Avenue des CHRONIQUES
- Ma vie en 24 images par secondepar Laurent Lafourcade
Une carrière dans l’animation
« -Ça t’a plu ?
-Ou… Oui.
-Ecoute-moi, le cinéma, c’est un jeu entre l’ombre et la lumière. »
Je venais de voir un film avec mon père dans une salle de cinéma bondée et enfumée. J’avais 13 ans.
Rintarô est né à Tokyo en 1941. Incorporé dans l’armée, son père se bat contre l’ennemi américain. A trois ans, avec sa mère et son petit frère, ils fuient vers la campagne. Le père les rejoindra après la guerre. 1947, c’est l’entrée à l’école où il découvrira les dessins du recueil de contes du monde. Un trésor ! Lors de séjours chez son grand-père, il apprend que son père rêvait de cinéma. A 8 ans, c’est lui qui découvre la magie d’un projecteur de cinéma de 16 mm dans le gymnase de l’école. « C’est donc ça, le cinéma ! » L’été suivant, il s’émerveille devant le cinéma itinérant. En 1951, c’est le retour à Tokyo. Tout le fascine. En échange de l’autorisation de coller des affiches de films sur la devanture de leur salon de coiffure, Rintarô, collégien, peut aller au cinéma à volonté. Il sèche les cours et rêve au métier de réalisateur. Il se fabrique une lanterne magique, en bois. Il dessine des bandes de 35 mm qu’il illustre. Il se fait ses premiers dessins animés.
Rintarô apprend à écrire un scénario. Puis, vint l’avènement de la télévision. Nous sommes en 1957. Sa vie est en train de prendre une direction décisive. Il quitte définitivement le collège et entre dans le monde du travail. Le monde du repassage, ce n’est du tout ce à quoi il rêvait. Un matin, dans le journal, il tombe sur une annonce : la production Hattori cherche des dessinateurs pour un film d’animation. Après deux mois d’apprentissage, la société fait faillite. Il se recycle comme coloriste dans une autre société. Son rêve est de rentrer aux studios Toei qui ont pour ambition de devenir le Walt Disney japonais. Eté 1958, le rêve devient réalité. Il travaille sur Le serpent blanc, tout premier long métrage japonais d’animation. Le film sera un succès. Un nouveau projet est sur les rails : l’adaptation d’un manga d’Osamu Tezuka, le créateur d’Astro Boy ! L’histoire est encore longue.
Qui mieux que Rintarô lui-même pouvait raconter son histoire ? Il réalise ici sa première BD. En près de 250 planches, le mangaka remonte à sa prime enfance pour expliquer le pourquoi du comment de sa passion qui deviendra sa vie. Il se souvient de chacune des scènes marquantes qui ont forgé son avenir, avec ses espoirs et des désillusions. Sa rencontre avec Tezuka sera pour le moins déterminante. Ils vont travailler ensemble sur l’adaptation d’Astro Boy pour la télévision. 1963, avec la diffusion du premier épisode, c’est le véritable début de l’animation japonaise telle qu’on la connaît. Le succès d’Astro entraîne de nombreux studios à produire du contenu. Rintarô devient le réalisateur des aventures du petit robot. Il ne sait pas que quelques années plus tard, il adaptera pour Toei animation un manga d’exception : Capitaine Albator, le pirate de l’espace, de Leiji Matsumoto, avant de passer au cinéma avec Galaxy Express 999, pour achever sa carrière en 2001 avec la sortie de sa dernière réalisation : Metropolis, une œuvre de Tezuka disparu en 1989, adapté par Katsuhiro Otomo, créateur du légendaire Akira.
« Va ! Ecris ta propre histoire. », dit Albator à un jeune membre de l’équipage. Rintarô a certainement pris la phrase pour lui puisqu’il a écrit cet album qui retrace sa vie, plus qu’une vie, un pan de l’Histoire de l’anime avec un grand H.
One shot : Ma vie en 24 images par seconde
Genre : Biographie
Scénario & Dessins : Rintarô
Projet initié par : Shoko Takahashi.
Éditeur : Kana/Dargaud
ISBN : 9782505076384
Nombre de pages : 256
Prix : 27,90 €
- Le temps des ombres 3 – Le peuple de l’automnepar Laurent Lafourcade
Seuls dans la ville
« -Tu as amélioré le repoussombre ?
-J’ai fait des mélanges avec tout ce que j’ai sous la… Le quoi ?
-Le repoussombre.
-Le repou… Tu veux parler de concentré d’étylogramopathisaque ?
-Oui, c’est pareil.
-Soit ça ne change rien au résultat, soit l’effet disparaît complètement.
-Oh.
-Mais la recette du « repoussombre » reste utile. On est àl’abri de ces taches d’Ombre, ça les nettoie, c’est déjà beaucoup. Mais l’effet ne dure pas assez longtemps. »
Mycène et Roch, la jeune fille aux interminables cheveux blancs et son camarade, parcourent les rues de la cité qui semble abandonnée. La ville est envahie par les ombres, des taches violettes qui souillent les murs. Roch fait des expériences pour trouver l’antidote. Pour l’instant, il n’a découvert qu’une solution qui les nettoie, mais elles repoussent. Les enfants ont encore de nombreux quartiers à explorer, notamment les bâtisses proches du mur d’enceinte de la cité. Les maisons sont somptueusement ornementées. Mycène déduit rapidement que le mur est une muraille intérieure qui entoure le palais et les lieux importants de la ville. Mais comment le franchir ?
Dans une ambiance médiévale fantastique, Le temps des ombres n’est ni plus ni moins qu’une histoire de virus. Depuis le début, Mycène et Roch cherchent le remède pour éviter que les ombres ne se propagent. Le récit a un côté aventure dont vous êtes le héros. Une fille, un garçon, une lectrice, un lecteur, l’assimilation ne peut être plus simple. L’histoire a l’air basique mais possède quand même un certain suspens anxiogène. Les gamins sont seuls, dans une ville fantôme. Il faudra attendre la cinquante-et-unième planche sur quatre-vingt-deux pour qu’ils aient affaire à une autre forme de vie ou d’intelligence. Avant cela, on ne s’est pourtant pas ennuyé une seule seconde.
Après Le dernier printemps et L’été de feu, avant L’hiver du monde, Le peuple de l’automne, troisième épisode, troisième saison, va responsabiliser les enfants par rapport à la dégradation du monde. Les auteurs délivrent en filigrane un message écologique, montrant que les générations présentes et futures ont la lourde tâche de réparer les erreurs et les négligences de leurs aînés. Le scénariste David Furtaen parle ainsi aux lecteurs dès huit ans. L’illustratrice Pauline Pernette réussit le pari de construire des planches très architecturales dans ce qu’elles représentent, à la fois vides de vie et empreintes de passé. Les décors souillés par les Ombres sont somptueux.
Le temps des Ombres est une série intelligente qui fait rentrer les jeunes lecteurs dans la cour des grands. Dans les pas de Mycène et de Roch, les voilà acteurs d’une aventure qui, avec modernité, sent bon les histoires du journal Tintin de jadis.
Série : Le temps des ombres
Tome : 3 – Le peuple de l’automne
Genre : Fantastique
Scénario : David Furtaen
Dessins & Couleurs : Pauline Pernette
Éditeur : La Gouttière
ISBN : 9782357961081
Nombre de pages : 88
Prix : 15,70 €
- Le roi des bugs 2par Laurent Lafourcade
Pas de PNJ, tout le monde en piste !
« -Faites attention, tout le monde !
-Qu’est-ce que vous voulez ?! Je suis sûr que nous ne vous avons rien fait.
-En effet, il ne s’est rien passé. Je veux simplement emprunter ton arme. Où est-elle ? Montre-la moi, s’il te plaît.
-On me l’a prêtée, donc je ne peux pas vous la donner. »
Katsumi Haruyama, jeune informaticien, et ses collègues de bureau ont été transportés dans l’interface système mmporg « Re world » du jeu sur lequel ils étaient en train de travailler. La virtualité est devenue une nouvelle réalité. Le monde est devenu un jeu de rôle en ligne massivement multi-joueurs. Les protagonistes sont dépendants de la vie de leur personnage. S’ils se font tuer dans le jeu, ils disparaîtront.
Katsumi s’apprête à affronter un nouvel ennemi. Eichi Kimura, ancien employé de l’entreprise, considéré comme un génie. Il semble intimement lié aux changements soudains du monde. Il est encore en vie et est extrêmement puissant. Il a écrit le scénario de « reworld » et a paramétré les démons. Le contenu principal du jeu concerne l’affrontement entre humains et démons. Mais Kimura n’en a pas le contrôle. Alors, Katsumi/Kimura, rivaux ou alliés ? Il faudra faire des choix pour survivre dans le game.
D’origine coréenne, le webtoon est un manhwa créé pour une lecture numérique. Le concept date de 2003 et s’est largement démocratisé au reste du monde. Au fil des ans, le webtoon a énormément gagné en popularité et en parts de marché par rapport au manga. En France, plusieurs portails proposent des webtoons. C’est Delitoon qui a lancé le bal en 2011. Le roi des bugs peut se lire sur Piccoma. Il est édité sur papier par K-Factory, label de Dupuis. On peut se poser la question de l’intérêt d’une édition physique vu la surproduction actuelle. Le succès de Solo leveling apporte un argument de poids au procédé. Le roi des bugs pourrait bien surfer sur la vague, le webtoon étant en plus geek compatible. On en a parlé à la sortie du tome 1, le seul écueil est l’abus de flous artistiques. Ça passe peut-être bien sur smartphone mais ça pique les yeux sur papier.
Chargez vos batteries et nettoyez vos écrans, préparez vos claviers et votre siège gaming, Le roi des bugs vous entraîne en immersion dans le jeu. Vous n’êtes pas des PNJ !
Série : Le roi des bugs
Tome : 2
Genre : Fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Tony
Éditeur : Dupuis
Collection : K Factory
ISBN : 9782808505314
Nombre de pages : 288
Prix : 15 €
- Hajime ! Teddy Riner, l’ascension d’une légende 1par Laurent Lafourcade
Pour l’amour du judo
« -Hé, toi devant la porte ! Ne reste pas planté là comme une asperge… Approche ! Qu’est-ce que je peux faire pour toi, mon garçon ?
-Bonjour Monsieur, je m’appelle Teddy Rinner ! Je viens d’intégrer le pôle espoir…
-Teddy ! Justement, je t’attendais. Heureux de te rencontrer ! »
Août 2024, Teddy Riner foule les tatamis des jeux olympiques de Paris. Vingt ans plus tôt, en septembre 2004, il quittait la capitale pour entrer au pôle espoir de Rouen avec l’ambition de devenir champion du monde de judo. Loin de sa famille, il intègre son premier appartement pour se rapprocher un peu plus de son rêve. Mais avant cela, il va devoir s’imposer dans son nouveau club. Moussa et Lena, respectivement 10 et 9 ans, observent ce qu’ils pensent être du kung-fu par la fenêtre. Teddy va leur apprendre que c’est un tout autre art martial : le judo, qui se concentre sur les techniques de projection et de contrôle sur l’adversaire. C’est le japonais Jigorô Kanô qui a développé cette « voie de la souplesse » à partir d’anciennes techniques de combat. Le judo est un sport de valeurs morales. La discipline et le respect y sont prépondérants.
Dom-Sensei, professeur, accueille Teddy dans le dojo. Ses nouveaux camarades le saluent. Parmi eux, Damien se propose pour être son binôme d’entraînement, mais ses intentions ne sont pas bienveillantes. Il ne compte pas laisser un parisien arrogant lui voler la vedette. Il l’envoie au tapis en une prise. Loin de se laisser impressionner, Teddy se relève et reprend le combat. Son adversaire ne verra rien venir. A son tour de se retrouver allongé sur le tatami. A présent, les jeunes du club savent à qui ils ont à faire. Ça y est. Teddy vit sa passion. Il lui tarde déjà de participer à sa première compétition.
Hajime ! C’est le signal que le combat commence. Les mains le long du corps, les adversaires se saluent et l’affrontement débute. Tout comme débute l’ascension de la légende Teddy Riner que l’on découvre adolescent dans ce manga. Série prévue en trois tomes, on va suivre la formation et le parcours du judoka tout au long de sa carrière. Pour bien parler d’arts martiaux, il fallait des passionnés de ces sports. C’est le cas de Tiers, scénariste biberonné aux films de Bruce Lee et de Jackie Chan, et de Topher, alias Christophe Cointault, auteur de Wind Fighters, qui pratique le MMA, dont il a d’ailleurs un projet de série. De nombreux bonus enrichissent ce premier tome : interviews des auteurs et de Teddy Riner himself, genèse du projet, croquis,… On est invité au cœur de la création.
Que l’on soit judoka ou simple spectateur, que l’on aime ce sport ou que l’on s’en désintéresse, on ne peut qu’être ému par le parcours de ce champion d’exception qu’est Teddy Riner, que l’on suit ici avec fascination.
Série : Hajime ! Teddy Riner, l’ascension d’une légende
Tome : 1
Genre : Sport
Scénario : Tiers, d’après l’histoire de Teddy Riner
Dessins : Topher
Éditeur : Pika
ISBN : 9782811689100
Nombre de pages : 204
Prix : 7,70 €
- Gabi aux fêtes de Bayonnepar Laurent Lafourcade
Prends garde à toi, Roi Léon !
Attention, midi va sonner ! 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12 !!! Debout Léon ! Gabi enlève son foulard et le fait tourner au-dessus de ses oreilles. Il chante la chanson à tue-tête !
« -Debout, debout, debout Léon… »
Les fêtes de Bayonne ! Ah, quelle institution ! Comme ses parents, comme des centaines de milliers d’autres personnes, le petit Gabi les attend avec impatience d’une année sur l’autre. Enfin, enfin, il est là le temps de la parenthèse enchantée. Comme le Père Noël en décembre, comme les cloches à Pâques, elles font leur retour annuel. Les festivités ont débuté. Aujourd’hui, c’est jeudi. C’est la journée des enfants aux fêtes de Bayonne. Tout de rouge et de blanc vêtu (enfin, uniquement de rouge, parce que, de blanc, il a son pelage, Gabi est un lapin, on ne l’a pas dit !), le gamin est fin prêt.
Bayonne, c’est la ville du chocolat. Quel régal que de s’en mettre plein les moustaches ! La musique des bandas enjaille les rues et résonne dans le cœur de Gabi. Le voilà tout excité pour courir, poursuivi par les taureaux -à roulettes- de l’encierro. Il n’a peur de rien, ce Gabi ! Ensuite, pas de répit, il faut se faufiler entre les géants afin d’aller sur la place de la Mairie pour réveiller le Roi Léon. Entre pique-nique, choka-tira, fête foraine et fandango, la journée du petit festayre n’est pas près de se terminer.
Les fêtes de Bayonne ont débuté en 1932. Elles ont bientôt cent ans. Réputées dans le monde entier, elles se déroulent au milieu de l’été dans cette magnifique ville du Pays Basque et accueillent chaque année plus d’un million de visiteurs. Cette année, avec Gabi, ça en fait un de plus. Conviviales et bon enfant, c’est un rendez-vous il faut le dire très arrosé en soirée, mais très familial en journée. C’est ce côté intergénérationnel que met en évidence un petit album comme celui-ci. Scénarisé par Stéphanie Guimont et dessiné par Davmvp, à l’instar de la série Roi Léon signée Duverdier, Gabi pourrait être le porte-parole de la culture basque au-delà des sept provinces.
Danse, Gabi ! Joue, Gabi ! Chante, Gabi ! Amuse-toi et remplis nos cœurs de bonheur comme l’est le tien ! Agur diauna eta laster arte ! Au revoir et à bientôt !
One shot : Gabi aux fêtes de Bayonne
Genre : Festivités
Scénario : Stéphanie Guimont
Dessins & couleurs : Davmvp
Éditeur : Atlantica
ISBN : 9782758805779
Nombre de pages : 32
Prix : 16 €
- Envoyez l’armée ! / Dernière réunion avant l’apocalypsepar Laurent Lafourcade
Manœuvres militaires et fin du monde
« -Bah Mireille, tu fais quoi, ici ? C’est pas ton jour de congé ?
-Si, si, mais vu que c’est la fin du monde ce soir, je voulais pas prendre de retard sur les fiches de paye.
-J’adore cette initiative, Mireille.
-Nan, et en plus mon mari s’est donné la mort ce matin dans la cuisine. J’vous dis pas l’odeur. »
L’heure est grave. Torse nu et épaule tatouée, le Président de la République annonce en direct à la télévision que l’apocalypse est prévue pour le lendemain à 19h. C’est pour ça qu’il a réalisé ses rêves. Devant son téléviseur, le manager d’une entreprise commence à envisager d’avancer la réunion prévue à 18h. Sa femme lui conseille de la faire à 17h. Le lendemain matin, dans les familles, la dernière journée de vie s’organise. Comment choisir sa cravate, au lieu de faire l’amour toute la journée ? Comment préserver la laïcité à l’école alors que la maman de Nadia porte un voile ? Comment va faire José pour s’immoler par le feu avant l’instant fatidique ? Comment vont s’organiser les employés de Bricosympa pour faire un chiffre d’affaires exceptionnel ? Et la maîtresse d’école ? Elle va juste péter un câble, mais ça va. Pour la Dernière réunion avant l’apocalypse, chacun met tous les atouts de son côté.
Envoyez l’armée ! C’est ce que décide le président de la République dans un tout autre contexte. Face aux agriculteurs qui déversent leurs stocks de lait, face aux gilets jaunes qui bloquent les ronds-points, face aux routiers qui brûlent des pneus et des profs qui font grève, le Président envoie l’armée. Il a tellement l’habitude de prendre les grands moyens que lorsqu’on lui dit que le président russe le demande au téléphone, ben, il envoie aussi l’armée. Il s’agirait d’être un peu plus concentré. Heureusement que l’Etat-Major de la Grande Muette assure par derrière, que ce soit pour abattre un gorille géant qui terrorise une ville ou changer un robinet qui fuit. Quelle que soit la situation, il faut une tactique infaillible.
La collection Pataquès s’enrichit de deux nouvelles pépites à mourir de rire. Karibou et Thierry Chavant imaginent comme le titre l’indique ce que pourrait être la dernière journée d’une humanité vouée à sa perte. Fabrice Erre, lui, imagine comment l’armée peut être la solution à tous les problèmes, locaux ou internationaux. C’est un Président loufoque ressemblant étonnamment à Emmanuel Macron qui réunit les deux livres. Fataliste dans le premier, Maladroit dans le deuxième, le chef de l’Etat est croqué dans des situations hors du commun poilantes.
Vu les sujets choisis, on aurait pu en pleurer. Les auteurs en ont pris le parti d’en rire. Tiens, et si c’était avec celui-ci qu’on nous faisait un nouveau gouvernement ?
One shot : Envoyez l’armée !
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Fabrice Erre
Couleurs : Sandrine Greff
Éditeur : Delcourt
Collection : Pataquès
ISBN : 9782413048282
Nombre de pages : 64
Prix : 13,50 €
One shot : Dernière réunion avant l’apocalypse
Genre : Humour
Scénario : Karibou
Dessins & Couleurs : Chavant
Éditeur : Delcourt
Collection : Pataquès
ISBN : 9782413079149
Nombre de pages : 64
Prix : 13,50 €
- Saint-Elme 5 – Les thermopylespar Laurent Lafourcade
Apocalypse
« -C’est dingue, cette ville !
-Ah, tu le sens, toi aussi ?
-Tu parles à maman, mon nouveau mec a peur de se transformer en loup-garou…
-Euh, quoi ?!
-…Et au chalet où on passe la nuit, on tombe sur une gamine bizarre avec un œil tatoué dans le dos !! Je gère plus, là !! »
Saint-Elme, charmante petite bourgade de montagne, est le théâtre d’un jeu mortel entre politicards véreux, mafieux sanguinaires et la population locale. Tout avait commencé par la disparition d’un fils de bonne famille et l’arrivée sur les lieux d’enquêteurs chargés de retrouver sa trace. Les magouilles autour de l’usine d’eau minérale et les trafiquants de drogue allaient rapidement rendre tout beaucoup plus compliqué que prévu. A présent, c’est l’heure des règlements de compte. Les fantômes et les crapauds s’en mêlent. Tous les acteurs sont en scène. Le spectacle final, l’apocalypse, peut commencer. Quelqu’un réussira-t-il à sortir indemne de ce nid de guêpes ?
Après cinq tomes, comme prévu, la saga Saint-Elme se clôt en apothéose. Le titre de l’épisode n’est pas anodin. Les Thermopyles sont un passage en Grèce où se sont déroulées de nombreuses batailles, de l’Antiquité entre Grecs et Perses jusqu’en 1941 avec un affrontement gréco-britannique contre l’armée nazie. Les Thermopyles se traduisent également par « portes chaudes » car il y avait des sources au pied de la falaise. Héraclès s’y serait baigné pour se laver du poison de l’hydre de Lerne. Batailles et puissance de combat sont donc les symboles de ce lieu. Il était donc logique, vu ce qu’il s’y passe, que Saint-Elme lui emprunte son patronyme.
Serge Lehman et Frederik Peeters ont tenu toutes leurs promesses. Entre fantastique et psychédélisme, ils répondent aux questions laissées en suspens et clôturent les destins de leurs personnages, sans empathie et avec violence pour certains, avec compassion pour d’autres. Tous ceux qui le méritaient ne connaîtront cependant pas un happy-end. Un tel massacre n’a pas lieu sans que certains n’y laissent quelques plumes ou leur âme. Ne lisez pas cet album si vous n’avez pas lu les précédents. Cela n’aurait aucun sens, à part celui de profiter du dessin et surtout de la colorisation exceptionnelle des planches. Saint-Elme peut et doit se lire à présent comme un grand récit avoisinant les quatre-cent planches.
Faisant le grand écart entre Les tontons flingueurs et Las Vegas Parano, Saint-Elme est une pentalogie remarquable des années 2020 qui laissera son empreinte.
Série : Saint-Elme
Tome : 5 – Les thermopyles
Genre : Thriller
Scénario : Serge Lehman
Dessins & Couleurs : Frederik Peeters
Éditeur : Delcourt
Collection : Machination
ISBN : 9782413080350
Nombre de pages : 88
Prix : 16,95 €
- La visite au Struthof, camp méconnupar Laurent Lafourcade
L’enfer des hommes libres
« -C’est fou que mamie ne nous ait jamais parlé de Jean et Mathilde, non ?
-Déjà, quand j’étais petite, elle n’en parlait pas. Le sujet était sans doute trop douloureux.
-De très nombreux survivants et rescapés des camps se sont trop longtemps tus… soit par crainte de n’être pas crus, soit car ils préféraient oublier cette terrible période. »
Simon est en classe de 3ème. Le professeur d’Histoire leur a demandé d’effectuer des recherches sur la Main noire, un groupe de résistants alsaciens de 14 à 16 ans fondé en octobre 1940 par Marcel Weinum, des ados, comme les élèves du collège, dressés contre l’ennemi allemand sans le moindre soutien des adultes. Ils ont multiplié les actes de résistance, de la coupure de fils téléphoniques à un attentat contre la voiture d’un officier boche. En 1941, Weinum sera arrêté par la Gestapo et condamné à mort. Les élèves vont bientôt aller visiter le camp du Struthof, seul camp de concentration nazi en France. Pour les accompagner, le professeur leur demande d’en parler autour d’eux. Les parents de Simon ne sont pas dispos, mais sa mamie Rose est volontaire. Ça fait longtemps qu’elle n’y est pas allée. C’est l’occasion d’ouvrir la boîte à souvenirs de sa mère Mathilde, décédée en 2009, dont le frère jumeau Jean est mort en 1943. Tous les deux étaient des héros.
Avec les témoignages de sa grand-mère, d’après les souvenirs de sa propre mère, Simon va découvrir les horreurs de la guerre. La visite sur les lieux, au camp du Struthof va être l’occasion de mettre des images sur les mots, avec toute la douleur que cela suscite. Solange, la guide, va accompagner la classe de Simon. Ce que les élèves vont découvrir sera bien au-delà de ce qu’ils pouvaient imaginer. Des hommes y ont perdu leur liberté, leur identité, leur dignité. Environ 3000 déportés y sont morts de torture, de maladie, de faim, de froid ou d’épuisement, mais si on inclut les camps annexes, entre 17 et 22 000 victimes ont perdu la vie. Dès l’entrée du camp, une statue en bronze à taille humaine représente le corps décharné d’un déporté décédé, montrant sa souffrance après sa mort. Le ton est donné. La journée va être empreinte d’émotion.
A la manière de David Evrard et Jean-David Morvan avec Irena et Simone, Yaël Hassan et Marc Lizano choisissent d’aborder la thématique avec un graphisme enfantin. Contre toute attente, la méthode est d’une efficacité redoutable. Les drames en sont d’autant plus poignants. La détresse des déportés fait face à la barbarie des nazis dans des scènes terribles. On aurait préféré que tout cela ne fut que fiction. Mais non, tout cela a bel et bien eu lieu. Il est nécessaire et urgent de s’en rappeler. Pour preuve, Mathilde étant décédée, c’est sa fille Rose qui sert d’intermédiaire, car les derniers survivants de l’époque disparaissent. Les livres vont peu à peu devenir les garants du souvenir afin qu’une telle ignominie ne se reproduise plus. La visite au Struthof, camp méconnu, contribue à ce devoir de mémoire. De cela, c’est Simon lui-même qui va en témoigner, avec une lettre qu’il rédige pour son arrière-grand-mère Mathilde.
Coédité avec l’Office National des combattants et des victimes de guerre, l’album est enrichi avec un cahier documentaire sur l’histoire du camp, avec une partie lexique. Il se termine par les biographies de détenus cités dans la BD. Yaël Hassan et Marc Lizano nous emmènent sur les lieux avec émotion, pudeur et colère. A mettre dans les CDI de tous les collèges et lycées, entre autres.
One shot : La visite au Struthof, camp méconnu
Genre : Histoire
Scénario : Yaël Hassan
Dessins & Couleurs : Marc Lizano
Éditeur : Nathan
ISBN : 9782095030100
Nombre de pages : 92
Prix : 15,95 €
- The world is dancing 4par Laurent Lafourcade
Toute chose est en nous
« -Je… Je souhaiterais avoir des informations sur le prochain spectacle…
-Je ne te savais pas si consciencieux… Sur le principe, c’est comme la dernière fois. Sauf que cette fois-ci, je serai le jury. Le thème, c’est moi ! Qui d’autre que moi pourrait juger la pièce ? Voilà ! D’autres questions ? »
Japon, XIVème siècle, 1375. Oniyasha avait failli oublier la manche suivante du tournoi de danse entre la compagnie Shinza et la compagnie Kanze sur le thème de Yoshimitsu. Il reste peu de temps. La compétition aura lieu le 17 août. Ashikaga Yoshimitsu, troisième shogun du règne Muromachi, annonce qu’il sera le jury. Le thème, c’est lui ! Ce n’est pas forcément plus avantageux que la dernière fois. Alors, pour se donner de la force, Oniyasha pense à Toku, le vieillard décédé, accusé à tort d’un crime. Hors de question de l’oublier. L’artiste voudrait jouer le soir, mais voilà qu’il est désigné pour passer en premier. Comment va-t-il faire ? Entre la journée et le soir, on ne voit pas du tout de la même façon. Répétitions, temps, masque, compétences, tout lui manque, mais il doit livrer son interprétation maintenant.
Dans ce quatrième épisode de The world is dancing, Oniyasha va être poussé dans ses derniers retranchements. Réussira-t-il à proposer un jeu de scène à la hauteur ? Ou bien son adversaire Zôjirô le supplantera-t-il dans la prestation ? Le mangaka Kazuto Mihara livre, lui, une représentation théâtrale dessinée époustouflante. A partir du moment où s’ouvre le rideau, page 43, on est dans les tribunes, on assiste au spectacle aux côtés du Shogun. Oniyasha joue une dame mendiante assise sur le bord d’une statue de Bouddha. S’engage un dialogue philosophique entre elle et un moine. Mihara réussit à placer le lecteur dans une bulle. On n’entend plus rien autour de soi. C’est une immersion qui a quelque chose de magique. C’est assez transcendant. Le final rebattant les cartes entre Oniyasha et Zôjirô laisse augurer d’un cinquième volume tout aussi incroyable.
En postface, l’historien Katsuyuki Shimizu raconte l’origine du Dengaku, dans la réalité médiévale japonaise. Il rappelle que les enfants, au Nouvel An, ne jouaient pas aux jeux vidéo, et pour cause, mais s’amusaient avec des jeux en bois, raquettes et échasses, avec des toupies, des cerfs-volants et des cartes. Ils symbolisaient les vœux de la nouvelle année, comme des rituels pour redonner de la force à la terre et au soleil. Le dengaku était un rituel pour apaiser les divinités. Des acrobates faisaient des tours sur de longues perches. Au Japon, le terme désigne aussi des brochettes grillées.
L’acteur de nô Kôhei Kawaguchi revient pour conclure sur le voyage vers Zeami, acteur du début du XVème siècle, qui raconta dans un ouvrage la première moitié de sa vie consacrée à son art.
Plus qu’une histoire du nô, « The world is dancing » est une démonstration artistique mettant en abime un art, le théâtre, dans un autre, le manga.
Série : The world is dancing
Tome : 4
Genre : Emotion
Scénario & Dessins : Kazuto Mihara
Éditeur : Vega – Dupuis
ISBN : 9782379504556
Nombre de pages : 174
Prix : 11 €
- Pour toi… Najibapar Laurent Lafourcade
Comprendre l’Afghanistan
« -… On vient de quitter Boston, on survole…
-Je sais…
-… Le cockpit ne répond pas aux appels internes.
-D’accord, mais à quelle place es-tu assise ? Quel est ton numéro de siège ?
-Que se passe-t-il ?
-Je ne sais pas… On dirait une hôtesse de l’air…
-En ce moment, je suis sur mon strapontin. Mon identifiant est AI 3R.
-D’accord. Peux-tu confirmer que tu es hôtesse de l’air ?… Elle ne m’entend pas, elle me demande de parler plus fort ! »
C’est la panique à bord du vol AA11 Boston-Los Angeles. Une hôtesse de l’air tente de prévenir la tour de contrôle que l’avion est en train d’être détourné. Le cockpit ne répond pas et un homme a été poignardé en classe affaires. Dans quelques instants, l’appareil va s’écraser sur l’une des tours jumelles du World Trade Center à New-York. Vingt-six jours plus tard, les troupes américaines envahissent l’Afghanistan avec pour objectif de démanteler la cellule terroriste d’Al-Qaïda dirigée par Oussama Ben Laden, qui a revendiqué les attentats de septembre. Le cheikh terroriste est protégé par les talibans.
De nos jours, le scénariste Marco Sonseri, se mettant en abime dans cet album, entreprend de comprendre et faire comprendre la situation en Afghanistan et comment on en est arrivé là. Laissant les mythes de côté, il recherche une vérité objective. C’est pour cela qu’il cherche à rencontrer des acteurs des événements, comme Hussain Razai, réfugié afghan ayant fui Kaboul après l’arrivée des talibans dans la capitale en août 2021. Il appartient à la communauté des Hazaras. On va donc avoir le point de vue du scénariste, occidental se projetant dans des situations sensibles, et celui d’Hussain, un natif plongé au cœur des événements et né dans le mauvais camp, celui de la minorité Hazara. Entre passé et présent, orient et occident, croyances et idéologies, émotions et convictions, on va enfin pouvoir tout comprendre de l’Afghanistan.
Le peuple afghan est divisé en plusieurs ethnies. Les talibans, également appelés pachtounes, détestent la musique. Jouer ou chanter est un sacrilège. Les hazaras aiment l’art. Ils ont une manière de vivre plus proche de ce que l’on peut connaître en Europe de l’Ouest. Les talibans ont pris pour la première fois le pouvoir de force en 1996 aux mains des Moudjahidines. Le peuple a rapidement déchanté. C’est le cas de le dire. Marco Sonseri apprend tout cela grâce à Amin, membre de l’association « Per i diritti umani ». Avec un courage extraordinaire, face aux kalachnikovs, les femmes commencent à manifester leur mécontentement. Hussain, lui, raconte comment il a pu mener à bien ses études et comment il est devenu responsable gouvernemental anti-corruption dans un Afghanistan bénéficiant encore de la présence américaine, freinant ainsi les ardeurs des talibans. Il explique comment il a rencontré Najiba et attendu l’accord de son père pour lui demander sa main. Aujourd’hui, c’est pour elle qui témoigne.
Pour toi…Najiba est une histoire instructive et poignante éclaircissant une situation jamais explicitée par les journalistes. Plus qu’une œuvre de mémoire, les auteurs signent une œuvre d’actualité car l’Histoire, ce n’est jamais terminé.
One shot : Pour toi… Najiba
Genre : Témoignage
Scénario : Marco Sonseri
Dessins & Couleurs : Gian Luca Doretto
Éditeur : Félés éditions
ISBN : 9782491483197
Nombre de pages : 104
Prix : 21 €
- Monsieur Léon 2 – Les vacances de Monsieur Léonpar Laurent Lafourcade
Un autre Monsieur Hulot
« -Et sinon, Monsieur Léon, j’avais une question à vous poser… Je sais que ce n’est pas pour tout de suite, mais… qu’est-ce que vous faites pour les vacances ?
-Les… Les vacances ?
-Oui, je m’étais dit que peut-être… Cet été… Si vous pensez que c’est… Enfin, si vous avez… Jeme disais que peut-être, on pourrait les passer ensemble ? »
Monsieur Léon est un quadragénaire, petit employé de bureau, boulot et timide. Alors, quand Mademoiselle Sophie dont il est secrètement amoureux lui propose qu’ils passent les vacances ensemble, il en est tout tourneboulé. Sophie est sa colocataire depuis qu’ils ont abattu la cloison entre leurs deux appartements dans laquelle elle avait fait un trou. Depuis, leurs solitudes les ont, en tout bien tout honneur, réunis. Alors, cette opportunité de passer quelques jours ensemble loin du tumulte de la ville et de l’engrenage métro-boulot-dodo est peut-être l’occasion de passer au stade supérieur. Monsieur Léon va tout mettre en œuvre pour offrir à sa dulcinée des vacances de rêve. Mais n’y aurait-il pas un caillou dans l’engrenage, un rival qui traîne ?
Monsieur Léon ne fait pas les choses à moitié. Son premier objectif est de trouver une destination idéale. Auvergne ? Bretagne ? La deuxième priorité est de lui faire comprendre qu’il voudrait bien aller plus loin. Un porte-clef Trèfle à quatre feuilles ou un nounours gigantesque gagné au stand de tir de la fête foraine feront-ils l’affaire ? Mais, qui est ce type qui tourne autour de Mademoiselle Sophie ? Léon doit réagir très vite s’il ne veut pas se faire doubler. Va alors commencer une succession de malentendus, de quiproquos et de fausses pistes engendrés par la paranoïa du bureaucrate émotif.
Monsieur Léon est un mélange du Monsieur Hulot de Jacques Tati pour son côté débonnaire et son long pardessus, de Gaston Lagaffe, pour son côté fleur bleue et ses amours avec Mademoiselle Jeanne, et de Jean-Claude Dusse pour son côté looser. Arnaud Le Gouëfflec et Julien Solé signent un album drôle, c’est sûr, mais surtout d’une sensibilité certaine. Léon regorge d’empathie. On a tous quelque chose de lui. On l’accompagne dans sa quête d’amour avec le même suspens qu’on suivrait un détective résoudre une enquête. Les vacances de Monsieur Léon mettent des papillons dans le cœur, et ça, peu d’albums peuvent se targuer de réussir à le faire. La mise en couleurs particulière fait partie prenante de la narration. L’univers grisâtre est illuminé par petits touches pop qui jouent un rôle narratif bien pensé.
On a longtemps jadis raillé Fluide pour un humour gras, masculin et sexué. Avec des séries comme Monsieur Léon, l’éditeur prouve qu’on est bien dans une époque 3.0 qui démontre que humour et poésie font aussi excellent ménage. Magique.
Série : Monsieur Léon
Tome : 2 – Les vacances de Monsieur Léon
Genre : Humour émotion
Scénario : Arnaud Le Gouëfflec
Dessins & Couleurs : Julien Solé
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038206465
Nombre de pages : 64
Prix : 14,90 €
- Kamasutra De chair et de sangpar Laurent Lafourcade
La reine et le prisonnier
« -Et maintenant, dis-moi ce que faisait un brahmane comme toi à fureter dans la chambre de la courtisane Vasantsena ?
-Rassurez-vous, Capitaine… Je n’ai pris que quelques documents pour mes recherches.
-Montre-moi ça !…
-Capitaine, un travail de cette importance oblige à la plus grande discrétion…
-Ce n’était pas une requête !…
-Dans ce cas, un frêle prêtre itinérant n’oserait s’attirer les foudres du Capitaine de l’armée royale…
-Par les dieux ! Quelle sorte de recherche est-ce là ?
-De celles dont le monde se souviendra pour l’éternité ! »
Forêt de Dvaita, IIème siècle après Jésus-Christ, une troupe de l’armée royale est prise dans une embuscade des guerriers de la Reine Ecarlate. Ils sont tous exterminés. Seul survit leur prisonnier, un vieux brahmane, qui est fait prisonnier. Il prétendait avoir écrit un document dont le monde se souviendra pour l’éternité, mais ça, ses ravisseurs ne le savent pas encore. Ils viennent de capturer Vatsyayana, le créateur du Kamasutra. Le vieillard rejoint les prisonniers parmi lesquels se trouvent Basvaraj, un solide et jeune gaillard dont toute la famille a été massacrée, et Chakradas, un vieux sage qui va lui apprendre dans quel guêpier il vient de tomber. Bhairavi, la Reine Ecarlate, est une femme à l’appétit sexuel insatiable. Elle tue les jeunes hommes qui ne la satisfont pas… et aucun homme n’avait jamais réussi à la satisfaire. Basvaraj y parviendra-t-il ? Vatsyayana pourrait peut-être bien lui en donner la clef.
Le Kamasutra est un recueil indien spécialisé dans les arts amoureux et les pratiques sexuelles écrit entre les VIème et VIIème siècles. Connu pour ses fameuses soixante-quatre positions, qui ne représentent en fait qu’une partie de l’ouvrage, il ne sera illustré que beaucoup plus tard, au XVIème siècle. Plus généralement, le livre est une mine d’informations sur les modes de vie dans l’Inde moyenâgeuse. Vatsyayana, dont il est question dans cet album, en est véritablement l’auteur présumé. C’est grâce à ses conseils avisés que Basvaraj va mettre en pratique qu’il pourra tirer son épingle du jeu…si on peut appeler ça une épingle. Ce que l’on ne sait pas encore, c’est qu’il a un but personnel.
Laura Zuccheri est une dessinatrice italienne. Avec toute une sensibilité féminine, elle met en scène cette histoire d’amour et cette histoire de guerre, car les deux sont intimement liées. Avec un érotisme certain mais sans jamais tomber dans la pornographie, elle suit les pas d’une Ana Mirallès, la dessinatrice de Djinn. Sudeep Menon est un scénariste indien. C’est la première fois qu’il publie en Europe. Il écrit une histoire réaliste et violente, bien plus profonde qu’il n’y paraît. Le sous-titre de l’album « De chair et de sang » n’est pas anodin. Les deux vont s’imbriquer crescendo tout au long du récit. L’histoire est aussi un voyage culturel au cœur de l’Inde de l’époque, avec ses forêts et ses temples caractéristiques.
Histoire d’amour et histoire d’à mort, Kamasutra De chair et de sang est une fresque romanesque, un voyage dans le temps et dans les sentiments. Dans un sens comme dans l’autre, il ne faut pas s’arrêter au titre parce que l’album vaut bien plus que ça.
One shot : Kamasutra De chair et de sang
Genre : Conte
Scénario : Sudeep Menon
Dessins & Couleurs : Laura Zuccheri
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741868
Nombre de pages : 112
Prix : 23 €
- Les sœurs Grémillet 6 – La villa des mystèrespar Laurent Lafourcade
Mariage et orage
« -Alors, tu viens ? J’ai besoin de ton avis pour les préparatifs !
-…Après la sélection des verres à vin, il faudra choisir les flûtes à champagne et les serviettes. Et puis planifier les toasts…
-Magda, à l’aide !!!
-Demande-lui si elle veut bien nous montrer sa robe de mariée ! Et le bouquet !
-Demande-lui s’il y a des animaux dans la villa !
-On arrive ! »
Sarah, Lucille et Cassiopée sont invitées sur une île paradisiaque du Sud de la France en Méditerranée pour le mariage d’une amie de leur mère. En plein conflit générationnel avec sa mère, Sarah n’est pas franchement ravie de gâcher ses vacances pour cette fête. C’est aussi le cas d’Aurélie, fille de Magda, la mariée, qui n’a pas l’intention de s’occuper du plan de table des invités. Les deux adolescentes rebelles vont devenir complices dans leur rébellion et s’échapper de l’ambiance régnante, avec un peu de fantaisie et pas mal d’audace. La villa dans laquelle vont se dérouler les festivités est une cage dorée. Elle va devenir l’écrin d’une aventure aux frontières du réel et au cœur des sentiments.
L’amour des animaux de Lucille va l’éloigner des colombes en cage attendant impatiemment d’être lâchées pour déclarer l’union, et la rapprocher d’un hôte de la maison, en cage lui aussi, mais pas prévu pour être libéré le jour J. C’est un iguane. Elle le baptise « Chisana Ryu », qui veut dire « petit dragon » en japonais. Lucille est finalement la seule à être excitée par le mariage. Volontaire pour trouver des citations et aphorismes romantiques, Magda l’envoie dans la petite bibliothèque du premier étage pour en rechercher. C’est là qu’elle va remarquer de mystérieuses traces de pas mauves et dénicher à l’intérieur d’un faux livre une grande pièce de puzzle. Sarah et Aurélie vont faire exactement la même découverte dans la galerie d’art de la villa, la pièce de puzzle étant cachée derrière un tableau. Derrière chacun des morceaux, est inscrite une phrase mystérieuse. « Te sens-tu enfermée dans une chrysalide invisible, dans un temps qui passe toujours de la même manière comme une chenille qui ne deviendra jamais papillon ? » « Ne garde pas ta fleur enfermée sous une cloche de verre, laisse tout le monde s’enivrer de son parfum. » Le mystère est posé. L’aventure émotion Grémillet peut commencer. D’autant plus qu’on signale une disparition : celle de Chisana Ryu.
Giovanni Di Gregorio et Alessandro Barbucci signent une sublime série feel good qui mérite le même succès que Les carnets de Cerise. Les sœurs Grémillet ont la particularité d’être les héroïnes d’aventures aussi belles sur le fond que dans la forme. Di Gregorio allie mystère et émotion sur le fil du fantastique sans réellement y tomber, montrant ainsi la puissance du rêve dans la réalité. Barbucci plante des regards parlants dans des décors sublimes, transcendés par des couleurs lumineuses. Par ailleurs, la série est tout sauf girly. A une époque où les genres se mélangent, elle permet d’effacer les frontières entre les types d’histoires et les classifications éculées. Rien que ça, c’est merveilleux.
