents et le restent jusqu’à la fin de leurs jours. D’autres voient le jour avec une cuillère d’argent dans la bouche et n’ont plus qu’à cueillir ce qui leur parvient tout cuit. Shuna aurait pu être de ceux-là car il est né Prince. Rien ne le destinait à accomplir quelconque exploit. Pourtant, face à la famine de son peuple n’arrivant plus à cultiver correctement sur une terre stérile, il va bien devoir prendre le taureau par les cornes, ou plutôt son fidèle Yakkuru par les bois. Quand un étranger mourant va lui parler de graines vivantes entourées d’une cosse blonde et brillante, le Prince héritier va décider de partir à leur recherche.
Shuna est un prince ordinaire. Mais investi du poids de sa fonction, il se sent obligé d’agir. Il ne part pas pour une aventure héroïque, il part pour une mission vitale. Il ne cherche pas à être plus fort que les autres, il cherche à subvenir aux besoins basiques des siens. Quand Shuna se bat, c’est pour éviter d’être enlevé par des goules mangeuses d’hommes. Quand il tue, c’est pour se nourrir. Quand, en ville, il rencontre Thea et sa petite sœur, esclaves enchaînées, Shuna manque de les échanger contre son vieux fusil. C’est Thea qui va se positionner en héroïne en l’empêchant de conclure ce marché qui le perdrait. Shuna n’a pas d’autre choix que de partir en les laissant à leur triste sort. Et il pleure. Dans son image, le héros ne pleure pas. Peut-être est-ce là un aveu de faiblesse ? Peut-être pas.
On va assister alors à une métamorphose. Shuna va se comporter en héros classique, lorsqu’il va délivrer les deux sœurs vendues à un marchand. Il va le rester lorsqu’il va abandonner sa monture aux deux filles puis retenir leurs poursuivants.
Quand l’aventure va prendre un tournant fantastique, il redevient héros ordinaire, si ordinaire, témoin du lecteur. Il observe une nature luxuriante, des animaux improbables, des géants verdâtres semant des graines dorées avec leur bouche. Certainement celles qu’il cherche. En quelques heures, des champs entiers avaient poussé. C’est en arrachant un épi qu’il va provoquer le chaos et transformer encore une fois son statut de héros, ou de non-héros. Car un héros, qu’aurait-il fait ? Il aurait illico récupéré tout ce dont il aurait besoin et serait rentré victorieux dans ses terres. Pour Shuna, ça ne va pas se passer aussi simplement.
Intelligemment, Hayao Miyazaki offre à son personnage un destin commun alors qu’il aurait été linéaire qu’il devienne un héros comme beaucoup d’autres, sans peur et sans reproche. Ce n’est pas ce qu’il recherche, ni ce que Shuna recherche. C’est cela qui fait la particularité de ce conte japonais. Les éditions Sarbacane réhabilitent enfin cette histoire de 1983, qui aurait fait un sublime long métrage anime.
One shot : Le voyage de Shuna
Genre : Shonen aventure
Scénario, Dessins & Couleurs : Hayao Miyazaki
Éditeur : Sarbacane
ISBN : 9791040804444
Nombre de pages : 160
Prix : 25 €
- 3 cases pour une chute 3 – Reloadedpar Laurent Lafourcade
Les pénitences de Monsieur L’Abbé
« -Bastien ! Viens m’aider !
-Oulah, papi. T’as dû cliquer au mauvais endroit ! T’as ouvert plein de vidéos pornos !
-Hein !?
-Attends, je vais fermer tout ça…
-Non, le porno, c’est normal. Je veux juste que tu me montres comment augmenter le son. »
Les hostilités commencent dès les pages de garde. Celles-ci sont, à juste titre, gardées par des gardiens surveillant tout de droite à gauche et de haut en bas. Ça a l’air gros, mais ils gardent tout bien. Allez, c’est parti ! On démarre avec un mariage interrompu par un convive désirant s’opposer à l’union. Ce ne sera pas à celle que l’on croit. Les cocktails Molotov, c’est pas très sympa à se recevoir sur la figure, sauf quand leur préparation s’apparente à de l’art. Le sport est aussi présent, avec en particulier le basket. Mais quand on joue contre des jaloux et des racistes, c’est beaucoup moins plaisant. Pas d’humour sans amour. Si on peut pratiquer le premier un peu partout, mais pas forcément avec n’importe qui, le second, s’il est exercé en conseil d’administration, peut s’avérer gênant… pour les autres.
