Avenue des CHRONIQUES
- L’énorme enquêtepar Laurent Lafourcade
Meurtre d’or 2024
« -Du coup, qu’est-ce qu’on a ?
-Je l’ignore encore, mais cet homme n’est pas mort de façon naturelle… La rigidité cadavérique a été tellement rapide qu’il n’a même pas eu le temps de tomber au sol.
-Eh bien, Inspecteur, croyez-moi je m’y connais, vu la position du corps, l’angle que font les bras, mais surtout ce coup de couteau très ingénieusement placé (touchant plein d’organes vitaux) et qui est à coup sûr la cause de la mort, je peux vous dire que nous ne sommes pas prêts de trouver le coupable. »
Dans une ville gangrénée par la haine et le mal absolu, se cache un homme qui, pour échapper à la police, tisse mille stratagèmes dans son esprit malade. Un individu vient d’être poignardé. Le corps n’a même pas eu le temps de toucher le sol. Le médecin légiste est formel. L’autopsie démontre que le couteau n’a touché aucun organe vital. La victime, Monsieur Gabriel Berthier, 38 ans, est décédé d’une réaction allergique à un antibiotique : l’uximasco… l’iscamoxil… l’amoxicilline. Un commissaire et un inspecteur vont mener l’enquête, avec tout le sérieux et toute la sagacité dévolues à leurs fonctions.
Si vous désirez suivre une investigation policière pointue avec ses hypothèses et ses analyses toutes plus pertinentes les unes que les autres et faisant avancer l’intrigue dans un suspense certain, L’énorme enquête n’est peut-être pas faite pour vous. Si vous êtes adeptes de l’humour Canal à la grande époque des Nuls et de Groland, là, vous risquez d’être clients. Les flics de ce livre pourraient s’appeler Richard Bullit et Douglas Riper, alias Kad Merad et Olivier Baroux dans Pamela Rose. Cet album marche sur les traces de leur continuité. Le commissaire préfère regarder des vidéos sur YouTube plutôt que de réfléchir. Pour y cacher de discrets micros d’écoute, l’inspecteur transforme l’intérieur de la voiture du suspecté tueur en discothèque avec sono et boule à facettes. Et pour faire le point, il faudra qu’ils chuchotent entre eux : les murs ont des oreilles ! Ajoutons à tout cela une fusée, une tique géante et un avion publicitaire, … Bref… Tout est normal.
Le scénariste Lorrain Oiseau invite Ionesco chez Columbo. Ce n’est pas grave si l’on ne comprend rien à l’enquête. L’important n’est pas le but, mais le chemin. Les situations sont totalement foutraques et déjantées. Le dessinateur Yann Rambaud prend le contrepied avec un graphisme réaliste, à la manière d’Emmanuel Reuzé dans sa série Faut pas prendre les cons pour des gens. Cette énorme enquête aurait presque pu être un long épisode de cette collection. L’album a reçu le prix Meurtre d’or 2024 au concours général criminel organisé par le Ministère du crime et des plaies ouvertes. Non… Ça aussi, c’est pour déconner.
La collection Pataquès s’enrichit d’une nouvelle petite curiosité éditoriale. A défaut de vous faire frémir, l’énorme enquête vous fera certainement bien marrer.
One shot : L’énorme enquête
Genre : Humour & polar
Scénario : Lorrain Oiseau
Dessins & Couleurs : Yann Rambaud
Éditeur : Delcourt
Collection : Pataquès
ISBN : 978241307842
Nombre de pages : 64
Prix : 13,50 €
- Choupisson 1 – La vie en ver par Laurent Lafourcade
En ver et contre… un hérisson.
« -C’est donc ainsi que ma vie s’achève ? Mangé par un choupisson au petit matin, alors que je n’ai pas pris de petit-déjeuner…
-Moi aussi je cherche un petit-déjeuner. Tu sais où je peux trouver un « vert » de terre ?
-Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Nan, mais tu te fiches de moi là ?
-Bah non, il paraît que c’est mon repas préféré et je ne sais pas à quoi ça ressemble… »
Une maison au bord d’un étang, un jardin potager, le coin est bucolique. De grands arbres bordent la petite maison en bois. Pendant qu’une chenille se repaît d’une succulente feuille d’un légume, un hérisson sort de sa tanière située sous deux marches en béton menant à la porte d’entrée. Les yeux mi-clos, il renifle les odeurs du matin. Atchoum ! Un escargot le fait éternuer. Le gastéropode craint de se faire croquer. Il n’en sera rien. Il n’est pas très appétissant avec ses yeux globuleux. Ça tombe bien pour lui. Il conseille au hérisson de se nourrir de vers, sauf qu’il ne sait pas à quoi cela ressemble. Alors que le choupisson tombe nez à nez avec l’un de ces individus, le ver, comprenant la problématique, ne révèle pas son identité et lui propose de l’aider à en trouver un. Il va évidemment l’amener sur de fausses pistes.
Après les muets Billy Symphony et Birdy Mélody, David Périmony se lance dans un univers animalier avec paroles. Paillasson est un choupisson. Alors qu’on pouvait penser ce mot inventé par l’auteur, il n’en est rien. Le choupisson est l’autre nom du hérissonneau, le petit du hérisson. Périmony a un graphisme qui fait penser aux dessins animés américains des années 40 et 50. Le trait est bien arrondi, les couleurs sont douces. Avec juste quelques traits, le ver de terre est d’un dynamisme exemplaire. Sans accessoire, sans fioritures, l’auteur parvient à lui insuffler une vivacité hors du commun avec une théâtralité exemplaire.
Choupisson rejoint la collection de bandes dessinées pour les plus jeunes des éditions de La Gouttière. On peut déjà y lire Lili Crochette et Monsieur Mouche d’Olivier Supiot et de l’épatant scénariste Joris Chamblain, la sublime série Sous les arbres, quatre saisons revisitées en forêt par Dav, l’émouvant et tendre Emouvantail de Renaud Dillies, et tout récemment Anya, conte de l’est signé Crisse. Il y a pire comme compagnons de catalogue. Ces petits formats à l’italienne sont une transition idéale après les albums jeunesse pour mener les primo-lecteurs vers la bande dessinée classique, et intéressera tout autant les plus grands, même les adultes qui ne pourront qu’être séduits par la qualité des productions.
Avec Choupisson, bienvenue pour voir la vie en ver et en vert ! David Périmony tient là un univers qui pourrait bien devenir l’un des classiques de demain.
Série : Choupisson
Tome : 1 – La vie en ver
Genre : Emotion
Scénario, Dessins & Couleurs : David Périmony
Éditeur : La Gouttière
ISBN : 9782357961043
Nombre de pages : 32
Prix : 10,70 €
- Les chroniques de Louise Pembleton 1 – La pension de Miss Daisypar Laurent Lafourcade
Dans les bras de New-York
« -Madame Pembleton, c’est un honneur de vous rencontrer !
-Monsieur Lefort, vous voulez me faire rougir. Même si je n’ai plus l’âge de recevoir de tels compliments de la gent masculine, je suis heureuse de voir que le charme français opère toujours ! Entrez, je vous prie. Allons nous installer sur la terrasse ! Attention de ne pas vous cogner à tous ces souvenirs : il y en a beaucoup dans cette demeure, et ils pèsent aussi lourd que les années qui passent. »
1985, l’écrivain Roger Lefort débarque à New-York. Il a déjà rédigé une dizaine de biographies. Aujourd’hui, il vient rencontrer Louise Pembleton. Créatrice de mode, illustratrice, journaliste, photographe, actrice, féministe engagée, elle a vécu plusieurs vies en une seule. Pendant trois mois, il va séjourner dans l’hôtel de son neveu Thomas à quelques kilomètres de chez elle, à Cape May dans le New Jersey. Ils ont prévu de se rencontrer tous les après-midis, du lundi au vendredi. A 84 ans, c’est la première fois que Louise accepte de faire l’objet d’une biographie, peut-être parce que c’est à l’initiative d’un éditeur français, pays où elle a vécu. Une fois installé dans sa chambre d’hôtel, l’écrivain rejoint le chauffeur qui vient d’arriver. Direction 208 Atlantic Boulevard, une grande maison en bois sur le front de mer.
Louise Pembleton accueille chaleureusement son hôte et l’emmène avec elle dans ses souvenirs. Tout commence en 1908, pour son anniversaire, ses 7 ans, ses parents lui offrent une boîte de crayons de couleurs. Ce sera le dernier anniversaire qu’elle fêtera avec son père, emporté dans l’année par une maladie grave. Sa mère du prendre un travail administratif pour subvenir aux frais de la famille. Son frère commença à travailler dans l’hôtellerie pendant que Louise et sa sœur allaient encore à l’école. A partir de 17 ans, ce furent cinq années d’école d’art à Philadelphie. Mai 1925, Louise arrive à New-York. C’est une nouvelle vie qui commence. Elle a rendez-vous à la rédaction d’un magazine féminin relancé par Richard Maxwell pour y être embauchée comme graphiste.
Ben Prieur narre le destin d’une enfant du XXème siècle. A travers le parcours professionnel d’une jeune fille qui deviendra une célèbre graphiste dans le milieu de la mode, il raconte l’histoire d’une ville : New-York, Big Apple, la ville qui ne dort jamais. A l’instar de ce qu’a fait Armistead Maupin avec Les chroniques de San Francisco pour cette ville de l’Ouest, livres adaptés en bande dessinée par Isabelle Bauthian et Sandrine Revel, Ben Prieur se sert de personnages pour raconter New-York. Vue l’époque, il va bien sûr être question de prohibition, mais aussi de féminisme. Les pensionnaires de Miss Daisy sont toutes des filles qui prennent leurs destins en main, en particulier bien sûr Louise.
On n’attendait pas Djief ici. Le dessinateur de Créatures montre un pan méconnu de son talent. Dans une unité de tons sépia, il se fait le graphiste de la vie d’une graphiste. Son trait et ses couleurs sont d’une délicatesse incroyable. La semaine sans paroles avec uniquement des images et une planche par jour est une prouesse de mise en scène.
Il fallait bien un éditeur particulier comme Les sculpteurs de bulle pour mettre en valeur une telle petite pépite. On ne peut pas être aussi bien défendu chez un gros éditeur qui surproduit. Les sculpteurs font le pari de se passer au maximum des librairies pour des raisons économiques justifiées. On peut se procurer l’album en ligne.
« La pension de Miss Daisy » est le premier tome du premier diptyque des chroniques de Louise Pembleton. Immersion dans le New-York des années 20, on y découvre comment une ville et une jeune femme se sont rencontrées pour un destin lié. Fascinant. On a l’impression de lire un film avec Audrey Hepburn.
Série : Les chroniques de Louise Pembleton
Tome : 1 – La pension de Miss Daisy
Genre : Emotion
Scénario : Ben Prieur
Dessins : Djief
Éditeur : Les sculpteurs de bulles
Collection : Empreintes
ISBN : 9791092486742
Nombre de pages : 64
Prix : 30 €
- Créatures 4 – Rendez-vous avec le Bogeymanpar Laurent Lafourcade
Love Lovecraft
« -Hé, les enfants, vous m’entendez ? Je sais où on est ! C’est New-York ! On est devant le City Hall ! On a bougé dans le temps ! Les bâtiments sont encore tous debout, on est avant la première grande nuit ! Mais en quelle année on a atterri ?
-Hé, vous vous croyez où à hurler comme ça ?! Descendez de là, vous allez vous rompre le cou !