Concluons avec la même phrase que pour le tome précédent. Il y a les BD qu’on lit pour l’aventure et celles pour les sentiments qu’elles dégagent. Les sœurs Grémillet se range définitivement dans cette seconde catégorie.
Série : Les sœurs Grémillet
Tome : 6 – La villa des mystères
Genre : Aventure émotion
Scénario : Giovanni Di Gregorio
Dessins & Couleurs : Alessandro Barbucci
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808503655
Nombre de pages : 72
Prix : 15,50 €
- Sellig & Co. – Ma sœur & mon beau-frèrepar Laurent Lafourcade
Une famille hors du commun
« -Mesdames et messieurs, bonsoir ! Bienvenue, cher public ! Le spectacle peut commencer !
-Mesdames et messieurs, bonsoir ! Mais… T’es qui toi ?
-Ben, je suis Sllig.
-Ah ben non, désolé. C’est moi Sellig !
-Tu rigoles ? Je suis vvachement plus ressemblant ! »
Un, deux, trois, quatre, cinq ! Cinq Sellig pour le prix d’un, six en ajoutant la couverture de Simon Léturgie. Cinq dessinateurs maison de l’équipe Bamboo adaptent l’univers de l’humoriste Sellig, sous la houlette de Erroc au scénario. Sa sœur, son beau-frère, leur fils, leur chien, enfin… si on peut appeler ça un chien… La famille Sellig est une famille hors du commun. Jeanfèvre ouvre le bal. On part en vacances. La sœur de Sellig, il faut savoir qu’elle ressemble plus à David Douillet qu’à Cindy Crawford. Elle carbure à la bière et pourrait travailler chez les déménageurs bretons. Bernard, le beau-frère, travaille chez EDF. Ce n’est pas vraiment lui qui porte la culotte à la maison, mais il a l’air de s’en accommoder sans problème. Leur fils Jürgen est moussivore. Il bouffe la mousse des banquettes de la bagnole. Il adore faire des doigts en voiture et faire des expériences sur les animaux, pas forcément morts. C’est d’ailleurs avec des expériences génétiques qu’est né Pupuce, un chiache, moitié chien, moitié vache, un seul œil et la gueule pleine de dents. Il vaut mieux être copain avec un rottweiler qu’avec lui. Alors, comment vont se passer les vacances au camping avec eux ? Pas besoin d’être Nostradamus pour deviner.
Plus tard, avec Laudrain, ils partiront tous ensemble en vacances à la neige… dans une station où ils ne sont pas encore interdits de séjour. Dents de bois, montagnard local, va s’en rappeler sur sa motoneige.
Stedo dessine Le déménagement. Sellig est venu aider les siens. Bernard n’est pas pressé du tout. On verra après le café. Les potes venus donner un coup de main sont plus des boulets qu’autre chose. On trouve des bactéries venues d’un autre monde derrière les meubles de cuisine. Quant à la sœur, c’est Hulk !
On va retrouver la famille au grand complet pour les deux grandes fêtes de fin d’année. Noël pour Juan et le réveillon du 31 pour Saive. Va falloir faire semblant de s’extasier en ouvrant les cadeaux sous un sapin beaucoup trop grand pour la maison. Mais bon, c’est la sœur qui est allée elle-même le couper en forêt, en mode bûcheron canadien. Pour la nouvelle année, on a loué une baraque toute pourrie dans la Creuse. Du moment qu’il y a des saucisses et de la country, ça va l’faire… ça devrait !
Adapter des sketchs, il n’y a rien de moins évident. Le monde de Sellig s’y prête à merveille. Sellig passe peu à la télévision, et pourtant, il a déjà 25 ans de carrière, 30 millions de vues sur le net, 4 Olympia, 21 mois consécutifs au théâtre de Dix Heures, ainsi que cinq DVD à son actif. Comme quoi, il n’est pas nécessairement indispensable de faire partie du Star system pour percer. Il a laissé carte blanche aux adaptateurs pour cet album à mourir de rire.
Si vous avez une sœur, elle sera ravie que vous lui offriez cet album. D’ailleurs, si vous n’en avez pas, vous trouverez bien quelqu’un à faire marrer. Un des musts de l’humour de l’année.
One shot : Sellig & Co. – Ma sœur & mon beau-frère
Genre : Humour
Scénario : Erroc, Mirdjanian, Perrier & Sellig
Dessins : Jenfèvre, Juan, Laudrain, Léturgie, Saive & Stédo
Couleurs : David Lunven
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9782818999318
Nombre de pages : 64
Prix : 13,90 €
- Petit payspar Laurent Lafourcade
L’adaptation du best-seller de Gaël Faye
« -Alors la guerre entre les tutsi et les hutu, c’est parce qu’ils n’ont pas le même territoire ?
-Non, ce n’est pas ça, ils ont le même pays.
-Alors… ils n’ont pas la même langue ?
-Si, ils parlent la même langue.
-Alors, ils n’ont pas le même Dieu !
-Si, ils ont le même Dieu.
-Mais alors… pourquoi se font-ils la guerre ?
-Parce qu’ils n’ont pas le même nez. »
Nous sommes à Bujumbura, au Burundi, au début des années 90. Gaby, une dizaine d’années, et sa petite sœur Ana sont en voiture avec leur père français. Leur mère est rwandaise, de l’ethnie des tutsis. Leur papa leur apprend qu’au Burundi, tout comme au Rwanda, trois ethnies cohabitent. Il y a les pygmées Twa, très peu nombreux, et surtout les tutsis et les hutus qui sont en guerre. Gaby, en pleine innocence, a du mal à comprendre le pourquoi de cette violence. Et pourtant, la bataille n’en est qu’à ses prémisses. Un autre conflit prend de l’ampleur, celui entre ses parents Michel et Yvonne. Ils divorcent. Au milieu de ces cataclysmes, Gaby fait tout pour rester un enfant : cueillir des mangues avec les copains, se baigner tout nu dans la piscine municipale, graver des instants éternels.
Si au Burundi, rien n’avait changé et pourtant tout devenait différent, c’est en se rendant au Rwanda avec sa mère et sa sœur pour un mariage que Gaby allait découvrir une réalité bien plus violente. Yvonne apprend par son frère que les extrémistes hutus ne veulent pas partager le pouvoir et qu’ils sont prêts à faire capoter les accords de paix. Les tutsis sont dans le collimateur. Des milices armées s’entraînent. Des listes de personnes à assassiner dans chaque quartier sont distribuées. Les casques bleus des Nations Unis en poste à Kigali ne seront pas en mesure d’empêcher les massacres. Il n’y a aucune aide internationale à attendre. La famille tente de s’organiser. La vie de Gaby et des siens va prendre un tournant irréversible. La guerre civile au Burundi et le génocide tutsi au Rwanda vont tacher de sang une enfance dont on ne guérit jamais.
Roman d’inspiration autobiographique de Gaël Faye publié en 2016, Petit Pays a reçu le prix Goncourt des lycéens. En 2020, il est adapté au cinéma par Eric Barbier, avec Djibril Vancoppenolle, Jean-Paul Rouve et Isabelle Kabano dans les rôles principaux. Nombreux ont été les projets d’adaptation en bande dessinée. Gaël Faye lui-même a choisi celui porté par Sylvain Savoia et Marzena Sowa, auteurs de Marzi racontant l’enfance de la scénariste en Pologne. C’est certainement également l’album Les esclaves oubliés de Tromelin, publié par Savoia chez Aire Libre qui a fait pencher la balance. Savoia et Marzena ont réussi à extraire toute l’essence du roman, sa sensibilité et sa violence. C’est dur, c’est difficile, c’est une lecture dont on ne ressort pas indemne. C’est aussi un témoignage historique, un livre engagé et aussi un espoir… celui d’aller mieux…
Petit Pays est une histoire de guerre par le prisme d’un enfant. C’est aussi un hymne à la tolérance, à la différence et au vivre ensemble. Un choc.
One shot : Petit pays
Genre : Drame
Scénario : Marzena Sowa
D’après : Gaël Faye
Dessins & Couleurs : Sylvain Savoia
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9791034737369
Nombre de pages : 128
Prix : 26 €
- West Fantasy 2 – Le croque-mort, l’elfe et le marshalpar Laurent Lafourcade
Ah, le western et ses vengeances !
« -Bonjour !
-Qu’est-ce que tu veux, toi ?
-Je me présente : Shiinkel Ac’nite, croque-mort itinérant. Je crois savoir que j’ai affaire au Marshal Douglas Reeves. Et si tel est le cas, sachez que j’ai parcouru un chemin pour le moins fort long afin de pouvoir me présenter et vous offrir le fruit de mes compétences. »
Le Marshal Douglas Reeves et le croque-mort Shiinkel Ac’nite font équipe dans un Ouest sauvage où la justice se règle essentiellement avec du plomb. Leur route ne va pas tarder à croiser celle d’Isha, une elfe dont la famille a été décimée par trois outlaws. Avec une mitraillette remplaçant son bras droit, Le manchot use de sa prothèse meurtrière pour sulfater à tout va. En chef de meute, Le borgne applaudit le spectacle, aux côtés de son acolyte Deadface, seule femme de l’Union Army. Si Isha, qui n’était pas sur les lieux, le sait, c’est parce qu’elle a touché le totem qui lui a donné une vision du massacre. Seul le Wendigo pourrait l’aider à mener une croisade vengeresse. Qui sait ? Le Marshal et le croque-mort pourraient peut-être aussi lui rendre service.
En neuf chapitres scandant le récit, rien ne sera épargné aux personnages de l’histoire, ni aux bons, ni aux méchants. Poursuivant la mise sur les rails de ce nouvel univers, Jean-Luc Istin écrit un scénario solide qui garde un mélange des genres cohérents. Au niveau de la construction du récit, Istin fait montre d’un savoir-faire magistral. Il lance deux problématiques parallèles avant de les unir dans un second temps. S’il y a un chapitre à ne pas sauter, c’est celui qui n’est pas en bande dessinée. C’est dans ce texte de trois pages que l’on apprend comment Le borgne, Le manchot et Deadface en sont arrivés à être ce qu’ils sont et pourquoi ils ont perpétré le massacre du village des elfes. Il serait regrettable de passer à côté.
Au dessin, le créateur de l’univers Bertrand Benoit laisse sa place à Marco Itri qui rentre dans ses chaussons. Dans le making of, on découvre les recherches de Benoit pour les personnages et la façon dont ceux-ci ont évolué, des premiers croquis à leurs versions définitives. C’est ainsi que Le manchot est passé d’un Sergent Garcia baraqué à un athlète charpenté, et que Deadface est devenue plus féminine et sexy. Benoit a également travaillé sur les décors et les costumes, permettant ainsi à Marco Itri de rentrer plus rapidement dans le vif du sujet. La suite du cahier supplémentaire montre les intéressantes différentes versions de la première case de l’album avant d’aboutir à l’image d’Isha surplombant la vallée.
Deuxième histoire de West Fantasy, cet univers mêlant western et héroïc-fantasy, Le croque-mort, l’elfe et le marshal a du Kill Bill. Ce serait si merveilleux que Quentin Tarantino s’en empare pour le cinéma. En attendant, l’ensemble est extrêmement bédégénique.
Série : West Fantasy
Tome : 2 – Le croque-mort, l’elfe et le marshal
Genre : Héroïc-Fantasy Western
Scénario : Jean-Luc Istin
Dessins : Marco Itri
Couleurs : Olivier Héban
Éditeur : Oxymore
ISBN : 9782385610531
Nombre de pages : 64
Prix : 15,95 €
- XIII Trilogy Jones 2 – Rouge Alcatrazpar Laurent Lafourcade
Les occupés d’Alcatraz
« -Les otages civils sont détenus dans les cellules de l’ancien pénitencier ! Ils sortent dans la cour principale deux fois par jour, sous la surveillance des warriors armés…
-Combien y a-t-il de prisonniers ?
-D’après le service de police de San Francisco, près d’une centaine… dont une douzaine de femmes et d’enfants !
-Et parmi les activistes, combien de combattants armés ?
-Difficile à dire ! Près d’une trentaine… Mais la nuit, leurs zodiacs parviennent à briser le blocus et ramènent vivres et renforts ! »
1970. Un groupe d’activistes amérindiens des Red Power Warriors mené par trois évadés d’une prison californienne s’est emparé d’Alcatraz. L’ancienne prison est aujourd’hui abandonnée mais l’îlot est occupé par des militants pacifistes. Alors que ces derniers veulent regagner le continent, les rebelles armés retiennent en otage ce groupe de fils à papa, de hippies et de drogués pour leur servir de rempart. Que veulent-ils ? Tout simplement le respect des traités revendiquant les droits civiques des amérindiens. Parmi les évadés, se trouve Marcus, le frère du sous-lieutenant Jones. Pour mener l’affront, le gouvernement envoie la brigade militaire des SPADS du général Carrington, qui a fait appel à Jones pour le seconder. Madame le Maire de San Francisco, quant à elle, est contre l’emploi de la manière forte, afin de préserver les otages. La situation réussira-t-elle à être réglée ?
Deuxième volume du triptyque XIII trilogy consacré à celle qui n’a pas encore atteint le grade de Major, Jones, Rouge Alcatraz prend pour thème un événement véridique de l’Histoire des Etats-Unis, à savoir l’occupation de l’île d’Alcatraz dans la baie de San Francisco en Californie, sauf que dans la réalité, ce fut beaucoup plus pacifique que dans la série, XIII oblige. L’invasion dura de novembre 1969 à juin 1971. Soixante-dix-huit amérindiens, menés par un certain Richard Oakes, directeur du département des études indiennes au collège d’Etat de Chicago, et Grace Thorpe, fille du célèbre footballeur et athlète olympique Jim Thorpe. En quelques jours, ce n’est pas moins de six cents amérindiens de cinquante tribus différentes qui composèrent le groupe de squatteurs. Les individus revendiquaient leurs droits et voulaient faire de l’île un centre d’études indiennes pour l’écologie. Le gouvernement les aura à l’usure en commençant par leur couper l’eau, l’électricité et le téléphone.
Il fallait tout le savoir-faire d’un Yann pour tordre et distordre ces événements et y ajouter, avec d’autres, les personnages de Van Hamme et Vance que sont Jones et le général Ben Carrington. A la manière du scénariste originel, il mène l’intrigue tambour battant sans aucun temps mort et avec un épouvantable cliffhangher final (surtout ne feuilletez pas l’album avant de le lire). Là où l’on reconnaît la patte de Yann par rapport à celle de Van Hamme c’est dans des petits clins d’œil comme ici avec une pseudo-Janis Joplin rebaptisée Joanis Joplaez.
Olivier Taduc est dans un graphisme parfaitement Vance-compatible tout en gardant son style que l’on connaît si bien avec Chinaman. Ce n’est pas la première fois que le dessinateur visite l’univers puisqu’il avait pris en charge Jonathan Fly dans un XIII Mystery scénarisé par Luc Brunschwig.
Après la série mère et la série Mystery, ce nouveau concept Trilogy relance la franchise pour un bon moment. Avec des auteurs de qualité, à quoi se priver de faire durer le plaisir ? Efficace.
Série : XIII Trilogy Jones
Tome : 2 – Rouge Alcatraz
Genre : Thriller
Scénario : Yann
Dessins : Olivier Taduc
D’après : William Vance & Jean Van Hamme
Couleurs : Bruno Tatti
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782505124771
Nombre de pages : 48
Prix : 13 €
- De la Mano à Manu Chaopar Laurent Lafourcade
Une vie de musique plaisir
« -Un groupe, c’est comme une famille. Alors autant jouer en famille.
-Et au fait, comment il s’appelle ton groupe ?
-Heu… Ça déchire trop ce nom ! Papa, ça évoque quoi pour toi, « Mano Negra » ?
-C’est le nom d’une bande d’anarchistes andalous de la fin du XIXème siècle et nationalistes yougos. »
Ils ont été le meilleur groupe du monde pendant quatre ans. Ils ont reboosté le rock français. Ils ont chanté en espagnol, en français, en anglais, en arabe et ont commencé à sillonner le monde. Il a ensoleillé les plus grands stades et les petites rades, bondissant sur scène. Il a chanté en espagnol, en français, en anglais, en arabe et a continué à sillonner le monde. Ce groupe, c’est La Mano Negra, ce chanteur, c’est Manu Chao. En véritable fan inconditionnel, Gaston retrace le parcours passionnant d’un saltimbanque et de sa troupe, des années 80 à nos jours.
L’histoire commence en 1961 avec la naissance à Paris du petit José Manuel Arturo Chao, un 21 juin, jour qui deviendra plus tard celui de la fête de la musique. Son père, Ramon, dirige ses enfants vers la musique. Manu choisit la guitare, son frère Antoine la batterie, puis la trompette. Porté par le succès des Bérurier Noir, le rock alternatif émerge, avec l’hilarante danse du Pogo. En 1982, Manu créé son premier groupe familial avec son frère et son cousin. En 1984, il fonde les Hot Pants dont il est le leader. En 1987, c’est sous le nom de groupe La Mano Negra que sort le 45 tours à l’étoile rouge sur fond jaune avec l’empreinte de main noire. Suivra le premier album, mythique : Patchanka, qui leur permettra de passer du label indépendant Boucherie Productions à la Major Virgin. Manu Chao garde le contrôle du business : du marketing au prix des places, en passant par les affiches et le choix des titres. Le groupe joue dans une bonne partie du globe, les albums et les tournées s’enchaînent.
Après la séparation du groupe en 1994, Manu Chao a un coup de blues. Il continue de voyager, continue la musique, mais songe à arrêter sa carrière pour passer à « autre chose ». Mais avant cela, il décide d’enregistrer un dernier album solo. Il le veut techno mais un bug informatique supprime les rythmes du genre des enregistrements. Tant pis. L’album sort comme ça, en 1998, comme une maquette. Il s’appelle Clandestino et va s’écouler à plus de trois millions d’exemplaires. Les albums et les collaborations se suivent, jusqu’en 2008 avec la sortie d’un dernier album live. Depuis, Manu Chao continue à tourner mais a une autre conception de distribution de la musique. C’est un philanthrope. Il se fait plaisir, et fait plaisir à ceux qui suivent sa carrière.
Après Bobby Lapointe et Renaud, Gaston s’intéresse à Manu Chao et La Mano Negra. Dans un petit album passionnant, il témoigne d’un amour profond pour la musique de ce troubadour des temps modernes, sans pour autant jamais tomber dans une hagiographie. Le livre est accompagné d’une bande son que l’on peut découvrir grâce aux nombreux QR codes qui parsèment les pages. Magyd Cherfi, le pote de toujours, signe la préface. Et là où l’on voit que la musique de Manu Chao a quelque chose de magique, c’est qu’il intéressera tout autant les aficionados que les profanes.
One shot : De la Mano à Manu Chao
Genre : Biographie
Scénario, Dessins & Couleurs : Gaston
Éditeur : Idées plus
ISBN : 9782374700878
Nombre de pages : 64
Prix : 16 €
- Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversairepar Laurent Lafourcade
La guerre de l’autre Allan
« -Est-ce que par hasard il y aurait un bus en partance dans les prochaines minutes ? Quelle que soit la destination.
-Le plus pratique est d’acheter le billet directement au chauffeur. Le car est juste devant la porte.
-Merci de votre aide. «
Allan Karlsson est né le 3 juillet 1905. En Suède, pendant que tout le personnel de la maison de retraite s’affaire aux préparatifs de la fête pour son centième anniversaire, le vieillard prend la poudre d’escampette par la fenêtre de sa chambre. Heureusement qu’il est au premier étage parce qu’à son âge on ne peut pas se permettre des cascades trop périlleuses. Après un crochet par le cimetière, Allan se rend dans une gare d’autobus pour partir. Peu importe où. Alors qu’un jeune homme lui demande de garder sa valise pendant qu’il est aux toilettes, le vieux part avec, en bus, direction Strängnäs. Sorti des WC, le type est furieux. Sa valise semblait cacher quelque chose d’important. Réfugié chez le gardien d’une toute petite gare, ferroviaire cette fois-ci, Allan est rattrapé par le propriétaire de la valise… qu’ils tuent. Les voilà donc avec un corps et une valise sur les bras, suscitant bien des convoitises. Va falloir gérer tout ça, et même plus, un éléphant.
L’histoire du Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire est un road movie. La fuite en avant alterne avec les souvenirs d’Allan. Orphelin de père à douze ans à la suite de la Révolution russe de Février 1917, il doit se mettre au travail. Il va bosser chez un chimiste. A quinze ans, il perd sa mère. Devenu expert en explosifs, Allan va débarquer aux Etats-Unis, avant d’être récupéré par les russes qui souhaitent bénéficier de ses connaissances sur l’atome pour les aider à fabriquer la bombe. C’est au Kremlin qu’il va croiser la route d’Herbert Einstein, frère stupide du génie. Staline va en attraper des sueurs froides.
Après l’excellent La demi-double femme, paru chez Mosquito, Grégoire Bonne s’offre une récréation avec l’adaptation du best-seller de l’auteur suédois Jonas Jonasson. A la manière du Pingouin, d’Andreï Kourkov, le roman est de ces histoires loufoques ridiculisant le monde et l’époque dans laquelle ils se déroulent. Si Le pingouin prend place en ex-URSS, la vie de Jonas prend un tournant décisif en pleine guerre froide. L’auteur se moque de tous les dirigeants de l’époque. Au fil de l’histoire, le passé d’Allan prend de plus en plus de place, tant et si bien qu’il faut prendre garde à ne pas perdre le fil de la traque entre les fugitifs, les malfrats et les forces de l’ordre. Le scénariste Taillefer date les séquences, notamment celles du passé, bordées de gris. C’est à la fin qu’il faut être attentif, quand, comme dans un post-générique, on boucle la boucle en apprenant comment Allan a débarqué à l’Ehpad.
Drôle et tendre, cruel et loufoque, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire réussit son passage en bande dessinée, grâce notamment à ses personnages attachants et joyeusement barrés.
One shot : Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire
Genre : Road movie Polar
Scénario : Taillefer
D’après : Jonas Jonasson
Dessins & Couleurs : Grégoire Bonne
Éditeur : Philéas
ISBN : 97823855020118
Nombre de pages : 120
Prix : 19,90 €
- Les larmes du Yokai 1 – Les abeilles se cachent pour mourirpar Laurent Lafourcade
Yokai, Samouraï et Aïe aïe aïe
« -J’imagine que tu sais pourquoi je t’ai convoqué.
-Mon seigneur a avancé dans l’enquête qu’il mène sur la mort mystérieuse de nos abeilles ?
-Pas… pas exactement, non. Bien souvent, tu causes des troubles dans la cité et bien souvent, nous te pardonnons… Atsuhiko, es-tu mon ami ?
-Je vous demande pardon ?
-Es-tu un ami de l’empire et de son digne représentant, ton daimyo ?
-Bien entendu, seigneur…
-Alors pourquoi le quartier des apiculteurs ne s’acquitte pas de la taxe ? »
Sur la berge enneigée d’un lac japonais, un couple déplore de ne pas pouvoir avoir d’enfants. Les dieux veulent-ils que s’éteigne la lignée des Inari ? Kiyo demande à son mari Murami de la répudier afin qu’il ait des enfants avec une autre pour que la dynastie Inari se poursuive. Il le refuse. Il ne ferait jamais cela à son aimée. C’est alors qu’une meute de loups se fait entendre non loin. Les bêtes gravitent autour d’un panier en osier suspendu à une branche. Après les avoir fait fuir, les époux y découvrent un bébé. Il s’appelle Caleb. Les dieux leur auraient-ils envoyé un héritier ?
Quelques années plus tard, le bambin a bien grandi. On le retrouve dans une bien mauvaise passe, otage d’une bande de malfrats. Avec l’aide de son serviteur Doglass, il va réussir à s’en sortir, non sans quelques frayeurs. On va rapidement apprendre qu’ils sont chasseurs de primes et parcourent le pays, traquant les bandits qui pourraient leur permettre d’encaisser de l’argent auprès du daimyo local. C’est à une affaire de grande aventure à laquelle ils vont se trouver confrontés. A Chidori, les apiculteurs déplorent la mort mystérieuse de leurs abeilles sur lesquelles repose l’économie de la ville. Voilà donc nos héros en mission pour résoudre cette énigme. Caleb va avoir bien besoin des larmes du Yôkai transmises au fils ainé de chaque génération.
Après Le temps des mitaines, revoici Loïc Clément aux commandes d’une bande dessinée animalière. A la frontière entre Chlorophylle et Kogaratsu, les aventures de Caleb et Doglass démarrent sur les chapeaux de roue. Imaginez donc les personnages de Macherot dans l’univers japonais médiéval de ceux de Michetz et Bosse, et voici Les larmes du Yôkaï. Ce ne sont pas les seuls auteurs qu’invoque Loïc Clément, parce qu’il y a aussi du Goscinny dans son écriture, pour son duo de héros hors du commun tout d’abord, puis surtout dans les dialogues, fins, ciselés, drôles. Caleb et Doglass portent le même équilibre qu’Astérix et Obélix, ou plus encore Iznogoud et Dilat Laraht. Caleb a quand même un petit côté fourbe. Doglass est bien plus malin qu’il ne veut le laisser paraître.
Margo Renard dessine l’histoire dans la même ambiance que l’aurait fait Anne Montel, complice de Loïc Clément sur Le temps des mitaines. C’est Stéphane Benoit qui s’est chargé du storyboard, dynamique, allant à l’essentiel. Les couleurs de Grelin ont un effet aquarelle qui passe très bien sur les décors mais qu’on aurait préféré plus en aplats sur les personnages. Cela n’entache en rien l’ambiance globale de l’intrigue.
Les abeilles se cachent pour mourir est la première aventure d’un duo de héros qui a un énorme potentiel pour une longue série d’intrigues équilibrant à merveille humour et action. L’histoire se termine dans ce volume mais le fil rouge de la famille de Caleb est là pour la relier aux prochaines. A suivre… avec grand plaisir, comme à la grande époque de l’âge d’or du franco-belge.
Série : Les larmes du Yokai
Tome : 1 – Les abeilles se cachent pour mourir
Genre : Aventure
Scénario : Loïc Clément
Dessins : Margo Renard
Couleurs : Grelin
Storyboard : Stéphane Benoît
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344053218
Nombre de pages : 88
Prix : 15,95 €
- Nouvelle Chinepar Laurent Lafourcade
Dystopie sinoteutonne
« -Bonjour, Viktor.
-Tu es bien matinal, Jörgen… Toujours tes insomnies ?
-Toujours… Mon boulot me fait de plus en plus chier, Viktor. Vingt ans au propaganabüro à lécher les pompes des chinois, j’en peux plus. (…) Et toi, ton tueur ? Tu avances ?
-Non. On n’a plus rien depuis la septième victime… Et ça date d’un mois, déjà… »
Berlin 1975. Viktor Eberhart est flic. Le policier enquête sur une série de meurtres, sans succès. Il pourrait se faire aider par les informateurs de son collègue Jörgen, mais si les chinois l’apprennent, ils risquent de lui retirer l’enquête. Les victimes ont pour points communs leur âge et leur sexe. Elles ne sont connectées ni par leur milieu social, ni par leur profession, ni par leurs fréquentations. Après chaque meurtre, l’assassin découpe ses proies et dispose ses organes autour du corps. Alors que ça fait un mois que le tueur n’avait pas fait parler de lui, une huitième victime vient d’être découverte au Treptower Park. L’inspecteur Eberhart se rend sur place sous une pluie battante, accompagné de son assistant, Mathias. Le commissaire Zhang Jing leur fait comprendre que les policiers allemands n’ont pas à intervenir. Dans une Allemagne envahie par la Chine, Eberhart n’a pas l’intention de baisser les bras et compte bien mener son enquête à bout.
Nouvelle Chine est une dystopie. Les années 70 voient une capitale allemande sous occupation chinoise. Après l’invasion du Tibet en 1950, Mao a soutenu les forces vietnamiennes. La guerre d’Indochine gagnée, les occidentaux ont dû plier bagage et abandonner les comptoirs commerciaux en Asie. Pour empêcher une nouvelle alliance de se mettre en place, le grand leader Mao Zedong balance le Chuanranun virus. Les USA ferment leurs frontières et ne se mêlent pas du conflit. L’Europe et le Moyen-Orient sont décimés par le virus. En échange du vaccin, le Bingdu, l’Occident doit se convertir aux valeurs universelles du communisme. Cette fraternité obligée se traduit donc par des distributions hebdomadaires de doses et par la lecture obligatoire du fameux petit livre rouge dont des versions réactualisées sont régulièrement imposées. Au milieu de tout ça, Viktor, qui vit avec sa fille, tente de faire son travail entre chinois non soumis au grand timonier et allemands découvrant les dessous d’un embrigadement international.
Clarke met l’Allemagne dans un rôle totalement inédit. Au lendemain de la seconde guerre mondiale (trente ans, ce n’est rien à l’échelle de l’humanité), les teutons se trouvent dans la position du pays envahi. Mais c’est la Chine, et non pas les Alliés, qui prend leur contrôle. Le polar n’aurait pas eu la même intensité si l’action avait eu lieu en France. L’enquête autour du tueur en série n’est qu’un prétexte pour traiter des relations humaines en cette période troublée. Les plus grands tueurs en série ont profité de situations politiques ou belliqueuses pour agir en marge d’un contexte attirant l’attention. Ici, ce n’est pas le coupable qui intéresse, mais la façon dont Eberhart va pouvoir mener son enquête, entre politique et résistance, avec les moyens dont il dispose.
Après la trilogie Urbex, Clarke a choisi un traitement noir et blanc mettant en avant un trait sec, avec une certaine rigidité en parfaite adéquation avec le propos. Il ne ferme pas la porte à une éventuelle suite. On a encore beaucoup à apprendre sur son inspecteur. La dystopie est posée et a un potentiel certain à être développée.
Toute ressemblance avec une épidémie de Covid-19 serait purement fortuite… ou pas. Nouvelle Chine est un polar glaçant mené de main de maître par un Clarke au meilleur de sa forme.
One shot : Nouvelle Chine
Genre : Polar distopyque
Scénario & Dessins : Clarke
Éditeur : Soleil
Collection : Quadrants
ISBN : 9782302102781
Nombre de pages : 104
Prix : 17,95 €
- Godefroy 1 – Le seigneur de Bouillonpar Laurent Lafourcade
Avant la Croisade
« -L’Islam est divisé. Les princes, malgré leurs liens de sang, sont trop occupés à se disputer le pouvoir pour faire bloc devant notre armée.
-A qui songez-vous pour prendre la tête de la croisade ?
-A l’Evêque du Puy : Adhémar de Monteil. Il a accompli un pèlerinage en Terre Sainte et connaît bien la question d’Orient. Je pense également aux barons français du Midi qui ont déjà mené la Guerre Sainte en Espagne. Le Comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, a déjà accepté. Nous pourrons aussi compter sur les normands de Sicile. Ils ont l’avant-garde de la latinité.
-Excellents choix.
-Et j’ai sollicité le concours de Godefroy de Bouillon et de son frère Baudouin de Boulogne. »
Clermont-Ferrand, Novembre 1095. Dirigé par le pape Urbain II, le concile décide de chasser les turcs et les arabes des terres d’Orient qu’ils ont envahi. Deus lo volt ! Dieu le veut ! Il est temps de partir libérer la Terre Sainte et de délivrer Jérusalem. Il est promis à ceux qui perdront la vie la rémission de leurs péchés. Pendant ce temps, à Bouillon, un jeune chevalier s’entraîne avec son maître d’armes. Il s’appelle Godefroy. A vingt-huit ans , il défendait déjà son territoire des assauts du Comte de Namur. Il porte haut le titre de Duc de Basse-Lotharingie. Le temps est venu pour lui de prendre femme. Il ne va pas tarder à faire la connaissance d’Aëlys, une jeune servante, un brin sorcière, qui va lui faire tourner la tête. Mais est-elle bien pour lui ? Au monastère de Cluny, on prévoit un autre destin pour Godefroy. Lui et son frère Baudouin de Boulogne sont sollicités, avec d’autres barons français du midi, pour faire partie de la croisade en Terre Sainte. Il faut en profiter car les princes d’Islam sont préoccupés à se disputer le pouvoir.
Comment Godefroy de Bouillon prendra-t-il son destin en main ? Le premier tome de cette série pose les bases et la problématique de la vie de cet illustre personnage de l’Histoire de France. Le récit ne fait que commencer. On découvre dans cet album le caractère et la puissance de l’homme. Avant de l’engager sur les chemins de la guerre, les auteurs l’entraînent sur les sentiers de l’amour. Il va apprendre à ses dépens que l’amour est au moins aussi complexe que la guerre, surtout quand il y a manigances et trahisons. C’est peut-être cela qui va l’amener à faire les choix que l’on sait.
Les plus anciens lecteurs se souviendront de la biographie dessinée de Godefroy de Bouillon par Sirius, l’auteur de Timour et Bouldaldar jadis chez Dupuis. Le scénariste Rudi Miel prend la relève, avec plus d’aventure et moins de solennité, mais toujours dans une vérité historique au plus proche de l’esprit de l’époque, tout en comblant les vides des biographies. Godefroy n’était pas aussi lisse que dans l’imaginaire collectif. Les auteurs comptent bien montrer son côté sombre. Un dossier historique complète l’album. Au dessin, Théo Dubois d’Enghien s’est attaché les services d’un archéologue spécialiste dans les fortifications médiévales afin d’être crédible, cohérent et juste. Digne successeur d’un Philippe Delaby, il signe un album impeccable à l’encrage fin et maîtrisé.
Dans les années 80, nul doute que la série aurait été l’un des fleurons de feu la collection Vécu chez Glénat. Il y a même l’inévitable scène de sexe dans les pages 30, comme le passage obligé de l’époque. Pas nécessaire. Cela n’entache en rien ce bel album historique et aventureux qui annonce une série solide.
Série : Godefroy
Tome : 1 – Le seigneur de Bouillon
Genre : Histoire
Scénario : Rudi Miel
Dessins : Théo Dubois d’Enghien
Couleurs : Felideus
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782931105252
Nombre de pages : 56
Prix : 15 €
- Les nouvelles aventures de Bruce J.Hawker 1 – L’œil du marais par Laurent Lafourcade
Embruns et coups de canons
« -Tous ensemble !
-Bordez !!
-Je ne crois pas que je ne me lasserai jamais de cette jolie mélodie du vent sifflant dans la mâture !… Ah ! Mr Harvey, que donne la mesure du loch ?
-Nous filons à peu près 11 nœuds, Lieutenant !
-Pas davantage, alors que nous sommes aux limites de tension ?!…
-Le vent se renforce et commence à souffler en rafales… »
Forêt de Chizé, Haut-Poitou, octobre 1307, une troupe de templiers s’apprête à rejoindre La Rochelle. Philippe Le Bel souhaite l’anéantissement de leur ordre. Alors que le premier rayon de soleil perce l’horizon, les combattants larguent les amarres les coffres remplis d’un trésor constitué d’argent, d’archives et d’artefacts ramenés de Terre Sainte. Ils comptent bien rebâtir leur ordre au Nouveau Monde.
Près de cinq cents ans plus tard, à Gibraltar, le lieutenant Bruce J.Hawker embarque sur le Victory pour y retrouver l’amiral Nelson qui le congratule pour ses exploits maritimes. Il y rejoint ensuite son vaisseau « Le Lark » pour prendre le large et rejoindre l’Angleterre. Le sort en décidera autrement. Pris pour cible par un navire espagnol dont ils franchissent les eaux territoriales, le bateau ne résiste pas à la tempête qui s’ensuit. Bruce et ses hommes, naufragés, sont recueillis par une goélette française qui les embarque, direction la Nouvelle-Ecosse, comme main d’œuvre de luxe, pour dénicher le fameux trésor qui avait fait le même trajet un demi-millénaire auparavant.
La série Bruce J.Hawker a été créé à la toute fin des années 70 par William Vance, qui s’adjoindra rapidement les services d’André-Paul Duchâteau au scénario. Le succès de XIII empêchera le dessinateur de poursuivre les aventures de son marin fétiche dont il avait une nouvelle histoire en projet. Presque trente ans après son septième et dernier album, le marin refait surface. Habitué aux fonds marins avec Carthago, le scénariste Christophe Bec remonte le militaire des profondeurs avec ce premier tome d’un diptyque annoncé. En multipliant les références aux aventures passées, qu’il n’est pas indispensable d’avoir lues, il rend hommage à ses prédécesseurs en offrant une aventure avec un grand A. Au dessin, Carlos Puerta est fantastique de réalité. On se prend des coups de canons et des giclées d’embruns en pleine face. Le dessinateur hyper-réaliste marche sur les pas de Vance, sans le copier, en l’intégrant dans son style. Le travail sur les navires est on ne peut plus minutieux. Les décors, dans l’eau ou sur terre, sont criants de matière.
Après Ric Hochet et Bruno Brazil, les éditions du Lombard proposent de nouvelles aventures pour Bruce J.Hawker. Avec une reprise d’une telle qualité, pas question de parler de nostalgie, mais de « revival ». Avertissons tout de suite les auteurs et l’éditeur, on ne se contentera pas d’un diptyque.
Série : Les nouvelles aventures de Bruce J.Hawker
Tome : 1 – L’œil du marais
Genre : Aventure maritime
Scénario : Christophe Bec
Dessins & Couleurs : Carlos Puerta
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808205764
Nombre de pages : 56
Prix : 15,45 €
- La cantoche 9 – La main à la pâtepar Laurent Lafourcade
A table !
« -Et alors, tu viens pas manger ?
-Pffff… J’suis mieux ici, je me nourris de la nature ! Et puis, les rayons de soleil, c’est plein de vitamines ! Ça vaut bien un repas.
-Comme tu veux. Je prendrai ta ration de frites !
-Des frites ? Rien ne vaut les vitamines des frites ! »
Un plateau de cantine, c’est tous les jours différents. Le jour des spaghettis bolognaise, c’est toujours plus apprécié que le jour des choux de Bruxelles. Contrairement à la maison, on mange sans écran devant l’assiette, sauf pour les petits malins qui ont amené leur ordi. Les coquilles des moules, ce n’est pas facile à mâcher. C’est peut-être pour ça que c’est difficile à digérer. Côté dessert, la top technique pour manger les yaourts, c’est le sprotch-hop ! On appuie d’un coup sec sur le pot ouvert, le contenu gicle en l’air et on le récupère dans la bouche… en principe. Si malheureusement on finit taché, il y aura bien une copine pour proposer une solution ni vu ni connu.
Dans ce neuvième opus de La cantoche, les élèves ne vont pas faire que manger à la cantine. Ils vont sortir en forêt pour une journée « Planète propre ». Si chacun y va de sa petite contribution pour le ramassage des déchets, c’est bien pour l’environnement. Les vacances au bord de la mer ne sont pas sans rappeler la nourriture, surtout quand on a des matelas gonflables en forme de part de pizza ou de brocolis. Il y en a un qui va plus attirer les copains que l’autre. Un autre événement va être lorsqu’une équipe de télévision va venir faire un reportage à la cantine. Les caméras s’en souviennent et les élèves sont capables de quelques fourberies pour que tout se passe bien pour le chef en échange d’une contrepartie. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour avoir plus souvent des frites.
La cantoche, c’est toute une année au fil des saisons dans une école. Nob est un as dans ces mini-gags en quatre cases, s’adressant à un public plus jeune que Dad mais que les plus grands apprécieront quand même. Le cuistot est le sosie physique du père de famille et moralement on aurait très bien vu le papa des quatre gamines se faire embaucher entre deux tournages pour servir les repas à ces chères têtes blondes, brunes et tutti quanti. Mais ce n’est pas lui. Les deux séries sont bien complémentaires. Les couleurs pastels de Nob et Laurence unissent les univers.
Le chef n’est pas près de prendre sa retraite. Il en a encore pour vingt ans ! On n’a pas fini de manger des épinards.
Série : La cantoche
Tome : 9 – La main à la pâte
Genre : Humour pédago-culinaire
Scénario & Dessins : Nob
Couleurs : Nob & Laurence
Éditeur : BD Kids
ISBN : 9791036363238
Nombre de pages : 64
Prix : 10,50 €
- Boulevard Tintin – Les amis de Hergé 77 – Printemps 2024par Laurent Lafourcade
Une mine d’infos sur Tintin et Hergé
« -Où est-elle cette île ?… Je ne vois rien…
-Si, Capitaine, c’était un requin !… Je l’ai vu, je vous dis !… »
Le professeur Tournesol fait l’objet d’un article exceptionnel de ce soixante-dix-septième numéro de la revue Les amis de Hergé, reçus par les adhérents de l’association du même nom. Dans un article passionnant signé Michel Schmitz, on apprend, preuves à l’appui, qu’Auguste Piccard n’était pas la seule source d’inspiration de Hergé pour le professeur sourdingue. En effet, l’auteur a aussi pris comme modèle Paul Eydt, un ami du père de l’auteur de l’article. Eydt était sourd, pouvait entrer dans de vives colères et était un célibataire endurci. C’était un avocat, légèrement dégarni et arborant une moustache et des lunettes rondes. Hergé a bel et bien mixé Piccard et Eydt, les deux individus, pour créer Tryphon.
En couverture, c’est une affiche publicitaire, évidemment signée Hergé, pour Le vingtième siècle. Avec son ami José de Launoit et un autre associé, Hergé avait créé l’Atelier Hergé-publicité pour répondre à ce genre de commandes. Dans l’éditorial, Philippe Goddin en profite pour énumérer les différents pseudonymes adoptés par Georges Remi avant d’arriver à celui que l’on connaît tous. Comme d’habitude, chaque article apporte son lot d’anecdotes plus intéressantes les unes que les autres. On apprend que l’île observée aux jumelles par Haddock dans Le trésor de Rackham le rouge était dessinée par Jacobs et que Hergé la trouvait trop grande. Benoît de Courrèges montre le paradoxe entre le calme et le bucolisme de la première vignette de L’Affaire Tournesol par rapport au reste de l’intrigue, tandis que Jonathan Fabry et Claudy Lempereur décortiquent un fragment d’image de Coke en stock pour reconstituer la carte d’identité du général Alcazar. Il va être question d’alcool, aussi bien de vin que de bulles… de champagne, non pas des phylactères, avec Nicolas Raduget et Hervé Heyte. Le grand dossier du numéro, signé Goddin, s’intitule Avec Tintin et avec Hergé au bout du monde. Le rédacteur nous invite à un voyage en Chine, en partant de Bruxelles en 1991 avec Tchang Tchong-jen. Voici pour un extrait de ce riche sommaire. Et ce n’est pas fini…
Côté Ketjes, les gamins de Bruxelles Quick et Flupke, on a droit à l’analyse d’une scène de foule, toujours par Philippe Goddin, nommant un maximum de personnages caricaturés. Vincent Baudoux montre leur attachement à Bruxelles, pendant du côté aventurier de Tintin. Dans les articles hors du commun, Emil Szabor nous emmène en 1965, au cœur d’un poisson d’avril croisé entre les hebdomadaires Tintin et Spirou, ayant échangé leurs maquettes pour l’occasion. Une planche crayonnée de Fred Neidhardt s’ajoute au canular. De nombreuses autres rubriques complètent la revue. On retrouve les habituelles « C’est une bonne question…qui mérite une réponse », « La dépêche », recensant des informations qui frappent, ou encore « Les 7 scoops de Walter Rizotto », planche de photos prises de par le monde en lien avec Tintin.