Dans les running gags de l’album, on trouve la catégorie Seul, avec le syndrome du naufragé solitaire, qui soit cherche de l’aide pour regagner la civilisation, soit ne se rend pas compte qu’il l’a déjà retrouvée. Dans la case Famille, les mômes sont quand même balèzes. Qu’ils aient supporté l’abandon puis l’orphelinat, la recherche pour eux de la « famille », on pourrait même parler de « gain de la famille », reste l’objectif de toute leur courte vie. Dorothy et ses copains du magicien d’Oz reviennent régulièrement, tout comme les pilotes de Naze Car, quand ils ne ratent pas un virage. Enfin, enquête policière pour Dog and Cat. Entre rototos, bâtons plein de bavouille et méthodes d’investigation diamétralement opposées, va falloir dénicher le ou les coupables.
Troisième opus de la trilogie « 3 cases pour une chute », cet épisode reloaded permet à la série d’égaliser celle des Trois Mousquetaires de Dumas et de se rapprocher du Harry Potter de J.K.Rowling. Bientôt l’académie française pour L’Abbé après sa scolarité exemplaire et l’obtention de son catéchisme avec mention. Après la pornographie, il s’adonne ici à sa deuxième passion : la bande dessinée, continuant ainsi à tout prendre par la bande. Sans blague, mais avec blagues, L’Abbé officie devant ses ouailles pour les faire rire, avec absurdité et ironie. Cette série est le fer de lance de la presque toute nouvelle collection Umour de poche de chez Fluide Glacial.
« 3 cases, c’est plus rapide à faire que 4 cases. Je préfère. » Cette citation de L’Abbé justifie à elle seule cette série concept désopilante. Mais parfois, il est fatigué, il n’en fait qu’une… Tout aussi marrant.
Série : 3 cases pour une chute
Tome : 3 – Reloaded
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : L’Abbé
Éditeur : Fluide glacial
Collection : Umour de poche
ISBN : 9791038207431
Nombre de pages : 96
Prix : 9,90 €
- Ton père ce hérospar Laurent Lafourcade
Mistral gagnant
« -Je me souviens quand on faisait des châteaux de sable cet été…
-Et alors ?
-Ben, j’aimerais encore y être…
-Tu sais, un jour tu te souviendras d’avoir mangé une glace sur un banc avec ton papa… Eh bien, j’ai une bonne nouvelle… Tu y es encore ! »
Comme de nombreux hommes sur cette Terre, Didier Tronchet est papa. Il se remémore avec émotion les conversations avec son fils entre ses quatre ans et ses huit ans. Il n’a rien inventé, il les a notées. Le père pensait avoir une vision du monde solide et bien étayée par ses années d’expérience. Le fils a tout remis en cause avec ses remarques, ses constatations, ses réflexions. Tous deux sont alors entrés en connexion, en fusion. Tronchet s’est rendu compte qu’un père n’a pas forcément toujours raison. Son enfant lui a appris à être émerveillé. Aujourd’hui, le fils a pu grandir puisqu’il a terminé de former son père. Ce livre témoigne de tous les instants qui les ont fait comprendre ensemble le monde. Il les immortalise avec humour et tendresse.
Quand on est petit, on croit que le monsieur de la radio sait tout, on est persuadé que les châteaux de sable durent mille ans. Quand on est petit, on a envie de grandir vite et on a du mal à profiter des instants. Quand on est grand, on voudrait suspendre le temps et bloquer les souvenirs comme si on y était encore. Didier va construire pour son fils une multitude de partages, une subtile complicité. L’enfant va réaliser que les moments passés avec son père sont plus importants que ceux qu’il pourrait vivre avec n’importe qui d’autre. Le papa va comprendre que les moments passés avec son fils doivent être une priorité car, comme le chantait Barbara, le temps perdu ne se rattrape plus. Courir en poussant le caddie du supermarché avec son enfant dedans, ça aurait été merveilleux que ça ne s’arrête jamais. Faire pipi ensemble debout, ça aussi, c’est un privilège que seuls un père et un fils peuvent partager.