-C’est mon pépé, Monsieur l’agent, il s’est perdu… Il n’a pas toute sa tête…
-En quelle année on est ? »
C’est en 1928 à New-York que viennent de débarquer Gros Taré, son petit-fils Sean, dit La Taupe, et ses compagnons. La ville est intacte. C’est avant la Grande Nuit, cet événement qui a plongé la grosse pomme, de nos jours, dans une torpeur qui a transformé les adultes en zombies affamés de sucre. L’organisme de Yog-Sothoth dirige ces dégénérés et contrôle la ville. D’après Minus, c’est Bogeyman, l’homme de ses cauchemars, qui tire les ficelles. Il s’appellerait en réalité Howard Phillips Lovecraft et serait un romancier du siècle dernier. C’est en pénétrant grâce à une capsule dans le corps de Yog que nos héros ont fait un voyage de près d’un siècle dans le temps. A Providence, ils vont rencontrer ce fameux écrivain dont tout semble sortir de l’imagination. Dans d’autres temps et en d’autres lieux, dans une région désertique, un vieil explorateur descend dans les entrailles de la Terre après avoir dit au revoir et peut-être adieu à sa compagne de recherches.
S’il y a une série dont on ne pouvait pas prévoir la direction qu’elle prendrait, c’est bien Créatures. La quadrilogie est en fait un hommage à Lovecraft, référence de la nouvelle fantastique, et en particulier à son histoire « L’affaire Charles Dexter Ward », où il y est question de démence, d’archéologie et de généalogie. C’est là que l’auteur fait pour la première fois référence à Yog-Sothoth, créature difforme, d’une centaine de mètres de diamètres, définie comme tout en un et un en tout, clé de la porte vers d’autres dimensions dont il est le gardien. Il est maître de l’espace-temps : passé, présent et futur n’y font qu’un. Quand on prononce son nom, il faut s’attendre à un hideux bouleversement. En rencontrant Lovecraft, Gros Taré réussira-t-il à convaincre l’écrivain de trouver un consensus permettant de libérer le futur sans dénaturer son œuvre ?
Stéphane Betbeder a savamment construit l’aventure Créatures. Alors que le tome 1 laissait augurer d’une saga fantastique classique d’une bande de mômes dans un monde post-apocalyptique, le scénariste a petit à petit levé le voile d’un récit puisant ses sources dans les prémisses d’une littérature qui a traversé les générations. Lovecraft, c’est un peu l’auteur que tout le monde connaît de réputation mais que peu de gens ont réellement lu. Grâce à Betbeder, on découvre un large spectre de l’homme et de son œuvre. On connaissait le goût du scénariste pour le fantastique intelligent depuis ses débuts en bande dessinée avec notamment Alister Kayne, chasseur de fantômes, dessiné par Eric Henninot.
Ici, le dessinateur Djief clôt la saga avec maestria. Les créatures surnaturelles sèment une panique du diable dans des planches ne laissant aucune respiration aux protagonistes.
Créatures est une série qui gagne à être lue d’un trait. Ce rendez-vous avec le Bogeyman clôt une aventure originale qui donne envie de lire les nouvelles de Lovecraft.
Série : Créatures
Tome : 4 – Rendez-vous avec le Bogeyman
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Betbeder
Dessins & Couleurs : Djief
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034761012
Nombre de pages : 72
Prix : 12,95 €
- Les Miniz 1 / Camomille et les chevaux 12 – Toujours en vacancespar Laurent Lafourcade
Célébrités et équidés
« -Jeunes gens… Aujourd’hui, il n’y aura pas cours de mathématiques !
-Hein ?
-Yes !
-Trop bien !
-A la place, il y aura… Evaluation surprise ! Prenez une feuille ! »
Evaluation surprise à l’école des célébrités ! Enfin, ces enfants ne le sont pas encore, mais on sait qu’ils le deviendront, dans la vraie vie ou dans la fiction. Heureusement que Noé, celui de l’arche, a une astuce pour échapper au contrôle : mettre une araignée sous le nez de Céline (Dion) et sa voix émettra un bruit similaire à celui d’une alarme incendie. Evacuation des classes ! Quand le menu du jour, c’est brandade de chou aux épinards, autant faire appel à Jésus pour qu’il multiplie les pains… au chocolat. (Les chocolatines, en fait, pour relancer le débat) Face à la brutalité et la bêtise de Schwarzy, le futur comédien Arnold Schwarzenegger, Pinocchio utilisera savamment son nez. Quant à Aladin, il pourra compter, ou pas, sur le génie de sa lampe, troquée ici pour une cannette.
Au haras, Anaïs marche, trotte, galope sur les pas de sa grande sœur Camomille. Si elle veut faire du sulky avec Pompon, il faudra qu’elle apprenne d’abord à son cheval que lui ne doit pas monter dedans. Et les jours où il est mal luné, il vaut peut-être mieux carrément monter sur une vache. Du côté de Camomille, son cheval Océan est trop intelligent. Il se prend pour un humain et s’installe où il ne devrait pas. C’est de plus un cheval très pipelette, prêt à laisser tomber une remontada en pleine course pour papoter avec sa copine Eurasie. On peut même faire de sacrés tours avec lui… sauf quand la sangle de la selle se desserre.
« Un jour, ils seront célèbres. En attendant, ils apprennent à le devenir ! » Voici le pitch des Miniz, la nouvelle série de Matyo et Bast. Nouvelle ? Pas tant que ça. On a pu lire quelques-uns de leurs gags dans Spirou il y a quelques années. Encore une série que Dupuis a laissé bêtement filer, à la grande joie de Bamboo. Les auteurs s’étaient aussi déjà intéressés aux célébrités il y a une quinzaine d’années avec la série En plein dans le mythe chez Soleil, dans des petits albums consacrés à Jésus et Roméo, à Eve et le génie d’Aladin, ainsi qu’à Moïse et Arthur Pendragon. Les Miniz, eux, sont en classe de 6°. Outre ceux déjà cités, on retrouve entre autres Darky (Dark Vador), Tomi (Thomas Pesquet), Newton (et sa pomme) ou encore Hulky (petit Hulk). La série est à ranger entre Les profs et la regrettée Cosmic Patrouille.
« Humour, poésie et tendresse au club des Quatre-Fers ». Mine de rien, Camomille et les chevaux en est déjà à son douzième album. Pour ceux qui l’ignoraient encore, derrière le pseudonyme de Lili Mésange se cache le scénariste Frédéric Brrémaud. Au dessin, Stefano Turconi donne un côté kawaï disneyen aux chevaux et autres animaux. En fin d’album, les auteurs nous invitent à entrer dans l’univers d’Anaïs et Pompon avec des blagues, des tutos dessinés, des portraits de famille et un historique des sports équestres aux jeux olympiques, Paris 2024 oblige. La série est à ranger entre Studio danse et Cath & son chat.
Entre chevaux et futurs héros, il y a de l’apprentissage à faire. Celui de la rigolade est en tous cas en très bonne voie. Les Miniz et Camomille & les chevaux portent haut les couleurs de l’humour Bamboo.
Série : Les Miniz
Tome : 1
Genre : Humour
Scénario : Matyo
Dessins : Bast
Couleurs : Alexandre Amouriq & Mirabelle
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9791041102655
Nombre de pages : 48
Prix : 11,90 €
Série : Camomille et les chevaux
Tome : 12 – Toujours en vacances
Genre : Humour
Scénario : Lili Mésange
Dessins : Stefano Turconi
Couleurs : Hélène Lenoble
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9791041103218
Nombre de pages : 48
Prix : 11,90 €
- La Venise des Louvespar Laurent Lafourcade
Sérenissimes lupus
« -Allez, on s’active ! Les gondoliers ne vont pas tarder à débarquer. On doit être là-bas avant eux.
-Attends, je vais t’aider avec ça. Tu as mal ?
-J’ai l’impression qu’il est encore là. La dévoration l’a effacé si facilement…
-Qu’est-ce qu’on va leur apporter ? Y a plus grand-chose.
-Ils ne vont pas être contents.
-Et alors ?
-Ce soir, c’est la bonne. On les massacre. »
Dans une Venise fantastique, un kamikaze se fait exploser en plein milieu d’un marché. Il a utilisé une bombe D et ses effets surréalistes : distorsion, dispersion, démence et dévoration. Tout ce qui se trouvait dans le rayon d’action est anéanti, disparu, volatilisé, comme la main droite de Renzo. Ça, c’était il y a quelques mois. Aujourd’hui, Renzo est à la tête d’une meute, un groupe de quatre femmes aux masques de louves. Groupe de résistants, ils cherchent à accoster sur l’île noire, en quête de revanche, en quête de sens. A l’instar de Renzo, toutes les louves sont des rescapées d’attentats. Les habitants de l’île noire, menés par les gondoliers, exigent des offrandes, désignant leurs victimes par des cauchemars. S’ils ne sont pas entendus, c’est à un nouvel attentat qu’il faudra s’attendre. Renzo et les louves réussiront-ils à délivrer la Sérenissime de l’emprise dont elle est victime ?
Dans un décor mythique, la scénariste Aurélie Wellenstein écrit une histoire sur le choc traumatique, le désir de vengeance et la résilience après un attentat. On ne peut s’empêcher de penser aux attaques perpétrés ces dernières années près des stades ou au Bataclan. Aurélie Wellenstein transpose le sujet en d’autres lieux, à une autre époque, dans un monde semi-fantastique. Venise est le théâtre du carnaval, des masques et des faux-semblants, du mystère et des fausses identités. Les loups sont des animaux nocturnes, avec un rapport légendaire à la lune. Leurs déplacements en meute sont régis par une solidarité particulière. Sous leurs masques de louves, les vénitiennes s’organisent en anarchistes face à un pouvoir totalitaire. L’histoire est aussi une métaphore politique d’un extrémisme montant que rien ne semble pouvoir arrêter. Les quarante-six planches de l’album paraissent bien courtes, comme si le projet était passé en cours de route de l’état de série à celui de one-shot. Il y a tant d’éléments et tant de rebondissements qu’il faut parfois s’accrocher pour imbriquer les pièces les unes aux autres.
Le dessinateur italien Emanuele Contarini signe son premier album en France. Doté d’un impressionnant sens artistique, il montre une Venise énigmatique. Il se situe pile au milieu de ce que faisait Griffo à la grande époque de Giacomo C. et de Yannick Corboz dans les récentes Rivières du passé. L’immersion est totale, qui plus est quand le cadrage est à hauteur de canal. Ses louves sont aussi belles que déterminées à aller jusqu’au bout de la mission qu’elles se sont fixées. Les monstres de la dernière partie se rapprochent plus de ce que l’on peut voir dans des mangas horrifiques, plus que dans l’heroïc-fantasy classique. De jour comme de nuit, les couleurs d’Alice Scimia donnent le tempo tout au long de l’album.
Quitte à être un one-shot, La Venise des Louves aurait fortement gagné en lisibilité avec une pagination beaucoup plus importante. On reste un peu sur sa fin tellement tout va très vite. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ne s’ennuie pas. Et puis, pourquoi se priver d’une histoire dans un décor si exceptionnel ?
One shot : La Venise des Louves
Genre : Fantastique
Scénario : Aurélie Wellenstein
Dessins : Emanuele Contarini
Couleurs : Alice Scimia
Éditeur : Bamboo
Collection : Drakoo
ISBN : 9782490735181
Nombre de pages : 48
Prix : 14,90 €
- Garçons manqués / Vivre est dangereux pour la santé !par Laurent Lafourcade
Débuts et fins de vie
« -Tu joues au foot ?
-Nan !
-Pourquoi ?
-Parce que je ne veux pas faire comme les autres ! Et toi, pourquoi tu joues au foot ?
-Pour affirmer ma différence !
-On va pas pouvoir s’entendre !