Pour adhérer aux Amis de Hergé, il suffit de se rendre sur le site lesamisdeherge.com : https://lesamisdeherge.com/lassociation/inscription/ La revue de l’association le prouve depuis déjà 76 numéros : Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
Série : Les amis de Hergé
Tome : 77 – Printemps 2024
Genre : Revue d’étude
Rédacteur en chef : Philippe Goddin
Éditeur : Les amis de Hergé a.s.b.l.
Nombre de pages : 60
Prix : 25 €
ISSN : 0773-6703
- Silence 3par Laurent Lafourcade
Emprise
« -Mais Lunure… Je comprends pas pourquoi elle tient tant à garder ses clochettes…
-C’est… Hum… médical.
-Même si elle va monter la garde, on n’est jamais trop prudent ! Surtout que certains monstres invisibles aiment s’en prendre aux humains pendant qu’ils dorment !
-In… Invisibles ? Et de la cendre, ça va nous protéger ? »
Lame, Lune et le moinillon Merle campent en pleine forêt. Ils tentent de rejoindre la citadelle de Haut-Fort dans laquelle sont déjà arrivés leurs compagnons. Mais dans un monde où le moindre bruit peut attirer des monstres, c’est bien périlleux. C’est pour cela que Merle prépare une décoction à base de cendres pour protéger le trio pendant la nuit. Certains monstres invisibles aiment s’en prendre aux humains pendant qu’ils dorment. Ils renversent la tasse de cendres en voulant attaquer et passent ensuite le reste de la nuit à tout ramasser. C’est super long et ça les empêche d’agir. A Haut-Fort, quand le soleil se couche, on prend également garde aux monstres qui ont pris l’habitude de s’approcher. Les moines magiciens défendent les villageois. C’est le cas de Cime et de ses poings d’acier rempart efficace contre les agressions.
Ce troisième épisode de Silence débute alors que nos héros sont séparés en deux groupes. Ové, Griotte et leurs camarades sont en sécurité, ou presque, à la citadelle. En piteux état, Gris va pouvoir se faire soigner à l’hôpital. Il ne faudrait pas que ses blessures et morsures s’infectent. Le docteur Rameau va le prendre en charge. Ils intègrent une communauté paisible, aimant les animaux, avec des réserves de nourriture. Autrefois, avant les dégâts de la longue nuit où la ville a été endommagée par un géant, Haut-Fort était une ville touristique appelée Roc-en-Ciel. C’est un moine qui à l’époque a battu le géant. Depuis, l’Anglecroix veille sur Haut-Fort et ses habitants. L’endroit possède même une école, et même le Transperce-neige, qui leur permet d’écarter les nuages et de faire apparaître le soleil.
La situation est beaucoup plus compliquée pour les trois « aventuriers » de la forêt, surtout pour Lame qui va se trouver sous l’emprise du Cauquemare, une créature qui apparaît souvent sur la poitrine des individus durant leur sommeil. La personne se réveille, sans pouvoir bouger, avec le monstre noir flanqué sur le torse, la paralysant. Cela créé des hallucinations cauchemardesques qui offrent au mangaka français Yoann Vornière l’occasion de présenter ses planches les plus exceptionnelles, tout aussi terrifiantes que dynamiques.
Au fil des tomes, Vornière personnalise et originalise sa série, grâce à laquelle l’Occident peut être fier de la qualité de sa production dans un art qu’on croyait exclusivement asiatique. Mais ça, c’était avant. Du bruit pour Silence !
Série : Silence
Tome : 3
Genre : Fantastique
Scénario & Dessins : Yoann Vornière
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505117100
Nombre de pages : 208
Prix : 7,90 €
- Les vents ovales 1 – Yvelinepar Laurent Lafourcade
Love sixties
« -Salut, Monique !
-Salut !
-Ça va ?
-Oui, oui, mon père me fatigue, mais bon… C’est pas nouveau !
-Ha ha ha ! Qu’est-ce qu’il t’a fait, encore ?…
-Oooh, rien de spécial, mais il se croit encore dans les années 50… Pfff… Et demain, il faut que je lui reparle de la bagnole…
-Il veut toujours pas ?
-Noooon ! Il est pénible, je te jure !…
-Qu’est-ce que tu vas faire «
Mai 1967. De part et d’autre de la Garonne, les villages de Larroque et de Castelnau ont enterré la hache de guerre pour fêter la victoire de l’équipe de rugby de Montauban en finale du championnat de France. Yveline vient d’avoir son bac. A à peine 18 ans, elle va monter à Paris poursuivre ses études. Elle de la chance que son père la soutienne. Ce n’est pas le cas de Monique qui doit supporter son père réac’. Elle va devoir lui annoncer qu’elle n’a nullement l’intention de travailler à la briqueterie familiale cet été. Elle préférerait être monitrice au centre aéré. Yveline a un petit copain, Pascal. Il voudrait aller plus loin mais elle ne se sent pas prête. Monique, elle, ne va pas tarder à séduire Eric, l’instituteur du village et directeur du centre aéré. Cela sera-t-il du goût de son père ? Un communiste dans la famille, ce n’est pas tellement compatible.
Les vents ovales est une chronique immersive dans la France rurale des Trente Glorieuses, cette période bénie de plein emploi quelques années après la guerre. Une époque insouciante… Insouciante ? Oui. Mais une révolution n’allait pas tarder à arriver : celle de Mai 68. Pour l’instant, nous n’y sommes pas encore. Et pour comprendre le phénomène, il est nécessaire de remonter quelques mois en amont. C’est l’objet du premier tome de ce triptyque. On met le décor en place. On installe les acteurs. Parmi eux, outre ceux déjà cités, il y a le curé de Castelnau, accessoirement entraîneur de l’équipe de rugby du village. François, lui, le père de Monique, s’occupe des juniors de Larroque, en plus de son boulot de patron de la briqueterie. La famille d’Yveline est nombreuse. Elle a trois frères. Ses parents sont métayers sur les terres du Marquis. Tout ce petit monde mange, vit et dort rugby, sauf Monsieur Vassiliu, alias « le grec », le cordonnier de Larroque, que ça laisse indifférent.
Dans l’esprit de Magasin général, Jean-Louis Tripp et Aude Mermilliod proposent une immersion dans le temps et hors du temps. Dieu, que cette période était bénie. C’était un temps où les gens savaient prendre le temps. Alors que Tripp partait sur une « simple » évocation du rugby de son enfance, le duo de scénaristes s’est rapidement rendu compte que Mai 68 pointait son nez à l’horizon, avec son lot de problématiques : l’émancipation, l’avortement, les conflits de générations. Le féminisme naissant commençait à changer la société. Il allait falloir du temps. Mais ça, les protagonistes ne le savaient pas encore. Chaque chapitre du récit recontextualise les événements s’étant déroulés ce mois-là. Dans un réalisme souple, Horne dessine cette histoire d’ambiance, sublimée par les couleurs de Delf, légèrement jaunies, comme si on y était.
Historique et feel-good, Les vents ovales s’annonce comme un témoignage d’un tournant de l’Histoire de France vu par le prisme de la province. Le tome 2 va arriver très rapidement. Aussi vite que les vents de Nanterre atteindront le Sud-Ouest ?
Série : Les vents ovales
Tome : 1 – Yveline
Genre : Chronique de vies
Scénario : Aude Mermilliod & Jean-Louis Tripp
Dessins : Horne
Couleurs : Delf
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9791034762347
Nombre de pages : 136
Prix : 26 €
- Mafalda, mon héroïnepar Laurent Lafourcade
Les 60 ans de la petite argentine de Quino
« -Alors, quoi de neuf ?
Ben, ça va toujours aussi mal. Tousles jours, des enfants meurent sous les bombes… Et je ne te parle pas de mes problèmes d’aérophagie dus aux gaz à effet de serre…
-Je t’assure que tout va s’arranger !
-Mouais, j’y crois plus trop ! »
Mafalda psychanalyse le monde. Ça fait soixante ans que Mafalda psychanalyse le monde. Pour cet anniversaire, ce n’est pourtant pas sous les crayons de Quino qu’elle le fait, mais sous celui d’un collectif d’autrices à l’occasion de la parution d’un album événement. Figure de la bande dessinée argentine entre 1964 et 1973, la fillette observe le monde du haut de son jeune âge. D’une nature plutôt pessimiste, elle oppose ses analyses critiques au capitalisme, porté par son camarade Manolito, ou encore, entre autres, à la soumission masculine vécue par Susanita. Il y a aussi Felipe, le voisin rêveur et angoissé, Miguelito, anarchiste mussolinien, et Guille, le petit frère, sans oublier les parents de Mafalda, argentins de classe moyenne.
Après la couverture signée Pénélope Bagieu et une préface de Lucia Sanchez, réalisatrice du documentaire Mafalda, reviens !, c’est Florence Dupré La Tour qui ouvre le bal. L’autrice se met en abime aux côtés de la gamine. Elle lui apprend que l’Argentine, ce n’est toujours pas le paradis, mais que le monde a connu bien des avancées quand même. Maëlle Reat lui parle de l’époque d’aujourd’hui. Si les technologies ont évolué, pour le reste,… Vero Cazot et Maud Begon projettent Mafalda en 2024, mettant en avant l’avancée de la condition féminine dans la société. Agathe de Lastic et Soledad Bravi démontrent que les grandes personnes ont encore bien des leçons à recevoir et qu’ils ne s’emparent pas des soi-disant progrès comme il faudrait.
Marie Bardiaux-Vaïente et Gally envoient Mafalda régler les problèmes de ses camarades dans la rue. Elle va se rendre compte que le règlement des conflits est loin d’être chose aisée. Elle voudrait plus de justice. Ça fait partie de ses grandes espérances, comme le démontre aussi Anne Simon. Elle attend encore des évolutions de la société. Seront-elles suffisantes pour guérir le monde ? Emilie Gleason imagine un univers avec Mafalda et ses amis, sans adulte. Ils ont disparu. Cela signifie-t-il que la Terre est sauvée ? Le retour à la réalité risque d’être violent. Aude Picault dessine une Mafalda adulte dans le monde d’aujourd’hui. Alors, est-elle devenue une vieille aigrie ou a-t-elle gardé son recul sur la société ? Florence Cestac conclue l’ouvrage avec deux illustrations.
Quino nous a quittés en 2020. Mafalda lui a survécu. Ceci n’est pas une reprise mais bel et bien un hommage à ce personnage mythique dont certaines réflexions n’ont malheureusement pas pris une ride. Les autrices de cet album démontrent avec subtilité et réalisme que Mafalda pourrait poursuivre ses constations aujourd’hui sans dénoter.
One shot : Mafalda, mon héroïne
Genre : Humour politique
Scénario, Dessins & Couleurs : Florence Cestac, Maëlle Reat, Emilie Gleason, Anne Simon, Aude Picault, Maud Begon, Vero Cazot, Soledad Bravi, Agathe de Lastic, Gally, Marie Bardiaux-Vaïente, Florence Dupré La Tour, Pénélope Bagieu, Lucia Sanchez
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344064580
Nombre de pages : 96
Prix : 17,50 €
- Le prix du bonheur T.T.C.par Laurent Lafourcade
A la poursuite du bien-être
« -Sport ! Bière ! Potes ! Voilà le bonheur !
-Mmh. Pas vraiment. C’est plutôt du bien-être immédiat. La définition du bonheur, c’est plus proche d’un équilibre stable et durable. Mais bon, c’est une notion très subjective. Selon les études… Bla bla bla… Bla bla bla…
-Ça te dirait d’écrire une BD à quatre mains ? Ça te ferait de la pub et pour moi d’la thune.
-Ouais ! Mais j’y connais rien.
-Pas grave. C’est comme du manga, mais en couleurs ! »
Qu’est-ce que le bonheur ? Peut-on l’atteindre, le toucher du doigt en toute plénitude ? A quel prix ? C’est la question que se sont posé Thierry Gloris et Pierre Bordaberry. L’un, scénariste connu de bande dessinée (Wild West, Aspic, Malgré nous,…), l’autre, docteur en psychologie et accessoirement youtubeur sous le nom de Psykocouac (200 000 abonnés au compteur), se sont rencontrés sur un ring. C’est un sortant de la piste que le premier a proposé au second de réaliser ensemble un album de BD sur le thème. Sous les dessins de l’espagnol Sergio Melia, ils nous invitent dans leur discussion à bâtons rompus et à bonheur revu.
Plan de montage, agencement d’intérieur et boîte à outils. En trois chapitres, les auteurs décryptent le concept de bonheur. La démonstration débute par ce que l’on pourrait appeler le paradoxe Justin Bieber. Star internationale au sommet de la gloire, ça ne l’a pas empêché de tomber en dépression, alors qu’il avait tout ce qu’il pouvait désirer. Bordaberry montre que le sentiment de bonheur se compose de trois dimensions indépendantes : les événements que l’on ressent comme positifs, l’absence d’événements ressentis négativement et notre sentiment de satisfaction. Les six émotions que sont la joie, la colère, la peur, le dégoût, la surprise et la tristesse nous accompagnent tout au long de notre vie pour le pire comme pour le meilleur. Elles ont également pour fonction de nous permettre de communiquer avec les autres, par l’envoi de signaux. L’équilibre entre les émotions détermine les réactions de l’être humain. Chaque être possède une boîte noire, différente pour tous, comme l’ADN, c’est là que se trouve le processus de traitement de l’information qu’opère l’organisme pour en sortir l’émotion adéquate. Pixar en a réussi l’éblouissante démonstration avec Vice Versa.
L’agencement intérieur explique que la recette du bonheur dépend non seulement du cerveau, mais aussi de l’intégralité de la physiologie et de l’environnement extérieur. Il va être question de quiétude, d’argent, d’interactions sociales, d’injonctions, de maltraitance, d’amour et de pilule du bonheur… qui n’existe pas. Le chemin du bonheur est loin d’être simple.
La boîte à outils, dernier chapitre, fait intervenir des chercheurs en psychologie. Ils ont analysé dans cent-vingt-huit pays les liens entre bonheur et satisfaction des besoins. Ils en ont conclu qu’il existe des besoins universels et d’autres différents dépendant des interactions entre l’individu et l’environnement social. Il y a donc une motivation, ou pas, à se créer du positif. Pierre Bordaberry s’attarde sur les techniques de restructuration cognitive et expose les moyens de se rééquilibrer par l’action.
Dans notre société, il y a une certaine dictature du bonheur. On le voit en particulier dans les images facebook que tout un chacun envoie pour montrer à ses amis oh combien il est heureux, oh combien il passe de bonnes vacances. Il est clair que tout le monde cherche une plénitude du bien-être. Avec Le prix du bonheur TTC, les auteurs nous décomplexent en nous apprenant à connaître les conditions du bonheur et à les articuler. Alors, la première étape vers le bonheur n’est-elle pas de lire cet album ?
One shot : Le prix du bonheur T.T.C.
Genre : Essai
Scénario : Thierry Gloris & Pierre Bordaberry
Dessins & Couleurs : Sergio Melia
Éditeur : Albin Michel
ISBN : 9782226484857
Nombre de pages : 128
Prix : 15,90 €
- SuperBeasts 1 / SuperBeasts Toy(e) Art File Rapport n°1 ultra confidentialpar Laurent Lafourcade
L’île aux monstres
« -Vous n’imaginez pas comme nous sommes heureux de vous intégrer ! Bienvenue chez nous !
-Merci ! L’honneur est pour moi !
-Un an depuis le premier désastre causé par une Chymer. A peine un an (et déjà une telle désolation… On croirait voir une ville fantôme.
-Une vraie catastrophe, n’est-ce pas ? La Mairie n’a pas assez de personnel. Nos moyens nous permettent tout juste de maintenir le statu quo.
-Je n’ai presque rien pu apprendre de votre mission avant de venir ici. Pouvez-vous m’en dire plus ?«
Des monstres sont apparus sur l’île de Kibitsujima, surgissant d’un étrange brouillard et semant le chaos. Ces bêtes aux pouvoirs surnaturels sont appelées « CHYMER » par le gouvernement, acronyme de Créatures HYbrides et Menaces à ERadiquer. Les militaires ont déjà procédé à l’évacuation d’une partie de la population et commencé à combattre les monstres. Les batailles étant vaines, l’armée a dû se replier, coupant les routes, au grand dam des habitants encore bloqués. Heureusement pour eux, un groupe de personnes déterminées à lutter contre l’invasion est resté sur place pour les aider. Leur organisation : « La Mairie ». Kazuki Kisaragi, psychologue chercheur du centre des sciences humaines, vient de répondre à leur appel. Il est accueilli sur place par Sumire Hasegawa, référente au département de sécurité.
Kazuki va immédiatement être plongé dans le grand bain. Des immeubles s’effondrent. La Chymer Keibaku est en mouvement. Un groupement de monstres de petite taille a été repéré dans les zones 64 à 98. La première escouade de diversion a été anéantie. Les deux suivantes prennent le relais pour poursuivre la manœuvre de guidage sur cible. Les opérations sont dirigées par Tomohiko Munehiro, directeur du département de sécurité de la Mairie. C’est le responsable en chef de l’élimination des Chymer. Keibaku est déchainée. Les soldats se font décimer. Miko Mikoshiba, membre de la section 4, surnommée la sorcière par le directeur, va prendre le relais. Sera-t-elle à la hauteur face au monstre ?
Se basant sur l’œuvre originale de Toy(e), Nykken met en place une nouvelle mythologie monstrueuse. On connaissait les Yo-Kaï, les Kaïjus et autres Akumas, voici les SuperBeasts, autrement dit les Chymer, monstres apparus mystérieusement sur une île et qui se classent en trois catégories selon leur dangerosité. Deux autres catégories appelées Inconnu et Inoffensif viennent compléter le tableau. Sur l’échelle, on trouve donc les nuisibles, relativement simples à exterminer, et les désastreux, pour lesquelles il faut plusieurs troupes afin de les éradiquer. Enfin, les calamités, dont la tête est en forme de cercle, de demi-cercle ou de cône, s’attaquent aux humains et aux autres Chymer. La résistance humaine s’organise pour un blockbuster à grand spectacle. Au final, on est plus proche de la mythologie mixte récupérée par le cinéma américain mêlant Godzilla, King Kong et autres monstres à la Rampage.
En parallèle à ce premier volume, les éditions Kana sortent un magnifique Art book. Intitulé Rapport n°1 Ultra confidentiel, il recense les premières observations de Chymers depuis 2017. Présenté comme un rapport scientifique, il montre différents monstres et cartographie les lieux où ils ont été découverts. On en apprend également plus sur la Mairie et les sections de recherche, le tout avec de magnifiques grandes illustrations signées Toy(e).
SuperBeasts s’annonce comme un manga d’action haletant. Alors que d’autres auteurs auraient fait monter le suspens petit à petit, prenant le temps d’installer l’univers, on est plongé dans la problématique dès la première page. Redoutablement efficace.
Série : SuperBeasts
Tome :1
Genre : Shonen Survival
Œuvre originale : Toy(e)
Scénario & Dessins : Nykken
Éditeur : Vega Dupuis
ISBN : 9782379503801
Nombre de pages : 204
Prix : 8,35 €
Série : SuperBeasts Toy(e) Art File
Tome :1 – Rapport n°1 ultra confidential
Genre : ArtBook
Scénario & Dessins : Toy(e)
Éditeur : Vega Dupuis
Collection : Alpha
ISBN : 9782379503771
Nombre de pages : 160
Prix : 20 €
- Bone – Big Johnson Bone et autres contes oubliéspar Laurent Lafourcade
Bone en couleurs
« -Raconte-nous une histoire, Smiley !
-Une histoire ?
-Ouais, parle-nous de la vallée ! Raconte-nous tes aventures quand tu t’étais perdu avec tes cousins dans la mystérieuse vallée, très loin d’ici !
-Alors, je vous ai parlé de la fois où mon cousin Fone Bone est tombé dans la cascade avec deux stupides rats-garous ?
-Oui !
-Voyons… Vous ai-je parlé de la grande course de vaches ? Ou de la fois où on a rencontré mâche-fer, le lion géant des montagnes ?
-Oui ! Et oui !
-Ah… J’ai trouvé ! »
Smiley Bone, Bartleby et les trois Bone-scouts Ringo, Bingo et Todd sont en forêt. C’est le soir. Il est tard. Ils viennent de trouver un coin pour camper. Ça ne semble pas du tout le bon endroit pour les tentes, mais le grand chapeau a parlé. Et qui le porte, le grand chapeau ? C’est Smiley. Alors, on l’écoute. Sandwichs beurre de cacahuètes-cornichons pour l’un, hot-dogs rôtis à la flamme pour les autres, chacun ses délices. Il est l’heure à présent des histoires. Le chef de patrouille a toujours des exploits de membres de sa famille à raconter.
Lorsque Fone, Phoney et Smiley habitaient à la ferme de Mamie Ben, chacun leur tour était de corvée. Un jour où Smiley était occupé à réparer le toit, Fone et Phoney, ce dernier ne croyant pas du tout aux vertus du travail, trouvèrent une carte au trésor. L’occasion pour ce dernier de rentrer à Boneville en triomphateurs n’allait pas se rater. Les puissances célestes seront-elles avec eux ? La deuxième histoire met en scène Bébé Johnson Bone contre le bonhomme hiver. Personne ne peut défier son pouvoir. En principe… Adulte, Big Johnson Bone va d’abord rivaliser avec la gobe-tourtes. Il a gagné le marathon glouton quatorze ans d’affilée, une série qu’il comptait bien prolonger. Il se fera ensuite happer par l’appel de la vallée. Avec son âne et son singe, ils vont aider de mignons petits animaux à retrouver leurs parents enlevés par les rats-garous. La Reine Maud et Tyson son fils chéri ne vont pas être les adversaires les plus faciles à battre. Dans une dernière histoire, on retrouve les trois cousins Bone et Bartleby dans un final sur carriole et pente escarpée.
Quel plaisir après tant d’années de retrouver les personnages de Jeff Smith. Alors qu’on croyait la série définitivement close, les éditions Delcourt ont déniché quelques courts récits inédits, complétés par la version couleur du hors-série Big Johnson Bone déjà publié en noir et blanc. L’ensemble des histoires est enrobé par Smiley Bone qui, en fait, les raconte aux Bone-scouts qu’il emmène en pérégrination. Les personnages introduisent l’album et s’intercalent entre chaque séquence. Dommage qu’il n’y ait pas de conclusion à leurs disgressions. Ça n’entache en rien le bonheur du retour inattendu de ce petit Bone. Si seulement ça pouvait donner à Jeff Smith, accompagné ici au scénario par Tom Sniegoski, de relancer la série…
Garez-vous, les rats-garous ! Big Johnson Bone parcourt la forêt, chapeau de trappeur sur la tête. Des années après, sa famille se souvient de ses exploits.
Série : Bone
Tome : Big Johnson Bone et autres contes oubliés
Genre : Aventures fantastiques
Scénario : Jeff Smith & Tom Sniegoski
Dessins : Jeff Smith
Couleurs : Steve Hamaker & Tom Gaadt
Éditeur : Delcourt
Collection : Comics
ISBN : 9782413075196
Nombre de pages : 160
Prix : 16,95 €
- Astrid Bromure 8 – Comment filouter les lutinspar Laurent Lafourcade
Petits peuples d’Ecosse en péril
« -Les invités sont là, Monsieur.
-Bonsoir, mon oncle.
-Bonsoir, Hazel !
-Vous ici ? Quelle surprise ! Vous passiez dans la région ?
-Hum ! Des jours que leur visite est prévue, Monsieur ! Même que je l’avais notée dans l’agenda.
-En effet ! Où ai-je la tête ? Eh bien… Ravi de vous accueillir ! Nous allons pouvoir faire de belles randonnées ! »
Astrid Bromure est invitée à passer quelques jours de vacances en Ecosse chez son oncle Hazel. Elle est accueillie avec sa préceptrice Mademoiselle Poppyscoop par Lindsay, le majordome du tonton inventeur. Ce dernier vient de mettre au point le Copiex, une machine qui peut dupliquer tout et n’importe quoi dans la dimension souhaitée. Astrid apprend dans un carnet de son grand-père Aonghas Mac Muffin qu’il existerait dans la région des personnages légendaires typiques. Les terres rousses seraient peuplées de lutins répartis en deux clans : les Uppies, mycophiles du Nord, vénérant les champignons, et les Doonies, mycophobes du Sud, maudissant cèpes, bolets et autres girolles. Bien évidemment, la gamine curieuse va avoir envie d’aller vérifier sur place si leur existence est une légende… ou la réalité.
Ce n’est pas spoiler l’intrigue que de dévoiler qu’elle va les rencontrer et même les aider à résoudre une problématique. Pourquoi leurs maisons disparaissent ? Chaque petit peuple accusant l’autre, il allait falloir tout le flair et toute la sagacité d’Astrid pour dénicher les véritables coupables. Telle Gulliver au pays des liliputiens, Astrid va devoir démontrer qu’on a toujours besoin d’un plus grand que soi.
Astrid Bromure est une série hors du temps. Qui au XXIème siècle peut être intéressé par les préoccupations d’une petite fille riche semblant avoir survécu de l’univers de la Comtesse de Ségur ? Tout le monde… au moins quand c’est un Fabrice Parme qui prend les choses en main. Avec un humour british et des dialogues fins, avec un trait souple et minutieusement appliqué, l’auteur a mis en place un univers adorablement drôle. Après Le roi catastrophe, La famille pirate, un Spirou et autres albums, il serait temps que Parme, au graphisme reconnaissable entre mille, soit enfin reconnu à sa juste valeur par le public et la profession. C’est l’un des tout meilleurs dessinateur-scénariste jeunesse du moment.
En attendant, après avoir dézingué la petite souris, atomisé les fantômes, épinglé l’enfant sauvage, lyophilisé le monstre du Loch Ness, refroidi le yéti, fricassé le lapin, lessivé une baby-sitter, venez apprendre avec Astrid Bromure comment filouter les lutins.
Série : Astrid Bromure
Tome : 8 – Comment filouter les lutins
Genre : Aventure humoristique
Scénario & Dessins : Fabrice Parme
Couleurs : Véronique Dreher
Éditeur : Rue de Sèvres
ISBN : 9782810201686
Nombre de pages : 32
Prix : 12 €
- Darwin’s incident 6par Laurent Lafourcade
Tuer ou se faire tuer, il faut choisir…
« -Monsieur Graham… Une chambre pour quatre personnes, est-ce bien cela ?
-Oui.
-Euh… Ce monsieur est-il avec vous ?
-C’est mon fils. Il craint la lumière. Hypersensibilité. Y a-t-il un problème ?
-Non, aucun, monsieur. Toutes mes excuses. Je vais vous conduire à votre chambre. »
New-York. Charlie et ses compagnons arrivent dans un hôtel. Il est emmitouflé dans un jogging, avec casquette, masque covid et capuche serrée au maximum, afin que personne ne remarque qu’il n’est pas humain. Si quelqu’un le reconnaît, ça fera du grabuge. L’organisation ALA sera rapidement au courant. Charlie est là pour retrouver le professeur Yuan. Elle était le bras droit de Grossman et sait probablement des choses à propos de Bêta. Bêta, c’est Omelas, l’autre humanzee, frère de Charlie. Ce dernier a l’intention de tout faire pour l’arrêter… en le tuant. Depuis la mort d’Hanna et Bert, Charlie n’a plus aucune valeur pour l’ALA. Lucy ne partage pas son avis et préfèrerait traduire Omelas et les terroristes devant les tribunaux.
Pendant ce temps, dans plusieurs coins des Etats-Unis, des attentats meurtriers font des dizaines de victimes. A Houston au Texas, une étudiante fait feu dans l’amphithéâtre d’une université. A Chicago dans l’Illinois, les habitants d’un quartier résidentiel sont décimés, dans la rue ou à leurs fenêtres. Même scénario à Philadelphie, à San Jose,… A New York, c’est la conférence sur le génome et le futur de l’humanité d’Andrew Davenport, PDG de la société Galton, qui est prise pour cible. La professeur Yuan y assiste. Charlie arrivera-t-il à temps pour l’extraire du massacre avant qu’il ne soit trop tard ?
Ce sixième épisode de Darwin’s incident prend une allure d’American Nightmare. Shun Umezawa passe un cran dans l’escalade de la violence. Certaines scènes auraient même été à la limite du soutenable en couleurs. Omelas est déchaîné, assoiffé de sang. Les manipulations génétiques restent au cœur de la problématique. Et si des expériences de reproduction par insémination artificielle entre singes et humains avaient déjà eu lieu dans la réalité ? Umezawa surfe sur une frontière, en équilibre entre une uchronie et une réalité en soi relativement plausible qui fait froid dans le dos.
Entre protection animale, magouilles pharmaceutiques et manipulations génétiques, Darwin’s incident est une série plus addictive que jamais. Le volume se lit à la vitesse d’un cheval au galop. Inlâchable.
Série : Darwin’s incident
Tome : 6
Genre : Anticipation
Scénario & Dessins : Shun Umezawa
Éditeur : Kana
Collection : Big Kana
ISBN : 9782505126140
Nombre de pages : 160
Prix : 7,90 €
- Les grandes batailles de l’Histoire de France 5 – La libération de Paris 1944par Thierry Ligot
Quand la Ville Lumière s’est rallumée !
« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France. »
C’est par ces mots que le général De Gaulle s’adresse pour la première fois depuis 4 ans aux Français à partir du sol français ! Un discours historique fait depuis l’Hôtel de Ville de Paris !
Nous sommes le vendredi 25 août 1944. Le général Dietrich von Choltitz, gouverneur militaire allemand de Paris, récemment nommé par Hitler, vient de signer l’acte de reddition des troupes allemandes de la ville lumière !
L’insurrection a éclaté le samedi 19 août lorsqu’un groupe de résistants a pris, sans un coup de feu, le contrôle de la préfecture de police. Cette police parisienne, parfois tant décriée et critiquée pour certaines de ses actions de « collaboration » ouvrait ainsi la page de la libération de Paris !
Totalement improvisée, elle prenait de court De Gaulle, les FFI, le GPRF et … les Alliés !
De là, s’accélère un jeu de pouvoir à plusieurs niveaux débuté déjà depuis plusieurs jours chez les Alliés pour la prise de contrôle de Paris.
En Angleterre, De Gaulle les pousse à autoriser le général Leclerc et sa 2e DB à foncer sur la capitale pour la libérer.
Mais pour Eisenhower, ceci n’est pas une priorité.
La garnison allemande qui y cantonne n’est pas un danger (6.000 hommes intra-muros et 11.000 en banlieue). De plus les troupes ennemies qui reculent ne font qu’y passer sans s’arrêter !
Militairement parlant, prendre Paris signifierait aussi de nombreux combats de rue, des escarmouches, … Tout ceci au prix de pertes humaines et matérielles importantes et sans grande valeur stratégique.
Par ailleurs, la capitale manque de tout et surtout de nourriture ! La libérer obligerait également les Alliés à devoir l’approvisionner … et donc à retarder certaines opérations militaires bien plus vitale pour la victoire finale.
Par conséquent, il préfère ainsi contourner la ville et poursuivre son offensive.
De Gaulle, lui, ne l’entend pas de cette oreille … Il faut dire qu’une « menace » intérieure » plane sur lui. Celui qui libérerait Paris, qui en prendrait le contrôle s’assurerait également un certain poids dans la suite des événements … Pas question pour lui donc de laisser les communistes lancer l’insurrection !
« Plus que jamais, l’Union Nationale est nécessaire. La nation n’admettrait pas que cette unité fût rompue. »
De son côté, Leclerc ronge son frein et est prêt à foncer sur la capitale … avec ou sans autorisation.
Un plan est mis sur pied …
C’est tout cela, ainsi que le déroulement de ces journées d’insurrection que présente, de façon claire et le plus précisément possible, avec un véritable souci d’objectivité, cet album.
Une lutte de pouvoir, une lutte pour le pouvoir, une bataille entre Français dans cette bataille pour la libération de la France, de l’Europe par les Alliés !
Une chronologie parfois difficile à présenter, tant les événements vont s’enchaîner rapidement et s’entrecroiser dans Paris et à l’extérieur.
Un travail d’historien à la base, suivi d’une réflexion de scénariste afin d’en faire une BD cohérente et lisible pour tous.
L’idée d’offrir le rôle de narrateur à Paris elle-même apporte une petite touche plus « poétique » … comme Paname l’est depuis toujours !
Appuyé par la ligne claire réaliste de Denoël, le rendu des décors et notamment des bâtiments est superbe. Petit bémol peut-être pour les visages et expressions des personnages parfois trop « rigides », parfois trop « simplistes ». Tout comme certains corps semblant « mal proportionnés » (exemple : p. 44 – 45). Mais ceci n’est qu’un détail graphique. Et ne serait-ce pas au contraire une des caractéristiques de son crayon … ne pas « écraser » le texte par un trait trop « réaliste » justement ?
La mise en page dynamique, le cadrage et les cases « panoramiques » donnent à la narration la vigueur nécessaire pour s’immerger pleinement dans ces jours hautement historiques.
La mise en couleur de Joël Costes est toujours aussi efficace et agréable, soutenant parfaitement le dessin et l’ambiance adéquate.
Après « Bir Hakiem – 1942 », « Austerlitz – 1805 », « Verdun – 1916 » et « Diên Biên Phu – 1954 », avec à chaque fois Jean-François Vivier au scénario, ce « Libération de Paris – 1944 » rentre parfaitement dans la collection « Les grandes batailles de l’histoire de France » chez Plein Vent.
Un album indispensable dans cette année du 80e anniversaire de la libération de la France.
Série : Les grandes batailles de l’histoire de France
Tome : 5 – La Libération de Paris, 1944
Scénario : Jean-François Vivier
Dessins : Régis Parenteau-Denoël
Couleurs : Joël Costes
Éditeur : Plein Vent
Genre : guerre, histoire
Parution : 21/08/2024
Pages : 48
Format : 24 x 32 cm
ISBN : 9782384880744
Prix : 15,90 €
- Autrevillepar Laurent Lafourcade
Terriblements humains
« Nous interrompons notre programme pour un flash spécial. Je suis en ligne avec Jean-Marc Grivin, reporter pour l’agence Média-multipresse. Bonsoir Jean-Marc… Crrr… Bonsoir, Etienne… Crrr… Alors Jean-Marc, vous vous trouvez en ce moment dans un petit village du nnom d’Ernelse, c’est bien ça ?… Absolument, Etienne? « Ernelse », qu’on aurait pu qualifier de « petit village tranquille ». Mais ce soir , ce n’est plus exactement le cas, ce soir où un paisible retraité a fait une macabre découverte en promenant son chien : un sac orange en plastique qui contenait un bras. Arrivés rapidement sur place, les gendarmes ont entamé des recherches dans les alentours et ont trouvé trois autres sacs orange abandonnés dans des endroits épars. »
Luc et Stéphane, exilés dans le Sud, partent rejoindre Rudy, leur ami d’enfance resté dans le Nord de la France, leur région de naissance. C’est pas la joie. Juste avant de partir, ils ont enterré Olina, la chienne de Luc, après une nuit de souffrances. Le séjour tombe à point nommé pour leur changer les idées… ou pas. Alors qu’ils approchent de leur destination, Autreville, ils apprennent à la radio qu’une découverte macabre a été faite non loin de là. Un corps démembré a été retrouvé dans des sacs plastiques. Bref, ils ne sont pas venus pour mener l’enquête. Arrivés chez Rudy, ils retrouvent Grazziella, sa femme, qui veut qu’on l’appelle Grâce. Tous les quatre étaient à l’école primaire ensemble, avec un cinquième larron, Etienne, qui a acheté une maison au bout de la rue. Il ne va pas tarder à débarquer.
La joie des retrouvailles, somme toute fort sobre, va rapidement laisser place pour Stéphane à un sentiment étrange. Alors qu’il se sentait tout excité de retrouver les lieux de son enfance, lors d’une promenade, Etienne, doté d’un pessimisme chronique, lui pointe du doigt une atmosphère sombre insidieusement installée dans la société. Docteur en nanophysique, ce dernier présente à son camarade une machine qu’il a conçu tout seul, installée dans sa maison, offrant une expérience immersive en survolant virtuellement les localités de la région. De retour tous ensemble, le repas des copains mêle émotion et confidences avant que la télévision ne leur rappelle qu’un meurtrier sévit dans le coin. Avant de se coucher, Stéphane fait une promenade digestive dans la forêt de son enfance. Des fragments de jeunesse ressurgissent intacts.
Connaît-on suffisamment bien les amis avec qui l’on était si intimes enfants ? Le temps et la vie faisant leurs effets, les chemins se séparent et lorsqu’ils se recroisent les liens ne sont pas toujours aussi forts. Quand un fait divers d’apparence totalement déconnecté va faire l’effet d’une boule de bowling dans un strike, les relations entre les membres du groupe vont s’en trouver chamboulées. David De Thuin signe un polar intimiste, au cœur des sentiments. La couverture synthétise parfaitement le propos. Stéphane avance dans la lumière, sortant de la forêt noire dans laquelle se trouvent ses camarades qui l’observent, comme s’il venait de réaliser qu’il fallait quitter l’enfance pour comprendre le sens de la vie sur laquelle elle se base.
Dans un graphisme Spirou-compatible, De Thuin construit une biographie riche et variée. Sous la caméra d’un Claude Chabrol, Autreville aurait fait un film d’ambiance aussi inquiétant que poignant. Sous les crayons de De Thuin, Autreville est un album encore plus fort que s’il avait été dessiné dans un style réaliste. Il ne faut pas passer à côté.
One shot : Autreville
Genre : Polar
Scénario, Dessins & Couleurs : David De Thuin
Éditeur : Sarbacane
ISBN : 9791040805014
Nombre de pages : 112
Prix : 22 €
- Rebuild the world 009par Laurent Lafourcade
Tourments internes
« -Akira, on t’a volé ton portefeuille.
-Quoi ?!
-Concentre-toi un peu ! Si tu portais une combinaison de puissance, j’aurais pu manipuler ton corps pour te protéger du vol… Mais tant que tu n’en as pas, tu dois te défendre par toi-même ! Akira ?
-Qui est le coupable ? Alpha, où est la personne qui m’a volé mon portefeuille ? Tu la vois ? »
Akira et Alpha se promènent dans l’ancien quartier où il habitait. Akira a changé. Il n’est plus comme avant. Il n’est plus celui qu’on agressait, qu’on rackettait, et qu’on laissait à demi-mort dans une ruelle. Il est devenu assez fort pour protéger son argent. Il ne compte plus laisser personne lui marcher dessus. C’est alors que quelqu’un lui dérobe son portefeuille garni de cent mille aurums. Le chasseur de reliques semble déchaîné. Il fonce à travers les ruelles, armes aux poings, à la poursuite de la voleuse, qui se débarrasse du portefeuille après l’avoir vidé de son contenu. La jeune fille se réfugie en pleine foule, dans les bras de Katsuya, prétextant être poursuivie par un homme. Qui réussira à convaincre Katsuya que ce qu’il dit est vrai ?
L’événement, que l’on pourrait penser presqu’anodin, va perturber Akira à un point qu’on ne pensait pas. Il va culpabiliser, penser que c’est de sa faute s’il s’est fait voler, parce qu’il est faible. Il doit se reprendre, se prouver qu’il a changé. Il semble prêt à faire un massacre pour que plus personne ne lui marche dessus. Heureusement, Yumina va remettre chacun à sa place. Tout cela va décider Lucia, la petite voleuse, à tenter d’intégrer le gang de Cheryl pour obtenir une protection. Elle y vient avec son pactole dérobé pour se faire accepter. Que va penser Akira lorsqu’il va arriver sur le site ?
Petite pause pour les chasseurs de reliques. Après un huitième épisode très tendu, avec un combat implacable, ce neuvième tome met Akira face à ses démons internes. Le personnage acquiert en profondeur, en psychologie. Ce n’est plus un acteur d’action. Il devient un véritable héros avec une histoire personnelle. Tout doucement, la traque aux reliques se remet en place dans un dernier chapitre après une scène très drôle de lingerie, poncif de la culture shonen japonaise.
Avec cette respiration, Rebuild the world prend un nouveau souffle qui était nécessaire pour relancer la série. On part ainsi vers un nouveau cycle, avec des personnages qui gagnent énormément en épaisseur.
Série : Rebuild the world
Tome : 9
Genre : Shonen Survival
Roman d’origine : Nahuse
Dessins : Kirihito Ayamura
Design des personnages : Gin
Design de l’univers : Yish
Design des machines : Cell
Éditeur : Vega Dupuis
ISBN : 9782379503672
Nombre de pages : 178
Prix : 8,35 €
- Les folles aventures de Gibus 2 – Fantôme et sorcièrepar Laurent Lafourcade
Maxi humour au Moyen-Age
« -Salut Pa’ ! Ça avance, le dressage de Dratar ?
-Halalala ! J’essaie de lui grimper dessus… Pas facile ! Il est fougueux ! Mais bon ! Je ne désespère pas de l’avoir dressé pour la prochaine bataille ! Au boulot !
-Hein ?! Quoi ? Notre petit Dratar à la guerre ?!
-Evidemment ! Un dragon dans son camp, c’est inestimable ! »
Les Puygras sont de retour. Enfin, nous sommes de retour chez eux, dans leur seigneurie, en plein Moyen-Âge, entre Chinon et Loudun. Nous allons donc, à leurs côtés, nous instruire à l’école, combattre l’Anglois, taquiner la sorcière et côtoyer ectoplasme et dragon. C’est parti pour une douzaine d’aventures au cœur de l’Histoire… avec humour, qu’on se le dise !
Drogon de Puygras, Seigneur et accessoirement père de Gibus, n’a pas l’intention de perdre la prochaine bataille. Il dresse donc Dratar le dragon pour la guerre, ce qui n’est pas du tout du goût de Gibus qui ne souhaite pas qu’il arrive du mal à son animal de compagnie. L’histoire suivante est étonnamment d’actualité. Il y est question d’uniforme au collège. Mais notre gouvernement qui veut l’instaurer à l’école primaire n’a pas eu la même bonne idée que le directeur du collège de Gibus, à savoir demander aux élèves d’imaginer un costume. Ça aurait été plus fun. Pour pallier aux problèmes de vue de Brunissende, son frère va faire appel à la sorcière Prédestine. Pas sûr qu’elle soit d’un grand secours. Plus efficace sera le fantôme Méheu pour déchiffrer des écritures sur une vieille pierre découverte par Gibus.