Quand on est petit, on commande purée-jambon au restaurant, on préfère la luge à l’avion, on est plus émerveillé par un reportage sur les animaux sauvages que par leurs squelettes empaillés au jardin des plantes, on pense que l’amour, c’est aimer les fraises Tagada. Quand on est grand, on fait des milliers de photos de ses enfants que personne ne regardera jamais, mais qui sont là pour celui qui les prend. Tronchet n’oublie pas que son fils a aussi une maman. Il démontre les atouts de l’un et l’autre des parents pour élever leur enfant avec chacun ses complicités propres. Alors que les parents apparaissent souvent comme des super-héros aux yeux de leur progéniture, on comprend ici que ce sont nos enfants qui sont les super-héros qui nous font évoluer.
Adapté de son livre paru en 2006, Tronchet signe avec Ton père ce héros l’une des plus belles histoires d’amour jamais écrites entre un père et son fils. Garder la main de son fils dans la sienne, c’est grandir tous les deux. C’est aussi suspendre le temps comme le fait cet album, l’un des plus beaux de l’année.
One shot : Ton père ce héros
Genre : Souvenirs
Scénario, Dessins & Couleurs : Didier Tronchet
Éditeur : Delcourt
ISBN : 9782413037262
Nombre de pages : 48
Prix : 12 €
- Boulevard Tintin – Hergé et le carnet oubliépar Laurent Lafourcade
Allo ? C’est Hergé !
« -Ah ! C’est votre ami !… Eh bien toutes mes félicitations : vous avez de jolies relations ! » (Le professeur Topolino à Haddock, dans L’Affaire Tournesol)
Novembre 2007, pour le remercier de son aide à la rédaction de la biographie Hergé Lignes de vie, Philippe Goddin, ancien secrétaire général de la fondation Hergé, offre à Jacques Langlois le dernier répertoire de l’auteur des aventures de Tintin. A la page des « L », il y figure. Pendant près de vingt ans, depuis ses dix ans, il a entretenu une correspondance avec Hergé. Le jeune Jacques lui a envoyé des dessins. Le maître lui a répondu. Au fil des ans, les échanges se sont enrichis. L’enfant a grandi, est devenu adolescent, puis jeune adulte. Ses succès dans les études ont été félicités par Hergé. Ils se sont rencontrés, plusieurs fois. Si Jacques Langlois a connu Hergé, il ne connaissait pas Georges Remi, dont il a vraiment découvert la vie dans des biographies et ouvrages d’étude. A travers les trois-cent-soixante noms inscrits dans le carnet, Langlois nous offre une enquête, un aperçu de la vie du père de la ligne claire.
Ce Hergé et le carnet oublié est une somme de plus de quatre-cent pages. Plutôt qu’un chapitrage alphabétique qui en soit n’aurait aucun sens, l’héritier du carnet choisit des entrées thématiques.
Question famille, les Remi sont loin d’occuper une place prépondérante. Pour Hergé, la famille, c’était le lieu où l’on s’aime bien mais où l’on n’a pas grand-chose à se dire. On trouve dans le carnet son frère Paul et trois autres membres de la famille. Paul et Georges, cinq ans de différence, n’ont jamais été proches. Pourtant, Paul aurait inspiré Georges pour dessiner Totor, Tintin, puis, paradoxalement, Spönz ! A la lettre G, il y a bien sûr Germaine, sa première épouse. Il ne l’a jamais complètement oubliée. Il réservera même à celle qui refusait de divorcer le premier des cinq albums numérotés de la réédition de Tintin au pays des soviets.