-Peuh… »
Charlie et Malcolm font connaissance au pied d’un arbre. Il lit. Elle joue au foot, lui propose de taper le ballon avec elle. Il refuse. Il avoue ne pas aimer le foot, parce qu’il ne veut pas faire comme les autres. Elle, elle y joue pour affirmer sa différence. Ils ne vont pas pouvoir s’entendre. En fait, si, parce qu’ils ont tous les deux une philosophie de vie en marge de celle de la société en général. Leurs parents sont divorcés. Quand la mère de l’un va se mettre en ménage avec le père de l’autre, il ne va pas y avoir d’autre moyen que de cohabiter. Charlie se définit comme un garçon moderne. Il a décidé de laisser sa part féminine s’exprimer et refuse le comportement mâle macho primaire testostéroné. Alors, lorsque Charlie le traite de tafiole, il prend ça comme un compliment. De son côté, elle, refuse de se considérer comme une fille. Tous deux, dans leurs libres arbitres respectifs, vont bien devoir composer avec leurs convictions.
Quittons les enfants pour les adultes, ou plutôt le début de vie pour la fin car : Vivre est dangereux pour la santé. Qu’on se le dise ! Si le fumeur invétéré n’arrête pas de cloper, il finira rapidement entre quatre planches. Même là, aura-t-il compris la leçon ? Le greffé du cœur survivra-t-il à la transplantation ? Tout dépendra de l’adresse, ou de la maladresse, de Martine, l’infirmière du bloc opératoire. On ne va pas toujours jusqu’à la mort dans ce recueil de gags, on a même droit à un caprice de môme. On s’arrête parfois en Ehpad, pour changer des draps à cause de « faux départ », ou en MJC, pour un atelier polygamie. C’est l’avenir ! D’un peu plus, on avait droit à une réunion sur l’origami. Ouf ! Et puis, il y a les cercueils, qui font chier jusqu’au bout quand ils ne passent pas les portes, ou qui font les foufous à l’église. Bon, tant qu’on n’exclue pas mamie du repas familial…
Ça fait déjà dix-sept ans que le projet de Garçons manqués marinait dans les tiroirs de James. A l’époque, le projet n’avait pas été retenu par les éditeurs. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts concernant la problématique de la transidentité. Les personnages se sont réimposés à James qui a finalement trouvé, dans le fond comme dans la forme, le moyen de traiter le sujet, en demi-planches en bichromie avec des trames. Charlie et Malcolm, du haut de leur jeune âge, se positionnent en fins observateurs d’un monde qui ne tourne pas toujours rond, tout au long des quatre saisons que dure leur partenariat de vie.
De son côté, Espé verse dans l’humour noir, parfois très noir. Mais qu’est-ce que c’est rigolo ! Avec Espé, on peut rire de tout. C’est suffisamment rare pour le souligner. On ne sait pas comment il fait, mais on arrive à tout lui pardonner. Au fond, le monde est-il si sérieux que ça ? Espé nous apprend que mourir, ce n’est pas si terrible que ça. Il met même en scène un dessinateur dans une diatribe de sa femme sur l’humour pendant que la « haute » fait des romans graphiques qui font chialer.
Entre tendresse et humour noir, avec Garçons manqués et Vivre est dangereux pour la santé, Fluide glacial célèbre le rire moderne, ancré dans une actualité qu’il « dé-moro-ise. »
One shot : Garçons manqués
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : James
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038206816
Nombre de pages : 56
Prix : 13,90 €
One shot : Vivre est dangereux pour la santé !
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Espé
Couleurs : Laure Durandelle
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038206410
Nombre de pages : 56
Prix : 13,90 €
- Congo blancpar Laurent Lafourcade
Dans la moiteur d’un pays d’équateur
« -Ha ha ! Vous me plaisez, Vincent ! Je ne sais pas exactement pourquoi… Mais vous me plaisez. Si un jour vous en avez assez de ce genre de vie… genre que je me garderai de juger… venez chez moi, au Congo. Je vous montrerai ma plantation. Elle est immense et il y a tant de choses à y faire… Mais ne tardez pas trop… Le temps ne s’achète pas, lui ! »
Dans un hôtel au cœur des Alpes françaises, en juin 1935, Vincent Deville fait la connaissance de Louis Leloup, un homme d’affaires qui possède des plantations au Congo. Celui-ci l’invite à venir les visiter. Quelques années plus tard, en 1942, assailli par les moustiques, Vincent remonte le fleuve dans une pirogue au milieu de congolais. A Mungi, chef-lieu du territoire, la propriété de Louis Leloup est gérée par un administrateur. Voici que débarque Laurence, la petite fille de Louis, qui a bien grandi depuis que Vincent l’a rencontrée dans cet hôtel des Alpes alors qu’elle n’avait que treize ans. L’adolescente est devenue une femme fatale, tout autant que sa mère. Son père est mystérieusement décédé il y a quelques années. Son beau-père Louis Leloup y est-il pour quelque chose ? Dans la moiteur des nuits d’équateurs où l’amour laisse sa place au sexe, Vincent se trouve au cœur d’une sombre histoire de famille. C’est Congo 40.
Le récit de mœurs fait place au polar avec Fleurs d’ébène. Un groupe de personnes éméchées, deux coloniaux et leurs conquêtes congolaises, sont à bord d’une voiture en pleine nuit, qui roule sur quelque chose. Ils s’arrêtent et découvrent le cadavre d’un « nègre ». L’ont-ils tué ? Etait-il mort avant ? Toujours est-il qu’ils prennent la fuite. Le lendemain, la police est sur les lieux. Pour l’inspecteur chargé de l’enquête, il n’y a pas de doute, ce n’est pas un accident. Entre guerre de clans et activisme politique, le Congo colonisé cache des secrets que tout le monde n’a pas envie de voir remonter à la surface.
Cette intégrale se termine par Congo blanc, un court récit de couple en crise en pleine indépendance du pays en 1960. L’album regroupe des récits africains de Warnauts et Raives initialement publiés en 1988 et en 2007 chez Casterman. Lors de la prépublication dans (A suivre) en 1987 de Congo 40, le mensuel titrait « Le roman chaud de l’été ». Tout est dit. Heureusement que le trait fin des auteurs et le décor hors du commun contrebalancent avec le scénario de téléfilm érotique. On sent que vingt ans se sont passés entre ce récit et « Fleurs d’ébène ». Les auteurs ont gagné en maturité. Il y a plus de fond, de réalité historique et de réflexion. Cette deuxième histoire témoigne d’une époque de fin de règne. L’Afrique est en train tout doucement de reprendre le contrôle de son destin.
Les éditions Daniel Maghen montrent deux pans (et quart) du travail de Warnauts et Raives. On ne fait pas une si longue carrière par hasard. Cette intégrale montre l’élégance de leur parcours.
One shot : Congo blanc
Genre : Drame
Scénario, Dessins & Couleurs : Eric Warnauts & Guy Raives
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741783
Nombre de pages : 192
Prix : 35 €
- Missak, Mélinée & le groupe Manouchianpar Laurent Lafourcade
Les fusillés de l’Affiche Rouge
« -Désolé, j’arrive à pinces de la contrescarpe. Trop dangereux de prendre le métro avec ce que je transporte…
-Allons-y, les boches ne sont jamais en retard.
-Charles, tu es toujours d’accord pour lancer la pomme ?
-Bien… Bien sûr.
-Et toi, Georges, toujours pacifiste ?
-Je ne…
-Je ne te juge pas, c’est juste qu’il faut bien définir les rôles. »
22 février 1944, 5 heures du matin, à Marseille, un groupe de résistants réquisitionne un petit camion rempli de fleurs devant être livrées au siège de la kommandantur. Ça tombe bien, ils vont en profiter pour déposer des fleurs au pied d’une affiche rouge, une de celles recensant les visages des dix libérateurs morts pour la France fusillés la veille par les nazis au Mont-Valérien à Suresnes. Menés par Missak Manouchian, ils ont mené la vie dure à l’envahisseur en perpétrant attentats sur attentats dans les troupes allemandes. Qui étaient cet arménien et ses complices qui ont donné leur vie pour la France ?
L’histoire commence au printemps 1915 à Edesse dans l’Empire Ottoman, le petit Missak joue aux osselets avec des camarades lorsque des soldats ottomans arrivent. Accusés de collaborer avec les russes, le gouvernement les chasse. C’est en réalité un plan d’extermination. Missak et son frère Garabed échapperont au génocide, pas leurs parents. Ils seront confiés à un orphelinat de l’église catholique arménienne, avant de réussir, quelques années plus tard, à émigrer en France. En 1934, Missak rencontre celle qui deviendra plus tard la femme de sa vie, Mélinée, lors du gala annuel du comité d’aide à l’Arménie. Au début de la seconde guerre mondiale, Manouchian est arrêté comme de nombreux responsables communistes. Libéré, il s’engage dans une organisation clandestine pour lutter contre une inacceptable occupation. De mars à novembre 1943, le groupe Manouchian va multiplier les actions répressives contre les nazis, lançant des grenades dans des troupes en marche, faisant dérailler des trains ou exécutant des gradés allemands.
Poussé par Madeleine Riffaud l’invitant à s’intéresser au sujet, Jean-David Morvan détaille le destin du groupe d’activistes anarchistes révolutionnaires mené par le poète, ouvrier et militant communiste Missak Manouchian. Afin de mieux comprendre le caractère du personnage et ses objectifs de liberté, Morvan remonte à son enfance. Les années de guerre sont narrées par le truchement de Mélinée, racontant tout à un certain Charles Aznavourian. Les coups d’éclat du réseau s’intercalent avec des portraits de chacun des membres du groupe. Si seulement dix figuraient sur la célèbre affiche, ils furent en réalité vingt-quatre à être jugés par un tribunal militaire allemand et vingt-trois condamnés à mort.
Thomas Tcherkézian dessine la vie de Manouchian avec une pudeur faisant la part belle aux actions de résistance de son groupe. C’est son premier album. Il a été réalisé en un an. Pour tenir les délais et sortir au moment de la panthéonisation de Manouchian, tout un pull de collaborateurs est intervenu. Tcherkézian a conservé le dessin de tous les personnages principaux pendant que l’atelier The Tribe créé par Morvan à Reims s’est chargé des décors, des personnages secondaires, ainsi que des incroyables images flashs, uppercuts de guerre. Les portraits des résistants, en pleines pages, sont empreints d’émotion. Les acteurs fixent les lecteurs avec une détermination et une fierté courageuse. Poignant. Les couleurs références à l’affiche rouge donnent le ton de l’époque. Il y a juste un abus de trames qui n’était pas nécessaire.
On ne peut s’empêcher d’avoir les larmes aux yeux en lisant la dernière lettre de Missak à Mélinée. En février dernier, quatre-vingts ans après son exécution, Missak Manouchian entre au Panthéon. Il était temps que la France reconnaisse cet artisan de la Liberté. L’album accompagne cet hommage. Il contribue avec force au devoir de mémoire.
« 21 février 1944, Fresnes
Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée.
Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. On va être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas, mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.
Je m’étais engagé dans l’armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté et de la paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous !
J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse, j’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon honneur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse.
Tous mes biens et toutes mes affaires. Je les lègue à toi et à ta sœur, et pour mes neveux.
Après la guerre, tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la Libération.
Avec l’aide de mes amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs, si possible, à mes parents en Arménie. Je mourrai avec 23 camarades tout à l’heure avec le courage et la sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n’ai fait de mal à personne et, si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine.
Aujourd’hui, il y a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que j’ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal, sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t’embrasse bien bien fort, ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur.
P.-S. : J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.
Manouchian Michel »
One shot : Missak, Mélinée & le groupe Manouchian
Genre : Histoire
Scénario : Jean-David Morvan
Dessins : Thomas Tcherkézian
Couleurs : Hiroyuki Ooshima
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504126
Nombre de pages : 160
Prix : 25 €
- Le petit derrière de l’Histoire 3par Laurent Lafourcade
Rencontres Historotiques
« -Là-bas ! Sur la plage !
-Elle tombe à pic !
-Mais d’où vient-elle ?