Par trois fois, la famille Puygras va goûter de l’Anglois. Et ce n’est pas facile à digérer, surtout quand ils prennent possession du château familial et qu’il faut trouver des stratagèmes pour les en chasser. En effet, Drogon a capitulé devant le Général Mac Console. Son « chez moi » devient chez lui au grand dam du reste de la famille. Rassurez-vous, ça durera moins longtemps que la guerre de cent ans. Ils se retrouveront tous à la plage, au camp de vacances Les cocotiers, pour des joutes qui vont raviver leur rivalité. Les hostilités atteindront leur climax lorsque les anglois réclameront une rançon aux Puygras contre la libération de Mémé, qui se prend pour le Chevalier Noir depuis qu’elle est tombée sur la tête.
D’autres aventures émaillent cet opus poilant signé Olivier Lhote et Sylvain Frécon, dignes descendants de la meilleure époque Dupuis. Peyo et Franquin auraient adoré.
Les folles aventures de Gibus démontrent que l’âge d’or de la BD où les auteurs savaient allier humour et aventure avec maestria n’a pas disparu. Salvateur. On rêverait à présent de voir les personnages dans une grande histoire de longue haleine.
Série : Les folles aventures de Gibus
Tome : 2 – Fantôme et sorcière
Genre : Humour moyenâgeux
Scénario : Olivier Lhote
Dessins & Couleurs : Sylvain Frécon
Éditeur : BD Kids
ISBN : 9791036369704
Nombre de pages : 128
Prix : 11,50 €
- Nos rives partagéespar Laurent Lafourcade
Par le prisme animal
« -Je ne comprends pas pourquoi tu t’intéresses à ces humains. Ils nous tuent avec leur mode de vie.
-Je ne m’intéresse pas aux humains. En tant qu’espèce, ils me répugnent. C’est la vie des spécimens qui sont installés ici que je veux connaître, les connaître individuellement.
-Pourquoi ?
-Ce sont nos voisins, c’est important pour nous de les comprendre.
-Mais pourquoi ceux-ci ?
-Pourquoi pas ? Le monde commence au pied de mon nénuphar… Ces humains-là valent bien les autres. »
Les humains se plaisent à regarder les animaux. Il était temps que vienne le tour de ces derniers pour observer les hommes, de s’amuser à les voir se débattre dans leurs petites vies. C’est ainsi que, trônant sur un nénuphar, un crapaud charge chats, araignées, oiseaux et autres biches d’espionner la race des bipèdes, juste pour savoir ce qu’ils font. C’est à Dave Rivage, un village de la campagne belge, que les amours, les amitiés et les soucis de gens ordinaires jouent leurs partitions devant les yeux des bestioles.
Hugo est un lycéen dont le hobby est la photographie animale. Il initie sa camarade de classe Jill à sa passion. Ils ne sont pas indifférents l’un pour l’autre. Qui fera le premier pas et jusqu’où iront-ils ? Simon, le père de Hugo, est prof de français. En pleine correction d’examens, les copies lui donnent envie de vomir, pas comme Diane, la femme qu’il observe à sa fenêtre et qui a l’habitude de se baigner dans la rivière, en toute discrétion. Elle ne supporte pas les regards indiscrets et fait tout pour ne pas être vue. Elle habite à côté de chez Pierre, l’ancien amant de Nicole qui vient de temps en temps lui rendre visite. Pierre est en fauteuil roulant. Il a une maladie dégénérative, vit en solitaire avec un perroquet, joue de la guitare et passe l’essentiel de ses journées à sa fenêtre ouverte au rez-de-chaussée.
Vincent Zabus est un scénariste-poète. Après le sublime Mademoiselle Sophie et avant l’émouvant et sensible Les petits métiers méconnus, il livre ici une variation bucolique, analysant les sentiments humains avec une certaine rêverie. Lire un album signé Zabus, c’est la garantie d’être touché dans son âme. Au dessin, le stakhanoviste Nicoby s’accorde avec son camarade de jeu. Son trait jeté a beaucoup plus de profondeur qu’en apparence. Les culs-de-lampe des chapitres et quelques clichés de Hugo sont en couleurs crayonnées montrant une autre facette de son talent. Saluons les couleurs de Philippe Ory, simples et belles, qui vient de nous quitter.
Hugo/Jill, Simon/Diane, Pierre/Nicole, trois histoires de séductions s’entrecroisent sous les yeux des animaux… parce qu’ils partagent la même rive. Cela permettra-t-il aux uns comme aux autres de comprendre la vie ? Inexplicablement fascinant.
One shot : Nos rives partagées
Genre : Emotion
Scénario : Vincent Zabus
Dessins : Nicoby
Couleurs : Philippe Ory
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782205212099
Nombre de pages : 160
Prix : 22 €
- Kernok le piratepar Laurent Lafourcade
La bonne aventure
« -Dis-moi ce que tu veux.
-Savoir le passé et l’avenir, ma digne mère. Rien que ça. Ce qui est aussi possible que de filer dix nœuds, le vent debout !
-Ta main !
-Sottises que tout cela ! Je ne crois qu’à la lame demon poignard, ou à l’amorce de mon pistolet… Et quand je dis à mon ennemi qu’il va mourir, le fer ou le plomb accomplissent mieux ma prédiction que toutes les…
-Silence ! »
Une nuit de Novembre, sombre et froide. Kernok le pirate ne croit pas à ces sorcelleries qui le faisaient frissonner dans son enfance. S’il vient se faire prédire la bonne aventure avant de prendre la mer, c’est sa compagne Mélie qui le lui a demandé. Pourtant, Kernok tremble déjà. La vieille lui prédit treize jours à vivre. Treize jours et son âme sera à Teus’s. Elle ne prévoit pas mieux pour sa compagne. Un rocher noir sera leur lit nuptial avec les lames de l’océan pour rideaux et les cris de corbeaux pour chant de noces. Ça ne va pas empêcher le pirate de prendre le large à bord de l’épervier, son fameux brick, attendu par son fidèle second maître Zéli. La chasse aux trois-mâts marchands peut débuter, à moins que l’on ne croise un vaisseau anglais.
Kernok est un pirate sanguinaire mais sensible. A l’apparence d’une tête brûlée, il n’en reste pas moins humain et a ses failles. Quand il rencontre la voyante, la terreur des mers redevient un petit garçon qui ne peut cacher la trouille qu’il a à l’annonce de la madame Irma. Kernok est amoureux, amoureux fou de Mélie. Et c’est réciproque. Elle aurait tout donné pour lui. Il l’aime avec passion, à en crever de jalousie jusqu’à l’extrême. Enfin, Kernok est fédérateur. Son équipage est cosmopolite. Il est constitué de matelots recueillis dans tous les coins du globe : français, russes, égyptiens, américains chinois,… Le chef d’équipage a réussi l’exploit de créer une unité entre eux. Ensemble, ils écument les mers. La prophétie fatidique se réalisera-t-elle ou bien la voyante n’est-elle qu’un charlatan ?
Frédéric Brrémaud adapte le roman d’Eugène Sue. Avec Kernok le pirate, l’auteur des mystères de Paris s’adressait à de plus jeunes lecteurs, pour un récit épique qui fait aujourd’hui figure de classique. Sue y mêle aventure, action, romance, mais aussi humour. Avec cette transposition très fidèle, avec de nombreux récitatifs laissant la narration à Eugène Sue lui-même, Brrémaud démontre comment, en 1830, le romancier feuilletoniste était aux avant-gardes d’un poly-genres intergénérationnel.
Alessandro Corbettini livre son premier album en lavis de gris. Le choix pourrait être discutable, tellement on aurait eu envie de découvrir certaines scènes en couleurs. C’est peut-être pour fondre la violence dans les combats. Corbettini a un avenir prometteur devant lui tant il explose de talent dans des scènes navales tout ce qu’il y a de plus complexe à représenter.
Bien que le scénario soit librement adapté du roman d’origine, Brrémaud et Corbettini rendent hommage avec fidélité à Eugène Sue, raconteur d’histoires, qui aurait certainement touché à la bande dessinée si elle avait existé à son époque.
One shot : Kernok le pirate
Genre : Piraterie
Scénario : Frédéric Brrémaud
D’après : Eugène Sue
Dessins & Niveaux de gris : Alessandro Corbettini
Éditeur : Glénat
Collection : Treize étrange
ISBN : 9782344057629
Nombre de pages : 96
Prix : 17,50 €
- Histoire de la bande dessinée espagnolepar Laurent Lafourcade
150 ans de BD outre-Pyrénées
« C’est bien la vitalité de cette bande dessinée espagnole qui est à l’origine de l’intérêt du monde franco-belge pour sa production. Mais, paradoxalement, ce sont ses fragilités, structurelles pour les unes, contextuelles pour les autres, qui expliquent aussi bien cette présence si affirmée de cette école tant en France qu’ailleurs. On en conviendra, l’Espagne est un pays à forte tradition bédéesque, par ailleurs très sensible aux mouvances de l’Histoire. Malgré les bouleversements, transformations et mutations, certaines constantes transcendent cependant les époques. » (Viviane Alary)
A l’occasion du festival SoBD qui lui a consacré sa treizième édition, cinq spécialistes de la bande dessinée espagnole retracent 150 ans d’histoire du Neuvième Art dans leur pays. Au fil de l’Histoire avec un grand H, ils nous invitent à dérouler le temps depuis 1857 pour comprendre comment les événements ont façonné un art et ses auteurs et ce que la bande dessinée espagnole a apporté au reste du monde.
Manuel Barrero, docteur en communication, rédige le premier chapitre, consacré aux origines, de 1857 à 1939. Comme dans d’autres pays, la BD est née dans la presse bourgeoise avant de pénétrer les milieux populaires. Quand on pense Espagne, il faut penser à pays hispanophones comme Cuba, alors colonie espagnole. La revue La Charanga accueille dès 1857 des BD, avec des cases non détourées sans bulles, des planches légendées signées Victor Patricio Landaluze, alias Bayaceto. En Espagne même, c’est en Catalogne que la presse illustrée commence à se développer. Barrero montre comment des précurseurs ont apporté chacun leur pierre à l’édifice. Au début du XXème siècle, la bande dessinée jusqu’alors plutôt satirique et politique laisse peu à peu place à l’humour. Des revues sont fondées. Bientôt, viendra le temps des Tebeos, publications imprimées essentiellement faites de BD, devant leur nom au magazine TBO né en 1917. En même temps, le public s’élargit. La BD intéresse toutes les classes sociales, publics de tous âges et tous sexes. Dans les années 30, la BD américaine débarque avec des auteurs comme Alex Raymond, Lee Falk ou Harold Foster.
Antonio Altarriba, essayiste et scénariste, raconte la bande dessinée sous le régime franquiste de 1940 à 1975. contre toute attente, l’Espagne du Caudillo impose la BD comme le medium dominant. Le réalisme, les sentiments et l’humour se partagent les pages des magazines. Au milieu des années 60, six millions d’exemplaires de Tebeos sortent de presse chaque mois. A l’orée de ces années, Francisco Ibañez créé dans le magazine Pulgarcito édité par Bruguera les aventures de deux détectives privés. Mortadelo y Filemon versent dans le loufoque et la parodie. La série sera éphémèrement éditée en France par les éditions Mon Journal. Considéré comme plagiaire de Franquin, surtout pour sa série …, Ibañez ne sera injustement jamais reconnu de notre côté des Pyrénées. Au début des années 70, le roman-photo prend le pas sur une certaine BD sentimentale. La BD d’aventure ne parvient pas à se renouveler. Les revues humoristiques ne se vendent plus aussi bien qu’autrefois. En 1975, la mort de Franco va marquer un tournant. Place à l’underground et aux Comics.
Historien de la bande dessinée, Antoni Guiral prend en charge les années 1975 à 1999, du magazine au comic book. Les premiers titres novateurs ont déjà commencé à paraître depuis quelques années avec des fascicules et magazines pour adultes, notamment dans le domaine de l’horreur. En 1977, les revues Totem et Trocla/Troya scandent le début d’une nouvelle ère, en parallèle au déclin des magazines d’humour. Alfonso Font, Carlos Gimenez, Victor Mora et bien d’autres débutent leurs carrières. Les rapports entre auteurs et éditeurs se professionnalisent. En 1979, c’est la création d’El Vibora, qui deviendra un magazine révolutionnaire, en ouvrant ses pages aux ténors de l’underground, à de nouveaux auteurs comme Daniel Torres ou Jaime Martin, ainsi qu’à des artistes européens et américains (Muñoz, Sampayo, Burns, Clowes, König, Mattioli, Liberatore, Swarte, Tardi, Spiegelman, pour n’en citer que quelques uns). 1980, Corben signe la couverture du premier numéro de Illustration + Comix international. 1981, c’est le premier salon de la BD de Barcelone. Dans la décennie, Antonio Hernandez Palacios fait du western et Carlos Gimenez raconte son enfance dans Paracuellos. Les magazines se multiplient, jusqu’à l’avènement du manga avec, comme en France, Akira et Dragon Ball, et du Comics, versions espagnoles, dont Torpedo par Bernet et Abuli et un digne représentant.
Le dernier chapitre, signé Noelia Ibarra et Alvaro Pons, professeurs d’université, s’attache au nouveau visage des Tebeos au XXIème siècle. Le marché a changé. La société est en mutation. Les habitudes de consommation évoluent. Les thématiques abordées se développent. De nouvelles maisons d’éditions voient le jour, comme Bang ediciones, qui ouvre grandement ses bras vers le marché francophone avec des petites pépites comme SuperPatata signé Artur Laperla. En 2023, le fanzine espagnol Forn de Calç reçoit le prix de la BD alternative à Angoulême. Le webtoon se développe également avec notamment Hooky, par Meritxel Garcia, édité en France chez Dupuis. Les auteurs du chapitre concluent sur le paradoxe entre la richesse des productions et les difficultés rencontrées par leurs auteurs. Créativement, la bande dessinée espagnole est au sommet. Il lui faut réussir son ouverture inévitable vers le numérique.
Quand on parle de BD européenne, on a trop souvent tendance à la limiter au franco-belge. Cette histoire de la bande dessinée espagnole, publiée dans l’excellente collection Mémoire Vive des éditions PLG, démontre l’importance que revêt celle-ci. La voici enfin réhabilitée. Passionnant.
One shot : Histoire de la bande dessinée espagnole
Genre : Ouvrage d’étude
Auteurs : Manuel Barrero, Antonio Altarriba, Antoni Guiral, Noelia Ibarra & Alvaro Pons
Éditeur : PLG
Collection : Mémoire vive
ISBN : 9782917837559
Nombre de pages : 192
Prix : 15 €
- Bon voyage ?par Thierry Ligot
Une ode à la liberté, à la vie en Latécoère ?
1948, la guerre est finie depuis 3 ans mais les souffrances endurées ont difficile à s’effacer. La peur d’une Troisième Guerre mondiale est dans les esprits de certains.
Dès lors, qui refuserait un voyage de 15 jours tout frais compris aux Antilles ?
C’est ce que se disent les 44 vainqueurs d’un simple concours lorsqu’ils reçoivent un courrier leur annonçant leur prix et leur billet d’avion.
Et pas n’importe quel avion ! Le Latécoère 631 ! Le plus grand et luxueux hydravion réservé à l’élite la plus riche.
Un voyage et un séjour de rêve !
Pourtant ses vainqueurs n’auraient-ils pas un dénominateur commun ? Cette liste est-elle un simple hasard ?
Augustin Vanel, vieux monsieur vivant avec son chat, Rose une prostituée rêvant de vacances, Constance Aimée et sa sœur Colette, Bernard Frigolin, … Que des « anonymes », de petites gens « comme tout le monde » mais qui n’attendent (plus) rien de leur avenir !
L’équipage ? Marceau Renard ex-commandant de l’Armée de l’Air française dont le premier béguin s’appelait Rose. Victor, son co-pilote, ancien camarade d’escadrille.
Paul Faure et son épouse Alice qui a été son infirmière à la sortie de la guerre.
Pour eux un nouveau conflit mondial est loin de n’être qu’une hypothèse …
Cependant tout commence idéalement. Du bâtiment d’Air France, Esplanade des Invalides à Paris, un bus pour la gare d’Austerlitz, un trajet en train-couchette vers le sud, puis nouveau bus jusqu’à Biscarrosse et le 6 avril 1948, à 4h02 précise, décollage vers Fort-de-France.
Idyllique me direz-vous ? Mais là commence l’imprévu !
Le lendemain, à 12h09, l’hydrobase des Hourtiquets reçoit un appel de détresse désespéré de Roméo India, indicatif de cet hydravion mythique ! Puis plus rien ! Silence radio !
A 16h15, le Latécoère 631 F-BDRI est officiellement porté disparu avec son équipage et ses 44 passagers !
Que lui est-il arrivé ? A-t-il disparu en mer ? Accident ? Panne ? Sabotage ? Ou … ?
Mystère total !
Un savant mélange de polar, de bons sentiments, de complot et d’intrigue politico-humaniste. A moins que tout ceci ne soit qu’une façade cachant … ?
Jack Manini nous offre ici un pur délice de saveurs multiples autour du bonheur simple. Alors que chacun des principaux protagonistes pourrait apparaître comme le « héros » de cette aventure, ceux-ci ne seraient-ils pas que des seconds rôles derrière le véritable ciment de l’ensemble : cet hydravion légendaire qu’était le Latécoère 631 ?
Un petit dossier bien documenté clôt d’ailleurs l’album. Richement illustré, il nous présente aussi bien ce « monstre » volant que le rêve qu’étaient à cette époque ces vols transocéaniques.
Un scénario sans violence ou tension si ce n’est : qu’est-il réellement arrivé à l’équipage et à ses passagers ?
L’intrigue démarre innocemment par le départ des vainqueurs d’un concours dont le prix est 15 jours de vacances aux Antilles. Aucun indice n’est offert aux lecteurs qui lui permettraient d’échafauder la suite. Ces derniers apparaissent au fur et à mesure par des chapitres flashbacks semblant être totalement indépendants les uns des autres et présentant certains personnages, événements passés anodins et disparates, … Un peu comme différentes pièces d’un puzzle qu’on assemblerait au hasard et dont l’image finale ne se dévoilerait qu’à la fin.
Une maîtrise du rythme scénaristique des plus agréables à la lecture, créant à la fois suspense et envie de savoir où cela va nous mener.
Le trait graphique de Michel Chevereau, dont on connaît l’amour des avions (« La pin-up du B-24 », également avec Jack Manini au scénario), fait ici merveille, tout comme son découpage des planches ou encore ses angles de vue ! Soutenant cette structure narrative un rien « déconstruite », son style réaliste et dynamique fait la part belle aux visages et … au Latécoère !
Entre détails aéronautiques et expressions, un travail soigné pour un résultat garanti !
Jack Manini renforce l’atmosphère de son scénario par une palette de couleurs tantôt sepia – ogre, tantôt bleutée. Soulignant ainsi les changements d’époque, il crée une ambiance vintage, genre vieux films, années ’40-’50 ?
Bref, « Bon Voyage ? » est un bol d’air plaisant en cette période de vacances pour certains, de morosité ou d’angoisse du futur pour d’autres. Une invitation à se rappeler qu’une autre vision est parfois possible … à certaines conditions !
Un des coups de cœur de l’année !
Titre : Bon voyage ?
Scénario – couleurs : Jack Manini
Dessin : Michel Chevereau
Editeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
Parution : 2 mai 2024
Page : 80
Format : 24,3 x 32 cm
ISBN : 978 2 8189 9500 6
Prix : 16,90 €
- Les omniscients 5 – Le second squelettepar Laurent Lafourcade
Echange de données
« -Je n’en peux plus de tout ce bruit ! Je veux quitter New-York ! Je veux partir… Je veux être celle qui se battra contre le représentant des iconoclastes !
-Ta motivation, c’est juste parce que le prochain défi se passera en dehors de New-York ?
-Non. C’est aussi parce que tout ce qui arrive à cette ville est de leur faute ! Je ne supporte plus ce qu’ils lui font ! Ils ont réussi à programmer sa destruction ! »
Jessica est bien décidée à battre les iconoclastes à plate couture ! L’omnisciente veut leur clouer le bec, les humilier. La destruction des bâtiments de New-York sous prétexte de fouilles autour d’un savoir absolu ne peut plus durer. Les jeunes dieux tazmèdes Diego et Diana viennent de transmettre les conditions du nouveau défi imaginé par les vieux dieux. Le but est de cartographier les contours exacts du territoire de l’ancienne civilisation tazmède. Ce duel va opposer Jessica à Eduardo. Cependant, les dieux ont décidé de corser le défi en inversant leurs pouvoirs pour tester leurs capacités d’adaptation. A elle, la faculté de se mouvoir de façon très discrète et d’anticiper les déplacements des autres. A lui, le pouvoir de remonter vers des connaissances détenues par des petits groupes de personnes.
C’est la quatrième manche du combat omniscients/iconoclastes. Ces derniers mènent deux à un. Si les omniscients perdent ce défi, l’échec sera scellé. La difficulté pour Jessica, c’est que, en plus d’hériter du pouvoir d’Eduardo, elle écope de son handicap : il est sourd et muet. Elle le devient donc. Côté politique, la présidente des Etats-Unis inscrit définitivement sa politique dans la mouvance tazmède. Après avoir offert la nationalité américaine à Diego, elle décide de contribuer aux fouilles en dégageant un important budget. Diego refuse de devenir un élément de récupération.
Inscrit dans la suite directe du tome précédent « Affrontements », qu’il est indispensable d’avoir lu, ce « Second squelette » poursuit le duel entre les jeunes gens détenant le savoir absolu. Comme dans le tome précédent, les auteurs Renata Castellani et Vincent Dugomier glissent des préoccupations mystiques et politiques qui font de la série plus qu’une saga adolescente. Pour preuve l’opposition entre la Présidente et son adjoint : « Pour une fois que les gens se tournent vers une croyance basée sur la science et le savoir plutôt que sur du mysticisme, je ne trouve pas ça plus mal… », « ?!… Je vous rappelle que vous avez prêté serment sur la Sainte Bible ! », « Oh, vous savez comme moi qu’il ne s’agit là que d’une coutume pour rassurer. Rien dans la constitution n’y oblige un nouveau président. » On voit là l’influence persistance de la religion sur le pouvoir. La couverture montre la tempête dans la tête de Jessica. Portant sur elle le poids du destin de son groupe, elle doit avancer contre vents et marées.
Sous couvert d’une aventure de jeunes, pas super-héros mais aux supers-pouvoirs, Les omniscients traite du passage de l’enfance à l’âge adulte, via l’adolescence, période de tous les questionnements, où l’on a l’envie d’influer sur la marche du monde qui ne tourne pas rond. Entre les lignes, Les omniscients est une série qui soulève des problématiques sociétales. Le prochain tome s’annonce comme une fin de cycle. On attend une impulsion dynamique qui relancera l’action.
Série : Les omniscients
Tome : 5 – Le second squelette
Genre : Thriller fantastique
Scénario : Vincent Dugomier
Dessins : Renata Castellani
Couleurs : Benoît Bekaert
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808212823
Nombre de pages : 48
Prix : 12,95 €
- Maurice Tillieux 1940par Laurent Lafourcade
La guerre à bicyclette
« -Maurice ! Ne traîne plus ! Les allemands arrivent ! Tu dois aller loin le plus vite possible ! Vu ton âge, ils peuvent te réquisitionner… ou pire !…
-T’en fais pas m’man ! J’ai déjà traversé une bonne partie de la France à vélo. Et si je peux, j’embarquerai directement vers l’Espagne ou le Portugal.
-Ne perds pas l’adresse à Lisbonne que je t’ai donnée. Ta tante et son mari t’y attendent. Je leur ai écrit een janvier, craignant l’éclatement d’une vraie guerre !
-Ça ira, m’man… J’essayerai de te donner de mes nouvelles… »
New York 1972, au Congrès international de la BD, dessinateurs européens et américains se rencontrent autour d’un bon verre. L’un d’eux a des origines bretonnes. Plus exactement, le berceau de sa famille se trouve à Guéméné. Le nom de cette ville du Morbihan va raviver des souvenirs à Maurice Tillieux, le dessinateur de Gil Jourdan. Il y a passé plusieurs mois, en 1940. En Mai de cette année-là, à tout juste dix-neuf ans, il quittait Bruxelles et sa mère, sur son vélo, pour éviter de se faire réquisitionner par les allemands qui envahissent le pays. Direction la France, dans l’espoir d’embarquer vers l’Espagne ou le Portugal. Après la traversée du Braban Wallon, Tillieux franchit la frontière française. Il trouve refuge dans des fermes, évite les bombardiers allemands, ce que n’ont pas réussi à faire toutes les personnes qui ont emprunté les mêmes routes que lui. Pas toujours facile de se faire accepter par les français. Ayant capitulé, les belges sont considérés comme des traîtres. Le cycliste traverse la Loire sans trop de difficultés et se dirige vers La Rochelle. Arrivé sur place, c’est la désillusion. Les allemands mitraillent tout ce qui s’éloigne des côtes. Impossible de rejoindre la péninsule ibérique. Maurice n’a pas d’autre choix que de remonter vers la Bretagne.
Adorateur de l’œuvre du papa de Gil Jourdan, Bruno Bazile, déjà auteur de M’sieur Maurice et la Dauphine jaune consacré à son idole, est ici accompagné d’Etienne Borgers pour raconter l’escapade de Maurice Tillieux. En vingt-huit planches sublimes au lavis, on est embarqué dans une époque chargée d’Histoire sur laquelle se basera l’avenir d’un des plus grands auteurs de l’âge d’or de la bande dessinée franco-belge. Il est temps que Maurice Tillieux soit enfin réhabilité. Au même titre que Jijé, il fait partie de ces auteurs pas forcément connus des profanes en BD. Il a pourtant autant d’importance qu’un Roba, qu’un Jacobs, qu’un Peyo. C’est l’occasion de saluer l’incroyable travail que font depuis des années les éditions de l’Elan pour sa bibliographie.
Ce Maurice Tillieux 1940 n’est pas qu’un récit de BD. C’est un bel album composé d’un riche dossier introductif dans lequel les auteurs Daniel Depessemier, Etienne Borgers et Gérard Guégan relatent l’escapade de Tillieux, le contexte historique, les lieux de l’action et la genèse de ce livre. Après l’histoire au lavis, une version noir et blanc montre un autre point de vue du trait émouvant de Bruno Bazile, avant de finir sur un carnet de croquis et d’essais.
Pas uniquement réservé aux tillieuphiles, cet album raconte par le prisme du destin d’un jeune homme un pan de l’histoire du monde qui aurait pu changer celle du Neuvième Art s’il ne s’était pas bien terminé. Inévitable. Attention, tirage limité.
One shot : Maurice Tillieux 1940
Genre : Biopic
Scénario : Etienne Borgers
Dessins & Lavis : Bruno Bazile
Dossier : Daniel Depessemier, Etienne Borgers & Gérard Guégan
Éditeur : Editions de l’Elan
ISBN : 9782931072066
Nombre de pages : 96
Prix : 39 €
- Le Gigot du dimanchepar Thierry Ligot
Fable contemporaine sur l’avarice
Nous sommes dimanche. Et comme tous les dimanches, Pilou, ses parents, ses tontons et tatas, les cousins-cousines, la sœur de Mémé et son compagnon, bref toute la famille se retrouve à Gaillac pour le traditionnel gigot dominical !
Tout ce petit monde tourne autour de Mémé en venant dîner tous les dimanches chez elle. Par gentillesse ? Par amour filiale ? Par … Non, car elle commence à prendre de l’âge la Mémé, ce serait dommage de ne pas lui montrer qu’on « existe » et qu’on est là pour elle ! Surtout qu’elle a un secret : un trésor caché … des Louis d’or qui feraient bien l’affaire de chacun dans son coin !
Alors, on y va, on se supporte les uns les autres en espérant découvrir quelques indices qui permettraient de mettre la main sur le magot ! Car elle va bien finir par en parler, par lâcher une piste … par offrir une occasion de fouiller de fond en comble, de la cave au jardin son appartement …
Mais Mémé a encore toute sa tête et aime bien le petit Pilou, le seul qui ne semble pas intéressé par l’argent ! Lui, il y va pour elle, pour sa Mémé …
Et le dimanche va se passer comme tous les autres, de façon immuable … gigot, petit tour au jardin, loto de village avec son cochon comme premier prix, match de rugby de l’équipe locale, … plus quelques péripéties pour agrémenter cette « chasse au trésor » familial !
Sous le couvert d’une gentille petite comique franchoullarde se cache, entre cases, une méchante satire sociale douce-amère et piquante du Français moyen de province des années ’80. Le petit secret, à moitié légende « familiale » du trésor caché quelque part dans la maison … ce fameux bas de laine que nos grands-parents gardaient « au cas où… », « pour un gros pépin … » !
Le clivage classique de la famille typique. D’un côté, ceux de gauche, tout heureux de la victoire de Mitterrand à la présidentielle de ’81, certains que tout va changer et aller pour un mieux. De l’autre, le petit bourgeois de droite pas encore remis entièrement du traumatisme de mai ’68 (où si cela tombe, il était lui-même sur les « barricades » à jeter des pavés sur les CRS !), convaincu que désormais les Cocos sont aux portes de Paris.
Entre eux, le fiston « méchant garçon », rebelle et blouson noir, fan de Renaud (mais qui ne fait peur qu’aux mouches, dans le genre « Laisse béton »), le tonton célibataire de 42 ans, légèrement dandy, « coureur de jupons » … familiaux visiblement. Sans oublier, la gamine pré-ado mais qui jouerait bien à des petits jeux d’adulte avec les garçons du coin, style « Diabolo Menthe » !
La sœur de Mémé est également là, accompagnée de son vieux gigolo qui, avec sa bonne bouille, aurait pu jouer le rôle de Marius (Maurice Chevit) dans « Les Bronzés font du ski ».
Un exquis petit tableau social de toute beauté … chacun y a son rôle, sa place, nous pourrions presque dire ses stéréotypes !
Bref, une savoureuse fable de notre époque où s’entre-mêlent, dans un terreau provincial, clichés et vérités, facéties et réalités, avarices et petits secrets, le tout sur un ton satirique léger.
Philippe Pelaez ne cesse donc de nous surprendre par l’étendue de son imagination débordante. Grand écart entre « Le Bossu de Montfaucon », « Furioso », « Hiver à l’Opéra », « Noir Horizon » et ceci ! Il nous prouve une fois encore, si ce n’était nécessaire, qu’il s’accommode parfaitement dans tous les registres scénaristiques, du thriller au dramatique, de l’historique à la parodie, de la fantasy à la comédie satirique. Un gigantesque bol d’air frais burlesque pour passer un agréable moment de lecture.
Côté graphisme, nous restons clairement dans l’ambiance bon enfant du scénario par le trait magique d’Espé. Des personnages adorables et tellement « parlant » dans leur physique, leurs mimiques, expressifs à souhait. Une mise en image idéale, vivante, rythmée permettant au scénario de se dérouler, de débouler de page en page sans longueur ni ennui !
Quant à la mise en lumière de ce conte hilarant, Florent Daniel l’illumine de ses couleurs vives et lumineuses. Un régal visuel qui confère donc à l’ensemble son unicité de genre.
A lire et à savourer sans modération en ces temps pluvieux et maussade !
Titre : Le Gigot du dimanche
Scénario : Philippe Pelaez
Dessin : Espé
Couleurs : Florent Daniel
Editeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
Genre : humour, société
Parution : 2/5/2024
Pages : 72
Format : 24,3 x 32,0 cm
ISBN : 978-2-8189-8784-1
Prix : 16,90 €
- Plus vite, plus haut, plus sport !par Thierry Ligot
Les Folles Anecdotes de l’histoire du sport
Tout le monde connaît désormais la célèbre série historico-humoristique ou humorico-historique « Le Petit Théâtre des Opérations ». Sous couvert de comico-satire, Julien Hervieux et son complice Monsieur Le Chien, nous y présentent des faits d’armes méconnus, oubliés ou passés sous silence … « des faits d’armes impensables mais bien réels » !
En 4 tomes, et le sujet est loin d’être clos, les lecteurs sont immergés dans la petite et grande Histoire des 2 Guerres Mondiales.
Depuis, la licence s’est enrichie de 2 tomes spin off (basés sur le même principe : actes de bravoures et anecdotes drôles, historiquement authentiques mais toujours improbables) : « Toujours prêtes » (mettant à l’honneur des femmes d’exception des 2 Guerres Mondiales mais oubliées par l’Histoire) et le tout neuf « Le Petit Théâtre des Opérations présentent les guerres napoléoniennes ». Même scénariste, mais crayon différent, voire collectif !
Il aurait été regrettable pour notre culture sportive, que Julien Hervieux ne s’arrête pas également aux oubliés et autres (mé)faits ou anecdotes loufoques des JO et du sport en général !
L’origine de la voiture-balai au Tour de France ? Quelques « tricheurs » à recadrer ?
L’organisation des JO de Paris en 1900 avec notamment ses problèmes de circulation et d’itinéraire pour les coureurs ? La présence des femmes aux marathon ? Ou le parcours un rien « particulier » de certaines sportives telle
Cyclisme, escrime, surf, tir à l’arc, course à pied, rugby, football … souvent loin des versions aseptisées et surcadrées d’aujourd’hui ! Pensez à ce VAR médical de l’Euro !
Un scénariste pour 10 plusieurs dessinatrices/dessinateurs ! Une fameuse team bédéesque dans des styles parfois fort différents mais tapant toujours justes par rapport à l’anecdote, à son ambiance, à son exploit.
Construit sur le même principe que les tomes du « Petits Théâtre », chaque anecdote est enrichie par un explicatif pédagogique des plus intéressants et instructifs.
Encore une perle sportive à savourer relax et sans prise de tête !
Que Pierre de Coubertin aurait apprécié ce recueil fidèle à la nouvelle devise des JO modernes (depuis 2021) : « Citius, Altius, Fortius – Communiter », soit « Plus haut, plus vite, plus fort – ensemble ».
Titre : Plus vite, plus haut, plus sport – Les Folles Anecdotes de l’histoire du sport
Scénario : Julien Hervieux
Dessin : Nicolaï Pinheiro, Damien Geffroy, Etienne Le Roux, Julien Solé, François Boucq, Fred Remuzat, Cédric Le Bihan, Virginie Augustin, Luigi Critone & Merwan
Edition : Fluide Glacial
Genre : humour, jeunesse
Public : tout public
Parution : 5 juin 2024
Format : 24 x 32 cm
Page : 68
ISBN : 979-1-0382-0703-5
Prix : 16,90 €
- Boulard 10 – En mode 10 anspar Thierry Ligot
L’enfance d’un cancre
Période vaste et amusante pour certains mais parfois pénible et laborieuse pour la grande majorité de nos « petites têtes blondes » et autres !
Voici donc venu l’heureux et douloureux temps des examens de fin d’année !
Si cela ne pose aucun problème (enfin nous l’espérons) pour la plupart, nos cancres y font en général triste mine.
Bien que l’un des deux plus célèbres d’entre eux s’en accommode parfaitement : Boulard et son éternelle dernière place du classement.
Mais au fait, a-t-il toujours été un cancre ?
Car voilà que tout autour de lui le replonge dans sa prime jeunesse : celle de ses 10 ans.
Son prof qui le compare à un gamin de 10 ans, son copain qui lui rappelle qu’ils se sont connus à cet âge-là, Madame Le Tellier, son ancienne institutrice qu’il croise dans le parc, ses parents à la maison qui regardent de vieux albums photos de cette période …
Bref un enfer qui le pousse à y repenser également … pour le plus grand bien de nos zygomatiques !
Voici donc les réponses à cette question qui turlupine tous ses enseignants depuis des années. Ces dignes (et valeureux) professeurs de l’Éducation Nationale n’en ont pas fini de tenter de le cerner !
L’occasion également de revivre quelques moments « épiques » des débuts de sa scolarité mythique, dont sa rencontre avec Nintchinsky, avec notamment leurs premières visites au zoo ou encore au musée.
Mais 10 ans, c’est également l’âge des vacances chez mamie en Bretagne … Quelques belles mésaventures avec celle qui aurait pu devenir l’amour de sa vie, Soazig et son goût pour la fuite … aux Antilles à la rame !
Entre pitreries, boularderies, situations burlesques, le pauvre Thierry avait encore une grande espérance, à la veille de rentrer au collège, celle de …
« J’aurai mon bac du premier coup ! »
En 48 pages, et presque autant de gags, une sacrée tranche de rire assurée … pour tous. Aussi bien pour mes chers/chères collègues qui pourront se rassurer durant leurs corrections (« Oui, il peut y avoir pire que leurs propres élèves ! ») … que nos élèves chéris (« Finalement, je ne suis pas un cas si désespéré que cela !) !
Cette plongée dans l’enfance de Boulard offre ainsi à Erroc une certaine bouffée d’air frais par des gags sortant du « carcan classique ».
Côté dessin, Stédo et Stefano Turconi ont su l’adapté à l’âge de leur cancre préféré … Stédo gardant les planches « ado », Stefano prenant celles des « 10 ans » par un style plus « rond ».
A dévorer sans bic rouge ni tip ex !
Série : Boulard
Tome : 10 – En mode 10 ans
Scénario : Erroc
Dessins : Stédo & Stefano Turconi
Éditeur : Bamboo
Genre : humour potache
Parution : 29 mai 2024
Pages : 48
Format : 21,6 x 29,4 cm
ISBN : 979-1-0411-0324-9
Prix : 11,90 €
- Comme une pierrepar Laurent Lafourcade
Chacun porte sa croix
« -Alors… C’est elle, Rosa ?
-Oui, c’est elle, oui. Comment vous le savez ?
-Ben, en fait, je suis venu pour elle. Enfin… Pour vous aussi, bien sûr. Laissez-moi vous expliquer… Si vous le permettez, j’aimerais faire une vidéo sur votre vie et sur Rosa… »
Dans le Sertao du Nord-Est brésilien, une vétérinaire arrive dans une zone aride. Elle rencontre Cristo et sa femme, qui dit ne pas avoir de prénom. En fait, la nouvelle venue n’est pas là pour soigner des animaux. Elle a fait la route pour Rosa, afin de faire une vidéo à envoyer au programme télé « Un ami intime ». Ils aident des personnes comme la famille de Cristo qui pourrait ainsi recevoir l’aide dont Rosa a besoin. C’est leur fille handicapée, qui vit dans un état végétatif sur un fauteuil roulant. Ce n’est pas du goût du chef de famille qui n’a aucune confiance en l’intruse. Sa femme n’aurait pas été contre. Le fermier est plutôt préoccupé par la météo. Ça fait plus de trois cents jours qu’il n’a pas plu. Les récoltes se dessèchent sur pied. Le bétail meurt. Pendant que Cristo cherche un emploi pour faire entrer un peu d’argent dans la famille, son épouse porte sa croix en s’occupant de leur fille.
Comme une pierre résonne comme une lettre biblique d’un évangile, comme une histoire de l’ancien testament, quand Dieu punit les hommes pour une rédemption. La sécheresse décime récolte et bétail. La fille est lourdement handicapée. Qu’ont donc fait Cristo et sa femme pour mériter ça ? Comme un symbole, la femme n’a pas de nom. Elle n’est personne mais gère tout. Elle a la foi, elle le dit. Comment va-t-elle réagir lorsque des prédicateurs vont venir culpabiliser la famille ? Elle a la foi, mais quand il s’agit de sa fille, elle pourrait avoir des réactions imprévisibles. Cristo n’est pas du tout dans la même démarche, ce qui, inévitablement, va créer de graves tensions.
Luckas Ionathan est un jeune auteur brésilien. Il livre ici une fable politique et religieuse d’une impressionnante force. L’album est poignant. A arracher des larmes. On ne peut sortir indemne de cette histoire. Le veau qui agonise, la tempête qui s’annonce, au figuré comme au propre. Ionathan fait monter la tension comme le plus grand des auteurs de suspens, jusqu’à ce qu’on se demande à quel point cette histoire ne serait pas un thriller. Graphiquement, l’auteur propose une bichromie noir et orange. Il y a juste les aplats sombres sur les nez qui font bizarre. Un détail. Quand le vent souffle, les cases sont rayées de blanc, comme un gribouillage. Ça fait son effet. Quant au final, apocalyptique, il ouvre une nouvelle perspective et porte à réflexion.
Comme une pierre est un album d’une rare intensité qui démontre la puissance de la bande dessinée sud-américaine, spécialité des éditions iLatina. Luckas Ionathan met la barre très haut, non seulement pour ses compatriotes, mais aussi pour lui-même. Cet album a tout pour figurer dans la prochaine sélection d’Angoulême.
One shot : Comme une pierre
Genre : Drame
Scénario, Dessins & Couleurs : Luckas Ionathan
Traduction : Thomas Dassance
Éditeur : iLatina
Collection : Novela Grafica
ISBN : 9782491042400
Nombre de pages : 116
Prix : 28 €
- Les fantômes de Syracusepar Laurent Lafourcade
Le passage
« -Je ne vous ai pas vu tout de suite, avec cette pluie. Je m’appelle Matteo.
-Enchanté.
-Je vais à Syracuse.
-Belle ville.
-Je vous dépose quelque part ?
-Oui, c’est fort probable. »
Circulant sur une route pluvieuse de campagne dans sa voiture rouge, Matteo embarque un mystérieux auto-stoppeur. Matteo est mycologue. Il étudie les champignons et se rend à Syracuse pour une conférence. C’est sa ville natale. Il n’y est jamais retourné depuis son adolescence. Le passager lui propose d’emprunter un raccourci pour gagner du temps, puis demande à se faire déposer en plein désert. Ce maudit autostoppeur, maudit dans tous les sens du terme, a dérobé le portefeuille de son conducteur. Ce n’est pas l’argent qui l’intéresse, mais son âme. Désormais, elle lui appartient. Pour Matteo, la suite de la route sera psychédélique. Après un virage raté et une chute dans l’eau, un silure le ramène à la surface. Il regagne la route et cherche un véhicule pour l’emmener jusqu’à destination. Arrivé sur place, il trouve une ville à demi en ruines, son cousin Tancrède, une scientifique hors du temps, à moins que ce ne soit lui qui le soit, ainsi que l’autostoppeur qu’il avait pris, et qui lui avoue être un modeste passeur… de vie à trépas.
Le voyage concret de Matteo Galleone va se transformer en expédition hors des frontières du temps. L’aventure du professeur de mycologie ressemble à ce genre de rêves que nous faisons tous. On croise des connaissances, famille, collègues ou amis dans des lieux improbables. On passe d’un lieu à l’autre comme s’ils étaient contigus. On flotte dans des situations déjà vécues ou presque. Mais Matteo n’est pas dans un rêve. Il est dans un autre état, que l’on comprend plus qu’on ne le découvre, au fil de l’album, et que la dernière scène ne fait que confirmer, mais toujours à demi-mots, sans l’énoncer.