Il est des amitiés plus fortes que des liens familiaux. Un exemple en est certainement celle avec Philippe Gérard, un camarade scout, avec qui les relations furent brouillées en 1941 à cause de la participation de Hergé au journal Le Soir. Le dessinateur tentera en vain de renouer les liens. Jacques Langlois reviendra sur cette période lorsqu’il sera question de Jacques Van Melkebeke qui lui présentera Jacobs, dont la patte marquera fortement la production d’Hergé.
Avec le C de Casterman, on (re-)découvre les relations entre un auteur et son éditeur. Avec le T de Tintin, on ne va pas rue du labrador mais au siège du fameux journal du même nom, tout comme avec le L du Lombard pour trouver le numéro du standard de la maison d’édition de l’hebdomadaire. Avec le V de Vernes, Henri Vernes, Langlois montre l’inimitié du créateur de Bob Morane pour Hergé qui préférait laisser leur rivalité commerciale (toute relative) de côté. Avec le B de Baujot, ceux qui n’en ont jamais entendu parler feront la connaissance de Josette Baujot, coloriste en chef des studios, qui deviendra la compagne de Jo-El Azara et dont le franc-parler irritait Hergé. Un personnage. Dans le chapitre Chers collègues, le G de Greg rappelle le travail sur le jamais terminé Thermozéro. Les relations avec Franquin, Goscinny, Pratt, entre autres, sont racontées. Au F, on trouve Folon, dont Hergé admirait les œuvres dans les galeries. Fidèle au carnet, Langlois consacre de larges paragraphes aux rapports de Hergé avec l’art contemporain, allant même jusqu’à se poser la question de savoir si dans l’inachevé Alph-Art Georges Remi n’allait-il pas prendre le pas sur Hergé.
Sur les 360 entrées du carnet, Jacques Langlois, en enquêteur minutieux, en a identifié plus de 340, permettant ainsi de parcourir la carrière et la vie de Hergé. Impossible d’en faire ici une synthèse exhaustive. Hergé et le carnet oublié est un livre passionnant, qui peut s’ouvrir, comme un répertoire, à n’importe quel chapitre. Tout tintinophile aurait rêvé que son nom figure dans ce fameux carnet. Jacques Langlois a cette chance. Il a l’amitié de nous la faire partager.
Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Hergé et le carnet oublié
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Jacques Langlois
Préface : Michel Porret
Éditeur : Georg
Collection : L’équinoxe
ISBN : 9782825713372
Nombre de pages : 440
Prix : 21 €
- Raven 3 – Furiespar Laurent Lafourcade
Pirate au plus profond de l’âme
« -C’est… C’est épouvantable…
-Anne… Les cannibales sont après nous… On ne peut plus partir ?…
-C’est la tempête… Les pirates n’ont pas su sauver le navire.
On ne pourra jamais remettre le « Capricorne » à l’eau à temps… Les imbéciles… Maudits soient-ils !… »
Echoué sur une plage de l’île, le galion le « Capricorne » n’est pas près de reprendre la mer. Pour Raven et les survivants, les jours sont comptés. La menace cannibale est aux portes de la jungle. Il va bien falloir annoncer à ceux qui étaient restés en bord de mer et dans la garnison la mort de Darksee et l’absence de trésor. Les pirates sont persuadés qu’une fois encore Raven leur ment pour se garder le pactole. Drago en est persuadé. Depuis le fort, juste à côté, Anne cherche à sauver Raven de ce mauvais pas. Elle détient quelques pirates qu’elle est prête à échanger contre l’homme au bandeau noir. Tout ce petit monde réussira-t-il à fuir cette île maudite ? Certains y laisseront des plumes, d’autres leurs âmes…
Clap de fin pour la trilogie Raven. Mathieu Lauffray a tenu ses promesses de proposer un récit de pirate d’excellente facture, tous publics, une histoire dans laquelle on retrouve tous les poncifs du genre et dans laquelle on est ébahi par le dynamisme et la modernité du graphisme. C’est de la vraie aventure, au sens propre du terme. Raven est loin d’être invincible. Impossible de savoir s’il va s’en sortir et comment. C’est toute la différence entre un personnage comme lui et un Jack Sparrow qui, avec tout le respect qu’on lui doit, est un personnage de comédie. Déjà, Lauffray lui donne une consistance. Dans une séquence introductive, on apprend comment il est devenu mousse, fuyant une excommunication. On y découvre son prénom, loin d’être anodin : Conan. Voilà un personnage, celui de Robert E.Howard, à qui il pourrait être comparé.