-Peu importe. Elle sera parfaite pour la cérémonie. »
Après avoir été emportée par un tourbillon d’eau dans le sous-marin de Léonard, Marie, la petite voyageuse de l’Histoire, se retrouve propulsée au temps des vikings. Ils la retrouvent échouée sur la plage et l’amènent au village. Elle serait l’élue des dieux. En voilà des façons, elle aurait préférée être sauvée plus chaleureusement plutôt que d’être chopée comme une voleuse. Les guerriers blonds vont la prendre au mot. Finalement, ils savent recevoir. La suite de la nuit va être plus complexe puisque la chamane va vouloir la sacrifier. Marie s’enfuit, avec Pioutch, son petit poulpe. Elle n’a plus qu’à espérer qu’un nouveau transfert spatio-temporel la tire des griffes des vikings.
Chaque fois, c’est pareil. Marie pense qu’elle va mourir. Passé, présent, elle a l’impression de vivre l’imparfait du futur. Parfois, elle ne sait pas pourquoi elle continue. Certainement parce qu’elle n’a pas le choix. Prendre des décisions devient inutile quand le destin vous rattrape. Voici le sien : parsemer d’érotisme l’histoire des inventions, et mourir. Comme un insecte éphémère et paradoxalement éternel, c’est la petite mort dans tous les sens du terme. En effet, les voyages de Marie sont rythmés par les orgasmes. Pour résumer, son copain Ben est blessé, coincé dans un espace-temps sur une seconde qui tourne en boucle. A la frontière de l’espace et du temps, il ne guérit pas. Marie a deux solutions pour le tirer de ce mauvais pas : refermer l’espace-temps pour qu’il guérisse, ou bien le soigner pour refermer l’espace-temps. Pour cela, elle doit d’abord récupérer la télécommande qui fait voyager dans le temps qu’a mise au point Nikola Tesla. Va-t-elle y parvenir avant qu’il n’appuie à nouveau dessus ?
Il y a deux types de bandes dessinées érotiques : celles qui ont l’intérêt d’un téléfilm rose du samedi soir au scénario tenant sur un ticket de métro (lol), et celles qui racontent une vraie histoire, qui plus est avec humour et coquinerie. Le petit derrière de l’Histoire rentre dans cette seconde catégorie. Marie voyage dans le temps et cherche à sauver son mec. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle donne de sa personne, faisant fi de la fidélité. Son parcours l’amène dans les bras des plus grands inventeurs comme Léonard de Vinci, Albert Einstein ou Louis Pasteur. On croisera aussi (le lecteur, mais pas Marie) un Stephen Hawking bien polisson. Aux couleurs, Marina Duclos donne du volume aux formes physiques et graphiques dans le trait souple de Katia Even.
En guise de bonus, un petit cours de rattrapage d’Histoire revue et corrigée montre que Katia Even maîtrise son sujet. Enfin, un Artbook montre Marie vue par quelques grands dessinateurs dont, entre autres, Dav, Widenlocher et Guinebaud.
Avec Le petit derrière de l’Histoire, Katia Even développe un univers qui dépasse le cadre de la simple bande dessinée. Si vous aimez les avant-premières, les making-of et les illustrations coquines, n’hésitez pas à devenir tipeur. Rendez-vous sur https://fr.tipeee.com/katia-even. L’autrice a eu l’idée géniale de créer un album de stickers à la manière des images Panini.
La série devrait se clôturer au quatrième et prochain album. Professeur Mortimer, laissez donc votre machine à explorer le temps du Piège diabolique et venez donc embarquer avec Marie ! C’est nettement plus fun !
Série : Le petit derrière de l’Histoire
Tome : 3
Genre : Humour érotique
Scénario & Dessins : Katia Even
Couleurs : Marina Duclos, Alicia Even Simon & Floriane Lagardett
Éditeur : Les éditions du Chat
ISBN : 97829584411042
Nombre de pages : 82
Prix : 20 €
- Seule l’ombrepar Laurent Lafourcade
Histoires fantastiques
« -Vous allez certainement me prendre pour un fou, Madame… Mais je vous jure que c’est la vérité… Il nous a poursuivis… Je ne sais pas ce que c’était… Une sorte de géant… Quelque chose de monstrueux… Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie !
-Mmm… Et ce soi-disant « géant », vous l’avez vu ? Je veux dire… vraiment vu ?
-Pas vraiment… Plutôt aperçu… Il faisait nuit et la tempête s’était levée… J’étais avec un compagnon… Léo… S’il était là, il vous confirmerait ce que je raconte… »
Deux hommes escaladant une paroi enneigée sont surpris par une tempête qui se lève. Il faut rapidement trouver un abri pour camper. Il faut faire d’autant plus vite qu’ils sont poursuivis par une ombre terrifiante, une sorte de yéti. Seul l’un d’eux y parviendra. Le lendemain, il trouve refuge dans un chalet dont la propriétaire l’invite à table en famille. Espérons que ce repas plaira à tout le monde. « Froide » est l’une des dix nouvelles fantastiques composant cet album… frissonnant.
Faut-il prendre une auto-stoppeuse par une nuit de pleine lune sur une route de campagne lorsque l’on est seul ? C’est peut-être la tirer d’un bien mauvais pas… ou alors c’est s’y plonger. Où trouver l’inspiration lorsqu’on est un auteur humoristique dont les derniers écrits ne conviennent pas aux producteurs ? Un chalet isolé dans une forêt montagneuse sera certainement le meilleur moyen de retrouver l’inspiration. En pleine ville, au milieu du chantier, il y a un trou. A quoi peut-il bien servir ? A attirer les curieux, en tout cas, c’est sûr. Plus loin, en écho dans l’album, une bande de jeunes se fichera la trouille en se racontant cette histoire. Un rebond bien malin. A part ça, vous ne servirez plus jamais de la pâtée à un chien de la même façon, vous n’écouterez plus jamais la mélodie d’un orgue comme avant, vous ferez plus attention en prenant le métro, vous comprendrez pourquoi il n’y a plus d’animaux dans les cirques et, surtout, vous n’ouvrirez plus la porte à des inconnus.
Corbeyran et Rurik Sallé orchestrent dix histoires aux frontières du réel où se mêlent horreur et mystère. On se rend compte avec « La mélodie du supplice » que les plus horrifiques sont les plus réalistes. Les explications ne sont pas toujours données. C’est en cela que les fins les plus « suspendues » sont les plus malines. Comme le dit Rurik Sallé en préface, on est dans des dérapages du réel. C’est lui qui a imaginé ces histoires qu’il a découpées avec Corbeyran. Plus qu’à la série « La quatrième dimension » (The twilight zone en VO), on est plus proche des « Histoires de l’autre monde », Tales from the dark side en VO, créées par George Romero, qui avaient succédées à « Alfred Hitchcock raconte » le samedi soir sur Antenne 2 en 1986. Paskal Millet dessine l’ensemble avec tout le mystère nécessaire pour accentuer les effets de suspens, de peur et d’horreur.
Pas une nouvelle n’est plus faible qu’une autre. « Seule l’ombre » est un recueil glaçant, épouvantable. Fantastique dans tous les sens du terme.
One shot : Seule l’ombre
Genre : Horreur
Scénario : Corbeyran & Rurik Sallé
D’après les histoires de : Rurik Sallé
Dessins & Couleurs : Paskal Millet
Éditeur : Komics Initiative
Collection : Mavericks
ISBN : 9782491374778
Nombre de pages : 144
Prix : 23 €
- Ana Ana 23 – Le sable, les vagues et Touffe de poilspar Laurent Lafourcade
Les joies (ou pas) de la plage
« -Aaaah !!!
-Touffe de poils !! Que se passe-t-il ?
-Soirs-moi d’ici, Pingpong !
-Accroche-toi à mes pattes ! »
Par un si beau temps de printemps, quoi de mieux que d’aller faire un tour en bord de mer ? Ana Ana enfourche son triporteur avec tous ses doudous à l’intérieur de la carriole. Zigzag, Pingpong, Goupille, Baleineau et Grizzou, tous sont surexcités et se précipitent vers la plage dès qu’Ana Ana a mis le pied à terre. Tous surexcités ? Pas tout à fait. Touffe de poils préfère s’attarder sur l’herbe. Il observe les insectes : fourmis, coléoptères, coccinelles et tant d’autres… Mais ? Les bestioles lui montent dessus ! Il s’époussète et cours sur le sable. Ouille ! Ouille ! Ouille ! Il est très chaud. Touffe de poils se rapproche du bord de l’eau. Aaaah ! le sable mouillé, ça colle. Il faut aller dans l’eau. Horreur ! Elle est froide. Décidément, ce n’est pas sa journée. Ses amis n’auraient-ils pas la solution pour la lui rendre belle ?
L’été va arriver vite. C’est le moment pour Ana Ana de donner des leçons à ses petits lecteurs. Aller à la plage, ça se prépare. N’est-ce pas, Touffe de poils ? On n’y va pas comme ça. On s’expose à des risques. Alors, il y a tout un attirail à prévoir pour ne pas se trouver démuni. Des chaussures protégeront les pieds du sable chaud, un chapeau protègera le crâne, … Et ce n’est pas tout ! Sauras-tu trouver quoi conseiller de plus à notre doudou bougon ? Cherche, sinon les autres doudous d’Ana Ana te le rappelleront.
Toujours avec pédagogie mais jamais moralisateurs, Ana Ana et les doudous aident les enfants à grandir. Nathalie Roques sait leur parler. On y va étape par étape. Expliquer sans brusquer, tout en n’oubliant pas l’essentiel : distraire. Aux dessins, Alexis Dormal est exceptionnel. On peut compter sur les doigts les dessinateurs dont les images provoquent l’hilarité. Alexis Dormal est de ceux-là. La scène du sauvetage de Touffe de poils par Pingpong est poilante… C’est le cas de le dire. On parle toujours de l’excellente série mère Pico Bogue. Dans un autre genre, beaucoup plus originale, Ana Ana, c’est encore plus puissant.
Comme un bonbon acidulé, Ana Ana et ses doudous reviennent dans nos bibliothèques tous les six mois. Comme un bonbon acidulé, Ana Ana, c’est délicieux. Vive vive Ana Ana !
Série : Ana Ana
Tome : 23 – Le sable, les vagues et Touffe de poils
Genre : Petit bonheur poétique
Scénario : Dominique Roques
Dessins & Couleurs : Alexis Dormal
Éditeur : Dargaud Jeunesse
ISBN : 9782205206449
Nombre de pages : 32
Prix : 7,95 €
- Kujô l’implacable 5par Laurent Lafourcade
Autojustice
« -Monsieur Ao ! Laissez-moi retravailler avec vous ! Ouaaaaah !
-Arrête tes délires. Tu ne vois pas dans quelle merde tu nous as foutus ? Je t’ai déjà dit que j’appellerais la police si je te revoyais. Fous le camp.
-Allons, allons. Vous pourriez au moins faire l’effort de l’écouter. Que se passe-t-il ?
-Vous êtes qui ?
-Je m’appelle Kujô. Je suis avocat. Vous pouvez me contacter, si vous en avez besoin. »
En proie à ses addictions, Shizuku angoisse. Crises de boulimie, scarifications, elle veut mourir. Chaque seconde qui passe, elle veut mourir. Ecrasée par la solitude, elle n’en peut plus de se sentir si seule. Son quotidien est noir. Elle aime Shûto, un manipulateur qui, lui, ne cherche qu’à se faire rembourser les dettes qu’elle a auprès de lui avant de couper les ponts. C’est en essayant de convaincre l’un de ses anciens employeurs de la refaire travailler que Shizuku tombe sur Kujô qui lui propose son aide. Elle va bien en avoir besoin lorsqu’elle aura tué son créancier et qu’elle se retrouvera derrière les barreaux.