Quatre ans après Les passe-tableaux, album paru aux éditions de la Cafetière, quel plaisir de retrouver Jean-Pierre Duffour, accompagné ici du scénariste Alexandre Kha. Ce dessinateur, parmi les fondateurs de l’Association, ayant publié essentiellement chez Rackham, a sorti seulement treize albums en quarante-quatre ans, dans un graphisme qui n’appartient qu’à lui. A ranger avec des auteurs comme Fabrizio Borrini, José Parrondo ou Tofépi, il a un côté Jean-Michel Folon, influence démontrée dès la couverture. Chaque case, chaque planche est un enchantement. Duffour est inclassable et rare. Son œuvre déclenche une impression d’adulte qui se cherche dans une enfance qui a peur de grandir, à la frontière du rêve et de la réalité, entre Ionesco et Boris Vian. Alexandre Kha lui a taillé une histoire sur mesure. On ne voit pas qui d’autre aurait pu la dessiner.
Les fantômes de Syracuse est une balade sur le sens de la vie. Dans une pure ligne claire, Jean-Pierre Duffour est l’un des piliers d’une intemporelle nouvelle vague.
One shot : Les fantômes de Syracuse
Genre : Emotion
Scénario : Alexandre Kha
Dessins & Couleurs : Jean-Pierre Duffour
Éditeur : Tanibis
ISBN : 9782848410791
Nombre de pages : 1116
Prix : 20 €
- La cuisine des ogres – Trois-fois-mortepar Laurent Lafourcade
Bon appétit, bien sûr !
« -Tu sais c’qu’on raconte sur c’te montagne, dans la région ?
-Ben non.
-Quand y a des nuages comme ça sur la dent du chat, c’est que les cuisiniers de l’enfer ont allumé leurs fourneaux… Même qu’des fois, on aperçoit des lueurs rouges briller dans la nuit, quand les diables font leur banquet infernal ! »
Dans une cité moyenâgeuse, un groupe d’orphelins tente de glaner ce qu’il trouve pour arriver à se sustenter. Pas facile d’arriver tous les jours à manger à sa faim. Quelques légumes oubliés feront une soupe qui permettra de se remplir un peu l’estomac. Mais d’autres qu’eux cherchent à se remplir la panse, et avec des enfants. Un croquemitaine ne cesse d’en capturer, pour les amener aux ogres. Le jour, ou plutôt la nuit, où les compagnons de Trois-fois-morte vont se faire attraper, la gamine va ameuter le quartier pour alerter la population. Le chevalier de Sainte-Ombre la fait grimper sur la croupe de son cheval au galop pour rattraper le ravisseur et ses otages pris dans le sac. Ils ne vont réussir qu’à sa faire attraper eux-aussi. Direction La cuisine des ogres, pour se faire croquer. Mais ça, c’est sans compter sur la détermination de Trois-fois-morte.
Comme son nom l’indique, déjà morte trois fois, que pourrait bien craindre notre orpheline ? Dès leur arrivée chez les ogres, ils sont vendus. Certains sont tout de suite mis au court-bouillon, d’autres sont engraissés quelques mois et les derniers sont destinés au hachoir, avec les quartiers d’aurochs marinés au vin de cassis. C’est justement le cas de notre héroïne qui va réussir à échapper au carnage. Va commencer alors pour elle une grande aventure dans les bas-fonds de l’antre des ogres. Entre fantômes, kraken et chèvres, Trois-fois-mortes va devoir user d’alliances, de stratégies et de négociations pour éviter à ses compagnons de devenir les ingrédients d’une recette gastronomique.
Fabien Vehlmann retrouve sa veine de conteur de Jolies ténèbres. Il se rapproche des poncifs originels chers à Charles Perrault et aux frères Grimm, qui sous-couvert d’histoires édulcorées au fil des réécritures et adaptations, traitaient de thèmes dramatiques aussi graves que l’abandon, l’inceste, la culpabilité ou l’emprise. La cuisine des ogres ne déroge pas à la règle. Le final hors du commun repousse les limites du concept en rebattant les cartes entre les personnages pour une éventuelle suite qui pourrait amener vers un nouveau point de vue.
Au dessin, Jean-Baptiste Andreae poursuit sa carrière sans faute. Il soigne chacun de ses albums, chacune de ses planches, chacune de ses cases avec un respect du lecteur qui fait de lui l’un des meilleurs dessinateurs de sa génération. Depuis Mangecoeur au début des années 90, il développe des univers fantastiques mêlant humains et animaux et créatures fantastiques, privilégiant toujours la qualité par rapport à la quantité. Ici, des scènes remarquables sur le lac montrent quelques cases exceptionnelles tant par leurs cadrages que par leurs exécutions, comme cette image en plongée où le kraken glisse sous l’embarcation des personnages, ou cette autre vue de côté sous l’eau lorsqu’un éléphant pousse la saucière sur laquelle a pris place Trois-fois-morte.
A mettre dans les mains de tous ceux qui aiment frissonner, La cuisine des ogres est l’un des événements tout autant scénaristique que graphique de l’année. Immanquable.
Série : La cuisine des ogres
Tome : Trois-fois-morte
Genre : Conte cruel
Scénario : Fabien Vehlmann
Dessins & Couleurs : Jean-Baptiste Andreae
Éditeur : Rue de Sèvres
ISBN : 9782810202683
Nombre de pages : 80
Prix : 20 €
- Au chant des grenouilles 1 – Urania, la sorcièrepar Laurent Lafourcade
La forêt des secrets
« -Mais elle est horrible l’histoire de ce soir ! Urania, t’as pas peur d’habiter à côté du marais ?!!
-Personne n’ose s’approcher de moi, même pas le Grifenfer, mon petit Snow ! Avec ma vieille carcasse, il se casserait les crocs !
-Hey, au fait, pourquoi tu vis toute seule dans cette maison ? Tu pourrais habiter au village avec nous, non ? »
En plein cœur de la forêt sombre, se tient la masure de la sorcière Urania. La vieille lapine raconte aux enfants les légendes du marais. Ceux-ci adorent frissonner à la lumière de la chandelle et du feu qui crépite sous la marmite dans l’âtre. Si les gamins adorent la compagnie d’Urania, c’est loin d’être le cas de leurs parents. Ces cornichons d’adultes la trouvent effrayante. Pour Winter, si elle reste dans son antre, c’est aussi parce qu’elle veut garder le secret de la porte, qu’il rêve d’ouvrir. Pourtant, personne n’a le droit de s’en approcher. Il y a derrière des souvenirs qu’il ne faut pas réveiller.
La bande d’enfants d’Au chant des grenouilles a ceci d’atypique qu’elle est composée de divers animaux des bois et des sous-bois. Il y a les lapereaux blancs Snow et Winter, Honey le renardeau, Shadow l’araignée, Vanille la chouette et Moon la chauve-souris. A part leur raconter des histoires, Urania leur apprend également les recettes à base de plantes comme celles qui soignent le mal de dents, les secrets de la nature, côté faune et côté flore. Quel bonheur de passer ses journées à découvrir tant de choses. Pourvu qu’on n’y croise pas le Grifenfer !
La collection Métamorphose accueille une nouvelle série concept feel good empreinte de poésie, à la croisée de Mauve Bergamote et du Vent dans les saules, un Winnie l’ourson 3.0. Dirigée par Barbara Canepa, elle nous invite dans un univers anthropomorphique enchanteur. Les planches de ce premier volume co-scénarisé par Barbera Canepa et Anaïs Halard et dessiné par Florent Sacré à un niveau de graphisme hallucinant alternent avec quelques pages encyclopédiques, sur des thèmes cités plus haut, mises en scène par Giovanni Rigano. La série est prévue en six volumes, chacun dessiné par un auteur différent. Devraient s’y succéder tous les semestres Almanza, Rigano, Kerascoët, Quignon et Nesme. Il y a pire comme programme. Après ce premier volume, sans vraiment d’intrigue mais présentant l’univers, un concours culinaire est prévu pour le deuxième épisode.
Dans un monde perturbé comme le nôtre, les évasions salutaires au son du chant des grenouilles comme celles-ci sont salutaires. La poésie, ça se lit, ça s’écoute, ça se dessine. Un enchantement.
Série : Au chant des grenouilles
Tome : 1 – Urania, la sorcière
Genre : Bucolisme
Scénario : Barbara Canepa et Anaïs Halard
Dessins : Florent Sacré (et Giovanni Rigano)
Couleurs : Barbara Canepa, Florent Sacré et Giovanni Rigano
Éditeur : Oxymore
Collection : Métamorphose
ISBN : 9782385610180
Nombre de pages : 48
Prix : 14,95 €
- San Francisco 1906 1 – Les trois Judithpar Laurent Lafourcade
Tremblement de toile
« -Ne parlons pas d’argent, Monsieur Caruso… Nous avons juste besoin de quelques menus services.
-Combien ?
-Cinq petits services. C’est fort peu pour avoir l’assurance de retrouver un peu de tendresse loin des pressions de la scène.
-De quoi parlez-vous, au juste ?
-D’un colis… D’un simple colis parmi vos bagages… que vous acheminerez, pour nous, vers notre Nouveau Monde… La côte Ouest. »
Avril 1906. Enrico Caruso est un célèbre ténor italien. Il ne sait pas encore qu’il sera considéré plus tard comme l’un des plus grands chanteurs d’opéra de tous les temps. Pour l’instant, il a traversé l’Atlantique pour se produire aux Etats-Unis. Ce mois-ci, il est à San Francisco. On lui a demandé de transporter un colis supplémentaire dans ses bagages. Poussé par la curiosité, Judith, une femme de chambre, ouvre le mystérieux paquet et découvre un tableau. Surprise par deux gangsters, ceux-ci l’embarquent avec ce colis qu’ils venaient récupérer. A la faveur d’une rixe entre bandes rivales, elle parvient à s’enfuir avec le tableau, pour le rendre à son propriétaire. Tout semblait rentrer dans l’ordre jusqu’à ce qu’un tremblement de terre se déclenche.
La petite histoire entre dans la grande. Avec San Francisco 1906, les auteurs mélangent personnages de fictions et personnages réels, histoire inventée et événement authentique. Caruso a réellement fait une tournée aux Etats-Unis au début du XXème siècle et était effectivement présent le jour du séisme à San Francisco. Le tableau est une œuvre de Gustav Klimt, peintre autrichien, chantre de l’Art Nouveau. Le tableau dont il est question est basé sur la légende de Judith et Holopherne, général décapité par sa séductrice. C’est d’ailleurs la séquence qui ouvre l’album.
Pour découvrir la genèse de l’histoire, il faut remonter en 2004 lorsqu’Eric Hérenguel et Damien Marie réalisent que le centenaire du tremblement de terre dévastateur de San Francisco approche. Il aura fallu quinze ans de maturation pour que le scénario voit enfin le jour. Damien Marie retrouve l’Amérique d’Après l’enfer, quelques années plus tard, et son complice Fabrice Meddour. Ce dernier réalise ici des prouesses. Tout en prenant quelques libertés, il dépeint un San Francisco pré et post drame avec la même intensité, sans pour autant en rajouter, ne cherchant jamais à faire du spectaculaire. Les couleurs sépias, grisées lors du tremblement, contribuent au voyage dans le temps. Meddour étonne, mais aussi Meddour détonne, avec une reproduction incroyable du tableau de Klimt.
Gustav Klimt aurait peint trois toiles avec Judith. Deux sont avérés, la troisième est supposée. Avec une femme de chambre, Damien Marie et Fabrice Meddour s’assurent de l’existence de la Judith qui complète les deux premières. Parmi elles, qui sortira indemne du tremblement de terre de San Francisco ?
Série : San Francisco 1906
Tome : 1 – Les trois Judith
Genre : Drame
Scénario : Damien Marie
Dessins & Couleurs : Fabrice Meddour
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9782818980033
Nombre de pages : 72
Prix : 16,90 €
- Octopolispar Laurent Lafourcade
Aqua Incognita
« -Bonjour, c’est bien vous qui m’avez contactée ?
-Tout à fait.
-Alors dites-moi ce qui s’est passé avec mon père ?
-Rien du tout.
-Attendez, vous m’avez fait revenir ici pour quoi, alors ?
– Qui me dit que vous êtes Mona ? Monsieur Fauconnier m’a toujours dit que sa fille était brune.
-On change vous savez, et puis mon père ne m’a pas vue depuis sept ans ! »
Le jour du printemps est le jour de l’espoir, l’espoir d’une renaissance, quand la nature refleurit, les jours rallongent conséquemment et les températures s’élèvent. Pour Mona Fauconnier, cette année, c’est aussi le jour où elle apprend la disparition de son père Serge. C’est pour ça qu’elle rentre à Paris. Elle est attendue dans l’appartement de cet homme qu’elle n’a pas vu depuis sept ans, depuis la mort de sa mère. Celui-ci est un scientifique, chercheur parcourant le monde. Il est paléontologue très exactement. Ça fait un mois qu’il aurait dû être rentré. La gardienne de l’immeuble lui ouvre les lieux. Elle n’y rentre que pour nourrir Viktor, un magnifique ara bleu, qui semble inquiet de ne pas avoir de nouvelles de son maître. A-t-il vu quelque chose avant son départ ?
Mona prévient les autorités de la disparition de son père, puis débute ses recherches en commençant par l’ordinateur du paternel. Elle tombe alors sur un dossier nommé Octopolis, mais celui-ci est protégé par un mot de passe. Pas question de dormir là. Le soir tombant, Mona décide de regagner son pied à terre parisien, le studio photo d’Evi, une copine, actuellement en déplacement à Oslo. Le lendemain, rendez-vous au Muséum où travaille son père pour y rencontrer Laure Caplan, qui travaillait avec lui sur un projet appelé Octopolis, autour des 500 millions d’années d’évolution des céphalopodes. La chercheuse reste très évasive, plus préoccupée par la paléontologie que par la disparition de son collègue. De retour chez son père, Mona découvre que le perroquet n’est plus là et que la concierge tombée dans l’escalier, comme c’est étrange, est embarquée par le SAMU. Par un coup de bol miraculeux, Mona rallume l’ordinateur et trouve le mot de passe protégeant le dossier Octopolis, un essai sur l’évolution du vivant dans l’océan et l’intelligence des poulpes. Jusqu’où sera menée Mona sur les traces de son père, passionné de plongée sous-marine ?
Après Les grands cerfs, Gaétan Nocq signe un nouveau pavé bleuté, cette fois pas une adaptation mais un scénario original. La première partie de l’album alterne l’enquête de Mona avec des disgressions sous-marines sur les animaux multicellulaires qui évoluent sous l’eau. Le cténophore, l’anolamocaris et le trilobite, entre autres, dévoilent leurs secrets. L’évolution des céphalopodes est aussi à l’ordre du jour. Dans une deuxième partie, suite à l’invitation d’un plongeur, on va pénétrer dans les fonds marins méditerranéens avec Mona, d’abord avec des bouteilles en Méditerranée, ensuite dans un petit bathyscaphe, dans l’océan Pacifique de Clipperton.
Le bleu Nocq laisse parfois place à d’autres couleurs, souvent pastels, parfois du noir quand on descend dans les abysses. Ces tons correspondent également aux émotions, qu’elles soient aquatiques ou familiales. Si le décor marin, scientifique tant dans la flore que dans la faune, est finement représenté, le récit est avant tout une histoire d’héritage, celui laissé par des parents qui ont forgé une enfant, celui laissé par des générations pour des générations futures. Ce n’est pas un hasard si l’on va passer par la grande galerie de l’évolution du Museum d’Histoire Naturelle. Sans jamais donner de leçons, Gaétan Nocq livre un album écologique engagé, tout en finesse et poésie, un moment suspendu dans notre monde excité.
Gaétan Nocq n’est pas loin d’être un lanceur d’alertes. Octopolis est une fable qui subjugue par sa beauté tout en portant à réflexion sur la préservation des océans…et des rapports familiaux.
One shot : Octopolis
Genre : Emotion
Scénario, Dessins & Couleurs : Gaétan Nocq
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741523
Nombre de pages : 280
Prix : 30 €
- La méthode Raowl 2par Laurent Lafourcade
Petit guide de survie en milieu moyenâgeux
« -Je suis Raowl, le sauveur de princesses en détresse. Sauf que mon boulot, il est plus trop à la mode…
-Les princesses, elles sont plus en détresse !
-On se débrouille toutes seules maintenant.
-Un sauveur de princesses qui n’a plus de princesses à sauver, il se retrouve au chômage. Alors je me suis trouvé une nouvelle occupation : donner des conseils ! »
Il est le plus balèze des cinq royaumes. Il a réponse a tout. Qui mieux que lui pourrait prodiguer des conseils sur tout et n’importe quoi ? Personne. Les princesses en détresse devenant rares à sauver, Raowl s’est reconverti et est là pour vous donner ses trucs et astuces. Avec la participation aimable et exclusive des enfants de Tebo : Capucine, César et Raphaël, auteur du livre que l’on va dénoncer à la DASS pour exploitation de mineurs. L’ouvrage didactique et pédagogique commence par, justement, un cas d’école : comment faire ses devoirs en trente secondes ? Il suffit juste de repérer un élève pas trop mauvais, shooter dans son cartable et inverser ses propres cahiers avec ceux de la victime. C’est plus facile à dire qu’à faire.
Pêle-mêle, Raowl aide à se sortir de situations plus ou moins périlleuses. Comment être un bon méchant ? En faisant des prouts avec ses dessous de bras ? Pas vraiment. Attaquer avec des escargots de l’enfer ? Faites-nous rire ! De toutes façons, face à la massue de Raowl, tous les méchants sont nuls. Nous allons apprendre à faire des armes avec des objets du quotidien : un slip, une pince à épiler, des mouchoirs en papier farcis de morve, du PQ, des chaussettes sales et même un frigo. Mais attention de ne pas se faire mettre game over par le rejeton de l’auteur. On va savoir comment préparer un repas romantique, comment frimer avec des rollers ou encore se débarrasser de ses angoisses.
Tebo écrit et dessine un album hilarant, crétin à souhait, avec des masses d’arme, du caca, des monstres et des chaussettes sales. Deux histoires courtes s’insèrent au milieu des gags. Dans l’une, Raowl vient à la rescousse d’une petite princesse qui n’a pas de tenue originale pour aller au bal du printemps. Qu’à cela ne tienne, on va essayer de capturer une robe sauvage. L’autre récit est une compétition pour définir qui est le meilleur sauveur de princesses en détresse. Alors, c’est le chat botté, Peter Pan, Aladin ou Raowl ? Tebo entraîne ses personnages dans la mission dans de superbes planches destructurées hors du commun. Quand la technique narrative est à ce point au service de l’histoire, on est au climax de ce qui peut se faire en BD. By jove ! N’oublions pas Blake et Mortimer qui font en milieu d’album une petite apparition qui restera dans les annales.
Has been, le manuel des Castors Juniors. La méthode Raowl est la nouvelle référence en matière de survie. Alors, merci qui ? Merci Raowl !
Série : La méthode Raowl
Tome : 2
Genre : Ouvrage didactique… enfin…
Scénario, Dessins & Couleurs : Tebo
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034768783
Nombre de pages : 48
Prix : 12,50 €
- La bulle 2 – Les survivantspar Laurent Lafourcade
Dystopie adolescente
« -Restez où vous êtes ! Ne bougez plus, c’est un ordre.
-On fait rien de mal. On le jure !
-Ouais ! On voulait juste se rafraîchir un peu !
-D’où vous sortez ?
-On vient d’une bulle, une île artificielle appelée Adenaom ! C’est grâce à elle qu’on a survécu à la catastrophe !
-Suivez-nous. »
Welling et Moé, une adolescente et son petit frère, sont partis d’Adenaom avec quelques amis, cette île d’apparence idyllique en plein pacifique peuplée d’orphelins comme eux et dirigée par un certain Ido Stavanger. A l’extérieur, ils découvrent un monde post-apocalyptique dans lequel il va leur falloir survivre. Le lapin attrapé à la fronde, ce n’est pas si mauvais. La fronde, ça sert aussi à chasser les loups. En quittant la ville anéantie et après avoir franchi un pont surplombant une rivière verte à l’eau irradiée, les enfants découvrent une nature plus luxuriante où ils vont être recueillis par une autre bande venue elle d’une autre île que la Bulle où ils étaient. Tous ces enfants perdus vivront-ils en totale harmonie ? Entre rivalités et séduction, rien n’est moins sûr. Mais face à une nouvelle adversité, il va falloir se serrer les coudes.
La série d’anticipation La bulle poursuit son exploration des relations humaines dans une dystopie qui ne laisse pas le temps de souffler. Les adolescents font leurs expériences de vie dans un monde qu’ils ne maîtrisent pas. Ils découvrent à la fois de nouveaux sentiments comme l’amour, parce qu’il y aura du flirt, mais il y aura également du deuil. L’adolescence est la période de découverte, de prise en compte et en conscience de ces nouveaux sentiments. En plus d’avoir le corps qui change, ça fait beaucoup de choses à gérer. Alors, quand on évolue en et en dehors d’un monde comme celui de la bulle, les difficultés sont puissance dix.
Les autrices Aurelle Gaillard et Gabriele Bagnoli bousculent les lecteurs. Avec un graphisme tout public, on ne s’attend pas forcément à de telles perturbations, comme celles auxquelles les acteurs de l’histoire sont confrontées. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne prennent pas leurs jeunes lecteurs pour des crétins. Elles les aideraient même à grandir. La tension monte crescendo et le cliffhanger final laisse augurer d’un troisième tome encore plus haletant.
L’opération survie est lancée. Pour les jeunes évadés de la bulle, la coupe est pleine. Pas question de se laisser dicter leurs destins.
Série : La bulle
Tome : 2 – Les survivants
Genre : Anticipation
Scénario : Aurelle Gaillard
Dessins : Gabriele Bagnoli
Couleurs : Sandrine Degreff
Éditeur : Auzou
ISBN : 9791039528511
Nombre de pages : 64
Prix : 13,95 €
- Gen War La guerre des générations Level 1 / Level 2par Laurent Lafourcade
Couches confiance et bagues aux dents
« -Aujourd’hui, nous accueillons également un nouveau membre. Dédé. Dédé ? Tu veux bien te présenter et nous dire ce qui t’a décidé à rejoindre notre groupe ?
-Eh bien tout d’abord, bonjour…
-Bonjour Dédéééé…
-Bonjour Dédéééé…
-Donc, je m’appelle Dédé et…
-Alerte ! Alerte ! Y a un jeune en bas !
-Un jeune ? Un matin avant midi ? Où ça ?
-Là.
-Quelle horreur !
-Vivant ?
-Hey !!! Toi, le jeune !! Tu veux que j’t’aide à t’droguer en écoutant du rap ? »
Dans un univers post-apocalyptique dévasté, la guerre est déclarée entre deux types d’humains : des vieux et des jeunes. Entre ces deux communautés, c’est un conflit de territoires qui fait rage. Depuis la grande révolte des jeunes consécutive au retrait des trottinettes en libre-service, la vie des vieux s’est considérablement compliquée. C’est pour cela qu’aujourd’hui les membres de la section Michel Drucker du quatrième district partent faire des commissions armés jusqu’aux dents. Ils sortent toujours avant 16 h, car à ce moment là les jeunes dorment encore et profitent ainsi de la grande surface en toute sécurité. Toute sécurité ? Des quinquas ou des quadras pourraient traîner. C’est un gibier à chasser.
Les jeunes détestent le savon et se réunissent en bande chez Mc Donald’s. Les vieux détestent le rap et doivent fréquemment s’arrêter pour des pauses pipi, pauses tension ou pauses nourrissage de pigeons. Les vieux ont une problématique : renouveler leurs troupes. Car les vieux, ça meurt. Il faut donc capturer des jeunes pour les faire vieillir. Reste plus que le problème de la fécondation. Quand les jeunes vont tenter d’infiltrer la zone tenue par les vieux, ces derniers vont devoir déjouer leurs pièges. Et pour une autre frange de la population, il peut y avoir un problème de positionnement. Cette frange, ce sont les vieunes, trop vieux pour être jeunes et trop jeunes pour être vieux. Ceux qui veulent devenir vieux trop vite, parfois, ils rechutent. Le club des jeunistes anonymes pourra les aider à se soigner. Jeunes, prenez donc garde à ne pas aimer trop vite les légumes verts et les chansons de Jean Ferrat.
Jeunes versus Vieux. Rassurez-vous, Mo/CDM ne vous demande pas de vous positionner. Skate, jogging, casquette à l’envers versus déambulateurs, tricot de corps et couches-confiance. La section Call of duty s’oppose à la section Michel Drucker. Violence, action, corps de rêve, suspense, sentiments et émotion composent ce diptyque dystopique à mourir de vieillesse… non de rire. Le premier tome est une refonte de Geek War paru en 2013. Mo/CDM a réécrit et raccourci les dialogues, refait les couleurs et supprimé des histoires. Le second est composé d’histoires totalement inédites en album. Fluide promet une saga d’anticipation post-apocalyptique qui tiendra en haleine toutes les générations de lecteurs. Qui vivra en dehors d’un ehpad verra !
Jeune ? Vieux ?… Choisis ton camp ! Le plus simple est de rentrer dans celui dirigé par Mo/CDM. C’est l’assurance d’aimer les burgers même avec un appareil dentaire. C’est la certitude de se faire une compil avec aussi bien du Jul que du Michel Sardou, de lire aussi bien Notre temps que Fluide glacial.
Série : Gen War La guerre des générations
Titres : Level 1 / Level 2
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : Mo/CDM
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038207004 / 9791038206533
Nombre de pages : 56
Prix : 9,90 € / 15,90 €
- Une vie en dessins – Les Tuniques bleues Lambil & Cauvinpar Laurent Lafourcade
Une chevauchée fantastique
« Je n’ai jamais cherché à utiliser des ficelles pour m’aider car je préfère me laisser guider par ce que je ressens. Il y a bien sûr des méthodes de narration. Dans la progression des images, il faut respecter certaines règles, mais je n’ai pas d’autres critères que la lisibilité – et surtout pas la facilité. Si l’image est compliquée, c’est un nouveau défi et je la réalise comme elle l’être, avec le plus de détails possible. S’il s’agit d’une scène de bataille avec des dizaines de personnages, je n’hésiterai pas à les dessiner. » (Willy Lambil)
Avec vingt et un millions d’albums vendus, Les tuniques bleues est une série qui peut se targuer de faire partie du patrimoine de la bande dessinée franco-belge, témoin survivant d’un âge d’or qui a laissé des traces à tout jamais. Créée par Raoul Cauvin et Louis Salvérius, c’est Willy Lambil qui conduira sa chevauchée graphique vers le chemin du succès, suite au décès subit de son dessinateur d’origine au beau milieu de Outlaw, qui deviendra le quatrième album de la série. Récemment, Les cahiers de la bande dessinée ont consacré un hors-série à cette aventure bédessinée. Voici à présent Les Tuniques Bleues dans le plus bel écrin : la collection Une vie en dessins, co-éditée par Dupuis et Champaka.
Il ne faut pas oublier qu’au départ, Les Tuniques Bleues est quasiment une série de commande. Lucky Luke et Morris ayant fuit chez l’ennemi (Dargaud), il fallait un western, pas trop ressemblant quand même, dans les pages de Spirou, l’hebdomadaire maison de chez Dupuis. Au départ composée de gags et courts récits humoristiques, la série prend rapidement un virage semi-réaliste, tout en gardant des dialogues savoureux et des côtés à la fois patriotiques et antimilitaristes. Le sergent Chesterfield est le prototype du gradé dévoué, prêt à tout sacrifier pour son pays, obéissant aveuglément aux ordres de la hiérarchie. Le caporal Blutch, lui, cherche constamment à éviter les combats. Il a appris à son cheval Arabesque à faire le mort dès qu’il entend le mot « Chargez ! ».
Le scénariste Raoul Cauvin a choisi de s’attarder sur la guerre de Sécession et base la plupart de ses histoires sur des faits historiques réels. Le duo Cauvin-Lambil a ceci de magique que chacun a nourri l’autre. Issu d’un dessin réaliste avec la trop méconnue série Sandy et Hoppy, Willy Lambil, qui a l’immense Jijé pour modèle, a apporté une certaine rigueur qui ne s’est jamais démentie. Raoul Cauvin lui permet d’assouplir un poil son trait, de le décomplexer. L’alchimie est parfaite. Dans un long texte de préface, Didier Pasamonik montre comment la série s’est développée au fil des années, allant jusqu’à traiter de thèmes d’actualité comme le racisme et l’extrémisme, toujours par le prisme du conflit Nord-Sud, tout en restant une comédie, dramatique certes, mais une comédie. Le bel ouvrage fait ensuite la part belle aux illustrations, planches en noir et blanc, couvertures, aquarelles et cases agrandies, scandées par des citations de Lambil et Cauvin extraites d’interviews.
Les auteurs mis à l’honneur dans Une vie en dessins ont tous le point commun que leur travail sert de fondations aux générations suivantes. La carrière de Lambil et Cauvin ne pouvait rêver plus bel écrin que cet ouvrage luxueux et sublime.
Série : Une vie en dessins
Tome : Les Tuniques bleues Lambil & Cauvin
Genre : Artbook
Texte : Didier Pasamonik
Images : Willy Lambil & Raoul Cauvin
Éditeur : Dupuis / Champaka
ISBN : 9782390410409
Nombre de pages : 256
Prix : 69 €
- Hamster et boule de gommepar Laurent Lafourcade
Kawaï bestiole
« -J’accueille enfin chez moi un petit hamster tout mignon ! Je vais pouvoir l’observer tous les jours ! Il ne se montre pas… Il faut attendre qu’il prenne ses marques. C’est long ! Mais ce sont des animaux farouches. On n’a pas le choix… »
Quand on accueille un petit hamster comme Ham, tout mignon, chez soi, il ne faut pas s’attendre à une révolution les premiers jours. Au début, la bête se planque. Il va lui falloir dix jours environ pour qu’il pointe son museau. On peut alors l’observer tenir sa nourriture entre des deux pattes, entre les quatorze heures de dodo quotidiennes qu’il se paye. Les hamsters sont des animaux très propres. Ils ne prennent pas de bain et pourtant ils sentent bon. Il est tellement souple qu’il peut se laver partout. Si on lui donne des friandises qu’il n’aime pas, il le fera savoir en la bazardant ou en la recouvrant de paille et en tambourinant pour montrer son drôle de petit caractère. Il est même capable de faire pipi dessus.
Les graines de tournesol, c’est bon ça, jusqu’à se fourrer tout entier dans le paquet. Le riz aussi, c’est délicieux, à s’en remplir les bajoues. Gare aux mille-pattes qui s’aventureraient trop près, les hamsters se nourrissent aussi d’insectes, enfin, surtout les sauvages. Ham aime bien se promener et si le téléphone vibre, c’est si rigolo de se mettre dessus. Quand on le caresse, le hamster pas le téléphone, c’est une vraie petite chaufferette. Il soigne aussi les insomnies. Entendre sa roue une nuit où l’on n’arrive pas à dormir parce qu’on a regardé un film d’horreur, c’est rassurant. En effet, c’est dans l’obscurité que la bestiole fait son sport quotidien. Qu’est-ce qu’il peut bien s’imaginer en galopant comme un mustang sauvage ?
Le nettoyage de sa cage peut le mettre très en colère. Il va croire qu’on lui détruit tout et peut se montrer agressif et mordre. C’est comme l’été, la chaleur le rend mal à l’aise. Ham a les yeux extrêmement expressifs. Qu’il ait sommeil, qu’il soit content, qu’il se régale ou qu’il soit terrorisé, tout passe par le regard. Le mangaka Hamuhamu s’est inspiré de deux hamsters qui ont partagé sa vie pour écrire ce manga composé d’instants de vie : Perle, tout d’abord, buté mais attachant, puis Sable, qui mangeait de tout et détestait les balades. Les séquences sont un brin répétitives, mais éducatives, et tellement feel-good que ça fait du bien.
Hamster et boules de gomme est de ces mangas kawaï comme Hachi & Maruru, chats des rues ou La gameuse et son chat. Il rappellera aux jeunes adultes Hamtaro, petits hamsters, grandes aventures, grand succès mondial au début des années 2000. Impossible de ne pas tomber sous le charme de Ham.
One shot : Hamster et boule de gomme
Genre : Kawaï
Scénario & Dessins : Hamuhamu
Éditeur : Bamboo
Collection : Doki Doki
ISBN : 9782818997697
Nombre de pages : 130
Prix : 7,95 €
- Horace, cheval de l’Ouest Intégrale 1par Laurent Lafourcade
Réhabilitation d’un pilier de Pif Gadget
« -Je cherche la monture de mes rêves…
-Je suis une monture de rêve !…
-Qu’est-ce que tu sais faire ?
-Je sais compter jusqu’à quatre.
-Pas terrible, moi je compte jusqu’à dix…
-Oui mais moi je n’ai que quatre sabots ! A part ça, j’ai une éducation littéraire assez poussée…
-…Tes conditions ?
-Une mangeoire pleine deux fois par jour…
-Ça va de soi… »
Le jour où Horace s’est fait embaucher comme monture de rêve, ses exigences ne se sont pas faites attendre. Dur en affaire, le bestiau. La liste est longue et se termine par un jour de repos hebdomadaire. C’est pour ça que quand le cow-boy d’Horace cherche à travailler au Pony Express, lorsqu’il s’agit de négocier le salaire, c’est le cheval qui prend les choses en main… et ainsi embaucher du personnel. Il faut dire que Horace est un brin roublard, un poil flemmard, mais relativement ingénieux. Lorsque le cow-boy est défié à la pêche par un indien, le visage pâle sera amené à la victoire par sa bête. Tous les poncifs de l’Ouest passent à la moulinette Poirier: bisons, pétrole, duels (au soleil de préférence), shérifs et hors-la-loi, indiens et tuniques bleues.
Dans la série de Poirier, on se demande qui de l’homme ou du cheval est le maître de l’autre. Horace s’anthorpomorphisme au fil des planches. Pas question pour lui d’avoir une selle sur le dos. Il lui arrive même parfois de chevaucher son cow-boy bêta. Si graphiquement Poirier est souvent comparé à Jacovitti, lui s’en moque en se revendiquant du Caravage et de Vermeer. Est-ce si ridicule que ça ? Pas tellement quand on parle de volume et d’équilibre. Chez Poirier, il n’y a pas que les êtres vivants qui le soient. La moindre baraque, le moindre rocher semblent respirer. Il y a quelque chose de magique. Dans Horace, Poirier joue avec tous les codes du western cinéma, du générique aux cadrages. L’auteur fait aussi du Ionesco, nous emmenant parfois dans du théâtre de l’absurde, les personnages interrogeant leur condition de héros de papier,
Comme Supermatou, Horace a fait les beaux-jours de Pif Gadget dans les années 70. Hormis un album publié aux éditions du Kangourou en 1975 et une intégrale pirate, la série n’avait jamais eu l’honneur d’une édition chronologique. On apprend dans la préface que Poirier avait déjà créé en 1963 un cheval commentant les actions de son humain, le cow-boy Joë Bridgers, pour l’éphémère magazine Pschitt Junior. Autre incursion dans le western avec Jacques Lob au scénario pour les aventures de Cactus-Papa, un ex-shérif ami d’un indien qui vivent dans le désert, pour le magazine Record. C’est en Juin 1970 que Horace débarque sous forme de gags dans les pages de Pif Gadget. Moins d’un an après, il passe en récits complets avant d’avoir sa première couverture dès février 1972, présentant le mythique gadget de la semaine : un « pop-colt ».
Les éditions Revival devraient être sanctifiées. On attend les tomes 2 de Supermatou et de Horace cheval de l’Ouest, et après ça, de quoi pourrions-nous rêver ?
Série : Horace cheval de l’Ouest
Tome : Intégrale 1
Genre : Western humoristique
Scénario & Dessins : Jean-Claude Poirier
Couleurs : Bilitis Poirier et son équipe
Éditeur : Revival
ISBN : 9791096119790
Nombre de pages : 264
Prix : 39 €
- The world is dancing 3par Laurent Lafourcade
Danse féline
« -Zôjirô, tu as dit que j’étais votre compagnon de route.
-Bien sûr, ici, nous sommes tous au service des arts vivants… N’est-ce pas ? Mais nous seuls survivrons. Tu ne me vaincras pas. Si tu ne veux pas essuyer la honte, retourne sur ta montagne, petit singe. »
-Ha ha ha ha !
-C’est ça ! Espèce de singe !
-Rentre dans ta campagne !
-Je… Je suis Oniyasha, acteur de Sarugaku de la compagnoe Kanze de Yamato ! Je Relève solennellement le défi ! »
Japon, XIVème siècle. Oniyasha, acteur de Sarugaku de la compagnie Kanze de Yamato, relève le défi de danse lancé par Zôjirô, de la compagnie Shinza, qui le prend pour un singe. Il est monté sur la grande scène d’Imakumano. Alors, il peut être en capacité d’affronter le comédien. Si ce dernier sait comment Oniyasha danse, lui, aimerait bien voir son adversaire danser. Perdre serait synonyme de honte pour la compagnie Kanze. Dégouté par le comportement de Zôjirô, Kogane, qui semble en avoir souffert, ne veux plus danser. Il dit avoir eu à faire à des sauvages. Il donne cependant à Oniyasha un moyen d’observer son ennemi en cachette. C’est là qu’il se rend compte qu’il s’est fait dérober sa chorégraphie.
Pendant ce temps, le seigneur Yoshimitsu fait placarder une annonce : le thème du tournoi de danse du 1er août entre la compagnie Shinza et la compagnie Kanze sera la danse du lion. Nous sommes le 25 juillet 1375. C’est dans sept jours. Il n’y a pas de temps à perdre. Le thème est confortable pour Zôjirô, beaucoup moins pour Oniyasha qui n’a jamais pratiqué cette danse. C’est là que l’inimaginable se produit. L’ennemi lui propose de la lui apprendre. Ce serait dommage qu’il gâche tout avec un numéro maladroit. Oniyasha est trop fier pour accepter et refuse la proposition. La danse du lion emprunte la force spirituelle d’un animal pour chasser les mauvais esprits et laisser place au bonheur. C’est seul qu’il ira chercher cette puissance.
Pour ce troisième épisode de The world is dancing, série qui immerge aux sources de la création du théâtre Nô, le mangaka Kazuto Mihara met à l’honneur les animaux. C’est par l’observation qu’Oniyasha va apprendre. Le mangaka offre des planches félines magnifiques, où l’on passe de case en case avec la délicatesse des coussinets d’un chat. Oniyasha ira même jusqu’à observer un félin folklorique. En postface, Katsuyuki Shimizu revient sur Zeami, fondateur du théâtre nô tel qu’inscrit dans les livres scolaires. Les documents historiques le décrivent comme un joli garçon lunaire et attachant, de petit gabarit et qui créait des rythmes avec ses propres gestes grâce à son entraînement artistique. L’acteur de théâtre nô Kôhei Kawaguchi, figure incontournable de la scène contemporaine, supervise l’écriture de Mihara. Il raconte son art en deuxième partie de postface, avec notamment un focus sur les masques.
Contemplation, Délicatesse, harmonie, l’art du manga et l’art de la danse théâtralisée se croisent dans « The world is dancing ».
Série : The world is dancing
Tome : 3
Genre : Emotion
Scénario & Dessins : Kazuto Mihara
Éditeur : Vega – Dupuis
ISBN : 9782379504549
Nombre de pages : 192
Prix : 11 €
- Garfield – Poids lourd 23par Laurent Lafourcade
Garfield ne se serre pas la ceinture
« -Je sais qu’elle est là. Je peux sentir sa présence. Pas moyen d’y échapper. Une fois qu’elle t’a attrapé, tu es fichu ! Suave-toi, Garfield ! La revoici ! Tu devras te battre pour m’avoir. Arrrgh !
-Victime d’une attaque de sieste. »
La bouffe, la sieste, la télé, voici la trinité de Garfield. La compilation ne déroge pas à la règle. Côté bouffe, lorsque Garfield engloutit une pomme, il ressort un trognon, lorsqu’il gobe un poisson, il ressort les arrêtes et quand il avale un donut, il recrache le trou. La nourriture, c’est la vie. Comme de la purée de pommes de terre, elle est pleine de grumeaux, surtout dans la tête d’Odie. Comme un soda à la cerise quand tu trouves les fruits, la vie n’a plus de goût quand le pétillant est parti. La vie est comme une dinde. Tu peux la trancher dans n’importe quel sens, c’est toujours une dinde. Si Garfield cherche la signification de la vie, Jon, son maître, l’a peut-être déjà trouvée avec ses chaussons lapin, les pieds sur la table.
Côté sieste, Garfield peut se poser n’importe où, dans son lit, sur une table ou sur le fauteuil de Jon. Le fauteuil, tiens, quel terrain de jeux avec son repose-pieds éjecteur d’Odie et son dossier éjecteur de chat. Le canapé, lui, va plutôt servir à regarder la télévision. Un débat sur l’intelligence du chien et du chat va même mettre Odie et Garfield d’accord. A part ça, comme tous les chats, le plus flemmard de tous adore les sacs en papier, mais le seul chien du monde qui les aime aussi habite la même maison. Y a-t-il de la place pour deux ?
Comme chaque opus Garfield poids lourd, les strips et planches dominicales sont intercalées avec des citations, devinettes et aphorismes du chat. Justement, savez-vous ce qu’est un poids lourd ? Un haricot qui a trop mangé. Pourquoi Garfield aime-t-il regarder le Super Bowl ? Parce qu’un super bol, c’est mieux qu’un bol tout court ! Pourquoi Garfield garde-t-il si bien les secrets ? Il ne crache jamais le morceau !
Mais quel est donc le secret de la longévité de Garfield ? Depuis 1978, le chat perd ses poils et vide ses gamelles sans interruption et sans lassitude pour le lecteur qui, inévitablement, doit se reconnaître dans la bestiole, encore plus que dans son humain. Avec Charles Schultz et quelques autres génies du genre, Jim Davis a trouvé la recette magique du strip intemporel.
Série : Garfield
Tome : Poids lourd 23
Genre : Humour félin
Scénario & Dessins : Jim Davis
Éditeur : Presses aventure
ISBN : 9782898450228
Nombre de pages : 256
Prix : 14,90 €
- Les cœurs de ferraille 3 – Sans penser à demainpar Laurent Lafourcade
Amour possible
« -A l’usine ?! Une émeute !?
-Oui. Une bagarre a dégénéré. Toute la production est à l’arrêt.
-Ooooh ! J’espère que ce ne sont pas des robots qui…
-Si. Enfin non… C’est compliqué. Ecoute, je n’ai pas le temps de t’expliquer. Tout ce que je te demande, c’est que Naiad ne sorte pas de la maison ! »
Dans une usine, un ouvrier, Pat, dit Le Rouquin, a refusé d’obéir aux ordres d’un robot qui voulait que le rythme de la chaîne de production ne faiblisse pas. Entraîné par la réflexion d’une collègue qui lui reprochait de se laisser commander, il massacre le robot à coups de clef à molette. Le patron de cette usine est dépêché sur les lieux pour gérer la crise. Avant cela, il demande à Marceau, un petit robot domestique, d’empêcher sa fille Naiad, dont il s’occupe, de quitter la maison pour qu’elle reste à l’abri. Échappant à la vigilance de son gardien, Naiad s’infiltre dans l’usine et assiste en cachette à une nouvelle rixe. La cohabitation entre les races semble bien complexe. Là où les choses vont se complexifier, c’est lorsque Naiad va inviter à la maison le robot limier qui a empêché de commettre un nouveau drame. Ce n’est pas tout à fait du goût de son père.