Graphiquement, Mathieu Lauffray signe un triptyque sublime. C’est lyrique, c’est grandiose. Les rebondissements scénaristiques sont traduits en planches extraordinaires. Les naufrageurs qui voient arriver au loin un Raven enfant meurtri, un Drago qui traite Raven de menteur lui tournant le dos à l’ombre du navire échoué, les colonnes de cannibales qui marchent dans la nuit à la lumière de leurs torches, voici autant de cases anodines qui sous la plume de Lauffray prennent une dimension hallucinante. Ce sont des cases encore plus magistrales que les attendues attaque des cannibales sur le fort, affrontement entre Raven et Drago et duel dans les flammes, images néanmoins épatantes.
Il y a des BD qu’on lit parce que l’histoire est fascinante, d’autres parce que les dessins sont superbes. Raven est l’exemple même de la série qui combine le tout. On ne rêve que de repartir avec lui sur les flots dans une autre aventure.
Série : Raven
Tome : 3- Furies
Genre : Piraterie
Scénario, Dessins & Couleurs : Mathieu Lauffray
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782205203400
Nombre de pages : 84
Prix : 20 €
- Les nouvelles enquêtes de Ric Hochet 7 – Crime-sur-Merpar Laurent Lafourcade
Pas de farniente pour Ric
« -Un Pouss-pouss et un Ptipo, s’il te plaît, Monsieur !
-La… La première communiante ! Alors comme ça, chère brebis égarée, tu es venue toute seule jusqu’à l’autel ? Il doit y avoir un bon dieu pour les méchants ! Laisse ta monnaie, mon enfant ! Ce n’est pas l’heure de l’offrande mais celle de la confession !… La confession de ton paternel ! »
Août 1968. Pendant que le commissaire Bourdon se morfond à Paris, Ric Hochet et Nadine font bronzette sur une plage du Calvados. Pendant que sa blonde qui semble moins l’intéresser que les dernières nouvelles de La Rafale, Ric se voit proposer l’idée de se faire enterrer vivant. Rassurez-vous, c’est juste Béatrice, une gamine d’à peu près huit ans, qui propose de lui recouvrir le corps de sable. Pendant qu’elle s’amuse, elle apprend à Ric que sa mère est décédée et que c’est son père qui l’a cachée au fond d’un grand trou. Apparemment, il fait ça souvent. De quoi intriguer le journaliste détective. Quand la petite s’éclipse pour acheter une glace auprès d’un marchand ambulant, elle manque de se faire enlever par celui-ci. Heureusement, Ric bondit. S’ensuit une course-poursuite Ric-Béa contre une bande de tueurs. Que veulent-ils à la fillette ? N’y aurait-il pas un rapport avec l’activité étrange de son père ?
Après une enquête dans le milieu de l’hippisme, voici Ric Hochet en bord de mer, pour quelques jours de vacances. Enfin, c’est ce qu’il croyait. Il y en a qui attirent les moustiques, lui est un aimant à malfrats. La probabilité pour qu’il se repose sur la même plage qu’une enfant recherchée par des bandits était infime. Mais n’est pas héros de BD qui veut. Zidrou et Van Liemt l’ont bien compris en remettant au goût du jour déjà depuis sept albums le mythique personnage créé et animé pendant soixante-dix-huit albums par Tibet et Duchâteau. Leur idée de génie a été de justement, ne pas le remettre au goût du jour, mais de l’ancrer dans la fin des années 60, meilleure époque de la série.