Après cette histoire de « produit de consommation », dans tous les sens du terme, c’est au fond d’une toute autre affaire que va plonger l’avocat le plus marginal du Japon. Il y a dix ans, la fille de l’inspecteur Arashiyama a été assassinée. Son corps a été retrouvé dans un terrain vague. Tous les ans, il dépose des fleurs sur les lieux du crime. Certains mineurs responsables des faits ont déjà été libérés. L’auteur principal faisait partie de la bande de Kengo Mibu. L’inspecteur est bien décidé à faire tomber tout le monde et éprouve une haine indéfectible envers le système judiciaire minimisant les peines pour mineur, et en particulier envers les avocats qui les défendent… comme Taiza Kujô. Bien glauque, l’enquête semble le mener vers l’industrie du X.
Shôhei Manabe dresse le portrait d’une société japonaise exsangue, ne donnant pas à chacun les chances de s’en sortir. L’histoire de Shizuku est symptomatique d’un malaise général d’un monde à deux vitesses. Non pas les vitesses des bons et des méchants, mais celles des riches et des pauvres les vitesses induites par la dictature de l’argent, l’argent qui fait faire des conneries, il n’y a pas d’autre terme, à ceux qui n’en ont pas, et qui sont mis dans des situations inextricables, dans un cercle vicieux diabolique. Pas spécifique au Japon, la problématique est la même en Europe, en Amérique et dans le reste du monde. Manabe alerte sur l’urgence qu’il y a de sortir la jeunesse d’une torpeur dans laquelle elle est enfermée. Ce n’est pas en légalisant des addictions que ça arrangera les choses car ce qui intéresse, c’est l’interdit. Il ne s’agirait de franchir une étape dans l’escalade vers les substances illicites. Bref…
Kujô l’implacable est une série reflet d’une époque compliquée. Heureusement qu’il y a des gens comme lui pour oser faire face aussi bien à une justice froide qu’à des criminels sans aucun scrupules.
Série : Kujô l’implacable
Tome : 5
Genre : Thriller/Polar
Scénario & Dessins : Shôhei Manabe
Éditeur : Kana
Collection : Big Kana
ISBN : 9782505125280
Nombre de pages : 208
Prix : 7,70 €
- Black Squaw 4 – Secret Sixpar Laurent Lafourcade
Avions et prohibition
« -Tuer ! Tuer ! Toujours tuer ! Et pour finir… être tué ! Assez rêvassé, Bessie !… Pas le moment de t’assoupir ! Dans quelques heures, tout sera terminé. Les caisses de booze seront déchargées, Ralph Capone sera satisfait et moi, je pourrai prendre un bain chaud… et dormir 24 heures, au moins ! »
Bessie est une aviatrice américaine d’origine cherokee. Nous sommes en pleine prohibition. Elle travaille pour la famille Capone dans la contrebande d’alcool. Alors qu’elle escorte un bombardier et sa cargaison illicite, un Loening des garde-côtes de la région des grands lacs fait feu sur le bombardier, sans chercher à l’abattre, comme pour l’obliger à suivre une direction. Bessie ne peut pas riposter sur un appareil fédéral, et si elle fuit, les Capone se vengeront sur son frère Johnny, cuistot d’Al. Il y a quand même quelque chose d’étrange. Les garde-côtes ne sont pas censés voler la nuit. L’avion ne serait-il pas maquillé par une bande rivale ? Attention à ceux qui tenteraient de doubler les frères Al et Ralph Capone, ils ont la rancune tenace.
Grand final en eaux troubles pour la quadrilogie Black Squaw. Les auteurs nous en disent un peu plus sur ce pan d’histoire intérieure des Etats-Unis à l’époque de la prohibition, où les trafics illicites d’alcool remplissaient les poches des mafieux en tous genres. Tout le monde connaît Al Capone. On en sait moins sur son frère Ralph qui monta une escadrille de contrebande transportant de l’alcool de luxe. On découvre également dans cet épisode l’origine des fameux incorruptibles, avec le groupe Secret Six qui donne son titre à ce tome et dont faisait partie Eliot Ness, pas flic du tout mais employé du Trésor public américain. Le siège de ce groupe était caché sous l’aquarium de Chicago où passait un train souterrain secret. Le Secret Six va proposer à Bessie une nouvelle vie en contrepartie de son aide pour confondre les Capone. Mais elle a toujours le Ku-Klux-Klan aux trousses.
Outre de gangsters, de mafia et d’alcool, il est beaucoup question d’honneur, et en particulier chez les cherokees. L’album s’ouvre sur une scène dans laquelle on retrouve Bessie Coleman, alias Asdayagoga, enfant, dans sa tribu, assistant au retour de Cheval Pommelé, un homme venu se faire exécuter par les siens. Il avait été reconnu un an auparavant coupable de meurtre. La coutume prévoit que l’accusé choisisse son bourreau parmi ses meilleurs amis. C’est donc le père de Bessie qui a porté le coup fatal, un honneur pour lui auquel il ne pouvait pas se soustraire. Le conseil tribal laisse toujours un an au condamné pour retourner chez lui, régler ses affaires ou faire un enfant. Il doit revenir à la date fixée pour mourir, acquérir un repenti et avoir un nom respecté par tout le peuple cherokee. Joseph, le fils de Cheval Pommelé est furieux envers le père de Bessie, mais il ne se vengera pas en raison du rituel en vigueur…en principe. Bessie sera marquée à tout jamais par ce jour tragique.
Yann et Alain Henriet clôturent l’histoire de Black Squaw avec une immersion au plus près dans une Amérique meurtrie et gangrénée par la mafia. Comme la réalité est plus forte que la légende, ils ont donc choisi d’imprimer cette réalité. Le grand Jean-Michel Charlier n’aurait pas renié cette série.
Série : Black Squaw
Tome : 4 – Secret Six
Genre : Aviation
Scénario : Yann
Dessins : Alain Henriet
Couleurs : Usagi
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034765348
Nombre de pages : 56
Prix : 15,50 €
- Affreux jojos, et deux autres MiniBullespar Laurent Lafourcade
Forêts & Jardin
« -Mais… Il n’y a que des images ?
-Mais… Il n’y a pas de texte ? »
Dans un chalet isolé de la montagne, une petite fille prépare un cadeau. Elle le pose dans un panier avec un bouquet de fleurs, enfile son chaperon… rose, puis quitte la maison, le panier dans une main, un gâteau avec des bougies d’anniversaire dans l’autre. Un petit chien l’accompagne. Ils empruntent un petit chemin forestier. Et que rencontre-t-on lorsque l’on baguenaude dans la forêt ? On vous le donne en mille : un affreux jojo ! Et ce ne sera que le premier.
Ce n’est pas dans une forêt mais dans un jardin que l’on va retrouver une autre petite fille avec son chien. Cette gamine, c’est Petiote. Elle fait de la balançoire, lance la baballe à son compagnon et joue au bac à sable. Mais l’après-midi va être encore plus belle s’il y a d’autres amis. Pourquoi ne pas aller chercher ses doudous ?
Retour en forêt avec Coco. Le loup coupe son bois pour l’hiver. Heureusement qu’il est costaud. Ça peut aider, pas que pour les tâches domestiques, mais aussi pour sauver un oisillon tombé du nid ou sa copine Moumouche prise dans une toile d’araignée. Mais lorsqu’on se trouve à son tour dans la panade, Coco va vite se rendre compte qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi.
Nouvelle salve de Mini-bulles, l’excellente collection d’albums de BD sans bulles à lire dès trois ans. Pour cette triplette, on retrouve trois auteurs qui reviennent pour la deuxième fois. Après le western Peter Panpan, Henri Meunier propose Affreux Jojos, une relecture de l’univers des contes traditionnels. Si l’héroïne a tout du Petit Chaperon Rouge, elle a faire face aux « méchants » classiques que sont le loup, le fantôme, la sorcière et le monstre des montagnes, le yéti en somme. (clin d’œil à Tintin au Tibet au passage ?) Entre Emilie de Domitille de Pressensé et Ana Ana de Nathalie Roques et Alexis Dormal, Jane Massez a trouvé avec Petiote le chaînon manquant. C’est doux, c’est rassurant, le temps s’est arrêté, comme dans ces moments si importants que l’on passe avec ses enfants quand ils sont petits. Petiote joue, puis prend son bain et va se coucher, toute seule avec son chien et ses doudous. On a tellement envie de lui lire son livre avant qu’elle ne s’endorme. Enfin, Mathis revient avec Coco et Moumouche, le loup et la mouche. Histoire ingénieuse d’entraide, elle invite à grandir avec les autres. La colorisation de la scène où Moumouche fait des allers-retours pour transporter du matériel avec le temps qui passe est superbe.
Mini-bulles et maxi-plaisir. Quand la bande dessinée s’adresse aux plus petits avec tant de malice, d’intelligence et de respect, que demander de plus ?
Tome : Coco 2 – Bravo Moumouche !
Scénario, Dessins & Couleurs : Mathis
Tome : Petiote 2 – Petiote au jardin
Scénario, Dessins & Couleurs : Jane Massey
Tome : Affreux Jojos
Scénario, Dessins & Couleurs : Henri Meunier
Genre : Aventure pour les tout-petits
Éditeur : Nathan
Collection : Mini-bulles
ISBN : 97820950-26240 / -26912 / -30179
Nombre de pages : 32
Prix : 8,50 €
- Les songes du Roi Griffu 2 – La dame de la tour par Laurent Lafourcade
Le tournoi & l’épée
« -Mais où peut bien être cette fichue tente ? Ils m’ont pourtant dit près de la bannière aux lunes étoilées. Il faut être chevalier ou grand seigneur pour concourir au tournoi, et je ne suis rien de tout ça ! Et de toute façon, où est-ce que tu veux que je trouve l’argent pour m’inscrire ?
-J’ai une idée, Owein ! Pourquoi tu ne participerais pas au tournoi ? Si tu gagnais, je pourrais rentrer à ton service comme page !
-Mais qu’est-ce que tu racontes ?!
-Dommage. J’aurais tellement voulu être page.
-Arrête de rêvasser et aide-moi plutôt à trouver la tente du chevalier aux cygnes. »
Le seigneur de la tour est mort. Le jeune Owein, enrôlé comme soldat, n’a pas empêché le drame. Son frère Absalon a pris le pouvoir mais est beaucoup plus austère que son prédécesseur. Il n’a pas l’intention de laisser une nouvelle victoire au peuple du clan, prêt à lever une armée. Pour Eilenn, sœur d’Absalon, ce n’est pas la même chanson non plus. Mais elle ne laissera personne lui dicter sa conduite. Elle croit à la magie et compte bien courir l’aventure. Les gardes de son frère ne la laissent pas filer. Celui-ci décide de la marier au plus vite pour lui ôter toute velléité d’escapade. Un grand tournoi va être organisé. Le vainqueur épousera Eilenn.
Pas possible pour Owein de s’inscrire. Il faut être fortuné. De grands seigneurs et de vaillants chevaliers affluent de toute la contrée. Ils vont tous s’écharper pour obtenir sa main. Très vite, un jeune combattant va se distinguer dans les combats. Personne ne connaît son nom, mais il conquiert la foule qui se prend d’affection pour lui, le baptisant « le petit chevalier ».
Ce nouveau songe du Roi Griffu peut se lire quasi indépendamment du précédent, d’autant plus qu’un court résumé, en introduction, replace les principaux personnages dans leur contexte. La série a toute la saveur des contes traditionnels moyenâgeux. On trouve dans cet épisode les poncifs du genre comme le tournoi ou la fameuse épée dans la roche. Si la première partie de l’histoire reste réaliste, avec la violence inhérente à l’époque, notamment dans le recrutement de soldats de confiance, la seconde moitié verse dans l’heroïc-fantasy. Entre rêve et réalité, il faut parfois s’accrocher pour rester dans l’intrigue dont la construction savante demande concentration. Mais les efforts demandés valent le coup, car lorsqu’au final les pièces s’assemblent et les liens se tissent vers l’avenir, on se dit que tout est finement pensé.