Troisième acte de la série d’anthologie des BeKa et de Munuera, Sans penser à demain est le nouvel épisode des Cœurs de ferraille. Naiad, environ dix-sept ans, a jusqu’à présent vécu dans l’opulence et l’ignorance d’un monde d’adultes dont elle n’a jamais eu à se préoccuper. Elle va non seulement prendre conscience de la réalité, mais, oh malheur, tomber amoureuse d’un robot limier, qui ne sont pas les robots d’ordinaire les plus sympathiques. Dans cet univers steampunk à l’époque de la Sécession, bien qu’étant dans le Nord des Etats-Unis, le racisme est latent. Ici, c’est entre humains et robots, ou même entre robots entre eux. Le décor industriel ancre le récit dans une ambiance ouvrière. On pense bien sûr à la Révolution industrielle qui a vu quelques riches patrons s’engraisser pendant que trimaient pour eux des centaines d’ouvriers, s’épuisant à ramener un maigre salaire pour nourrir leurs familles.
Dans notre XXIème siècle anxiogène, Les cœurs de ferraille ramènent à la fois aux vraies valeurs et aux sources des soucis technologiques actuels. L’industrialisation est la base de la technologie qui a entraîné vers notre monde présent où chacun est isolé les yeux rivés sur son écran. Si les BeKa analysent la situation jusqu’à son paroxysme dans A-Lan, sur dessins de Thomas Labourot, avec Les cœurs de ferraille, accompagnés au scénario par le dessinateur de l’histoire, ils humanisent les robots pour en faire, non pas des substituts de l’homme, mais une communauté parallèle, presque comme une race à part entière. Dans la série, il est question de rivalités (entre hommes et machines), de tolérance, de racisme. Naiad est une représentation de l’adolescente qui ne rêve que d’harmonie. Sera-t-elle plus tard dans la désillusion et la fatalité ? Elle symbolise en tous cas toute la force de l’adolescence qui croît en un monde meilleur. Et il faut y croire. Sinon, à quoi bon continuer d’avancer ? José-Luis Munuera met tant d’émotion dans les visages sans pupilles des robots que ça semble incroyable. Ce n’est pas parce qu’on est prolifique qu’on ne fait pas partie des meilleurs dessinateurs du monde. Ce n’est pas parce que Les cœurs de ferraille est une série qu’elle n’a pas la puissance des one shot.
Hymne à la tolérance, Les cœurs de ferraille est une série exceptionnelle. Dessinée par un auteur remarquable, elle est l’œuvre majeure du couple BeKa qui signent avec ce troisième volume l’un des meilleurs albums de l’année. Ne passez pas à côté.
Série : Les cœurs de ferraille
Tome : 3 – Sans penser à demain
Genre : Aventure
Scénario : BeKa & José-Luis Munuera
Dessins : José-Luis Munuera
Couleurs : Sedyas
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504966
Nombre de pages : 72
Prix : 14,50 €
- Les crayonspar Laurent Lafourcade
Sur les pas de l’enfance
« -Qui va me lire la phrase ? Toi, Frédéric ? Frédéric ? On t’écoute ! »
Frédéric Bihel revient avec sa mère dans le village de son enfance. Ensemble, ils redécouvrent Château-Chervix dans le Limousin. Après deux bières au Café de la Tour, le bar-supérette-relais postal, ils arpentent les rues du village, appareils photographiques en mains. La Mairie, la première école et sa petite cour, les lieux font émerger les souvenirs. Ça y est. Nous sommes au début des années 70. Frédéric a six ans. C’est sa première année d’école. Ils viennent d’emménager dans le hameau voisin. Un petit fourgon fait le ramassage scolaire. C’est le temps de l’apprentissage de la lecture, les aventures avec Michel, le meilleur copain. Avant de savoir complètement lire, il regarde les albums de Mickey à travers les siècles et les magazines Pif Gadget.
A l’école, ce ne seront pas que des bons souvenirs avec le bégaiement et les moqueries des camarades. Plus tard, les parents se séparent. Frédéric emménage en ville avec maman dans un appartement. Un jour, au lieu d’aller à l’école, il monte au grenier. Il y retournera plusieurs fois. Il y retrouvera une petite fille, quelques années de moins que lui, à qui il fera des dessins, le bateau d’Ulysse et autres extraits du livre d’Homère qui le passionne. Il va lui offrir une boîte, une boîte de crayons de couleurs.
Dans un dessin crayonné en niveaux de gris, Bihel choisit quelques éléments à mettre en couleurs comme le bus de ramassage scolaire, la voiture de son père ou le pull de la petite fille, les illustrés, un bateau en plastique, une gomme et les crayons de couleurs. On comprend au fil de l’histoire que c’est tout ce qui a pour lui valeur d’émotion, en rapport avec des blessures ou ce qui a aidé à une certaine résilience. Après le cœur de l’album, deux très courts chapitres et un épilogue concluent l’histoire. L’antépénultième partie est toute en couleurs. Impossible d’expliquer pourquoi sans déflorer le propos, mais c’est là que l’ensemble du traitement graphique de l’album prend tout son sens.
Après l’excellent A la recherche de l’homme sauvage, hommage appuyé à Tintin au Tibet, Frédéric Bihel poursuit le virage intime de sa biographie. Les crayons est son album le plus personnel et le plus marquant, le plus abouti aussi, celui avec lequel il passe du statut d’auteur de bandes dessinées à celui d’artiste.
« J’ai commencé tôt la nostalgie. », chantait Barbara dans Mendelson, en 1983. Frédéric Bihel nous invite dans la sienne en signant le plus vibrant hommage qu’il pouvait faire à un membre de sa famille. Emouvant.
One shot : Les crayons
Genre : Emotion
Scénario, Dessin & Couleurs : Frédéric Bihel
Éditeur : Futuropolis
ISBN : 9782754834711
Nombre de pages : 120
Prix : 23 €
- Tokyo Cannabis 2par Laurent Lafourcade
Le manga qui incite à s’en passer
« -Un cercle d’amateurs de cannabis ?
-Ouais, on appelle ça « un fleuriste ». C’est là où nous allons. Parle moins fort.
-Des amateurs de cannabis… ?!
-Le chanvre cloné que tu fais pousser va nous permettre de récolter un paquet d’épis qui auront tous la même qualité. C’est « une bonne herbe ». Maintenant, reste à savoir ce qu’est « une excellente herbe ». C’est ce qu’on va leur demander. »
Morio et Kagayama rejoignent un cercle d’amateurs de cannabis, un groupe de testeurs en quelques sortes. Le but est de créer un cannabis haut de gamme en croisant des plants cultivés à partir de certaines graines. Tels de fins gastronomes, ils analysent les effets que procure la drogue. Pour l’un d’entre eux, si le goût est primordial, le plus important est l’extase qui découle de la fumette et la teneur en THC est un point crucial. Les ressentis peuvent varier d’une personne à l’autre en raison de toutes les substances chimiques contenues dans la plante. Pour un autre, pas la peine de se lancer dans des justificatifs scientifiques, pourvu qu’on ait la cervelle défoncée, qu’on soit complétement déchiré et propulsé dans la stratosphère en moins de deux. Morio va ainsi développer des plants d’une qualité exceptionnelle qui vont susciter la convoitise de toute la mafia du coin.
Dès ce deuxième tome, la série passe à la vitesse supérieure. En voulant financer les conséquences de l’accident de circulation de sa femme, le fleuriste à la main verte, si verte qu’elle en serait presque dorée, a mis les mains dans un engrenage bien dangereux. A la proposition d’un sacré lascar, il s’est vu invité à produire des plants de cannabis pour de grosses sommes d’argent. Aujourd’hui, ce fameux lascar, Kagayama, se voit rattrapé par une autre bande de mafieux à qui il a voulu la mettre à l’envers, comme on dit. Morio va-t-il échapper à la vengeance et la revanche de la concurrence ? Va-t-il pouvoir continuer ses activités illicites ? En tous cas, en face, ils ont l’air très très énervés.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le mangaka Yûto Inai ne perd pas de temps. A la manière de Naoki Yamakawa et Masashi Asaki dans My home hero, il place son héros dans un engrenage d’où il semble impossible de sortir. Alors que Tetsuo Tosu a tué un yakuza pour sauver sa fille dans My home hero, et se retrouve avec la bande de la victime à ses trousses, Morio Chitô, dans Tokyo Cannabis, se trouve dans une situation financière qui l’oblige à continuer ses activités illicites sans être repéré par ses adversaires. Dans les deux situations, ces héros, qui n’étaient en aucun cas destinés à l’être, défient l’impossible, à savoir des organisations criminelles impitoyables. Pour en rester sur Tokyo Cannabis, Yûto Inai montre la violence sans émotion des barons de la drogue, tant et si bien qu’on aurait presque pitié pour les bandits qui sont eux-mêmes martyrisés. Le cliffhanger final sonne comme un défi. Pas question d’en dire plus pour maintenir un suspens qui monte crescendo.
Rares sont les séries qui démarrent ainsi sur les chapeaux de roues. Tokyo Cannabis est un exemple de construction narrative addictive. Planant.
Série : Tokyo Cannabis
Tome : 2
Genre : Shonen
Scénario & Dessins : Yûto Inai
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505122760
Nombre de pages : 160
Prix : 7,70 €
- « Je n’ai pas oublié… » Histoires de la Shoah par ballespar Laurent Lafourcade
Les derniers témoins
« -Maman, qu’est-ce qu’on a fait de mal ?…
-Tu n’as rien fait de mal, Chaïm… Tiens-moi fort la main. Je suis là.
-Adieu Salomea…
-Adieu Szymon. S’il vous plaît, commencez par mon fils… Je ne veux pas qu’il me voie…
-Comme tu veux. »
1942, près de Lublin, en Pologne, des soldats allemands ayant envahi le pays raflent la population juive. Les hommes sont déportés dans des camps de travail. Les femmes, les enfants et les vieux sont priés de se déshabiller et de descendre dans une tranchée creusée en pleine forêt par les nazis. Ils y sont abattus comme du bétail avant d’être recouverts de terre. Une horreur innommable. Aujourd’hui, des témoins racontent les massacres qu’ils ont vus, comme Maria, quatre-vingts ans, dix ans à l’époque, qui a vu tant de personnes abattues sous ses yeux. Passé sous silence dans les programmes scolaires, c’est l’histoire de la Shoah par balles. Ce livre en est le témoignage.
En 2022 et 2023, des étudiants d’Albi et leurs professeurs sont partis en Pologne. Grâce à l’association Yahad-In Unum, ils ont rencontré des témoins de la Shoah par balles et des historiens. C’est de ces rencontres que découlent les faits relatés dans cet album. Les étudiants travaillent sur l’héritage historique européen et la réflexion citoyenne à travers l’étude de cet événement tragique à l’Est de l’Europe. La Shoah par balles est beaucoup moins connue que les chambres à gaz et les fours crématoires. Elle a pourtant fait deux millions de victimes. Malgré le temps qui a passé et le poids des années, les derniers témoins racontent l’indicible.
Pierre-Roland Saint-Dizier et Christophe Girard apportent un livre-témoignage choc, indispensable œuvre de mémoire. La nature ayant repris ses droits, il ne reste plus que les récits des survivants pour raconter ce qu’ils ont vu. Il n’y a pas d’archives. Il était urgent de recueillir les témoignages avec la question cruciale : Quelle valeur donner au témoignage d’un enfant 80 ans après les faits ? Pour être le plus objectif possible, le journaliste raconteur remonte aux origines de l’invasion de la Pologne par le troisième Reich. Les 10 % de la population juive polonaise se sont trouvés au cœur de la politique exterminatrice nazie. En fin d’album, un cahier pédagogique concrétise encore plus le drame. Les travaux de l’association Yahad-In Unum, organisme de recherche et d’enseignement des génocides et des crimes de masse, et ceux des étudiants chercheurs sont illustrés par les photos de vestiges et des témoins âgés dont les rides sont creusées par le cauchemar.
« Il a vu les nazis, le massacre des juifs, les balles dans la nuque à bout portant, les enfants traînés comme des chiens, la fosse commune se remplir, la terre bouger au-dessus des cadavres. » Cette phrase glaçante résume le propos. « Je n’ai pas oublié… » Histoires de la Shoah par balles est à ranger à côté d’œuvres majeures comme Maus ou Visages-Ceux que nous sommes.
One shot : « Je n’ai pas oublié… » Histoires de la Shoah par balles
Genre : Histoire
Scénario : Pierre-Roland Saint-Dizier
Dessins & Couleurs : Christophe Girard
Éditeur : Editions du Rocher
ISBN : 9782268109558
Nombre de pages : 150
Prix : 19,90 €
- Rebuild the world 008par Laurent Lafourcade
Tête pensante
« -Je vois que Monsieur n’est pas un grand bavard. Tu veux bien me donner ton nom, au moins ? Notre rencontre est sans doute un signe du destin. Je te ferai l’honneur de le retenir.
-Akira.
-Enchantée. Moi, c’est Nelia. Je me souviendrai de ton nom jusqu’à la fin de tes jours. Profites-en, ça ne devrait pas durer plus d’une trentaine de secondes. »
Est-ce le dernier combat pour Akira ? Face à Nelia, guerrière aguerrie aux lames composées de métal liquide, le chasseur de reliques semble en bien mauvaise posture. Sa combinaison a perdu une partie de ses fonctions. Alpha, son ange gardien, tente de la piloter malgré tout, mais pour pouvoir y arriver, il va falloir gagner du temps, chose que Nelia n’est pas du tout disposée à laisser. Sans spoiler le récit, Akira va se sortir de ce mauvais pas, Nelia aussi, mais pas dans le même état. Si Akira, pris pour un pilleur de reliques, va être arrêté par les forces de défense de la cité de Kugamayama, Nelia est interrogée par un certain Yanagisawa qui cherche à en savoir plus sur le fameux Caïn, qui serait à la tête d’un groupuscule nationaliste de voleurs de reliques.
Episode de transition pour Akira qui va se trouver proposer une nouvelle mission alors qu’il sort juste d’une passe bien complexe à gérer. Si les combats sont bien mis en scène, l’intrigue avance à petits pas. Comme on l’a dit dans la chronique du tome précédent, on aimerait à présent que l’intrigue se recentre sur les reliques, pour que les lecteurs en aient une vision plus concrète.
C’est avec une certaine virtuosité que Kirihito Ayamura met en scène le face-à-face ouvrant le volume. Il serait presque musical, chorégraphié par un metteur en scène de spectacle. Plus loin, le mangaka montre qu’il est capable de passer d’une tendresse presque érotique à un massacre virtuel, mais massacre quand même.
Une adaptation anime a été annoncée. Rappelons qu’à l’origine Rebuild World est un web novel écrit par Nafuse en 2017. Le roman a après été adapté en light-novel, illustré par Gin. Il est prépublié dans le Dengeki Bunko de ASCII Media Works. 11 tomes sont déjà parus au Japon.
Sans révolutionner le genre, Rebuild the world est une valeur sûre du paysage shonen du moment. Divertissant.
Série : Rebuild the world
Tome : 8
Genre : Shonen Survival
Roman d’origine : Nahuse
Dessins : Kirihito Ayamura
Design des personnages : Gin
Design de l’univers : Yish
Design des machines : Cell
Éditeur : Vega Dupuis
ISBN : 9782379503665
Nombre de pages : 178
Prix : 8,35 €
- Fidjipar Laurent Lafourcade
Liberté, fraternité, fraternité
« -S… Sam ?!!
-Bula, mon pote ! Ça veut dire bonjour en fidjien !
-Mais… Mais qu’est-ce que tu fous là ?
-Je voulais te voir avant Biarritz !
-Merde, j’arrive pas à le croire !
-Direct les câlins ? T’as pas baisé depuis longtemps, toi ! Moi aussi j’suis content de te voir, petit frère. »
Vincent, la trentaine, a tout pour être heureux. Il s’apprête à acheter un appartement en plein Paris avec sa compagne. Il bosse dans une start-up dans la billetterie avec son beau-père qui est prêt à leur prêter de l’argent. Bref, l’avenir s’annonce radieux. Pourtant, l’homme est empreint de mélancolie. Il aurait préféré s’installer à Biarritz, où il a grandi avec son frère Samuel, parti aux îles Fidji. Vincent est nerveux, impulsif. Il va même passer une nuit en garde à vue après avoir balancé une bouteille sur une voiture de flics. Il est sous anti-dépresseur. Il a changé, mais sa chérie n’a pas l’intention de le laisser tomber. Ce ne sera pas réciproque, parce qu’au retour de Sam, il va tout plaquer pour faire avec lui un road trip jusqu’à Biarritz.
Si vous voulez lire une histoire qui ne ressemble en rien à tout ce que vous avez pu ingurgiter jusqu’à présent, cet album est fait pour vous. Fidji est avant tout une histoire de fraternité. Deux frères se retrouvent après un an de séparation où tous leurs codes ont été déstructurés. On ne peut pas dire que leur route sera semée d’embûches, puisque ce sont eux qui les mettront. Entre intrusion illicite, rapine de commerce et rencontres opportunes, Sam et Vincent vont se retrouver, se chercher,… Iront-ils jusqu’à se perdre ? Les auteurs, en tous cas, n’aident pas les lecteurs à s’y retrouver. Mais tout ça est parfaitement conscient.
Jean-Luc Cano prend le prétexte d’un road trip pour un récit d’introspection au plus profond des âmes tourmentées de deux frères. Le scénariste malin n’indique jamais au lecteur vers où l’intrigue va les mener. On s’attend à un récit psychologique. On attend la problématique. On cherche le thriller. Il ne vient vraiment jamais. A quoi bon les Fidji ? A quoi bon Biarritz ? Simplement parce que l’un est de l’autre côté de l’océan de l’autre ? Cano, lui, sait très bien ce qu’il fait. Bien futé celui qui le devinera avant la fin, poignante à arracher des larmes. C’est dans la dernière scène que le lecteur peut ajouter la pièce qui tient l’ensemble du récit et comprendre tout ce qu’il s’est passé jusque-là. Une mise en scène incroyable.
Bien loin des Nains des Guerres d’Arran, Pierre-Denis Goux s’empare de ces destins singuliers, cachant dans les regards les secrets, les angoisses, les joies et les doutes de la fratrie et des personnages qui gravitent autour, comme des dommages ou des sauvetages collatéraux. Le découpage, avec de nombreuses grandes cases, des planches muettes, donne un rythme singulier. L’album doit également beaucoup aux couleurs de Julia Pinchuk qui ouvre et clôt le récit avec un coucher de soleil qui en dit très long. Chaque scène est habillée d’un ton qui marque le moment. C’est dans les livres comme celui-ci que ceux qui douteraient encore peuvent s’assurer qu’une ou un coloriste est un auteur au même titre que les autres.
Fidji est de ces albums où l’on n’est plus tout à fait le même après les avoir lus. Il démontre que la fraternité est plus importante que toute liberté et toute égalité. Encore plus poignant qu’on ne s’attend pas du tout au final.
« Puisqu’on ne sera toujours
Que la moitié d’un tout
Puisqu’on ne sera jamais
Que la moitié de nous
Mon frère….
Bien sûr que rien ne pourra jamais nous l’enlever
Bien plus que tout ce que la vie peut nous accorder
L’amour sera toujours cette moitié de nous qui reste à faire
Mon frère … »
(extrait de la chanson Mon frère, dans Les 10 commandements)
One shot : Fidji
Genre : Emotion
Scénario : Jean-Luc Cano
Dessins : Pierre-Denis Goux
Couleurs : Julia Pinchuk
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
ISBN : 9782413085409
Nombre de pages : 160
Prix : 22,95 €
- Show-Ha Shoten ! 4par Laurent Lafourcade
Avant l’aller simple
« -Nous vous prions de bien vouloir nous excuser mais ces délibérations ont duré plus longtemps que prévu. Comme tous ces duos étaient très bons, les membres du jury ont débordé d’enthousiasme ! Bref, passons sans plus attendre à l’annonce des résultats !
-Merci ! Voici donc le bulletin avec le nom du vainqueur. Le duo qui remporte ces éliminatoires du 2ème groupe de la région du Kantô pour participer à la phase finale de l’édition 2022 du Kôshien du rire est… »
Azemichi Shijima et Taiyô Higashikata attendent impatiemment les résultats du concours d’humour lycéen auquel ils viennent de participer. Taiyo a réussi à rebondir sur le trou de mémoire de son complice. Mais cela suffira-t-il à passer les éliminatoires du Kôshien du rire ?
A part ça, Taiyo est déchiré entre son père et sa mère qui sont séparés. Malgré tout le temps que ses parents lui ont consacré, il a décidé d’arrêter ses cours d’expression scénique et ses passages à la télévision. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, la phase finale du concours va être diffusé sur le petit écran. Il décide donc de faire face à sa mère et de lui présenter l’alter ego de leur duo « Aller simple pour les cieux ». Alors qu’il craignait sa réaction, elle va être tout autre que ce qu’il imaginait.
Le cœur de ce quatrième tome de Show-Ha shoten ! est un flashback sur les années de Taiyo qui ont précédé sa rencontre avec Azemichi. On va découvrir les relations qu’il avait avec Kunugi, son ancien partenaire malheureusement décédé. On l’accompagne dans ses derniers jours avec une émotion intense. Ce sont des instants qui ont fatalement forgé Taiyo. C’est avant tout pour lui qu’il cherche à devenir une star de l’humour.
Akinari Asakura etTakeshi Obata passent en phase introspection. Ce n’est pas que le rire fasse place aux larmes. D’ailleurs, bien que la série ayant pour thème le rire, elle n’est pas foncièrement drôle. Et ce n’est pas cela qu’on lui demande. Les parents de Taiyo d’un côté, son premier camarade de scène de l’autre, sont les deux fléaux de la balance qui ont fait du jeune homme ce qu’il est à présent.
Entre les chapitres, le scénariste raconte son expérience dans le domaine des concours d’humour lycéens. Il explique comment il apprenait le texte et la gestuelle des humoristes professionnels. Il témoigne du fait que dans ses passages, seuls 20 % de ses sketchs ont fait rire le public aux éclats et 10 % étaient des gros flops. Il montre enfin pourquoi il n’est pas devenu un humoriste professionnel. Il remet ainsi les pieds sur terre aux lecteurs qui pourraient penser la tâche aisée.
Une des forces de ce manga est qu’il reste dans la réalité. Il ne prétend pas dépeindre un milieu facile d’accès où tout le monde peut réussir. Comme dans la vie, il faut se battre, se dépasser, comme dans une compétition sportive. Et on le fait avec les armes qui nous ont forgés dans notre passé. The Show(-ha shoten !) must go on.
Série : Show-Ha Shoten !
Tome : 4
Genre : Shonen
Scénario : Akinari Asakura
Dessins : Takeshi Obata
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505126478
Nombre de pages : 212
Prix : 7,70 €
- L’homme en noirpar Laurent Lafourcade
Dénonciation de l’inceste
« -Ivan ! Regarde ce que j’ai trouvé ! Il ne me manque plus que Aigle Doré et j’aurai tous les justiciers ailés…
-Super ! Alors tu peux les envoyer se battre contre l’homme en noir !
-L’homme en noir n’existe pas…
-Ça va, c’est bon… Je plaisante… »
Mattéo est un petit garçon tout ce qui semble de plus équilibré. Il vit avec ses parents et son chien dans un pavillon de quartier résidentiel de banlieue. Mais ses nuits sont peuplées de noir. C’est toujours le même cauchemar. Il habite dans un immeuble, une de ces tours aux milliers d’habitants anonymes, et un homme en noir s’approche de lui. Ça le perturbe. Quand il se réveille, en règle générale, il a fait pipi au lit. Sa chambre est un sanctuaire. Les figurines de ses super-héros préférés le protègent. Il vient d’en avoir une nouvelle, Super Faucon, dans l’œuf-surprise que lui a offert son père, comme tous les dimanches ou tous les jours où l’on a envie d’offrir un cadeau à son fils préféré. Après l’école, c’est le temps des retrouvailles avec le chien Tommy, l’heure des devoirs, le dîner en famille, quelques dessins animés, le brossage des dents, puis le moment de retourner dans sa chambre pour la nuit… une nouvelle nuit d’angoisse.
L’homme en noir est une histoire qui traite d’un sujet complexe à aborder : l’inceste. Dans les discrets remerciements des auteurs en préface, le scénariste Giovanni Di Gregorio l’annonce : « Cette histoire est librement inspirée de mon expérience personnelle, même si je ne m’en sui rendu compte qu’à la fin. » Avec le récit de Mattéo, loin des Sœurs Grémillet, il exorcise un cauchemar de la réalité dont on ne se remet jamais. Il faut une résilience incroyable. Di Gregorio brouille les pistes en nous envoyant dans des directions qui ne mènent pas droit au bourreau. On est même parfois perdus entre la maison pavillon des jours et l’immeuble des nuits, tant et si bien qu’on se demande parfois où vit réellement la famille de Mattéo. A la fin, comme lui, on assemble toutes les pièces du puzzle pour comprendre la métaphore.
Qui aurait pu se douter que le graphisme de Grégory Panaccione pouvait dégager autant d’émotion ? Avec un dessinateur réaliste, il aurait été facile de tomber dans le pathos et le larmoyant, mais sans forcément du recul. Avec le semi-réalisme de Panaccione, on atteint une autre dimension, faussement rassurante pour les jours, étonnamment terrorisante pour les nuits. Les double-planches posent des scènes suspendues. La porte qui se referme sur la chambre vide de Mattéo le matin ou la chute virtuelle au milieu des tours sont des images infiniment puissantes, comme celle, glaçante, de Mattéo, dont on voit les yeux écarquillés dans le reflet de la vitre, apercevant par la fenêtre l’homme en noir debout sur le toit de la maison voisine, tel un croque-mitaine, cigarette à la main, qui lui fait coucou. La couverture synthétise à elle seule le concept d’emprise : le bourreau écrase l’enfant de tout son poids en éteignant son mégot.
L’homme en noir est un album témoignage qui peut aider à délier des langues. L’inceste est un crime qui a tendance à culpabiliser les victimes. Si l’album peut aider, même des années après, ne serait-ce qu’une seule personne à dénoncer, il aura atteint son but. Au-delà du message, le livre est scénaristiquement et graphiquement remarquable. Indispensable.
One shot : L’homme en noir
Genre : Emotion
Scénario : Giovanni di Gregorio
Dessins & Couleurs : Grégory Panaccione
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
ISBN : 9782413082729
Nombre de pages : 128
Prix : 19,99 €
- Le vrai trésor, c’est Bayonnepar Laurent Lafourcade
Dans le cœur et dans le temps de la ville basque
« -Tu as gagné au loto ?
-Beaucoup mieux que cela !… J’ai une grande nouvelle à t’annoncer. Têtaclic, la boîte qui m’emploie vient de prendre la décision qu’on attendait tous… »
Paris, quatorzième arrondissement. Mais quelle est donc cette nouvelle que Gorka vient annoncer à sa compagne Manon, bouteille de champagne en mains ? Non, non, non, il ne vient pas la demander en mariage. Non, non, non, il n’a pas gagné au loto. Son patron s’étant rendu compte que le télétravail marchait très bien, il a vendu les locaux du siège social. Comme Manon est traductrice et peut donc travailler de n’importe où, Gorka a décidé qu’ils allaient déménager définitivement à Bayonne dans son Pays Basque natal. Le moins que l’on puisse dire, c’est que sa blonde n’est pas enchantée. Réussira-t-elle à s’y faire ? Gorka va tout faire pour qu’elle s’y sente bien. Entre le marché des halles et le stade Jean Dauger, le mal de la capitale ne va pas tarder à rattraper Manon. Elle, supportera-t-elle le retour à Paris sans son chéri ? Lui, vivra-t-il sa vie de rêve de bayonnais ?
Bien évidemment et pour notre plus grand plaisir, non. Les amoureux ne vont pas pouvoir se passer l’un de l’autre. Manon revient. Gorka organise une visite culturelle du vieux Bayonne. C’est en lisant un livre consacré à l’histoire de la ville acheté dans une vieille librairie que le couple découvre, collé entre la couverture et les pages de garde, une lettre d’époque signé Antoine VII, duc de Gramont, pour sa bien aimée Marie-Henriette. Commence alors pour Manon et Gorka une enquête historique. Qui était-il ? En quoi était-il lié à l’histoire de Bayonne ? C’est parti pour un voyage de plus de deux-cent cinquante ans dans le temps.
Jean-Yves Viollier et Pierre George délaissent momentanément les forces de l’ordre représentées par Manzana et Patxaran pour un voyage empreint d’émotion à Bayonne. L’album se divise en deux parties distinctes : celle de l’arrivée au Pays Basque, avec ses traditions et sa culture, sa multiculture même, puis celle sur l’histoire de la ville au XVIIIème siècle. Connaissant les auteurs, ne vous attendez pas à une histoire trop didactique. L’humour n’est pas oublié. Le basque est libéré et décomplexé. N’est-ce pas Gorka ? Et quel plaisir tout au long de l’histoire de retrouver les lieux familiers. Le marché de Noël et la grande roue, le petit Bayonne, le Musée basque, le trinquet Saint-André, la rue Pannecau, jadis célèbre pour un certain commerce, la librairie de la Rue en pente et ses critiques acerbes pas forcément nécessaires, le Château-Neuf et le cabaret de la Luna Negra : l’immersion est totale. On apprend même des choses. Saviez-vous que Saint-Esprit était à l’origine une ville à part ?
La prochaine fois que vous arpenterez les rues de Bayonne, ou même si vous le faites pour la première fois, allez-y avec cette BD en mains. Ça vaut mieux que n’importe quel guide touristique. Et si pour un prochain album les auteurs proposaient le pendant pour Biarritz, dont on apprend dans ce livre la différence avec Bayonne ? Maïder Arosteguy, la mairesse, ne serait certainement pas contre. Le vrai trésor, ce sont les albums de Jean-Yves Viollier et Pierre George.
One shot : Le vrai trésor, c’est Bayonne
Genre : Visite historique
Dessins & couleurs : Pierre George
Scénario : Jean-Yves Viollier
Éditeur : Atlantica
ISBN : 9782758805809
Nombre de pages : 52
Prix : 18 €
- Miss Chat 4 – Le chat rebootépar Laurent Lafourcade
Félinspiration
« -Il y a quelques jours encore, ma fille était une virtuose, une petite Paganini… Et son violon est un Stradivarius, le plus cher au monde. A présent, quand elle tente un simple menuet de Mozart, on croirait entendre, excusez-moi, un chat qu’on étripe.
-Comment expliquez-vous ça ?
-On lui a volé son talent.
-Qui ? Comment ?
-Vous êtes là pour le découvrir. C’est vous la spécialiste des cas difficiles. »
Une Rolls-Royce est venue chercher Miss Chat. L’automobile la conduit 100 Lac Toze pour une affaire de la plus haute importance. Elle arrive à Elonmüx, le nouveau parc à riches au nord-ouest de la ville, chez Knut Klikenbom, le Pharaon de la Tech. Elle est reçue par son épouse qui lui expose le problème. Leur fille Klorina était une virtuose du violon. Depuis quelques jours, elle joue comme une casserole. C’est inaudible. On lui aurait volé son talent. Quel qu’en soit le prix, Miss Chat est engagée pour démêler l’intrigue. Y aurait-il un rapport avec la disparition de Bolex, le chat de Klorina ? Pour 50 krotz par jour plus les frais, voilà Miss Chat embarquée dans une enquête bien mystérieuse.
Jean-Luc Fromental et Joëlle Jolivet ne pensaient certainement pas écrire un best-seller lorsqu’ils ont créé Miss Chat dont voici le quatrième volume. 22 000 exemplaires vendus en trois tomes. Incroyable pour une bande dessinée jeunesse petit format s’adressant aux lecteurs débutants… mais pas qu’eux. Voilà peut-être le secret de fabrication si secret il y a. La dessinatrice Joëlle Jolivet, dans un graphisme dynamique et jeté, est dans l’esprit Lisa Mandel. Fromental s’adresse aussi aux parents. Il parsème son scénario de clins d’œil à plusieurs degrés. Cet épisode raille la high-tech. Knut Klikenbom, le père de Klorina, est le créateur du réseau social Klik Klik qui l’a rendu milliardaire. Il pense que tout s’achète mais ce n’est pas si simple que ça. Dans un autre ordre d’idées, les jumeaux Dum et Dee, ces forbans, rappelleront aux plus anciens Tweedeldum et Tweedledee, popularisés par leur apparition dans Alice au pays des merveilles.
Miss Chat n’a pas de portable. Les félins sont sensibles aux ondes électromagnétiques. Pour la joindre, il suffit de laisser un message au Polp’z Milk-Bar. Son ami barman Ole les lui transmet. C’est un poulpe. Il lui fait les meilleurs lait-fraise. Dans ses recherches, elle se fait aider par Griselda, sa copine archiviste du Dag Tablet, le plus grand quotidien de la ville. Elle est en fauteuil roulant. Les auteurs démontrent ainsi que quelle que soit sa condition, on a tous quelque chose à apporter aux autres. Au-delà de cette enquête de double disparition, celle d’un talent et celle d’un chat, le sujet majeur de l’album est l’intelligence artificielle. A quoi sert-elle ? Comment s’en servir ? Quelles sont ses limites ? Sans dévoiler le final, avec leur héroïne non connectée, on peut dire que les auteurs ont réussi le challenge de démontrer que l’essentiel est ailleurs.
Miss Chat n’a pas fini d’enquêter à pas feutrés, ou plutôt à pattes de velours. Après l’IA qui en prend une claque dans cet épisode, quelle sera sa prochaine énigme à dénouer ?
Série : Miss Chat
Tome : 4 – Le chat rebooté
Genre : Enquête
Scénario : Jean-Luc Fromental
Dessins & Couleurs : Joëlle Jolivet
Éditeur : Hélium
ISBN : 9782330190774
Nombre de pages : 64
Prix : 13,90 €
- Les cahiers de la BD Hors-série – XIII Le cycle du Soleil Noirpar Laurent Lafourcade
XIII, un thriller incontournable
« –Je n’aime pas vous voir aller là-bas tout seul, XIII.
-Il faut bien que quelqu’un reste à l’arrière-garde, Major.
-Prenez tout de même ça, je préfère.
-Si dans trois heures je ne suis pas de retour, rentrez à Northshore, contactez Carrington et racontez-lui tout. »
Pour ceux, s’il y en a, qui ne connaitraient pas le bonhomme, XIII est un amnésique soupçonné d’avoir assassiné le président des Etats-Unis. Est-il vraiment le tueur professionnel qu’on lui fait croire qu’il est ? Toute une organisation criminelle gravite autour de lui. Entre magouilles politiques et manœuvres militaires, la quête d’identité de XIII n’est pas un long fleuve tranquille.
Le cycle du Soleil Noir, premier arc scénaristique étalé sur huit albums de la mythique série XIII, reste l’un des récits les plus marquants de la bande dessinée. Rien ne laissait présager que ce héros, qui servait de bouche-trou à Vance en manque de scénario de Bruno Brazil, allait changer le paysage réaliste du neuvième Art. Il était donc logique et naturel que les cahiers de la bande dessinée consacrent un numéro hors-série au phénomène.
Commençons avec un entretien avec Jean Van Hamme. Le scénariste est transparent. Il a toujours dévoilé ses méthodes de travail, et pourtant, jamais personne n’a réussi à faire aussi bien que lui. « Pour le suspense, j’appliquais la technique de Guignol. Guignol ne voit pas le gendarme qui arrive derrière lui, mais tous les enfants le voient et crient : « Guignol, Guignol ! » ». Ça semble si simple dit comme ça, mais il y a en filigrane tout le savoir faire du chef trois étoiles. Il envoie à son dessinateur le scénario complet. Il conçoit chaque tome comme une séquence. Un parallèle est ensuite fait avec les principaux héros créés par le scénariste, des moins célèbres Mr Magellan, Tony Stark, aux célébrissimes Thorgal et Largo Winch. Le titre du chapitre suivant est éloquent : Hommage, plagiat ou inspiration ? Jason Bourne et Jason Fly, même combat ; Jean Van Hamme et Robert Ludlum aussi ? Bien que le belge se dise plus inspiré par la littérature française de Dumas et Leblanc, il y a forcément une filiation.
Dans une compilation d’entretiens, William Vance, disparu en 2018, donne la vision de son travail sur XIII, le lent décollage de la série, ses méthodes de dessin, ses inspirations. Douze particularités de sa mécanique graphique sont détaillées, avant de s’attarder sur le visage même de XIII. On revient ensuite à des préoccupations plus matérielles, avec l’aventure éditoriale de XIII qui, peu de gens s’en rappellent, a débuté en juin 1984 dans le journal Spirou. Pour la dernière partie de ces cahiers consacrée aux femmes, quoi de mieux que de donner la parole à Petra ? La femme de William Vance, qui vient tout juste de nous quitter, a été longtemps coloriste de la série, qu’elle voulait incarnées. Des comparatifs noir et blanc / couleurs démontrent leur importance et leur efficacité.
Un focus sur les principaux personnages féminins de la série contrebalance avec la mise en évidence du côté obscur de l’Amérique, espionnage et Ku-Klux-Klan, avant que l’on conclue sur les clins d’œil cachés dans les cases.
Les cahiers de la bande dessinée hors-série sont des petites bibles sur les séries historiques qui y sont traitées. Ceux consacrés à XIII ne dérogent pas à la règle en donnant envie de se replonger illico presto dans la saga culte.
Série : Les cahiers de la BD Hors-série
Tome : XIII Le cycle du Soleil Noir
Genre : Ouvrage d’étude
Rédacteur en chef : Nicolas Tellop
D’après la série de : Vance & Van Hamme
Éditeur : Vagator Revival
ISBN : 9791096119806
Nombre de pages : 128
Prix : 19,90 €
- Les héritiers d’Agïone 1par Laurent Lafourcade
Le deuil de la princesse
« -Tu es déjà morte une fois, tu n’auras pas de seconde chance !
-Je sais ! Je suis jeune et en bonne santé et, pour le reste, je sais me défendre. Je ne vois pas ce qui pourrait m’arriver de mal !
-Moi, j’ai ma petite idée…
-Qu’est-ce que tu racontes ?
-Eh bien, c’est le roi ! Il est furieux !
-Mon père ? Furieux ?? Qu’est-ce que j’ai encore fait ?
-Ben… Il t’attend. Tu sais, pour les jeux… Tout ça, tout ça…
-Les jeux d’Oranone… J’avais complètement oublié ! »
Nous avons tous droit à une seconde vie en cas de mort précoce, mais il existe une exception : les nouveaux-nés. Trop faibles et trop purs, ils ne ressuscitent jamais, sauf Adalise, celle que l’on nomme la Princesse Cadavre. Aujourd’hui, son père le roi est furieux. Les jeux d’Oranone ont débuté et elle n’est pas là. Elle est attendue à Cendréclat, capitale de Tyriadoc. Elle est accompagnée du jeune Gidéon. Son frère Adel n’est pas franchement ravi de l’arrivée de sa sœur. De plus, c’est aujourd’hui le dixième anniversaire de la mort de leur mère. L’épreuve du jour consiste à combattre un Maudit, un monstre créé à l’image de son trépas, quelqu’un dont la première mort a été si violente que sa renaissance en a été désastreuse. Celui qui réussira à le tuer sera couvert d’or et de gloire.
Après des débuts en auto-édition, Tpiu entre dans la cour des grands, chez Kana, avec Les héritiers d’Agïone. Comme chez Elsa Brants, on est dans le médiéval, mais version plus sérieuse. La princesse Adalise Dalmore est la fille du Roi Theneren et de la Reine Sylone, aujourd’hui décédée. Le Roi vit avec sa concubine Adélaïde. Adalise a cinq frères, princes héritiers. Des guerres font rage dans les royaumes de Lyöre, tout autour du pays, mais le roi a décidé de ne pas s’en mêler. De nombreux jeunes gens du peuple seraient pourtant prêts à guerroyer. Heureusement que pour calmer leurs ardeurs il y a les jeux d’Oranone. Il faut bien distraire le peuple pour éviter qu’il ne se mêle de politique. Toute ressemblance avec les jeux olympiques serait purement fortuite (lol). La deuxième partie de ce premier tome est centrée sur la mission que se donne Adalise, pour toujours au secours de l’enfance, celle des autres et la sienne.
Le graphisme de Tpiu est déjà d’une incroyable maturité. Nourrie aux plus grands mangakas, elle démontre que l’on peut s’inspirer sans jamais plagier. Les Maudits ne sont pas sans rappeler les Akumas de Katsura Hoshino dans D-Gray Man. L’univers de Tpiu mêle le médiéval à un fantastique torturé. Le thème principal de la série est le deuil et les frontières de la mort. Adalise cherche à tout prix sa mère, refusant sa disparition. Le twist final va tout remettre en question.
Pour accompagner le trailer du lancement de la série, avec l’aide de deux amis, l’autrice a écrit et composé une chanson. On peut l’écouter sur Souncloud : https://soundcloud.com/t8piuart/la-princesse-cadavre.
La mangaka Tpiu démarre une série qui s’annonce étonnante. Les deux tomes suivants devraient sortir dans le courant de l’année.
Série : Les héritiers d’Agïone
Tome : 1
Genre : Shonen
Scénario & Dessins : Tpiu
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505116400
Nombre de pages : 200
Prix : 7,70 €
- Guerres d’Arran 4 – La bataille des cités-étatspar Laurent Lafourcade
Exode et résistance
« -Entre, Dalyam. L’émissaire de notre reine n’attendait plus que toi pour parler… En ces temps difficiles, les nouvelles reines de Duhann et Daëdenn se sont entendues pour conduire nos peuples à la forteresse delierre comme autrefois lors de la guerre des goules !
-Et les prisonniers ?
-Les anciens traités sont caducs. Les sylvains n’ont plus à accepter la présence de ces êtres qui souillent notre forêt… «
Le monde craque de toutes parts. Camilia, cette sorcière, s’est auto-proclamée reine des cités-états et commande une armée qui assiège la forêt de Duhann. Les elfes sylvains de la forêt de Daëdenn n’ont pas d’autre choix que de s’allier aux rebelles emprisonnés à Armuhr, mais ce n’est pas l’avis de tout l’état-major elfique. Pour l’instant, ils ont juste une responsabilité envers leurs détenus. Les nouvelles reines de Duhann et de Daëdenn s’allient pour conduire les elfes à la forteresse de lierres. L’elfe Dalyam est chargée de partir en reconnaissance pour repérer où sont postées les armées de Camilia. De son côté, le nain Torun, de retour chez lui, invite ses compatriotes à l’exil en Orient pour éviter un génocide.