Si Simon Van Liemt maîtrise de plus en plus le personnage et la série, on regrette que le scénario de cet épisode manque de consistance. L’intrigue est bien ficelée mais l’histoire tiendrait en dix pages. Second caillou dans la chaussure de l’histoire, le comportement de Ric. Zidrou a beau revendiquer un côté parodique à sa reprise, il y a quand même quelques incohérences dans les agissements du personnage. Ainsi, coller un coup de pelle au « méchant » sur la plage puis jeter son revolver en pleine mer, c’est incongru. De même, s’enfuir avec la petite sur le dos, faite ainsi cible des coups de feu, la met en position de bouclier pour le journaliste. Il se protège ou quoi ? Enfin, le massacre des mouettes dans la poursuite automobile, c’est un peu too much. Heureusement, les bonnes idées contrebalancent. Le chef des bandits a un petit air de Minos, le fameux tueur du film Peur sur la ville, d’Henri Verneuil, avec Jean-Paul Belmondo (qui ne sortira qu’en 1975). Par ailleurs, vous ne mangerez plus une glace à l’italienne comme avant et le final est spectaculaire dans le fond et dans la forme.
Même si cet épisode n’est pas le meilleur du Revival, retrouver Ric Hochet est toujours un bon moment à passer. Divertissant.
Série : Les nouvelles enquêtes de Ric Hochet
Tome : 7 – Crime-sur-Mer
Genre : Polar
Scénario : Zidrou
Dessins : Simon Van Liemt
D’après : Tibet & Duchâteau
Couleurs : François Cerminaro
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808211024
Nombre de pages : 48
Prix : 12,95 €
- Quasichroniquespar Laurent Lafourcade
Vous croyiez que vous sachiez
« -Je vais vous prendre un chou et deux carottes.
-Et avec ceci ?
-100 grammes de shit, s’il vous plaît. »
Vous croyiez que vous sachiez tout sur tout sur les mystères de l’humanité ? Détrompez-vous. La vérité vraie, on l’apprend ici, dans ces quasichroniques. En quatorze chapitres, le monde n’aura plus de secret pour vous et les pendules seront remises à l’heure ! Comme tout livre d’histoire (ou l’ivre d’histoire avec un « l » apostrophe) qui se respecte, commençons au temps des dinosaures avec le jour où ils causèrent leur propre extinction. Du trilobite, comme son nom l’indique à trois sexes, jusqu’aux dinos aériens plus malins que les autres qui partirent explorer la lune, l’ère des lézards montre son importance… et sa grosse boulette. Vient ensuite l’ère des robots avec Pinocchior, roi du trading à haute fréquence, ère qui ne va pas mieux se terminer.
Côté cinéma, Tom Croisière et Wal Disniz vont profiter de leurs succès respectifs, l’un pour prendre possession du monde par des dérives sectaires, l’autre pour créer la disnizplanète et conquérir la galaxie. Tous se feront Nickey. La reine Elibazette II d’Angle-Terre et son règne interminable rivalisent de couleurs stabilos avec les Baisounours qui veulent imposer le bonheur. Mary Curry, P.Noäl, Johnny Darwine, Howard Quart-d’Heure, Nil Armstring et Poupou le lapin, narcacao trafiquant, ont chacun droit à leur chapitre. Côté musique, on en apprend plus sur la carrière de l’icône de la country et de la pop Taylor Spouift, qui réussit à changer l’axe de rotation de la terre, et sur celle des Bitles, de la formation du groupe jusqu’à leurs résurrections. Walking Dead, prend garde à toi !
Pour son premier album, Aristide Renault a mené un impressionnant travail de fourmi encyclopédique. Il était temps que quelqu’un rétablisse enfin la vérité sur tous ces sujets. C’est le recordman de bilboquet (28 lancers à la suite) qui le fait. L’album est édité chez Fluide Glacial. Tout est dit. Il vaudra mieux pour ceux qui passent le bac ne pas replacer de références sur leurs copies. C’est loufoque, c’est drôle, c’est grossier juste ce qu’il faut, bref, c’est approximativement exact.
Petit format à amener partout avec soi pour s’instruire, et surtout rire, en tous lieux, ces quasichroniques vous permettront de briller en société parce que dorénavant vous sacherez tout.