Les Songes du Roi Griffu est une série aux mains de quatre autrices. Cyrielle Blaire, Maïlis Colombié, Drac et Camille Dumaye sont les instigatrices d’une aventure fantastique mettant à égalité la force des femmes avec celle des hommes, sans tomber dans un féminisme qui aurait semblé évident. Finement joué.
Série : Les songes du Roi Griffu
Tome : 2 – La dame de la tour
Genre : Conte moyenâgeux
Scénario : Cyrielle Blaire
Dessins : Maïlis Colombié
Couleurs : Maïlis Colombié & Drac, assistées de Camille Dumaye
Éditeur : Delcourt
ISBN : 9782413048435
Nombre de pages : 72
Prix : 15,95 €
- The world is dancing 2par Laurent Lafourcade
Danse ta vie, vis ta danse
« -Tu te demandes comment interpréter Senzai ?
-Oui… Jusqu’ici, cette pièce ne représentait qu’un rituel ancien pour moi.
-Mais dans Okina ce matin, il y avait quelque chose d’autre que la danse de mon père que je connais… »
Japon, XIVème siècle. Oniyasha poursuit sa quête de sens dans la danse théâtralisée. Il a appris grâce à une danseuse que l’art est un moyen d’exister grâce à son corps, comme un don de soi. Aujourd’hui, en plein mois de juin, le festival d’été au sanctuaire Imakumano de Kyoto ouvre ses portes pour trois jours. Cinq à sept pièces de Sarugaku sont jouées chaque jour, du matin au soir, en guise d’offrande aux divinités. L’ambiance est festive. Oniyasha interprète Senzai, un rôle dans Okina, une pièce qui se joue tous les matins afin de purifier la scène. Il partage ses appartements avec l’acteur qui joue l’un des rôles principaux. Il va falloir aller se coucher pour être en forme. Mais avant cela, le jeune comédien tient à répéter encore et encore ses mouvements. Le type de théâtre qu’est le Sarugaku a pratiquement été créé par Kan’ami, son père. Il y a apporté la danse, le chant et le récit. Il a distordu les codes pour les redistribuer dans une certaine modernité. Dans la pièce Okina, on n’adapte pas son rythme à celui des autres, mais il faut danser comme si on passait entre les battements. Il y a comme un secret dans cette danse, secret qu’Oniyasha voudrait bien percer.
Tout en cherchant la meilleure façon d’évoluer, le meilleur moyen de jouer, le garçon va grandir dans son corps et dans sa tête. Il va assister à un coït -oui, oui, vous avez bien entendu- avant de le voir reproduit sur scène. Manger, s’accoupler, se multiplier et prospérer, les arts visuels accompagnent la vie humaine, la paix dans le monde et la sécurité sur les terres. La vie, le corps, les émotions et les espoirs des hommes sont nés de ce courant. Oniyasha prend conscience qu’il est debout avec son corps. Dans son art et dans ses veines coule l’histoire. La fleur qu’il est s’épanouira-t-elle sur scène en offrant aux spectateurs ce qu’ils cherchent ?
En postface, l’historien Katsuyuki Shimizu décrit une réalité médiévale japonaise oubliée. L’auteur a initié un engouement pour l’époque Muromachi (1336-1573). Il montre comment Kan’ami, le père d’Oniyasha qui sera connu sous le nom de Zeima, va poser les bases d’un théâtre établi à partir de rituels. C’est ainsi que son fils a fait du nô un art théâtral plus tourné vers les humains que vers les divinités.
« The world is dancing » est supervisé par Kôhei Kawaguchi, figure incontournable de la scène contemporaine de nô. On apprend qu’à l’origine le nom nô englobait avec le théâtre chant, danse et acrobaties, avant que le théâtre masqué ne s’impose parmi ces arts.
Ode à la contemplation et au corps en mouvement, avec « The world is dancing », Kazuto Mihara donne à la danse et au théâtre leur raison de vivre.
Série : The world is dancing
Tome : 2
Genre : Emotion
Scénario & Dessins : Kazuto Mihara
Éditeur : Vega – Dupuis
ISBN : 9782379504532
Nombre de pages : 192
Prix : 11 €
- L’histoire de Pif et son gadgetpar Laurent Lafourcade
L’aventure des années 1980-1990
« -Alors les Pifos ! Prêts pour le grand saut ? »
La période la plus glorieuse de Pif Gadget, c’est indéniablement les années 70. Les tirages sont montés jusqu’à 500 000 exemplaires. Des séries mythiques ont vu le jour. C’est à cette même époque qu’il y a eu les gadgets les plus inventifs. De nombreux ouvrages ont été consacrés à cette période et l’on trouve aisément de nombreuses informations et vidéos sur le net. Pour ceux qui étaient ados dans les années 80, il était plus difficile d’appuyer sur la touche Nostalgie pour se faire un Remember. Sébastien Gérard, accompagné par le collectionneur Laurent Barraud, répare le manque avec cette somme, ce pavé, détaillant année par année, l’aventure du journal de 1981 à 1992, puis racontant les rebonds de la fin de l’aventure jusqu’en 1994. Bienvenue dans quinze ans d’histoire de l’hebdomadaire avec ses succès et ses échecs, ses innovations et ses mutations.
Quatre invités de marque étayent les propos de l’auteur : Robert Andreucci, membre de la rédaction de 1978 à 1994, Claude Bardavid, même fonction mais à partir de 1972 (tous les deux ont été à moment donné rédacteurs en chef du journal), Yannick Hodbert, dessinateur salarié du journal entre 1969 et 1994 et qui donna son autonomie à Hercule dans des gags poilants, ainsi que Curd Ridel, qui a, entre autres, dessiné Pif à partir de 1985.
Commençons donc en 1981, aux origines de la période jaune. Voyant ses ventes décliner, l’hebdomadaire a décidé de se payer un lifting complet. Exit le bandeau rouge et sa demi-planche de BD en couverture. « Pif et son gadget surprise » est devenu « Pif Gadget ». Le célèbre gadget est mis en scène en une. La période dite jaune débute en 1982 avec « Le nouveau Pif ». Le gadget n’est plus l’argument de vente du journal mais en reste une composante indispensable, faisant partie de son ADN. Avec les BD-Blocks, les séries s’offrent un écrin détachable en milieu de magazine. Les héros maison (Rahan, Capitaine Apache, Arthur le fantôme,…) côtoient des poids lourds recrutés (en rediffusion) chez d’autres éditeurs (Léonard, Gaston,…). Durant ces années 80, la formule ne cessera d’évoluer, se collant à l’actualité des stars, de la télévision et des dessins animés, qui seront consacrés plusieurs années de suite par Les Truffes d’or. Niveau BD, les parts entre l’humour et l’aventure s’équilibrent. On va même chercher des séries à l’étranger comme Pinky, le lapin rose de Mattioli.
En 1986, le journal va se mettre à ronronner dans une période blanche. Les conditions économiques complexes ne sont pas favorables. Les fausses bonnes idées alternent avec les dernières fulgurances. Sébastien Gérard ne verse pas dans l’hagiographie. Ayant conscience de la faiblesse créative de la période, il choisit de s’attarder sur quelques temps forts. « Pif et son gadget » devient Pif. Les partenariats publicitaires bouffent littéralement le journal. Hercule prend le leadership avec le lancement de son mensuel Super Hercule. 1987 est quand même marquée par la création d’une série mythique (dont une intégrale serait bienvenue) : Radio Kids, signée Curd Ridel, sur des scenarii de Jacques Lelièvre. A partir de 1990, on assiste à la lente agonie du journal. Le chapitre est émouvant. Entre disparitions inexpliquées et revivals éphémères, on ne peut s’empêcher d’y croire e. t d’espérer à chaque fois… en vain.
Ce « bazar de grumlot des années 80 et 90 » est une madeleine de Proust pour tous les ados de cette époque qui attendaient leur Pif Gadget dans leur boîte à lettres ou chez le marchand de journaux. L’idée de cibler cette période est finalement une bonne idée. Comme au cinéma, on attend maintenant le prequel.
One shot : L’histoire de Pif et son gadget – L’aventure des années 1980-1990
Genre : Ouvrage d’étude
Auteurs : Sébastien Gérard et Laurent Barraud
Éditeur : Pulse Vidéo
ISBN : 9782491233273
Nombre de pages : 272
Prix : 35 €
- Les aventures de Spider-Man – Je… déteste… Spider-Man !par Laurent Lafourcade
Super héros adoré
« -Hum, j’aurais dû m’en douter.
-Spider-Man ! Tu as une dette envers moi !
-Tu es sûr ? Dans mes souvenirs, j’avais soldé tous mes comptes. Mais je suis de bonne humeur, Boubou. Si tu n’as pas toute ta tête, je serai ravi de te renvoyer derrière les barreaux. Gratos.
-C’est si généreux de ta part. Mais je te propose autre chose, cette fois. Et si je t’écrasais comme un insecte ?!
-Les araignées sont des arachnides, pas des insectes ! »
Il déteste Spider-Man et il a bien l’intention de le faire savoir à l’intéressé et à la Terre entière. Le Bouffon Vert prévient le lecteur dès la première planche : cette histoire est la dernière de l’homme-araignée qu’il va lire. Le crime new-yorkais est désorganisé. L’ennemi juré de Peter Parker a la prétention de penser qu’il a le cerveau et la trempe pour reprendre la main et devenir le nouveau parrain de la ville. Mais est-ce que la troupe de petites frappes que le Bouffon recrute est capable de l’épauler dans son objectif ? Il suffit d’éliminer Spider-Man. Après, ce ne sera que formalités. Ceci est la première des quatre histoires qui composent cette nouvelle toile de l’un des plus mythiques super-héros.
Dans « Non, sérieusement, les gars… », un acteur raté prend les commandes d’un studio de télévision de Manhattan. A la tête d’une horde de lutins maléfiques, il prend en otage le public d’enfants pour lancer en direct le premier Pitrethon des sorties scolaires barbantes. Jonathan Powers, c’est son nom, réclame dix millions par heure pour l’empêcher de détruire les théâtres et les opéras de la ville. Spider-Man et Night Fighter, le super-héros au skate, ne vont pas être trop de deux pour tenter de contrecarrer ses plans.
Avec « Grillé », notre araignée va tenter d’éviter d’être rôti par Storm. Le problème ne vient pas de l’homme-torche lui-même, mais du fait que le showman ne peut pas contrôler ses pouvoirs. Il est sous emprise. Parker va devoir trouver qui le contrôle. Heureusement que la toile d’araignée est ignifugée.
Visite au Musée dans « Rock and roll », quatrième et dernier acte de l’opus. Si une statue de pierre fait vaciller la flamme d’une allumette, c’est que celle-ci n’est pas totalement constituée de roche. La gargouille grise est un voleur, pas un terroriste. Il attendait la fermeture du Musée pour agir dans la nuit pour le compte d’un collectionneur fou. Spider-Man empêchera-t-il les camarades de classe de Peter Parker d’être transformés en pierre ?
Le héros de Stan Lee et Steve Ditko est plus en forme que jamais dans ces récits scénarisés par Chris Kipiniak et Peter David et dessinés par Patrick Scherberger et Pop Mhan. On retrouve un Peter Parker lycéen, comme dans Far from home, avec la fougue de sa jeunesse. Ce qu’il y a de bien avec Spider-Man, c’est que le personnage sait qu’il n’est pas infaillible. Il peut faire des erreurs, mais sait aussi se faire accompagner quand il en a besoin. L’opus est également remarquable par la variété des histoires, avec des acolytes et des ennemis à l’opposé les uns des autres. Mais où s’arrêtera le potentiel de cet univers ?