Le cycle des Guerres d’Arran tient toutes ses promesses en faisant référence à de très anciens tomes des mondes d’Aquilon, alors nommés Terres d’Arran. On retrouve Dalyam, l’elfe qui a pourchassé et réglé leurs comptes à trois culs-verts évadés des geôles d’Armuhr, dans une région infestée de goules et dans le premier volume d’Orcs et gobelins. Le nain forgeron de la légion de fer, Torun, rentre chez lui après neuf ans d’absence, quand il avait donné sa première leçon de forge au seigneur Redwin, dans le tome 1 de Nains.
L’exode des nains n’est pas sans rappeler la cohorte de gens fuyant vers la zone libre pendant la seconde guerre mondiale. Ces guerres d’Arran apparaissent de plus en plus comme une synthèse des grands conflits du XXème siècle. Les dialogues et en particulier les cartouches narratifs de Nicolas Jarry sont finement écrits, quelques fois sur un ton, dédramatisant avec les situations, que n’aurait pas renié Frédéric Dard, l’auteur de San Antonio. Pour exemple : « Lizi avait décloqué deux chiars, déjà gaillards, qui arquaient avec leur paternel. » David Courtois, valeur sûre de l’univers, a pris en charge le story-board de cet album dessiné par Alex Sierra, lui aussi pièce maîtresse, et Livia Pastore, qui n’en est pas non plus à son coup d’essai. Ajoutons à cela les couleurs de J.Nanjan qui harmonisent le concept créé par le débordant d’imagination Jean-Luc Istin et ces Guerres d’Arran ne peuvent pas décevoir.
La bataille des cités-états marque un tournant dans les Guerres d’Arran. La Résistance se met en place. Bien malin qui pourra prédire l’issu du massacre.
Série : Guerres d’Arran
Tome : 4 – La bataille des cités-états
Genre : Héroïc-Fantasy
Scénario : Nicolas Jarry
Dessins : Alex Sierra & Livia Pastore
Storyboard : Alex Sierra
Couleurs : J.Nanjan
D’après un univers créé par : Jean-Luc Istin
Éditeur : Soleil
ISBN : 9782302096318
Nombre de pages : 60
Prix : 15,95 €
- Trois touches de noir 1 – Quelque chose de froidpar Laurent Lafourcade
Engrenages sanglants
« -Bonjour, je suis…
-Je sais qui vous êtes; la police est passée ce matin pour payer d’avance une chambre pour la semaine.
-La police ? Pourquoi la police ?
-C’est un tueur, papa ? Hein, c’est un tueur ?
-Voyons, voyons ! Ce charmant monsieur me semble bien avenant pour être un meurtrier !
-La tromperie est dans le cœur de ceux qui méditent le mal ! »
1936, Cleveland, Ohio. Il croyait arriver dans un hôtel miteux, Ethan Hedgeway débarque plutôt à la cour des miracles. Une gueule cassée à l’accueil, un pasteur, une beauté unijambiste, un père et son fils, c’est original comme comité d’accueil au Maimed King. Si Ethan débarque là, c’est parce que la police l’y a mis au vert pour une semaine. Il a balancé le parrain de la pègre Frank Milano qui a commencé à se venger sur sa femme en la démembrant. Aujourd’hui, la police espère bien qu’en pistant Hedgeway ils feront sortir le mafieux de sa tanière de Veracruz. Pendant ce temps, un tueur en série sème la terreur dans le quartier pauvre de Kingsbury Run. De quoi raviver la fibre meurtrière d’Ethan. Mais y a-t-il de la place pour deux ?
Avant d’être un polar, Quelque chose de froid est une histoire d’ambiance. Ça commence comme finit Seven. Ça finit comme… Non, ça on ne le dira pas. L’époque n’est pas la même. Nous sommes dans l’Amérique des années 30, celle de la mafia et de la prohibition, celle du silence et du sang. Philippe Pelaez invoque Dashiell Hammett et Raymond Chandler, non seulement sur le fond mais aussi dans la forme. Le scénariste adopte une narration extrêmement écrite, où chaque mot est pensé, dévoilant ainsi des talents littéraires qu’on ne lui connaissait pas. Philippe Pelaez rend hommage au cinéma du même genre, du Faucon maltais au Grand sommeil, de Laura aux Passagers de la nuit. Dans la postface, il revient sur la genèse de Trois touches de noir, conçue comme une trilogie hommage.
Hugues Labiano ne dessine pas le polar. Mieux, il l’ambiance. Entre les ombres, les sentiments passent par les yeux. Les clairs-obscurs jouent les faux-fuyants. Les visages sont marqués, les regards sont empreints de la douleur du poids des passés de chacun des personnages. Au milieu de tout ça, telle Gene Tierney ou Lauren Bacall, Victoria Jordan ne se contente pas d’être la caution féminine, jouant un véritable rôle pivot par rapport à l’ambivalence de caractère d’Ethan. Labiano la pose tout en délicatesse dans ce monde de brute qui ne lui fait même pas peur. Jérôme Maffre ne colorise pas l’album. Il accentue son ton, en niveaux de gris et quelques touches de rouge, si rares et si violentes.
Avec Trois touches de noir, Philippe Pelaez et Hugues Labiano signent le plus bel hommage qui puisse être fait au polar noir américain.
Série : Trois touches de noir
Tome : 1 – Quelque chose de froid
Genre : Polar
Scénario : Philippe Pelaez
Dessins : Hugues Labiano
Couleurs : Jérôme Maffre
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344038109
Nombre de pages : 64
Prix : 15,50 €
- Tifo & Fumi – Mon club, la bière, la famille… dans cet ordre !par Laurent Lafourcade
Ultras foot !
« -Mes chers amis, vous êtes ici présents pour assister à ce duel de binouze fratricide entre… A ma droite Youri Kogorski alias Fumi, et à ma gauche, Marco di Matezzo alias Tifo ! Je rappelle l’objet du duel, le sieur Tifo a accusé le sieur Fumi d’être devenu une chiffe molle depuis qu’il a une femme et des mioches.
-Exactement, une poule mouillée, un canard, un coincoin !
-Je ne suis pas un coincoin ! Et je tiens l’alcool. C’est pour ça que ma nana m’a pas largué après m’avoir trouver à 2h du mat dans le salon, la tête dans une flaque de vomi ! »
Le FC Carquemol n’a pas besoin de se faire de mouron. Le club a dans ses rangs deux supporters on ne peut plus fédérateurs : Marco, alias Tifo, et Youri, alias Fumi. Ces deux-là n’avaient apparemment rien pour s’entendre. Tout les sépare et pourtant ils ont une passion commune, le football. Ils encouragent le même club. Si l’un collectionne les ex, Tifo, l’autre, est père de famille nombreuse : trois mômes dont un bébé. Chacun d’entre eux est habillé en jaune et bleu, les couleurs de Carquemol. Les supporters de Saint-Bridou peuvent raser les murs. En face, on est parés pour leur faire manger le gazon.
Il n’y a pas que le foot dans la vie de Tifo et Fumi. Il y a aussi la famille, les gosses ou les meufs, et la bière. Scénariste et dessinateur sont des petits malins. Pour ceux qui n’aiment pas le foot, il y a forcément un centre d’intérêt à l’album qui commence d’ailleurs par un concours de shots. On n’oublie pas la bouffe, mais gare à un excès de sauce samouraï avant un match. M’enfin, il y aura toujours une solution afin d’être dispo pour la rencontre. Tout dans la vie de nos ultras les ramène au foot, des courses au supermarché au mariage, du procès pour violences conjugales à la partie de jambes en l’air. Rassurez-vous, le foot est bien présent au premier degré aussi. Dans le stade, on y est dans une bonne partie de l’album. Les auteurs ne voudraient pas finir le cul pendu.
Après Footage de gueule et I want to foot you, parus en 2016 et 2017 chez Hugo Sport, le duo d’auteurs se retrouve pour une troisième variation humoristico-footballistique. L’humoriste et spécialiste du football Julien Cazarre scénarise les gags de Tifo et Fumi qui se moquent avec tendresse et passion des aficionados de ce sport. On ne peut railler bien que ce que l’on aime. Dessinateur de La Sotizerie, l’un des meilleurs concepts humoristiques du moment, Jack Domon installe son style fluide-compatible dans les gradins du FC et chez ses supporters.
Les Tifosi peuvent allumer les fumigènes. Le stade est en feu. Le match peut commencer. Allez Carquemol ! Tifo et Fumi ont de quoi vous occuper pendant la mi-temps des matchs de l’Euro : la famille, la bière… et une bonne BD.
One shot : Tifo & Fumi – Mon club, la bière, la famille… dans cet ordre !
Scénario : Julien Cazarre
Dessins : Jack Domon
Couleurs : Aintzane Landa
Éditeur : CasaBD
ISBN : 9782380583984
Nombre de pages : 48
Prix : 16,95 €
- Top 1 1 – Team Bambipar Laurent Lafourcade
Fortnite parodie
« -Chef ! Chef ! On a trouvé !!!
-Vous avez déniché quoi ? Un bazooka ? Des mines ? Des grenades cisaillantes ?
-Non ! On a trouvé… un nom pour notre équipe !!!
-Mais on s’en tape d’un nom d’équipe ! C’est des flingues qu’il faut trouver !
-Mais chef, c’est hyper important le nom d’une team !
-On pourrait se faire reconnaître par les autres équipes et ils nous craindront !
-C’est ok ! C’est quoi votre nom ?
-Les Bambis ! »
Avec un nom d’équipe comme les Bambis, c’est sûr qu’on est parés pour faire Top 1 sur Fortnite ! Non, ne vous y trompez pas, on a bel et bien à faire à une bonne équipe de loosers pour le meilleur… et pour le rire. Tout semblait pourtant bien commencer pour Chef. Faire Top 1, voilà son objectif. Mais pour cela, il faut tout d’abord recruter une fine équipe. Trouvera-t-il les candidats pour humilier les adversaires, les ridiculiser, les mettre plus bas que terre ? Comme il le dit, faire Top 1, c’est devenir un modèle, un exemple, un guide. C’est incarner les valeurs les plus nobles qui soient comme l’altruisme, l’abnégation, le don de soi, pour un monde plus juste, un monde idéal d’amour et de paix. Le casting semblait bien commencer jusqu’à ce qu’un petit problème disons technique n’empêche la plupart des volontaires de rejoindre son équipe, hormis deux bras cassés, Big Gun et Marcel, heureusement pour eux en retard pour le casting… euh… le recrutement.
Avec cette dream team, Chef n’est pas sorti de l’auberge. Marcel a une tête de demi-pastèque. Il a fait sécher son skin que sa maman lui a lavé. Big Gun est en Babygros aux oreilles de lapin et à la culotte de sumo, le torse taché de traces de nourriture, comme un bébé ayant oublié son bavoir. Chaque aventure va se terminer de la même façon. Même principe qu’Iznogoud qui ne parvient jamais à devenir calife à la place du calife : Chef et ses acolytes ne vont jamais parvenir à faire Top 1. Mieux, ils vont même terminer chaque partie façon puzzle. Saut en parachute, attaque de zombies, champignons plus que vénéneux, même quand ils vont s’adonner au street art, ça va mal finir. C’est le concept.
Fortnite est un jeu coopératif en ligne qui est devenu un jackpot financier pour ses créateurs. La plateforme revendique plus de 500 millions de joueurs inscrits de part le monde. Les gameurs s’affrontent par équipes. Un bus de combat les largue sur la « map », la carte du jeu, où ils doivent chercher des armes et des objets pour combattre, se défendre et éliminer les adversaires. Une tempête vient perturber systématiquement le cours du jeu. L’équipe survivante gagne. Ici, ça se dit « Faire Top 1 ». Il était temps que la bande dessinée s’intéresse à ce véritable phénomène de société. Après quelques Comics commerciaux croisant Fortnite avec les univers Marvel et Batman, voici la parodie avec Top 1. On retrouve au scénario l’auteur des impeccables P’tits diables, Olivier Dutto, accompagné de BenJ, et au dessin Alex Fuentes, qui a entre autres signé chez Dupuis la série Perdus dans le futur dont le troisième tome semble perdu dans les couloirs de l’éditeur. Son graphisme particulier sort des sentiers battus, à la manière d’un Artur Laperla, d’un Jean-Claude Poirier ou d’un Fabrice Parme mais sans y ressembler pour autant.
Drôle, l’album parlera bien évidemment plus aux joueurs de Fortnite. Les autres y trouveront un album humoristique classique au côté running gags.
Série : Top 1
Tome : 1 – Team Bambi
Genre : Parodie
Scénario : Olivier Dutto & BenJ
Dessins & Couleurs : Alex Fuentes
Éditeur : Soleil
Collection : Jeunesse
ISBN : 9782302089525
Nombre de pages : 48
Prix : 11,50 €
- Donjon Bonus 3 – Dynasties et magiciens / Donjon Monsters 18 – Noces de fleurspar Laurent Lafourcade
Un jeu de rôles et un Monster
« -Qu’est-ce qui se passe ?
-C’est rien. Herbert et moi avons beaucoup d’ennemis.
-Herbert ?
-Oui, mon mari.
-C’est pas Georges ?
-Non. Et je ne suis pas Mariouchka.
-Pourquoi avoir donné de faux noms ?
-Isis et Herbert, ça ne vous dit rien ? »
Après le précédent Donjon Bonus consacré à la genèse de la série polycéphale, voici, après le premier Donjon Bonus de la même veine, un nouveau jeu de rôles immersif. L’idéal est de réunir cinq protagonistes dont l’un d’eux serait le maître de jeu, comme à la grande époque du Donjons et dragons des années 80. Avant de rentrer dans le grand bain, une aventure dont vous êtes le héros, qui sent bon les vieux Folio Junior, permet d’appréhender les règles. Armez vous de dès à dix faces et de jetons et c’est parti ! Arnaud Moragues, assisté de Pierre Chabosy, mène la partie.
Si les aficionados des jeux de rôles rentreront aisément dans le concept, tout est écrit pour permettre aux débutants de se l’approprier. La première journée au Donjon se déroule donc en solitaire. A bout de souffle, la tête couverte de boutons, on quitte les marais pour arriver à la tour gigantesque qui nous servait de cap. On y est attendu pour un entretien d’embauche. Il va falloir trouver les bonnes stratégies et mener les premiers combats. Une fois sorti, place aux règles du grand jeu. Il est explicité comment un test permet de situer ses compétences en bagarre, acrobatie, acuité et charme, avant de créer un personnage sous la direction du maître du jeu accessoirement gardien du Donjon. On apprend ensuite comment se bagarrer, comment utiliser ses pouvoirs, ses compétences et ses atouts. Il est question de magie, d’avatars, de trésors, de dynasties, de lieux, de Vaucanson à Clérambard qui parlent bien aux lecteurs de la série, et de bestiaire aussi. Il y a même des règles différentes pour chaque époque du Donjon : zénith, potron-minet, crépuscule, parade, monsters ou bonus. L’imposant album se termine par un scénario d’introduction qui se déroule durant Potron-Minet, intitulé Le stress des examens. Quoi de mieux en période de révision du bac ?
Pendant ce temps, les personnages continuent à vivre leurs vies sous la houlette de leurs auteurs, au niveau 115 de Donjon Monsters. Andrée, une souris pas de toute première jeunesse, embarque sur son voilier un couple désireux de se rendre sur l’île jaune pour leurs noces de fleurs. Ils se sont présentés sous une fausse identité. Ce sont en réalité Herbert de Vaucanson et son épouse Isis. Déjouant une volée de flèches et un assaut de Vanderbecks, le trio parvient à atteindre l’île malgré le naufrage de leur embarcation. Les morts de l’île se réveillent. De belliqueux crapauds géants se pointent. Isis et Herbert vont vite se rendre compte que la véritable cible des attaques est Andrée. Qui est donc réellement cette dame ?
Sfar et Trondheim placent ce Donjon Monsters juste après le précédent (Un héritage trompeur) et donc après Donjon Crépuscule et la destruction de Terra Amata. Ils invitent dans leur monde la talentueuse Aude Picault pour un voyage maritime qui va laisser des traces chez nos principaux héros. Sa douce ligne claire et ses aplats de couleurs pastel contrebalancent avec la violence, parfois incontrôlée, de certains personnages. Ça commence comme une croisière sur mer calme au soleil couchant, ça se termine dans du grand spectacle shamanique.
Plus qu’une série, plus qu’une saga, le Donjon-verse n’a pas fini de se ramifier. L’édifice est solide. Ses maîtres du jeu Sfar et Trondheim nous le prouvent une fois de plus.
Série : Donjon Bonus
Tome : 3 – Dynasties et magiciens
Genre : Jeu de rôles
Textes et conception : Arnaud Moragues, assisté de Pierre Chabosy
Dessins : Joann Sfar & Lewis Trondheim
Couleurs : Enki Dupaquier & Pierre Chabosy
Éditeur : Delcourt
Collection : Humour de rire
Nombre de pages : 288
Prix : 34,95 €
ISBN : 9782413077527
Série : Donjon Monsters
Tome : 18 – Noces de fleurs
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Joann Sfar & Lewis Trondheim
Dessins : Aude Picault
Couleurs : Walter
Éditeur : Delcourt
Collection : Humour de rire
ISBN : 9782413042174
Nombre de pages : 48
Prix : 11,95 €
- Kid Paddle Best of – Jurassic Paddle / Midam L’art du gag / Les modèles mathématiques de Midampar Laurent Lafourcade
Joyeux anniversaire, Kid Paddle !
« -Hé, Kid ! Et si au lieu de jouer à ce bête jeu vidéo, tu rentrais chez toi lire un bon livre !
-Blam ! Blam ! Danse, rascal ! Ça t’apprendra à dire des stupidités ! Blam ! Blam !
-Non ! Je… Je m’excuse !
-Ha ! Ha ! ha ! »
Kid Paddle, Horace et Big Bang se marrent comme des bossus à City Game. Une après-midi à la salle de jeux, c’est toujours mieux que de lire un bon livre… sauf quand on défie Mirador, le patron des lieux. N’est-ce pas, Horace ? S’il en fait voir aux gamins, c’est peut-être aussi parce qu’ils ne lui laissent pas un instant de répit, comme ce jour où ils ont chipé les boules des joysticks des bornes de jeux pour en faire des yeux, des planètes ou un noyau atomique. Si Kid préfère les jeux qui bastonnent et décanillent à qui-mieux-mieux, Horace est porté sur les plus doux comme les papillons à coussins d’airs ou Mimi la fourmi gourmande, quand il n’est pas sur un simulateur de rodéo. Tous les gags de cette deuxième compilation de Kid se passent à la salle de jeux du City Game. Gare à Mirador et à son molosse Radar. Cet album est l’un des trois livres événements qui paraissent à l’occasion des trente ans du personnage geek de Midam.
Midam L’art du gag est un recueil d’entretiens avec Thierry Tinlot, ex-rédacteur en chef du journal Spirou, à qui Kid doit une bonne part de sa notoriété. Midam y parle de sa méthode de travail. Il explique comment il a développé une mécanique du gag, avec parfois des running gags comme celui, désormais mythique, dans lequel Kid et Horace tentent d’entrer au cinéma pour voir un film d’horreur interdit aux mineurs. L’auteur dévoile ses carnets de notes et parle de son goût pour les sciences. Il explique le rôle de chacun des personnages. En milieu d’ouvrage, Tinlot interroge Benoit Fripiat, longtemps responsable éditorial de Kid Paddle. Retour avec Midam pour une comparaison des règles dévolues à Kid ou à Game Over. Le dessinateur montre ensuite comment il s’est entouré d’un pool de scénaristes. L’un d’entre eux, Patelin, est lui aussi interviewé. Midam raconte son départ et son retour chez Dupuis, l’échec (pour l’instant) de sa conquête de l’Amérique, l’aventure animée ou encore les idées pour le Parc Spirou. Richement illustrée, cette interview fait l’objet d’un beau livre joliment maquetté.
Tout aussi intéressant mais beaucoup plus pointu, Les modèles mathématiques de Midam, ouvrage signé Daniel Justens, est un examen de l’univers de Kid à travers les mathématiques. N’y voyez pas là quelque chose de pédagogique et de barbant. Justens démontre comment la science a nourri et nourrit encore l’univers du geek. Dans son introduction, l’auteur compare étonnamment et justement le monde de Kid à celui de Charlie Chaplin. Imaginaire délirant et refus de la réalité sont leurs points communs. Chez Kid, l’évasion se fait dans l’univers formaté des jeux et la violence virtuelle. Parmi ses amis, si Horace est le naïf, le candide, Big Bang est le petit génie, représentation enfantine du savant. Le surnom de ce dernier n’est pas anodin. Tout au long de l’album, richement illustré, Daniel Justens, agrégé de maths, aborde l’arithmétique et la numération au travers des discussions entre Kid et ses partenaires. Un chapitre faisant le parallèle avec l’univers de Lewis Carroll sert de transition avec celui sur la notion de modèle mathématique. On parle alors de situations problèmes, de collecte de données, de modélisation, puis résolution et conclusion. Les gags du petit barbare sont basés sur ce modèle. On continuera avec de la géométrie, des sciences, de la théorie des ensembles et bien d’autres concepts physiques et mathématiques, de la radioactivité aux suites numériques. On se prend au jeu à décoder des situations dont Midam, fils d’ingénieur, n’avait peut-être même pas conscience au moment où il les écrivait, comme des réminiscences, ou des « réminisciences ».
Trente ans, douze millions d’album, deux attractions au Parc Spirou en Provence et une série de dessins animés. Que demander de plus ? Et bien, une expo au musée de la cité de la BD à Angoulême de juillet 2024 à mars 2025. Juste le temps de lire ces trois albums et on y est déjà !
Série : Kid Paddle Best of
Tome : 2 – Jurassic Paddle
Genre : Humour geek
Scénario & Dessins : Midam
Couleurs : Angèle
Éditeur : Dupuis
Nombre de pages : 48
Prix : 12,50 €
ISBN : 9782808506298
One shot : Midam L’art du gag
Genre : Ouvrage d’étude – Entretiens
Par : Thierry Tinlot
Dessins : Midam
Couleurs : Angèle
Éditeur : Dupuis
Nombre de pages : 136
Prix : 25 €
ISBN : 9791034770250
One shot : Les modèles mathématiques de Midam
Genre : Ouvrage d’étude
Par : Daniel Justens
Dessins : Midam
Couleurs : Angèle
Éditeur : Dupuis
Nombre de pages : 176
Prix : 25 €
ISBN : 9791034770267
- Spoon & White 6 – XXLpar Laurent Lafourcade
Et pour quelques gélules de plus
« -Dis-moi, White, je croyais que New-York était interdit aux poids lourds.
-Je me fais l’effet d’Hemingway face à un troupeau d’éléphants sur les flancs du Kilimandjaro…
-A propos de pachydermes, le commissaire aurait pu trouver deux autres poires pour sa petite commission ! »
Mais que font les agents Spoon et White de si bon matin devant le magasin Marcy’s dans un quartier commerçant de New-York ? Ils sont tout simplement envoyés là par le commissaire, et pas pour une mission de la plus haute importance, à plus proprement parler : une commission. En effet, à dix heures, est commercialisé le Grem 443, le nouveau coupe-faim des laboratoires Mochy. Deux mille échantillons seront mis en vente. Depuis le milieu de la nuit, des centaines de personnes obèses font la queue devant Marcy’s, pour être certains d’en avoir. Spoon et White vont profiter de leur statut de forces de l’ordre, mais cela suffira-t-il à être servis ?
Plus tard dans la journée, la journaliste Courtney Balconi interviewe en direct à la télévision Barbara Berenbaum, directrice des laboratoires Mochy qui fabriquent les gélules contenant la molécule permettant de réguler l’appétit. Pour l’instant, le labo ne possède pas l’agrément permettant de les produire en grande quantité. Dès que la situation va se débloquer, il y aura de quoi se faire un bon tas de brouzouf ! Sauf que… Sauf que le Grem 33 est fabriqué à partir de la sève d’un cactus utilisé par les indiens Shoshots depuis la nuit des temps. Jack Lanzmahn, le chaman de la tribu, également avocat, a bien l’intention de défendre les intérêts des locaux. La journaliste et nos deux flics vont se trouver mêlés à un trafic autour de ce coupe-faim qui suscite bien des convoitises.
Halte à la malbouffe ! Ce nouvel épisode de Spoon et White lutte contre l’obésité. La société américaine en prend particulièrement pour son grade. Cela montre aussi la souffrance qu’ont ces victimes des fast-foods, des burgers et des fritures bien grasses. Comme d’habitude dans la série, les cases sont bourrées de clins d’œil. Le ravin de Thelma et Louise sera-t-il évité ? Ailleurs, on t’a vu, Big Yakari. Il y a même un personnage qui est plus qu’un clin d’œil : l’indien Oumpipih, digne descendant du compagnon d’aventures d’un certain Hubert de la Pâte Feuilletée. Yann et la famille Léturgie s’en donnent à cœur joie.
Spoon et White est une vision des Etats-Unis à peine parodique. Il ne reste plus que deux albums de la série à rééditer, et il n’y aura malheureusement plus de nouveauté. Quel dommage, parce que, qu’est-ce que c’est bien !
Série : Spoon & White
Tome : 6 – XXL
Genre : Thriller humoristique
Scénario : Jean Léturgie & Yann
Dessins : Simon Léturgie
Couleurs : Julien Loïs
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9791041100330
Nombre de pages : 56
Prix : 12,90 €
- Bulles de tendressepar Laurent Lafourcade
Douceurs dessinées
« -Je vais peindre quelque chose et tu devras deviner ce que c’est.
-Un arc-en-ciel.
-Comment tu as deviné ? »
Un jeune caméléon peint un tableau à l’abri des yeux de son camarade. Pourtant, il a deviné ce que c’était : un arc-en-ciel. Et pour cause, le petit peintre en a pris la couleur. Un hibou a mal au cou. Pourtant, il tourne la tête à 360°. Un pigeon lui conseille de consulter un médecin… ou un exorciste. Un paresseux se réveille de deux ans de coma. Il demande encore cinq minutes pour finir son temps de repos. Une girafe accuse un lapin de porter ses vêtements sans son autorisation. Il attend des excuses, mais l’écharpe traîne quand même pas mal par terre. Un éléphant a cassé un trampoline. Il ne peut pas mieux se faire pardonner qu’en servant lui-même d’accessoire. Un chien vient de renverser une tasse de café. Il accepte l’aimable aide d’un chat qui se charge de faire tomber la deuxième. Des dauphins ont trouvé une astuce pour allumer des bougies sous la mer. Voici quelques-unes des bulles de tendresse que l’on peut lire dans cet album semblable à une boîte de bonbons doux.
Il n’y a pas que les animaux qui sont à l’honneur dans ce recueil. Il y a aussi un Lego, fixé sur son socle, bloqué au lit en fait. Il y a deux vis qui se font tourner la tête. Il y a des ballons de baudruche, dont l’un d’eux est sorti faire la fête : il est sculpté style chien de Jeff Koons. Une agrafeuse est prête à unir deux feuilles de papier pour leur mariage. Une guitare cherche son âme sœur parmi trois candidats potentiels qu’elle ne voit pas. Un nuage tricote un arc-en-ciel. Des crayons de couleurs souhaitent l’anniversaire à l’un de leurs compatriotes. Des planètes se prennent en selfie ou jouent à se faire peur. Des tire-bouchons s’aiment grand comme ça. Une boule de bowling prend un toboggan. Heureusement qu’une quille ramène du renfort pour ne pas qu’elle se blesse.
Cent-trente-cinq gags drôles, cocasses, absurdes, tendres et poétiques sont réunis dans ce recueil signé Andrès J.Colmenares. Créateur des webcomics Wawawiwa, il est suivi par cinq millions de fans dans le monde. Son graphisme et son esprit ne sont pas sans rappeler ceux de Chow Hon Lam dans la série Buddy Gator, l’alligator trop kawaï. Colmenares invite à reconsidérer les choses de la vie. Raymond Devos aurait adoré ces saynètes semblables à des haïkus dessinés. La couverture à elle seule donne le ton de tout l’album : un cheval en costume-cravate reçoit une licorne dans son bureau pour un entretien d’embauche mais recale la candidate pour manque de crédibilité.
Bulles de tendresse est le type d’ouvrage à ouvrir au hasard. A ne surtout pas lire d’un trait. C’est un livre qui s’apprécie en le picorant. Drôle et doux.
One shot : Bulles de tendresse
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : Andrès J. Colmenares
Éditeur : Hachette
ISBN : 9782017252535
Nombre de pages : 144
Prix : 14,99 €
- Une histoire vécue par Louison Bobard 1 – Ronds rouges !par Laurent Lafourcade
Le plein, svp !
« -Mais je n’y connais rien en automobile, vous le savez bien, patron !
-Ecoutez mon vieux, nous sommes tous compatissants… depuis la perte de votre yorkshire…
-Mon bouledogue !
-Vous viviez seul avec lui n’est-ce pas ?
-Depuis 6 ans.
-Nous pensons que vous n’êtes plus en mesure de rédiger la page canine. Je comprends que ça puisse vous être insurmontable…
-Pas autant que de faire la rubrique mécanique. »
Pour Yves Portat-Remington, la perte de son chien est une dure épreuve. Il vivait seul avec lui et les soirées sont à présent bien longues devant les émissions de l’ORTF, sans personne à câliner, sans personne à sortir, même quand c’est sous la pluie. Chroniqueur à la page canine du journal quotidien du soir Le Regard, le patron décide de le transférer à la rubrique mécanique. Trop d’affect pour poursuivre chez les chiens. Le problème est qu’il n’y connaît pas grand-chose. Pas grave, il sera aidé par Louison Bobard, spécialiste dans ce domaine comme dans tous les sports. Ils ne se marcheront pas sur les pieds au bureau. Elle est tout le temps sur le terrain. Aujourd’hui, elle est en plein Paris-Roubaix. Il va aller l’y retrouver.
Nous sommes en avril 1967. Le Général de Gaulle est au pouvoir. Le néérlandais Jan Janssen vient de remporter « l’enfer du Nord », d’un boyau. Yves et Louison (Yves pensait que c’était un garçon) apprennent à se connaître. Si leur 4×4 n’est pas loin de tomber en panne d’essence, Louison préfère éviter la station BP et attendre la prochaine station Calteix…parce qu’elle collectionne les porte-clefs qu’ils donnent en cadeau, à l’effigie des vedettes yéyé : Claude François, Johnny Hallyday, Sheila et les autres. Il ne lui manque plus que Gainsbourg. En s’arrêtant à l’une d’entre elles, Louison et Yves s’interrogent sur les mystérieux colis non demandés que reçoit le pompiste. Et que sont ces ronds rouges qui sont sur des autocollants et qui apparaissent sur des affiches laconiques en quatre par trois ?
Ronds rouges ! n’est pas à proprement parler un polar. Il y a un mystère bien sûr, mais pas réellement une problématique. L’histoire est un récit d’époque et d’ambiance. Ça tombe bien, c’est ce que Bruno Bazile sait faire de mieux. Après avoir raconté son enfance dans Hoëdic !, il nous amène en 1967, l’année du Québec libre. Ce premier tome de Louison Bobard a pour principal but de présenter les personnages. Louison a la verve et le dynamisme de Seccotine. Elle roule elle aussi en Vespa, au moins sur la quatrième de couverture. Yves est plus dans l’émotion. Ça ne se faisait pas, surtout pour les garçons, à cette époque. Pour ce qui est de l’intrigue, ce n’est qu’en plein milieu d’album qu’elle se pose. Elle ravira en particulier les amateurs de vieilles cylindrées, parce qu’elle sent bon les flaques d’essence et l’odeur de cambouis.
Bruno Bazile est l’un des dignes descendants de Maurice Tillieux. Cet album le prouve une fois de plus. Il est le transcripteur d’une époque et d’une ambiance qui ne peut laisser indifférent, en particulier les nostalgiques d’une époque que certains n’ont peut-être même pas vécue. Avec Louison Bobard, en prenant un angle pertinent, Bazile s’écarte des scénarios classiques du genre pour aller plus à la rencontre des événements du quotidien de ce temps-là. Il y a du frais dans le tiroir !
Série : Une histoire vécue par Louison Bobard
Tome : 1 – Ronds rouges !
Genre : Journalisme
Scénario & Dessins : Bruno Bazile
Couleurs : Yves Magne
Éditeur : Editions du Tiroir
Collection : L’aventure
ISBN : 9782931251126
Nombre de pages : 48
Prix : 15 €
- Les cinq drapeaux 1 – Liberté, égalité, fraternitépar Laurent Lafourcade
Au cœur du siècle
« -Attendons les ordres d’en haut. Va leur demander s’il te plaît.
-A tes ordres !
-Les ordres, ici, c’est moi qui les donne, gamin. Vous attendez quoi, un miracle, peut-être ?
-Capitaine, je n’ai peut-être que dix-neuf ans, mais moi aussi je commande une compagnie. »
9 février 1939. A la frontière franco-espagnole de Portbou-cerbère, le convoi dirigé par la compagnie de Vicente Jiménez-Bravo est arrêté par les troupes françaises qui les dirigent vers un camp de concentration sur un bout de plage en bordure du golfe du Lion. Dans des lieux insalubres, Vicente fait face à la mort. Il l’a sentie tellement de fois auprès de lui qu’il n’en a plus peur. Quelques années plus tôt, en 1936, il vivait en famille à Madrid, jusqu’au jour où il décida de s’engager en prenant les armes pour défendre le gouvernement et affronter les troupes du Général Franco. Il a fait ses armes dans une guerre interne avant d’être mêlé au plus grand conflit mondial.
On le sait dès la première planche, Vicente sortira vivant de la tragédie, ce qui sera loin d’être le cas pour ses camarades. Le préambule se passe à Majorque en 1983. Comme tous les étés, Pau et ses cousins passent leurs vacances avec leurs grands-parents. Vicente, dit Yoyo, c’est leur grand-père. Tous les midis, pendant le pique-nique sur la plage, il leur raconte ses histoires de guerre. C’est donc qu’il en est revenu. Quand il est mort en 1999, la famille a retrouvé dans ses affaires trois vieux cahiers manuscrits dont personne n’avait entendu parler. L’homme avait rédigé ses mémoires dans l’après-guerre, témoignage historique majeur. Le rédacteur les dédie à sa mère et à ses frères et sœurs qui l’ont accompagné par la pensée dans tous les moments de souffrance. Ce sont donc ces cahiers que son petit-fils Pau met en images.
Ça fait quelques années que Pau est lu en France. Après une incursion dans Spirou, il a publié plusieurs albums chez Paquet, dont notamment l’excellente histoire du pilote automobile Curtis Hill. Avec ce premier album des 5 drapeaux, il inaugure une saga historique qui risque de marquer sa carrière en le faisant entrer dans la cour des grands auteurs de bande dessinée.
Dans son univers animalier caractéristique, Pau ne choisit pas la facilité en présentant un récit qui ne se déroule pas dans l’ordre chronologique. Ici, il distingue la période de la guerre civile espagnole, en couleurs classiques, de la période où il est prisonnier de guerre en France dans des pages sépia. On découvrira dans les albums suivants les tons rouges du corps expéditionnaire britannique, le noir et blanc des travaux forcés nazis et les gris de l’esclavage et la répression de retour dans l’Espagne franquiste.
En fin d’ouvrage, un imposant dossier de notes et de recherches assoit le contexte historique.
Laissons le mot de la fin de cette chronique et du début de cette série à Vicente lui-même : « Le plus bel âge de la jeunesse est, sans aucun doute, entre 17 ou 18 et 30 ans. Moi, à cet âge, de 17 à 27 ans, j’ai, on peut le dire, été privé de ma liberté. Pendant toutes ces années, j’ai servi sous cinq drapeaux différents, qui marquèrent mon chemin et ma vie à jamais. » Les cinq drapeaux est, c’est inévitable, à ranger sur la même étagère que Maus.
Série : Les cinq drapeaux
Tome : 1 – Liberté, égalité, fraternité
Genre : Histoire
Scénario, Dessins & Couleurs : Pau
Éditeur : Paquet
ISBN : 9782889324576
Nombre de pages : 112
Prix : 18 €
- Le métier le plus dangereux du monde 2 – Le temps suspendupar Laurent Lafourcade
Tout pour ma sœur
« -C’est assez chaotique, on ne comprend pas tout ce qui se passe, on a du mal à savoir si les héros s’enfuient ou s’apprêtent à se battre.
-Les deux, peut-être.
-Marina, est-ce qu’on sait d’où vient cette porte ?
-Je vous avoue que je n’en ai pas la moindre idée.
-Vous savez à quoi elle me fait penser ? A un pod de téléportation.
-Je vous rappelle quon n’a jamais eu de preuve que ces pods existaient. Ce ne sont que des rumeurs.
-Ah, attendez, quelque chose a franchi la porte… Qu’est-ce que c’est ? Des yeux ? »
Pendant que Louna et Ziad Lefki assistent à la cérémonie des Golden powers récompensant les meilleurs superhéros, leurs parents découvrent leur participation à la télévision, depuis le fast-food familial. Ils ignorent tout de la condition de leurs enfants et regardent, affolés, la fête qui prend un tour dramatique. Un pod de téléportation est apparu dans la salle. Des yeux lançant des lasers surgissent et tirent sur tout ce qui bouge. Les super-héros contre-attaquent. Protégés par l’un d’entre eux, Louna, Ziad et Billie, l’une de leurs camarades, parviennent à s’enfuir par la porte d’où ont jailli les yeux destructeurs. Ils vont se retrouver dans leur monde avant de reprendre une porte qui les fera déboucher sous la mer. Coincée dans un filet de pêche, Louna est mal en point et ne peut atteindre la surface. Sauvée par ses compatriotes, elle n’a toujours pas repris connaissance lorsqu’ils débarquent sur le quai d’une ville à demi détruite.
Après le double tome 1, étant consacré l’un à Louna, l’autre à Ziad, l’aventure continue en commun pour le frère et la sœur. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle démarre sur les chapeaux de roue. Si Louna a toujours voulu devenir super-héroïne, Ziad porte son destin comme un fardeau. Mais pour sauver sa sœur, il n’aura pas d’autre choix que de prendre les choses en main. Avant de mourir, White Noise lui a laissé un rubik’s cube noir et blanc grâce auquel il « trouvera la lumière dans l’obscurité ». Billie, qui les accompagne, n’est pas n’importe qui. C’est la fille de Sudden Impact et de Slow Mo. Sauront-ils unir leurs forces pour sauver Louna ?
Olivier Bocquet s’empare du thème des super-héros pour à la fois lui rendre hommage et en même temps le moderniser en l’ancrant dans l’air du temps. On le sait encore plus depuis leur renouveau sur les écrans, les super-héros, avant d’être les sauveurs de l’humanité, sont aussi des êtres profondément perturbés et dont le pouvoir est aussi un fardeau. C’est certainement pour cela que c’est le métier le plus dangereux du monde. Dans cet épisode, Bocquet positionne Ziad en alter ego du lecteur qui n’a pas d’autre solution que de prendre confiance en lui. Pour Ziad, débute ce qui s’apparente à une quête initiatique. A part lui, le scénariste fait la part belle aux personnages féminins, qu’ils n’hésitent pas à se sacrifier pour protéger autrui, ou qu’ils enquêtent pour démêler l’intrigue. Avec les couleurs de Fabien Alquier, Fabio Lai passe d’une scène à l’autre avec vivacité, dynamisme et pop-attitude. Notons que pour accentuer tout ça, les deux premiers volumes de la série ont été remaquettés.
On pouvait compter sur les univers Marvel et DC. Bienvenue dans le Bocquet-verse pour un reboot du concept même de super-héros. On croyait le thème réservé. Faux, il ne l’est pas, mais il réserve lui-même des surprises dont cette série en est une.
Série : Le métier le plus dangereux du monde
Tome : 2 – Le temps suspendu
Genre : Aventure
Scénario : Olivier Bocquet
Dessins : Fabio Lai
Couleurs : Fabien Alquier
Éditeur : Dupuis
ISBN : 97910347
Nombre de pages : 64
Prix : 12,95 €
- Pilote La naissance d’un journalpar Laurent Lafourcade
Année zéro d’un mythe
« -Tu reviens bientôt, Astérix ?…
-Je serai de retour pour déjeuner, Obélix… »
L’ouvrage s’ouvre sur une préface de Christian Godard, l’un des derniers monstres sacrés de l’âge d’or d’une bande dessinée qui a traversé les générations. Présent dès le numéro zéro, qui mieux que lui pouvait présenter cette enquête sur la création de Pilote ? Le livre dont il est question n’est pas un livre sur l’histoire de Pilote, mais un livre sur sa genèse. L’intérêt en est d’autant plus exceptionnel qu’il nous raconte les coulisses méconnues restées dans l’ombre. Godard raconte sa rencontre avec Goscinny, avant Pilote, le projet de numéro zéro en 1959, leurs travaux en commun, la direction bicéphale Goscinny-Charlier, les conférences de rédaction, le tournant de Mai 68, l’évolution de ses rapports avec Goscinny, son départ du journal, puis son retour quelques années plus tard. Mais avant tout ça, il y avait quoi ?
On découvre dès les premières pages qu’il y a eu un projet Pilote plusieurs années avant celui que nous connaissons tous, porté par un certain François Clauteaux. Fin 1944, avec quelques camarades dont Louis-Martin Tard qui trouve le titre, il pose les bases d’un magazine de reportages et d’enquêtes. La maquette ne convaincra pas. Clauteaux se dirigera après-guerre vers un autre média : la radio et la publicité. Il déniche le jeune Rodolphe, un gamin qu’il utilise dans des publicités et qui plus tard se retrouvera en photo dans Pilote, mais on n’y est pas encore.
Le chapitre suivant raconte les années Worlds, de 1945 à 1956. Cette agence était à l’époque le principal fournisseur de contenu pour les éditions Dupuis. Dirigée par Georges Troisfontaines, y travaillent entre autres Goscinny, Uderzo, Charlier, Hubinon et Jean Hébrard, qui avait failli faire partie de l’aventure Pilote version Clauteaux si ses engagements militaires ne l’en avaient pas empêché. Au final, ce n’était pas grave puisque le projet n’avait pas abouti. On y suit les aventures éditoriales de Pistolin et de Risque-Tout, avant la scission entre des auteurs et un patron trop intéressé qui débouchera sur la signature d’une charte et d’un syndicat d’auteurs. Philippe Charlier, fils de Jean-Michel, apporte son éclairage sur son père dans cette aventure Worlds Press.
Suit l’épopée Edifrance de 1956 à 1958, dont Hébrard sera PDG. Charlier, Uderzo et Goscinny sont de la partie. Ils relancent Pistolin, avec dans l’équipe Hubinon et Martial. Puis, c’est la tentative avortée du Supplément illustré en 1957 qui aurait été destiné à des journaux du week-end, avec un casting plus qu’alléchant dont Jijé, Peyo, Will, Sempé, Franquin ! Les quatre pages du projet sont reproduites en intégralité. Après l’aventure du magazine Radio-Télé, c’est l’arrêt de Pistolin et la raréfaction des productions, parce que les auteurs sont allés voir ailleurs, qui vont grandement diminuer les activités de la boîte qui était devenue Edifrance. Mi-58, voici le retour de François Clauteaux qui sollicite Jean Hébrard.