One shot : Quasichroniques
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : Aristide Renault
Éditeur : Fluide glacial
Collection : Umour de poche
ISBN : 9791038207462
Nombre de pages : 96
Prix : 9,90 €
- Myrtis 2par Laurent Lafourcade
CAP sorcière
« -Je te relâche. Et je te conseille de baisser d’un ton si tu ne veux pas me faire changer d’avis.
-Ça veut dire que vous m’acceptez ? Je peux rester ?
-Tu es vraiment un cas désespéré, mais je te reconnais deux qualités. Tu es obstinée…
-Oui ! C’est tout moi, ça ! Je suis l’incarnation de l’obstination ! Et mon autre qualité, c’est quoi ? Ma beauté sans égale ? Mon autorité naturelle ? Mon aura de princesse , ma patience légendaire…?
-Rien de tout ça… Tu es douée pour les pitreries. Tu ne seras jamais une sorcière, mais je te garde pour me divertir. »
Piquée au vif ! La princesse Myrtis est piquée au vif par la sorcière Gi qui la prend pour une bouffonne. Alors qu’elle devrait être honorée de l’avoir comme apprentie, elle accepte de la garder… parce qu’elle la fait rigoler. Myrtis ne le prend pas super bien, mais, évidemment, reste, parce que contrairement aux prévisions de Gi, elle compte bien réussir à apprendre les rudiments du métier de sorcière. Qui dit sorcière, dit balai. Gi en fourre un dans les mains de son élève… pour balayer, au grand désespoir de celle-ci. Pendant ce temps, au château, un prince vient rencontrer son beau-père le roi pour faire la connaissance de sa promise… sauf qu’elle n’est pas là puisqu’elle a fugué chez Maîtresse Gi. Le Royaume est aussitôt placardé d’avis de recherche : Une forte récompense sera octroyée pour la livraison de l’une de ces créatures (la princesse et son cheval). Signes distinctifs : abondante chevelure, atours luxueux, caractère fougueux, poil soyeux. (Ça, ce sont leurs points communs)
Pendant que les affiches sont collées un peu partout, Myrtis, ne se contentant pas de faire la poussière, entame son véritable apprentissage dans la sorcellerie, flanquée d’un corbeau noir qui surveille tous ses faits et gestes… et les commente. Elle va rencontrer un arbre qui parle (semblant sortir de l’univers du Docteur Snuggles), plein de champignons sur les racines, une sirène Ondine, au cœur brisé, dans un lac, enfin plutôt une flaque, un bellâtre qui la prend pour un garçon mais qui lui file un sacré coup de main, sauf quand son comportement change à la pleine lune, ainsi que la reine des elfes. Chaque rencontre sera plus enrichissante l’une que l’autre. au milieu de tout ça, passera-t-elle entre les mailles du filet des gardes royaux qui ont pour mission de la ramener au palais ?
Le chapeau d’une sorcière sied-t-il à une princesse ? Pour Myrtis, pas de doute, c’est son destin. Pour nous lecteurs, c’est tant mieux, parce que qu’est-ce qu’on se marre. Elsa Brants n’est pas la princesse mais la reine de la comédie manga. Le scénario est d’une drôlerie finement maîtrisée. Le graphisme reprend les attitudes les plus rigolotes de ce que nous avons tous aimé dans les animes de notre jeunesse. On ajoute une vraie intrigue, qui avance, des personnages ayant chacun leurs caractéristiques propres et réservant leurs lots de surprises, et on a dans les mains l’un des meilleurs mangas vraiment tous tous publics du moment. Pour la rentrée, le meilleur remède contre la morosité, c’est Myrtis.
Miss Tick, Babayaga ou sorcière de Merlin l’enchanteur, planquez-vous ! Myrtis vient faire son apprentissage. Vous risquez de passer en seconde zone, parce qu’elle est bien déterminée à prendre le leadership dans la profession ! Rocambolesquement aventureux et marrant.
Série : Myrtis
Tome : 2
Genre : Humour médiéval
Scénario & Dessins : Elsa Brants
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505119661
Nombre de pages : 200
Prix : 7,70 €
- Singleton 1 – Rendez-vous au Pélican Vertpar Laurent Lafourcade
L’adaptation d’un roman d’Henri Vernes