En rajeunissant, Spider-Man est le super-héros qui a su grandir avec son public. Il y a quelque chose de malin dans la gestion de ce personnage. C’est peut-être pour ça qu’il sort du lot, au cinéma comme dans le monde du Comics. Marvel et Panini l’ont bien compris.
Série : Les aventures de Spider-Man
Tome : Je… déteste… Spider-Man !
Genre : Super-héros
Scénario : Chris Kipiniak & Peter David
Dessins : Patrick Scherberger & Pop Mhan
Couleurs : Guru eFX
Traduction : Laurence Belingard & Laurent Laget
Éditeur : Panini Comics
Collection : Marvel
ISBN : 9791039125246
Nombre de pages : 96
Prix : 9,99 €
- Tous à la campagne !par Laurent Lafourcade
Retour au naturel
« -Ça y est ! On a réussi !! On a fait le grand saut ! Finis la ville, la pollution, le stress !! On va bâtir ici une nouvelle vie ! Ne plus dépendre du système… Travailler dur pour être autonomes…
-Heu… L’idée, c’était pas une année sabbatique ??
-Si… Mais on commence par…
-Attends ! J’ai ici la définition : « sabbatique »… « Congé qui permet au salarié de prendre une année de repos »… Alors, déjà, je vois pas les transats… »
Quittant la ville et la pollution pour la saine et isolée campagne, un couple de parisiens décide de remettre sa vie en question. Enfin, surtout Madame. Monsieur ne partage pas franchement l’idée bourgeois-bohème de son épouse. Il va pourtant bien falloir qu’il fasse contre mauvaise fortune bon cœur. Les voilà donc nouveaux propriétaires d’une maison en milieu de forêt au bout d’un chemin sur lequel personne ne passe. Si Madame a bien l’intention de vivre avec le strict nécessaire, n’ayant apporté que deux bagages dans la plus grande sobriété qui soit, Monsieur a tout commandé en double sur Amazon. Ça ne va pas être compatible pour celle qui veut arrêter la course à la consommation. La vie à la campagne, ça va être aussi l’occasion de consommer ses propres produits. Vive les tomates cerises !… pour commencer.
Heureusement, il y a des voisins sympas, comme celui qui apprend à Monsieur à se servir d’une hache pour abattre un arbre. Mais attention, il faut lui parler, à l’arbre, avant de l’achever, à moins que ce ne soit lui qui achève Monsieur. « Connard d’arbre !! » « Abruti ». Bref, à la campagne, s’il est plus facile de supporter les voisins qu’en ville parce qu’ils sont plus loin, il faut aussi supporter le silence. Le bruit du klaxon, ça peut manquer à certains. Si, si, n’est-ce pas, Monsieur ? …comme peuvent aussi manquer les discussions au bureau autour de la machine à café, surtout les jours de pluie où à part regarder le déluge par la fenêtre il n’y a pas grand-chose à faire. Bénabar disait pourtant le contraire : « A la campagne, y’a toujours un truc à faire… » Ben, pas pour Monsieur manifestement.
Didier Tronchet dresse le portrait d’un couple de parisiens comme il y en a tant et qui pensent, ou qui ont cru juste après le covid, qu’ils pouvaient démarrer une nouvelle vie à la campagne. Mais n’est pas campagnard qui veut. Il semble que Monsieur l’ait compris avant même de quitter la ville. Alors que Madame tente tout pour passer le cap, Monsieur n’est décidé à faire aucun effort. Dans quel camp vont se ranger leurs enfants qu’ils ont mis en pension quand ils vont venir en week-end ? Comme à son habitude, Tronchet décortique le français moyen avec humour et tendresse. Les personnages n’ont pas de prénom pour que tout le monde puisse s’y reconnaître, ou reconnaître des gens que l’on côtoie, parce que certains ne veulent pas voir en face qu’ils sont eux-mêmes dépeints. La couverture est symptomatique. Madame brandit une carotte qu’elle a réussi à faire pousser elle-même, pendant que Monsieur fait un selfie avec son portable (fabriqué par un petit chinois exploité).
Tous à la campagne ! M’enfin, pas tout le monde en même temps quand même. Comme pour tout, il en faut pour tous les goûts. Tronchet le démontre dans cet album drôle, reflet d’un temps où le retour à la nature partage les opinions.
One shot : Tous à la campagne !
Genre : Humour
Scénario, Dessins & Couleurs : Didier Tronchet
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038205765
Nombre de pages : 56
Prix : 13,90 €
- Vingt Décembrepar Laurent Lafourcade
Chroniques de l’abolition de l’esclavage à la Réunion
« -Comment voulez-vous donner leur liberté à ces pauvres bougres ? On les a arrachés à leur terre africaine, ils sont encore de vrais sauvages, et on voudrait en faire des citoyens ? C’est absurde.
-Qui voudrait en faire des citoyens, M.Bellier ?
-Grand-Patte, tu n’es au courant de rien ? Il y a eu une révolution en France. Le Roi est parti, c’est la République. Tu sais ce que ça veut dire, la République ?
-Ils vont abolir l’esclavage ? »
Edmond est esclave sur l’île de la Réunion. C’est un petit génie qui ne connaît pas la liberté. Il est au service de l’homme blanc, l’homme soi-disant civilisé. Edmond est un petit génie parce qu’il a découvert le moyen de féconder la vanille. Il suffit d’ouvrir la fleur pour dégager la corolle, la retrousser pour trouver le pistil, puis appuyer sur la languette qui est sous le pistil avec une aiguille avant de refermer en appuyant bien pour que le pistil et l’étamine se touchent. En six jours, il devrait y avoir une gousse. « Et c’est un petit noir qui a trouvé ça. » Nous sommes en 1841, Edmond a douze ans. Il est esclave chez son maître Monsieur Bellier-Beaumont à Sainte-Suzanne.
1848. Edmond grandit sans savoir ni lire ni écrire, mais il connaît les noms latins des plantes. Il a sa propre case, est toujours esclave et fait des démonstrations de fécondation de vanille chez de riches propriétaires. La main d’œuvre continue à être importée d’Afrique. Sur les hauteurs de l’île, vivent les marrons, esclaves échappés depuis des années et qui ne voulaient pas vivre ainsi toute leur vie. Le 27 Avril, un décret annonce que l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises dans les deux mois. Tout châtiment corporel et toute vente de personnes non libres seront interdits. Le commissaire général de la République Joseph Sarda-Garriga ne va pas tarder à débarquer pour le faire appliquer. Si pour certains c’est la mort de la colonie, pour d’autres, c’est un vent de liberté qui se met à souffler.
Avec un dessin trop réaliste, l’histoire aurait pu virer au drame sanglant. Le trait semi-réaliste de Tehem adoucit le propos sans pour autant le dévaloriser. De son côté, Appollo enchaîne les événements concrets sans jamais tomber dans le catalogue chronologique.
En 2020, Tehem et Appollo ont bénéficié d’une résistance d’artistes aux Archives départementales de la Réunion. Ils y ont découvert des détails oubliés de la vie d’Edmond Albius, celui qui voulait se faire appeler Vingt-Décembre lorsqu’on lui proposa un nom. Ils ont aussi déniché des dessins de Martial Potémont, l’un des protagonistes de cette histoire, artiste venu du continent en 1847, et foultitude de fragments de cette époque du beau milieu du XIXème siècle qui, à l’instar du nez de Cléopâtre, changea la face du monde. Les auteurs ont ainsi donné naissance à Vingt Décembre, œuvre de fiction inspirée de cette immersion dans les archives de l’île. Dans un dossier complémentaire, les auteurs présentent quelques extraits de leur journal de résidence. On y découvre entre autres des reproductions de pages de La Lanterne Magique, publication illustrée de l’époque, ainsi qu’une planche décalée dans laquelle Potémon montre des dessins inédits à Antoine Roussin, un jeune professeur de dessin qui se lance dans l’imprimerie.
Vingt Décembre est une passionnante aventure historique, à lire en parallèle avec Ile Bourbon 1730 que le même Appollo a écrit pour et avec Lewis Trondheim il y a déjà dix-sept ans. A la fois biopic et témoignage d’un changement de monde, Vingt Décembre est un album marquant.
One shot : Vingt Décembre
Genre : Histoire
Scénario : Appollo
Dessins : Tehem
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782205200935
Nombre de pages : 160
Prix : 21,50 €
- Mimo – Sur la trace des dinospar Laurent Lafourcade
Dinosauremania
« -Eh ! C’est toi qui envoies du gravier dans mon délicieux plat de tripes ?
-Oh ! Euh… Désolé, vraiment.
-C’est bon… T’es quoi au juste, p’tit père ?
-Ben… Un ornithomimosaure. »
Mimo est un ornithomimosaure. Il est né en brisant sa coquille comme ses six frères et sœurs à une époque où l’homme n’était pas encore sur Terre, en des temps où il n’y avait ni fleurs ni herbe. Dans la famille, il fait figure de vilain petit canard. Alors que ses semblables sont marbrés de différents tons bruns, il arbore un plumage noir et blanc. Alors, il vit plutôt en solitaire. Un beau jour, il fait la connaissance de Hector, un cacharodontosaure, un lézard à dents aiguisés, qui n’a jamais perdu son duvet de bébé. Lui aussi vit en marge de sa famille. Il n’en fallait pas plus pour que les deux larrons deviennent compagnons d’aventure. Tout allait bien jusqu’au jour où, RRRRRRRRRRRRRRôôôôôôôôôôôôôôôôô, la-grande-menace-aux-dents-innombrables s’installa à proximité de leurs clans. Plus moyen de mettre une griffe dans le fleuve sans risquer de se faire croquer. Peut-être que l’oracle a une solution au problème ?
Dans l’aventure suivante, nos deux compères font un grand voyage. Tout commence par un kidnapping. Boris, un ornithomimosaure comme Mimo, est enlevé par deux cacharodontosaures, comme Hector. Très vite, les secours s’organisent. D’après les indices et les témoignages, il a été embarqué sur un tronc avec ses ravisseurs sur le grand océan Téthys. Mimo prend la tête d’une expédition pour le retrouver. Après un long périple, les sauveteurs débarquent sur une terre dominée par Dark-Venator, grand-maître du clan des prédateurs. Mimo et ses compagnons vont devoir déployer des trésors d’ingéniosité pour tirer Boris des griffes des carnassiers.
Les éditions Eidola regroupent dans cette intégrale les deux aventures de Mimo scénarisées par Isabelle Dethan et dessinées par Pierre Mazan. Dans des récits mi-BD mi-album illustré, on y suit les aventures de ces dinosaures dans une précision rare dans des livres pour enfants. Les auteurs emploient des noms techniques. Bien sûr, les histoires sont rocambolesques, pour qu’il y ait de l’aventure et qu’on ne soit pas dans un reportage, mais on reste dans des décors réels et des protagonistes d’époque. Dans un petit bestiaire des fouilles, en supplément, Ronan Allain explique comment 20 000 fossiles ont pu être identifiés dans les Charentes dont les restes de Mimo en 2012. Avec des illustrations de Mazan, le paléontologue décrit plusieurs espèces de dinosaures, dont certains que l’on croise dans les aventures de Mimo.
Cet album enchantera les jeunes passionnés de dinosaures. On connaît l’attrait de Mazan pour le sujet. Alors que les plus jeunes peuvent dévorer à la manière d’un T-Rex les histoires de Mimo, les plus grands pourront se rassasier avec Les dinosaures du paradis, du même Mazan, paru chez Futuropolis.
Série : Mimo
Tome : Intégrale – Sur la trace des dinos
Genre : Aventure documentaire
Scénario : Isabelle Dethan
Dessins & Couleurs : Pierre Mazan
Éditeur : Eidola
ISBN : 9791090093492
Nombre de pages : 72
Prix : 18 €
- Wild West 4 – La boue et le sang par Laurent Lafourcade
Chemin de sang
« -« Depuis, il n’y a pas une nuit où je ne rêve pas du massacre des miens. Je sens une rage me brûler les vis… vis… »
-Viscères ! C’est un synonyme de boyaux, Jane. J’suis épaté. Tu as fait de spectaculaires progrès en lecture.