Nous sommes donc en 1958. L’aventure de Pilote va réellement débuter. Clauteaux, Hébrard, Goscinny, Charlier et quelques autres planchent sur un nouveau projet qui serait le Paris-Match des 10-15 ans. Uderzo réalise une maquette, avec l’aide d’autres auteurs. On peut l’apprécier elle aussi en intégralité. Il va falloir à présent trouver un financement. Dans une seconde maquette, on remarque la planche Le roman de Renart de Goscinny et Uderzo, projet qu’ils devront abandonner puisqu’un autre auteur s’en est déjà emparé chez Vaillant. C’est de la contrainte que naîtra l’idée de génie puisque cela amènera à la naissance d’Astérix à l’été 59. Petit à petit, l’équipe s’étoffe avec l’arrivée de Godard. Des vedettes se préparent : Michel Tanguy et Barbe-Rouge attendent le top départ. Le coin didactique du Pilotorama est en gestation. On est même invités à la préparation de la mythique photo de groupe des auteurs du journal qui se trouvera en une du Pilote numéro zéro, lui aussi reproduit en intégralité, avec les emplacements vides des publicités prévues. Un mystère demeure avec la très hypothétique existence d’un autre numéro zéro avec un enfant Arlequin en couverture.
Après tous ces préparatifs, c’est le 29 octobre 1959 que paraît le numéro 1 du journal Pilote, le grand magazine illustré des jeunes, à grands renforts de publicités, trente pages reproduites elles-aussi. Georges Guéthary chante Ohé, Pilote !, un indicatif radiophonique pour le magazine. Six semaines plus tard, en raison de déboires familiaux, François Clauteaux quitte déjà la rédaction en chef. Une crise financière touchant le diffuseur met le journal en péril, avant l’arrivée providentielle de Georges Dargaud, mais là, on aborde déjà une autre histoire.
On n’avait pas lu de livre aussi pointu depuis La véritable histoire de Spirou de Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault et dont on attend avec impatience le troisième et dernier tome. Le quatuor Christian Kastelnik (qui fait des recherches depuis plus de vingt ans sur le sujet), Patrick Gaumer, Clément Lemoine et Michel Lebailly mène une enquête tout aussi passionnante sur les origines de Pilote. De quoi se replonger ensuite avec délectation dans les imposantes Années Pilote, de Gaumer, parues chez Dargaud.
One shot : Pilote La naissance d’un journal
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Christian Kastelnik, Patrick Gaumer, Clément Lemoine, Michel Lebailly
Éditeur : La déviation
ISBN : 9791096373581
Nombre de pages : 320
Prix : 50 €
- Les Héricornes 2 – La digne héritière de Mûpar Laurent Lafourcade
L’union fait la force
« -Allez, bon sang ! Ça a intérêt à marcher cette fois ! C’est parti ! J’invoque les armes de Mû… et la licorne Kitalpha ! Pas d’armes… et pas de licorne. Pourquoi ça ne fonctionne pas ?! C’est pourtant bien moi… l’héritière de Mû. »
Céleste est une héricorne, une héritière à la licorne. Sa sœur la princesse Astra devait se rendre au temple de la déesse pour lui demander protection, paix et prospérité pour tout le pays. Malade, elle a dû laisser Céleste partir à sa place. Il y a cent ans, leur grand-mère Luna revenait de Lémuria après un long périple. Un siècle plus tard, la mission en incombe donc à l’une de ses petites-filles. Parmi ses camarades de voyage, Izandre invoque sans succès les armes de Mû et la licorne Kitalpha. Elle ne comprend pas ce qu’il se passe. C’est pourtant bien elle l’héritière de Mû. Pendant ce temps, les orcons se mettent en place pour prendre les légataires et leurs licornes dans un guet-apens aux abords de la rivière du tourment.
Ce deuxième épisode des Héricornes met donc en vedette Izandre. Elle veut prouver à sa patrie qu’elle est une digne héricorne. Pourtant, elle n’est pas arrivée là par hasard. Elle a quand même réussi une série d’épreuves physiques et intellectuelles, surclassant ses adversaires. Si sa famille croit en elle, elle-même est emplie de doutes. Mais avant de pouvoir prendre confiance en elle, elle va devoir apprendre à faire confiance aux autres. Si elle veut imposer Mû comme province puissante de Branévia, elle devra associer son intelligence et sa force à celles de ses camarades de voyage. Bref, elle doit apprendre l’esprit d’équipe. Lorsque les héritières vont invoquer leurs licornes, Izandre va faire une drôle de tête en voyant apparaître Kitalpha, un mini-cheval ailé pas plus haut qu’un poney. Peut-être grandira-t-elle au fur et à mesure que son héritière prendra confiance en elle ? En attendant, on peut parfois avoir besoin de quelqu’un de minuscule.
Après l’avoir présenté dans le premier tome, Kid Toussaint et Veronica Alvarez développent ce nouvel univers d’heroïc-fantasy. A priori, il semble que chaque volume sera principalement centré sur l’une des héricornes. Après Céleste, c’est donc Izandre qui se retrouve au premier plan. Les héricornes doivent lutter contre les orcons, des guerriers belliqueux n’ayant pas de territoire propre, mais dont certaines tribus se sont attribués des terres non revendiquées par d’autres royaumes. Toute ressemblance avec une situation géopolitique connue n’est peut-être pas fortuite. Ça peut sembler exagéré comme parallèle mais c’est avec des histoires comme celles-ci que l’on peut amener les jeunes lecteurs à se faire une opinion, à réfléchir, à s’interroger. Encore une fois, sous couvert de futilité (ceci dit sans aucune connotation péjorative), Kid Toussaint signe un scénario avec plus de fond qu’il n’y paraît. Ces divers niveaux de lecture n’empêchent pas le divertissement. La dessinatrice-coloriste Veronica Alvarez met du peps et du pop dans l’aventure, dans cette quête de soi sur le thème de l’adolescence, période complexe de transformation des âmes et des corps, où l’on comprend des choses, où l’on se forge une personnalité en devant faire face aux vents et marées.
Les héricornes sont en piste pour tracer leurs routes et celles de leurs lectrices et lecteurs. Ça sent le succès à bride abattue. Rien ne semble pouvoir les arrêter.
Série : Les Héricornes
Tome : 2 – La digne héritière de Mû
Genre : Heroïc-Fantasy
Scénario : Kid Toussaint
Dessins & Couleurs : Veronica Alvarez
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808212380
Nombre de pages : 88
Prix : 12,95 €
- Les contes des cœurs perdus 9 – Mitsukopar Laurent Lafourcade
Les brisures de la vie
« -Oscaaaaaar ?! Où est encore passé ce petit courant d’air ?
-Tu m’as appelé, maman ?
-Dis donc, toi ! Tu as disparu sans prévenir !
-C’est parce que j’étais avec ma copine Mitsuko ! »
Oscar, le fils de la nouvelle boulangère du village de Klervi, a une bien drôle de fréquentation. Qui est cette amie Mitsuko avec qui il était ? Sa mère s’inquiétait. Il est tard. C’est l’heure du goûter et il a encore ses devoirs à faire. Mitsuko n’est pas très bavarde. La boulangère l’a aperçue en train de fouiller les poubelles d’en-face alors qu’elle vidait la sienne. Les habitants savent vaguement que c’est une petite orpheline. Sa mère n’était pas d’ici et son père serait Séraphin, le garde-forestier. Les gens la prennent pour une marginale. Toujours est-il qu’elle a des oreilles de renard et qu’une queue du même acabit sort de sa jupe fuchsia. Seul Oscar la considère. Il la fait rire et l’invite même à goûter dans sa cabane. Cependant, il ignore qu’elle a un secret.
Neuvième conte des cœurs perdus signé Loïc Clément. Comme pour les précédents, le scénariste écrit une histoire tout en sensibilité, une ode à la tolérance et au vivre ensemble. Avec Mitsuko, il reprend le mythe de l’enfant de la forêt, faisant de la jeune femme une Huckleberry Finn au féminin. Elle fait des incursions en ville où la population ne veut pas trop d’elle. Elle habite une cabane dans les bois avec son père, veuf, un marginal qui n’arrive pas à communiquer avec elle. D’ailleurs, ses oreilles et sa queue de renard, est-ce un déguisement ou de réelles parties de son corps ?
C’est Anne Montel qui a fait découvrir à Loïc Clément le travail de Qin Leng, illustratrice et autrice d’albums pour enfants. Elle a beaucoup travaillé pour la télévision. Elle a illustré des livres, des magazines, réalisé des couvertures, pour des éditeurs du monde entier. Elle vit à Toronto. Séduite par le concept des Contes des cœurs perdus, elle a accepté de dessiner cette fable avec une grande délicatesse. C’est sa toute première bande dessinée, mais elle a déjà un nouveau projet de one shot en route avec Loïc Clément.
Mitsuko est une histoire sur l’acceptation de la différence. Ce n’est pas parce que quelqu’un n’est pas comme nous qu’il faut s’en moquer, le chasser ou en avoir peur. Comme le montre la sublime couverture, Mitsuko est un récit de cassures, de brisures, qu’il faudra certainement recoller, au figuré comme au propre. Mitsuko est aussi une histoire sur le deuil, sur la communication pas toujours facile entre ceux qui restent. Entre tous les personnages, seul Oscar pourrait faire le lien, le fil de la vie, par son empathie, par son innocence, par sa simple présence. Souvent, c’est de l’enfance ou des enfants que viennent les solutions. Ha, aussi, il est question d’art dans cette histoire, d’art qu’on laisse en héritage, mais on ne peut en dire plus sans être trop indiscret. Juste que l’art, ça peut sauver des vies.
Neuf albums et pas une fausse note. Les contes des cœurs perdus est une série d’anthologie remarquable par ses récits dont aucun ne ressemble à un autre mais où tous sont réunis par une grande humanité.
Série : Les contes des cœurs perdus
Tome : 9 – Mitsuko
Genre : Fable poétique
Scénario : Loïc Clément
Dessins & Couleurs : Qin Leng
Éditeur : Delcourt
Collection : Jeunesse
ISBN : 9782413077404
Nombre de pages : 40
Prix : 11,50 €
- Bianca Castafiore Celle qui rit de se voir si bellepar Laurent Lafourcade
La cantatrice blonde
« -Oui. Je chante ce soir au Kursaal de Klow… Vous plairait-il de m’entendre maintenant ?…
-Très volontiers…
-Ah ! Je ris de me voir si be-e-elle en ce miroir !… Est-ce toi Mar-gue-ri-te ?
-Heureusement, les vitres sont solides !… »
Lorsque Tintin monte dans la voiture de la Castafiore au beau milieu du Sceptre d’Ottokar, ni lui, ni Hergé, ni les lecteurs ne se doutaient qu’il venait de rencontrer celle qui deviendra l’un des personnages les plus mythiques du Neuvième Art. Après la biographie non autorisée signée Albert Algoud, Pierre Bénard, déjà auteur d’ouvrages sur Moulinsart et sur Tournesol, s’attaque à la cantatrice. Contrairement et complémentairement à la disgression humoristique d’Algoud, Bénard analyse objectivement la carrière et le caractère du rossignol milanais, « celle qui rit de se voir si belle » en son miroir.
« Casse-pieds émouvante, fléau secourable, grande artiste admirée, courtisée… et évitée », Pierre Bénard définit ainsi celle qui finalement apparaît seulement dans neuf albums, dont certains où elle fait des apparitions furtives. C’est dire si la Castafiore a une puissance hors du commun. C’est donc dans la forêt Syldave, au tout début de l’année 1939, que Tintin est amené par la Cadillac de la cantatrice de la Scala de Milan. Il n’y restera pas bien longtemps. Etourdi par son chant, il prétexte avoir oublié quelque chose dans une auberge pour se faire déposer.
L’auteur de l’essai compare ensuite cette rencontre avec celle faite par Tintin avec les autres personnages principaux de l’univers hergéen. On n’assiste pas à l’instant même du premier regard, ce qui laisse une impression un peu fabuleuse. La Castafiore « naît » dans la forêt, comme un personnage de conte.
Bianca ne peut se passer de chanter. C’est une boîte à musique. Bénard fait remarquer que l’air des bijoux du Faust de Gounod revient comme un écho d’album en album. Si la Castafiore ne peut pas être qualifiée d’affriolante, elle n’en reste pas moins femme, au moins en apparence ajoute l’exégète sans vraiment prendre position par rapport à la théorie d’Albert Algoud selon laquelle ce serait un homme. Lorsque Tintin la retrouve quelques pages plus loin, on assiste à l’une des scènes mythiques de la série où Tintin brise une verrière avant de tenter de prévenir le roi Muskar qu’un attentat se prépare.
La Castafiore reviendra donc épisodiquement dans les aventures de Tintin (et surtout dans les dernières) comme le fameux sparadrap du Capitaine Haddock qu’il n’arrive pas à se détacher des mains. Lequel Capitaine ne manquera pas d’imagination pour établir tout un tas de surnoms à la chanteuse, qui elle-même ne parvient jamais à dire correctement le patronyme du marin. Cataclysme, catastrophe ou autre cataplasme enfleuriront le patronyme de Bianca.
Dans une minutie impressionnante, Pierre Bénard se demande si elle est une fée ou une sorcière. Entre apparitions salutaires et mauvaises relations, Bianca gère sa carrière. Comment ne pas s’attarder sur cet album hors du temps qu’est Les bijoux de la Castafiore ? Le personnage explose en rayonnant dans le château. Elle y est mélodieuse et culottée. Igor, Irma, le ara, la pie, sont autant d’acteurs déterminants dans ce huis-clos qui fit figure d’album particulier dans la collection des aventures de Tintin. Bénard s’attarde ensuite entre autres sur les rapports entre la Castafiore et le Capitaine Haddock dans un chapitre judicieusement intitulé La signora Haddock. En conclusion, l’essayiste revient sur la personnalité multiple de cette Florence Foster Jenkins dessinée et termine avec une note d’émotion.
« Il faut absolument que je chante ! » dit la Castafiore lors de sa dernière apparition officielle dans Tintin et les Picaros. Chantez, mais n’oubliez pas de lire. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Bianca Castafiore Celle qui rit de se voir si belle
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Pierre Bénard
Éditeur : 1000 sabords
ISBN : 9782494744158
Nombre de pages : 142
Prix : 15 €
- La fine équipe 2 – Débarquement à Juno Beach !par Laurent Lafourcade
Le jour le plus long
« -Encore un p’tit dernier, collègue… Euh, comment tu t’appelles, déjà ?
-Fonce-Bouchure, pour vous servir !
-Approche, Fonche-Boussure, maintenant qu’on est cochons comme copains, j’vais te l’dire, mon secret… En Normandie, le 6 juin, va y avoir un grand ravalement, euh non, un grand chambardement, non, zut, euh… »
Mai 1944, à Bricourt-sur-patte en pleine occupation allemande, Fonce-Bouchure arrive à vélo au petit bar de Babette. Une voiture percluse de balles façon gruyère est stationnée devant l’établissement. Elle appartient à Diane, une aristocrate pomponnée, et sa petite troupe, dont Loïc, un ami de longue date, costard-cravate, diplomate au Quai d’Orsay. Après quelques verres de Pousse d’Epine, un nectar local, ce dernier dévoile qu’un événement va se produire le 6 juin en Normandie : les Alliés s’apprêtent à débarquer. « Mais chut, c’est un secret… » Un débarquement, depuis le temps qu’on l’attendait. Faut prévenir Maurice ! La fine équipe décide de filer un coup de main aux alliés. Direction la Normandie ! Il ne faudrait pas que ce traître de quincailler qui a tout entendu au comptoir prévienne l’ennemi.
La double bande, celle de Diane et la fine équipe, vont se diviser en deux. Une partie va partir avec la camionnette Citroën de Maurice pour faire sauter les ponts et ainsi empêcher les nazis d’avancer. Les autres vont rafistoler l’avion qu’ils ont piqué aux boches il y a trois ans. Il y a du boulot. Il est bancal et orné d’une Swastika. Opération bricolage et peinture en perspective, ce qui vaudra au moyen de transport une très originale couleur rose, ceci dit sans spoiler puisqu’on le voit en couverture.
Fred Coicault et Jean-Christian Fraiscinet poursuivent les aventures des personnages issus du spectacle éponyme de plein air joué chaque année, en juin, à la ferme théâtre de Bellevue, à Villentrois-Faverolles en Berry dans l’Indre, fresque humoristique sur la résistance. Le scénario écrit à quatre mains est mené tambour battant et l’histoire se lit à la vitesse des événements. La lecture s’accélère sans qu’on ne puisse rien y faire. C’est étonnant. On est en pleine immersion. La scène de l’avion de la fine équipe le Day-D est un grand moment d’action et d’humour comme on en fait peu. On se surprend à rire tout fort. Les dialogues sont finement écrits. Audiard n’aurait pas renié certains d’entre eux. L’émotion est également au rendez-vous lorsque la camionnette des dynamiteurs traverse le village dévasté d’Evrecy. Au dessin, Coicault est de ces dessinateurs au style franco-belge de la meilleure époque. Ça pulse.
La série est aussi un hommage à de grands films du cinéma français. Quand les « plastiqueurs » s’occupent de dynamiter les ponts, on ne peut s’empêcher de se remémorer à la réplique culte de La septième compagnie : « Le fil rouge sur le bouton rouge, le fil vert sur le bouton vert. » Ici, elle n’y est pas, mais les protagonistes ne sont pas tout le temps plus adroits. Quand il est question de bouquet de marguerites, on aperçoit case suivante Fernandel et la justement nommée Marguerite de « La vache et le prisonnier ». Il y a aussi Bourvil, tout droit sorti du Mur de l’Atlantique. Clin d’œil également à Charles Trenet, à Roch Voisine (incroyable !), ainsi qu’à Benny Hill dans une dynamique et dynamitée scène de poursuite comme on en voyait en fin de chaque épisode sur la musique Yakety Sax de Boots Randolph et James Rich.
A présent que la France se libère, on espère que La fine équipe n’a pas fini d’en découdre avec les troupes allemandes. Qui sait ? Peut-être qu’on les retrouvera quelques mois plus tard à la capitale ou bien en Allemagne au Nid d’Aigle ? En attendant, fêtons avec eux les quatre-vingt ans du débarquement.
Série : La fine équipe
Tome : 2 – Débarquement à Juno Beach !
Scénario : Fred Coicault & Jean-Christian Fraiscinet
Dessins : Fred Coicault
Couleurs : Sophie David
Éditeur : CasaBD
ISBN : 9782380584837
Nombre de pages : 48
Prix : 15,95 €
- Barcelona, âme noirepar Laurent Lafourcade
Il était une fois en Espagne
« -Le gamin ! Que quelqu’un éloigne le gamin !
-Faut pas qu’il voie sa mère comme ça !
-Allons, Carlitos. J’ai fait de buñuelos. Viens, j’te dis !
-Je m’en occupe, Cecilia !
-Ah, Don Alejandro, Dieu vous bénisse ! Vous arrivez à point nommé ! »
1948. Carlos Moreno Vargas est un jeune homme qui vient de quitter l’Espagne pour la France, espérant y trouver du travail. Dans le compartiment, une dame, Jocelyne, lui propose de travailler pour elle dans son épicerie à Perpignan. Quand ses camarades lui demandent d’où lui vient cette cicatrice qui traverse la paume de sa main gauche, Carlos repense à ce jour où, à Barcelone, il découvrait à huit ans le cadavre de sa mère, assassinée, dans les décombres de sa maison. Il était encore enfant. Son père, lui-même épicier, ne pouvant être très disponible pour lui, la riche famille catalane de Don Alejandro lui offre un second foyer. C’est là où il va lui-même se lacérer la main, tout comme le bas-ventre de sa mère était lacéré d’une croix. Elle n’est que la première victime d’un tueur en série. Il grandit dans une Espagne franquiste avant de quitter son pays natal pour la France où il ne restera pas longtemps. Son père le rappelle. S’il savait…
Comme souvent, c’est dans des périodes politiques troubles que les tueurs en série profitent des désordres publics pour œuvrer. Ils deviennent alors le symbole d’une société sous emprise, en l’occurrence le fascisme franquiste espagnol. Il faudra plus à Carlitos pour l’empêcher de tracer son destin. Il va se marier avec Paula, la fille de Don Alejandro, après s’être enrichi grâce à un trafic de marchandises entre la France et l’Espagne. Il deviendra un riche industriel catalan, n’hésitant pas à s’intégrer du côté obscur de la ville en devenant l’un des principaux artisans de la pègre barcelonnaise. En suivant le destin de Carlitos, on assiste à l’éclosion et au crépuscule d’une époque meurtrie de l’Histoire de l’Espagne, au milieu des politicards, des flics, des putes et des gangsters.
Denis Lapière et Gani Jakupi écrivent une fresque familiale dense. Prévu à l’origine pour une série de six albums, le projet a été reformaté pour un long one-shot publié la prestigieuse collection Aire Libre. Ça se ressent tellement les personnages sont nombreux, avec chacun une personnalité bien définie. Si on regrette la longueur qu’aurait pu prendre la saga collégiale, l’histoire a certainement gagné en efficacité. A la manière des romans d’Armistead Maupin faisant de San Francisco l’héroïne de ses récits, dans un tout autre style, c’est ici Barcelone qui est le personnage principal.
Trois dessinateurs se partagent les illustrations dans une unité parfaite. C’est le manque de disponibilité de Ruben Pellejero (à cause de sa reprise de Corto) qui a conduit au reformatage du projet. Il a cependant pu y participer aux côtés de Martin Pardo et de Eduard Torrents.
Histoire de filiation, histoire d’héritage lourd à porter, histoire de secrets lourds à cacher, Barcelona, âme noire est une histoire dans l’Histoire. Sergio Leone aurait pu en faire un Il était une fois en Espagne.
One shot : Barcelona, âme noire
Genre : Polar
Scénario : Denis Lapière et Gani Jakupi
Dessins & Couleurs : Martin Pardo, Ruben Pellejero & Eduard Torrents
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9782800162218
Nombre de pages : 148
Prix : 27,95 €
- Là où gisait le corps / Damn them all 1par Laurent Lafourcade
Desperate Detectives
« -Police ! Bouge pas, petit merdeux !
-Hé, mec… C’est pas ma faute… Ils me…
-Ferme ta gueule. Qui a commencé, je m’en tape… Le problème, c’est toi.
-Héé ! »
Pelican Road, été 1984. Une rixe oppose trois jeunes gens. Karina reproche à Sid de l’avoir larguée. Tommy s’en mêle. Sid gifle Karina. Tommy s’interpose. Sid lui explose la face. « On se sent impuissant quand la violence se déchaîne. Sauvé par le gong. Palmer, le flic du coin, se pointe et met les choses en ordre en ordonnant à Sid de se casser sous peine de l’envoyer en taule pour trafic de crack ou de coke. Missis Wilson, la commère du quartier, a tout vu, tout comme Toni, la femme délaissée du Docteur Ted Melville, psychiatre de son état. Mais elle n’est pas si délaissée que ça parce qu’elle se réchauffe dans les bras de Palmer. Ajoutons à tout ce petit monde Lila Nguyen, une gamine déguisée en super-héroïne qui fourre son nez partout, Ranko, un vétéran sans abri, et Jack Foster, un détective privé qui pose des questions auxquelles tout le monde n’a pas forcément envie de répondre.
Changement d’ambiance avec Damn them all. Place au thriller ésotérique. Oncle Alfie est mort. Sa nièce Ellie Hawthorne est détective de l’occulte. Elle est aussi révérende et s’est chargée des obsèques de son tonton. Ne quittant jamais son marteau, elle croît à toutes les superstitions. La bande de mafieux de Frankie Wax tient les rênes de la ville. Mais quand les soixante-douze démons de l’Ars Goetia se déchaînent, il va bien falloir que quelqu’un se charge de les renvoyer dans leurs foyers. Ellie Hawthorne va tenter de remplir la mission, aidée, ou pas, par la bande de Frankie Wax afin de renvoyer les esprits de la dimension des mortels, avec au milieu de tout ça une inspectrice qui, comme le lecteur, essaye de comprendre ce qui se passe.
Les Desperate Housewives de Wisteria Lane n’ont rien à envier au microcosme de Pelican Road. Le scénariste Ed Brubaker offre un nouvel exercice de style incroyable. Commençons par le titre, énigmatique, « Là où gisait le corps ». On s’attend à un whodunit tout ce qu’il y a de plus classique. Et bien non. Le corps va mettre 102 pages à apparaître. Toute la première partie est comme un puzzle que l’on commence en assemblant tous les contours. Un plan des lieux est placé en introduction, ainsi que les portraits des neuf principaux protagonistes du récit. On se plaît à essayer de deviner lequel d’entre eux sera le fameux corps, à moins que ce ne soit quelqu’un d’autre qui n’y est pas représenté ? Les personnages s’adressent aux lecteurs comme si ces derniers les interrogeaient. Après avoir découvert le final, désarmant, dans la postface, Brubaker expose sa démarche scénaristique. Ce type est un génie. Au dessin et aux couleurs, le père et le fils Phillips imposent leur style. Si le graphisme est irréprochable, il reste classique mais est transcendé par une colorisation qui prend une importante part artistique à l’album, avec ses aplats et ses ombres qui déstructurent parfois les images.
Avec Damn them all, à la manière de Robert Kirkman, le scénariste Simon Spurrier profite du sujet pour dénoncer des problématiques sociétales, et en particulier une Amérique gangrénée par une violence inouïe et la consommation de drogues dont tout le monde est responsable mais dont les coupables ne sont pas forcément qui l’on croit. Spurrier insuffle un côté ésotérique majeur au récit, intercalant des extraits d’archives d’Alfred Hawthorne, immergeant dans la mythologie démoniaque. Les zombies de The walking dead laissent place aux démons de l’Ars Goetia. Charlie Adlard relève le défi en les animant avec autant de tension que les zombies. Ce qui est étonnant, c’est de voir ses dessins en couleurs. Il faut dire qu’elles sont quasiment nécessaires pour mettre en vie ces forces de l’au-delà. Avec des effets colorimétriques stroboscopiques, Sofie Dodgson les met littéralement en relief.
Charlie Adlard a redonné ses lettres de noblesses au Comics américain avec The Walking Dead. Il se remet en question et enfonce le clou, ou plutôt le marteau, avec Damn them all. Les auteurs de Reckless nous avaient déjà épatés avec Night Fever. Avec Là où gisait le corps, le trio Brubaker-Phillips-Phillips s’installe définitivement dans la liste des auteurs majeurs de la bande dessinée internationale. On pourrait inventer pour eux le premier grand prix d’Angoulême décerné à un groupe d’artistes indissociables.
One shot : Là où gisait le corps
Genre : Thriller / Polar
Scénario : Ed Brubaker
Dessins : Sean Phillips
Couleurs : Jacob Phillips
Éditeur : Delcourt
Collection : Comics
ISBN : 9782413083054
Nombre de pages : 144
Prix : 17,95 €
Série : Damn them all
Tome : 1
Genre : Thriller ésotérique
Scénario : Simon Spurrier
Dessins : Charlie Adlard
Couleurs : Sofie Dodgson
Éditeur : Delcourt
Collection : Comics
ISBN : 9782413082668
Nombre de pages : 188
Prix : 16,95 €
- John Rimbaud 1 – Une saison en enferpar Laurent Lafourcade
Over the Rambo
« -Je dois reconnaître que les missions spéciales me manquent, mon colonel !
-Ah, ah, ah ! Sacré John ! Eh bien, figure-toi que je suis venu t’en donner une, de mission !
-C’est vrai ? »
Reclus en pleine jungle, John Rimbaud s’occupe pendant sa retraite. Alors il pose des pièges partout, il tape sur plein de méchants, il sauve des gentils, il rattrape les bêtises de son éléphant Victor. Comme les missions spéciales lui manquent, lorsque le Colonel Troup arrive en hélicoptère pour lui en proposer une bien particulière qui pourrait être la plus éprouvante de sa carrière, il n’a même pas peur. Rimbaud se voit confier l’éducation de Jeanne, la propre fille du colonel. Elle a l’air ravie ! Elle voyait le héros militaire plus beau et mieux habillé. Elle préfère l’éléphant. Et puis, difficile de capter du réseau. Qu’à cela ne tienne ! Le paternel repart, laissant sa rejetonne dans les mains de l’aventurier. Entre les deux, ça va être « Je t’aime, moi non plus… »
Dans la catégorie « BD dans la jungle catégorie humour », on n’avait jamais rien lu d’aussi chouette depuis Boulouloum et Guiliguili, rebaptisée plus tard Les jungles perdues, par Mazel et Cauvin. Le mini-Tarzan et son gorille laissent ici place à un ersatz de Rambo, cent kilos de muscles, le cerveau formaté pour survivre mais faut pas lui en demander plus, et son exact opposé, son alter ego antinomique, une gamine dont la vie se résume à son smartphone. Troisième pilier de ce duo, l’éléphant Victor joue le rôle de la coccinelle de Gotlib ou du chat de Léonard. La bestiole est à mourir de rire, se brossant les défenses avec du dentifrice ou cassant une liane à cause de son poids. Quelques vilains méchants pas beaux mettent un peu de piment en ajoutant, s’il en fallait, du danger dans ce milieu hostile.
Après Tony et Alberto, puis Nino et Rebecca, Dab’s créé un nouveau duo complètement barré. Comme d’habitude dans ses images hyper dynamiques, les coups, les chutes et les bosses pleuvent de tous côtés. Dab’s, c’est le Tex Avery ou le Chuck Jones du franco-belge. Même si l’on se contentait de regarder les images sans lire, on est morts de rire. Contrairement aux autres séries, l’auteur se lance pour la première fois dans la grande aventure. Il aime les films de Stallone et de Bruce Willis, sinon il n’aurait jamais pu imaginer les aventures de John Rimbaud. Pour autant, le personnage n’est pas un Rambo qui ferait de la poésie. Chez lui, ce sont les uppercuts qui riment entre eux.
Avec Crash Tex, série de gags publiée dans Spirou et dont on espère un album, et John Rimbaud, Dab’s tient là deux séries qui pourraient bien devenir des best-sellers. Même si on a mal pour ses héros, on a un plaisir sadique à les voir prendre des coups et en donner.
Série : John Rimbaud
Tome : 1 – Une saison en enfer
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Dab’s
Couleurs : Gom
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9782818989005
Nombre de pages : 48
Prix : 11,90 €
- Les aventures de Spirou et Fantasio Classique – La baie des cochonspar Laurent Lafourcade
Spirou enfin à Cuba
« -Quel temps de chien ! Quand je pense qu’à l’heure qu’il est, cette peste de Seccotine se dore la pilule à La Havane !
-Cesse de râler, veux-tu ! Réjouis-toi plutôt qu’on nous ait confié ce reportage : avec la présence de Castro, ce sommet de l’ONU promet d’être historique ! »
Spirou et Fantasio débarquent à New-York afin de couvrir un historique sommet de l’ONU, avec la présence du cubain Fidel Castro. Pendant ce temps, Seccotine est sur place à La Havane pour comprendre comment se passe la révolution au quotidien. Pour les uns, comme pour les autres, rien ne va se passer comme prévu. A peine arrivés à l’aéroport, Spirou et Fantasio retrouvent l’agent Longplaying, qu’ils ont rencontré deux ans auparavant dans l’affaire du prisonnier du Bouddha. Ils lui apportent le générateur atomique Gamma amélioré par le Comte de Champignac. L’appareil émet un rayon qui peut déplacer des objets et accélérer la croissance des végétaux. Pris pour un agent américain de la CIA, Spirou est enlevé par les cubains. De son côté, quelques jours plus tard, Seccotine rencontre Che Guevara qui l’invite à une fête organisée par Castro pour l’anniversaire de son fils Fidelito. Elle va y retrouver par hasard Fantasio, déguisé en clown, ainsi que Spip et le Marsupilami, qui recherchent la trace de Spirou.
Un album de Spirou avec le groom absent pendant exactement la moitié de l’histoire, il fallait oser. Les auteurs donnent la vedette à Fantasio et Seccotine, qui jouent un duo d’enquêteurs-aventuriers bien complémentaires. En guests, Spip et surtout le Marsupilami jouent leurs rôles d’acolytes en toute discrétion mais efficacité quand il le faut. Gare à qui se prendra la queue du Marsu en pleine poire quand il s’agit de défendre ses maîtres. Les personnages vivent la marche du monde. Ils vont être les acteurs malgré eux du débarquement raté à Cuba, à la baie des Cochons, par la CIA en 1961, pour faire tomber Fidel Castro. Les lecteurs du journal Spirou auront été chanceux. Pour honorer ce revival Spirou époque années 60, les lecteurs de l’hebdomadaire ont bénéficié d’une couverture sublime, à la couleur du magazine à l’époque, avec une demi-planche introductive à l’histoire qui n’apparaît pas dans l’album
Après avoir repris Iznogoud avec talent, Elric entre dans la maintenant longue liste des dessinateurs de Spirou avec tout autant de professionnalisme. Dans un style franco-belge de la meilleure tradition, il s’empare de l’univers de Franquin période début des années 60. Certaines attitudes du Marsu semblent tout droit sorties des Pirates du silence ou du Voyageur du Mésozoïque. Outre à Franquin, l’œil aiguisé remarquera des clefs d’œil appuyés à Hergé, avec un Fidelito qui n’a rien à envier à Abdallah, à Uderzo, avec un coq qui réveille un campement et qui a l’air de venir d’un village gaulois, ou encore à Morris, avec un chef rebelle qui, à part le nez, à tout dans l’attitude et les costumes de Lucky Luke. Au scénario, le trio Elric, Clément Lemoine et Michaël Baril offre une vraie grande aventure. C’est là qu’on voit que les 62 planches, c’était quand même beaucoup plus dense et efficace que les 44. (Raisons économiques, quand vous nous tenez !) A part quelques raccourcis un peu abrupts comme l’enlèvement de Spirou où on a l’impression qu’il manque des planches, ils s’en sortent fort bien. Pas de temps mort. On fonce. Ils prennent le risque d’introduire des personnages historiques ayant existés (Le Che, Castro, JFK) ancrant l’histoire dans son temps. Ça fonctionne. Yann et Schwartz, ainsi que Bravo, l’ont bien fait.
Dans un album qui n’a jamais vu le jour, Tome et Janry avaient prévu d’envoyer Spirou à Cuba. Quelques années plus tard, mais quelques années avant, sous une couverture à mi-chemin entre celle du Prisonnier du Bouddha et celle de Z comme Zorglub, cette histoire se situant justement entre les deux, Elric, Lemoine et Baril ajoutent cette pièce manquante au puzzle dans une toute autre intrigue inaugurant une nouvelle série Spin-off de Spirou : Les aventures de Spirou et Fantasio classique. La collection intègrera la réédition de Spirou chez les Soviets par Tarrin et Neidhardt (scénariste du prochain Tuniques bleues, soit dit en passant). Sont déjà prévus un nouvel album de Tarrin sur scénario de Trondheim, ainsi qu’un autre album du trio de La baie des cochons avec Zorglub. Un beau programme en perspective.
Série : Les aventures de Spirou et Fantasio Classique
Tome : La baie des cochons
Genre : Aventure
Scénario : Elric, Clément Lemoine & Michaël Baril
Dessins & Couleurs : Elric
Éditeur : Dupuis
ISBN : 97828008501941
Nombre de pages : 64
Prix : 12,95 €
- Sophia Stromboli – Ciao poulette !par Laurent Lafourcade
Après Natacha et Rubine, Walthéry présente Sophia
« -Attenzione ! Voilà la patronne !
-Capitaine !
-Qu’est-ce que vous avez à me regarder comme ça ?
-Moi ?… Mais… Heu…
-Personne n’a touché au corps ?
-Personne ! Le légiste est en route ! »
Côte italienne, le corps d’une jolie blonde est découvert sur une plage. Les carabinieris sont déjà sur place. Sophia Stromboli, leur Capitaine, arrive. C’est toujours les jours où elle n’est pas en service que l’on découvre un cadavre. Sur celui-ci, elle trouve une photo d’elle en uniforme. C’est alors qu’elle aperçoit un observateur caché derrière un pin. Elle le pourchasse, chute lourdement. Il la laisse inanimée avant de se volatiliser. Quelques jours plus tard, alors que Sophia est toujours dans le coma, son amie la journaliste Sandra Ricci prend les choses en main pour retrouver Midas, un tueur en série qui s’était fait oublier et qui semble bien de retour. Entre flics et mafieux, il va falloir beaucoup de perspicacité pour déjouer les faux-semblants.
Après Natacha et Rubine, François Walthéry lance-t-il encore une nouvelle série ? Ce n’est pas lui mais son ami André Taymans qui est à l’initiative de ce qui est pour l’instant un one shot : Sophia Stromboli. Lancée à l’origine dans le périodique L’Aventure, l’histoire est dessinée à quatre mains. Taymans crayonne, Walthéry encre en y ajoutant sa patte. La symbiose est impeccable. Taymans écrit un récit qui se rapproche de l’univers de Rubine mais avec une touche de la personnalité des personnages de Caroline Baldwin, comme s’il se plaçait à mi-chemin entre les deux univers. Le journal L’Aventure ayant cessé de paraître, André Taymans demande un coup de main à sa fille Johanna, déjà co-scénariste d’un épisode de Caroline Baldwin, d’imaginer la conclusion de Sophia Stromboli. Elle invente alors un plan validé par les co-dessinateurs.
L’univers de Sophia Stromboli est moderne et dans l’air du temps. Sandra Ricci n’est pas une simple journaliste, c’est la compagne de la flic. Ici, personne n’est ni tout noir, ni tout blanc. Ricci côtoie un monde mafieux qui à la fois la protège et à la fois lui permet d’avancer dans son enquête. Sous les traits de Lino Ventura, le justement dénommé Lino a ce rôle d’ange gardien, ou plutôt de diable gardien, car le père de Sophia était des leurs. La traque de Midas va se clore dans cet album, mais on va bien que des indices sont laissés, ne demandant à l’univers qu’à être développé dans une série. Le livre se termine par un making of. Le format à l’italienne donne une dimension originale et peu commune à cette histoire dont le personnage titre est quand même absent pendant la majeure partie du temps.
Ciao poulette !, l’énoncé sonne comme un au revoir. On a plutôt envie de dire Hello à Sophia Stromboli, qu’on attend on l’espère dans d’autres enquêtes où elle serait vraiment sur le devant de la scène.
One shot : Sophia Stromboli – Ciao poulette !
Genre : Thriller
Scénario : Johanna & André Taymans
Dessins : François Walthéry & André Taymans
Éditeur : Editions du Tiroir
ISBN : 9782931251096
Nombre de pages : 56
Prix : 15 €
- Glouton 7 – Rencontre au saumon / La forêt de Louison 1 – Le mercredi, c’est magique ! / Chihuahua 4 – Une classe de neige bien givréepar Laurent Lafourcade
Dépaysement exquis, poésie exquise et cadavre exquis
« -Voyons quel goût ça a ?
-Non ! Ne me mange pas !
-Allons bon…
-C’est vrai qu’il est un peu petit… Tu pourrais le remettre à l’eau.
-J’avoue… Pour un champion de pêche, j’aurais pu faire mieux… Allez, file, petite larve !
-Non ! Pas la rivière ! C’est hyper dangereux !! »
Glouton vient d’attraper un saumon. Il s’apprête à le croquer lorsque celui-ci le supplie de ne pas le faire. Mèdor constate qu’il est effectivement un peu petit. Pour autant, le poisson, qui vient de la mer, ne veut pas être mis dans la rivière, c’est trop dangereux, et ne veut pas non plus rester hors de l’eau parce qu’il étouffe. Qu’est-ce qu’il est pénible ! Alors que Glouton décide de finalement le gober, le saumon l’attendrit en lui racontant qu’il a perdu sa bien-aimée Lulu33 dans la foule. KévinduYukon101, c’est ainsi qu’il s’appelle, a-t-il sauvé sa peau ? Avec des prénoms d’un tel ridicule, c’est pas gagné. Quand deux loups se moquent de Glouton pour une si petite prise semblable à une sardine, celui-ci est piqué au vif. Puisque c’est comme ça, il fait le pari d’amener Kévin au commencement de la rivière pour s’accoupler. C’est parti pour la remontada !
Après la fiesta à l’école, les élèves de Chihuahua partent en classe de neige. Les élèves sont tous des monstres, même s’ils n’en ont pas tous l’apparence, sauf Paul. Mais les autres pensent toujours qu’il est un loup-garou derrière son aspect de petit garçon. Gilbert, lui, c’est clair. Une grosse boule orange qui marche sur les mains, c’est moins commun dans le paysage. Les voilà donc partis en bus avec leurs camarades. Une fois sur place, il va falloir faire attention, surtout quand ils vont croiser une piste de ski du monde humain. Et quand la petite cyclope va se faire enlever, ses copains vont tout mettre en œuvre pour la retrouver.
Mettons l’humour de côté pour un tout autre voyage. Tous les mercredis, Louison va chez sa mamie et son chat Gaspard. Elle y retrouve Noham, qui est un peu comme son petit frère et dont la mamie est une copine de celle de Louison. Leurs balades sont des petits voyages fantastiques, avec des rencontres magiques. Croiser un écureuil dans un chêne géant, échapper à un crapaud au fond d’un lac ou traverser la jungle au bout du jardin, c’est possible. Louison et Noham le font.
Avec le septième tome de Glouton, B-Gnet invente le River Movie. Glouton et KévinduYukon101 vont rencontrer toutes sortes d’animaux : des ours, des castors, des aigles,… Le danger est dans le lit… de la rivière. B-Gnet est l’un des meilleurs scénaristes comiques du moment. Glouton est poilu. La série est poilante.
Le quatuor Jousselin-Nob-Obion-Trondheim ne ménage pas les élèves et les encadrants de l’école Chihuahua. Les auteurs se les renvoient les uns aux autres de planches en planches pour un délire enneigé. Les gagnantes du concours de dessins organisé précédemment voient leurs monstres intégrés dans l’album.
Si Glouton et Chihuahua jouent la carte de l’humour, La forêt de Louison joue celle de la poésie. Elsa Bordier a lu Maurice Carême et Erich Kästner. On pourrait presque y croiser une fourmi de dix-huit mètres avec un chapeau sur la tête le 35 mai. Avec ses personnages à mi-chemin entre Bernadette Desprès et Anne Hofer, Stéphanie Rubini met en image ce Louison au pays des merveilles.
Dans le Grand Nord canadien, à la neige ou en forêt, BD Kids amène les jeunes lecteurs dans des univers divers et variés, drôles et tendres. C’est bien qu’il y ait des éditeurs qui fassent encore rêver.