-J’ai de la pitié pour l’enfant de cette histoire. Mais il faudra abattre l’homme qu’il est devenu. »
Wild Bill, Calamity Jane et Charlie Utter sont sur les traces du serial killer qui scalpe, découpe et plante une flèche dans l’œil droit de ses victimes. D’après ce qu’ils viennent de découvrir, il aurait assisté à l’assassinat par des indiens de ses parents lors d’une attaque de la diligence dans laquelle ils voyageaient. Ça n’excuse pas l’adulte qu’il est devenu et qu’il faudra certainement abattre. Pendant ce temps, à Mud City, l’homme d’affaires Aristote Graham accueille une compagnie en armes qu’il a fait venir pour sécuriser le camp du chemin de fer face aux intrusions dans le campement et massacres sans vergogne d’innocents travailleurs. Quand le chantier va devoir traverser un cimetière d’indien qu’il va falloir dynamiter, ça ne va pas calmer les esprits.
« Faire combattre des noirs contre des rouges pour les intérêts d’une minorité de blancs », telle est l’idée de Graham. Les natifs des lieux sont en train d’être dépouillés par des colons avec une main d’œuvre qui, au final, sera elle-même maltraitée à cause d’une couleur de peau. L’Amérique naissante se veut égalitaire, encore faut-il avoir la bonne couleur de peau. Le scénariste Thierry Gloris démontre factuellement que dès le départ le visage pâle ne s’y est pas pris du bon pied, ne cherchant jamais à s’intégrer, ni à intégrer, mais tout simplement à envahir. Il ne fallait alors pas s’étonner de prendre de plein fouet des actes barbares. C’est dans des situations comme celles-ci que des tueurs comme celui que traque notre trio peuvent agir, profitant de la confusion générale, brouillant les pistes sur le camp dans lequel le rechercher.
Jacques Lamontagne dessine ce nouvel épisode sans filtre. Comme dans l’épisode précédent, la violence est un personnage à part entière et les scènes atroces sont sans concession. On n’est pas dans un western de la dernière séance. John Wayne ne va pas arriver avec des tuniques bleues pour sauver tout le monde. Tout est dit dans le titre La boue et le sang. Les auteurs ne nous mentent pas sur la marchandise pour décrire quelque chose qui semble plus proche de la réalité que les exploits d’un cow-boy solitaire.
Le trait de Lamontagne est de plus en plus fin et détaillé. Certaines cases s’étalent comme en cinémascope sur des doubles pages, images parfois gâchées par une impression, ou plutôt une reliure, qui ne tient pas compte de leur présence et les grignote en leur milieu.
L’Ouest est sauvage et pas seulement dans sa nature. Tout ne serait-il pas seulement qu’une guerre de territoires ? Wild West offre une immersion sans pitié dans un monde qui accouche avec douleur.
Série : Wild West
Tome : 4 – La boue et le sang
Genre : Western
Scénario : Thierry Gloris
Dessins & Couleurs : Jacques Lamontagne
Éditeur : Dupuis
Nombre de pages : 48
Prix : 15,50 €
ISBN : 9791034768707
- Simone 2 – Tu entres par la porte mais tu sortiras par la cheminée !par Laurent Lafourcade
Face au bourreau
« -Ah… Esther et Polly !
-Tu connais ? Pourtant c’est pour les enfants !
-Madame en a sûrement, tu sais.
-Bien sûr, mais ce n’est pas la raison… Je lisais leurs aventures dans « Âmes Vaillantes » quand j’avais ton âge. J’étais fan de la jeune Esther et de son adorable petite marmotte. Et ça m’a beaucoup aidée à penser à autre chose dans des moments… difficiles.
-Qu’est-ce qui t’est arrivé, dis ?
-Ah, ça… C’est une longue histoire… »
Février 1972, Simone Lagrange prend le train pour Paris. Elle se rend à Cognacq-Jay au siège de l’ORTF, l’office de radiodiffusion-télévision française, pour participer à une émission de télévision en direct. La soirée est présentée par Jacques Alexandre. Après un reportage réalisé par une équipe d’Antenne 2 à La Paz en Bolivie dans lequel le journaliste Ladislas de Hoyos s’entretient avec un certain Klaus Altmann, les quatre résistants invités en plateau, dont fait partie Simone, sont invités à se prononcer. Ce Klaus Altmann ne serait-il pas Klaus Barbie le criminel nazi, chef de la Gestapo de Lyon ? Simone a été torturée par Barbie en 1944 avant d’être déportée à Auschwitz. Elle ne peut pas oublier son regard. Même s’il le nie, pour Simone, Altmann et Barbie ne font qu’un. Le bourreau va se trahir. Alors qu’il prétendait ne comprendre que l’allemand, Ladislas de Hoyos le piège avec une question en français à laquelle il répond.
Alternant entre 1944 et 1972, Jean-David Morvan et Davis Evrard poursuivent la biographie de Simone Lagrange. L’album s’ouvre sur une scène d’une intensité incroyable. Simone se serre dans les bras de ses parents. Elle s’imagine au Maroc à Mogador, actuelle Essaouira, en bord de mer. L’océan se déchaîne. Les vagues prennent les apparences de ceux qui les ont dénoncés. Tel un tsunami, Klaus Barbie déferle sur eux. En réalité, la famille est retenue au siège de la Gestapo à Lyon. Le cauchemar ne fait que commencer. Simone et sa mère sont séparés de leur père et époux. A la prison de Montluc, la gamine vit un calvaire pendant quinze jours avant de partir pour Drancy, dernière étape avant le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.
La seconde guerre mondiale et ses conséquences sont des thèmes de prédilection du scénariste Jean-David Morvan. Il s’est intéressé à Irena Sendlerowa (déjà avec David Evrard), à Ginette Kolinka, à Madeleine Riffaud,… Avec Simone Lagrange, on suit le parcours d’une miraculée et on l’accompagne dans son combat dans la traque des nazis. On va la voir aux côtés de Serge Klarsfeld face à Barbie, défendu par un cynique Jacques Vergès.
Le graphisme si particulier pour un tel sujet de David Evrard fait la force du témoignage. Dans son trait franco-belge, l’auteur intègre des planches d’Esther et Poly qui font écho à ce que vit Simone, ainsi que des cases dessinées comme si elles étaient dessinées par des enfants, à la manière d’un José Parrondo dans la série « Allez raconte ». La séquence des chambres à gaz ainsi racontée ne pouvait avoir plus de puissance. A arracher des larmes.
« Simone » fait partie de ces séries nécessaires œuvres de mémoire. En ces débuts d’années 70, la chasse aux nazis atteint l’un de ses climax. Walter Rizoto et Jean-Loup de la Batellerie, journalistes à Paris-Flash, sont là pour rendre compte de l’événement.
Série : Simone
Tome : 2 – Tu entres par la porte mais tu sortiras par la cheminée !
Genre : Drame historique
Scénario : Jean-David Morvan
Dessins : David Evrard
Couleurs : BenBK
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344049518
Nombre de pages : 72
Prix : 15,50 €
- Emily Dickinsonpar Laurent Lafourcade
Les mots sont des trésors
« Mon père, de sa voix tonitruante, déclame la bible avec la passion d’un grand acteur. Lavinia pleurniche, Austin ne tient pas en place et moi, je reste béate devant la grandeur des mots. Ils me submergent, embrasent mon imagination. »
Parmi les collines, Amherst, dans le Massachusetts, est la ville natale de la jeune Emily Dickinson. Elle y habite avec son frère Austin, sa sœur Lavinia, et leurs parents. Le père lit la Bible. La mère est distante. Emily est comme une intruse dans cette famille austère. Son père lui reproche sa joie de vivre. Elle se tourne alors vers Dieu pour chercher un sens, une reconnaissance. C’est lors d’une escapade en forêt, quelques années plus tard, qu’Emily découvre l’attirance qu’elle a pour ce lieu. Des couleurs qui prennent vie, des arbres qui atteignent les cieux et des feuilles qui luttent contre le vent, des parfums enivrants et des sons mélodieux, la nature séduit la jeune fille. Qu’importent les remontrances de ses parents, Emily va y chercher sa liberté. Ceci n’est que le début de la vie de la poétesse Emily Dickinson qui nous est racontée jusqu’à sa disparition dans cette biographie.
Après celle de Virginia Woolf, la dessinatrice italienne Liuba Gabriele s’attarde sur la vie méconnue de la poétesse américaine Emily Dickinson. Recluse dans son cercle familial puritain en Nouvelle-Angleterre, elle écrivit 1775 poèmes, dont seulement une douzaine seront publiés de son vivant. A la fin de sa vie, elle fut frappée par une série de deuils : son père, sa mère, son neveu, puis son futur époux. Ce n’est que plus tard que sa petite sœur Lavinia retrouvera ses productions. Un recueil posthume sera publié en 1890 quatre ans après sa mort, mais il faudra attendre les années 50 pour une édition complète et respectueuse de l’œuvre.
Dans un trait crayons de couleurs, Liuba Gabriele poétise ses cases et ses planches dans des couleurs pastel. Les intérieurs sont enluminés. Les arbres ont des feuillages inédits, avec des tons bicolores les rendant vivants. Le ciel montre des chemins de liberté pour une fille enfermée dans une culture cloisonnée. Elle le regarde. Il la regarde. L’autrice personnalise la mort dans des scènes poignantes, avec des regards vides ou hagards et une danse funeste, comme si Emily vivait sa fin en poésie. Liuba Gabriele a elle-même publié un recueil de poésies. C’est peut-être pour cela qu’elle a si bien pu et su se mettre dans la peau de celle à qui elle rend un si bel hommage.
Emily Dickinson est plus que jamais sur le devant de la scène. L’écrivain Dominique Fortier a reçu le prix Renaudot Essai pour son livre Les villes de papier, une vie d’Emily Dickinson. Lou Doillon a lu ses poèmes sur scène. Liuba Gabriele invite à se plonger dans son œuvre. La poétesse américaine est mise à l’honneur dans ce biopic dans lequel on flotte comme sur des vers qu’on lit en rebondissant de ligne en ligne.
One shot : Emily Dickinson
Genre : Biopic
Scénario, Dessins & Couleurs : Liuba Gabriele
Éditeur : Des ronds dans l’O
ISBN : 9782374181462
Nombre de pages : 144
Prix : 22 €
- Quand la nuit tombe 1 – Lisoupar Laurent Lafourcade
Les chats et les souris
« -La Gestapo a cerné le centre du village. Ces ordures ont fouillé toutes les maisons ! Il paraît qu’ils retrouvaient les Juifs cachés en demandant aux commerçants les adresses de leur clientèle ! Ils ont embarqué une vingtaine de familles.
-Une vingtaine de familles ?
-Les hommes ont traversé la ville en marchant les bras levés, et les femmes tenaient leur enfant d’une main et leur baluchon de l’autre…
-Mais Henri, où les ont-ils emmenés ?
-Je ne suis sûr de rien. Très probablement au siège de la Gestapo, ou déjà à Drancy… ?
-Que deviennent tous ces pauvres gens ? »
Janvier 2022, Marion prend un café avec sa tante Lisou, 89 ans. Carnet de notes sur les genoux, Marion l’interroge sur sa vie pendant la Seconde Guerre Mondiale. En juin 1940, la famille juive quitte sa Lorraine pour le sud de la France à cause de l’invasion allemande. Après un passage dans l’Indre, puis à Grenoble, voici Lisou, sa sœur Mylaine et leurs parents réfugiés à Sarcenas, un petit village à douze kilomètres de la préfecture de l’Isère. La chasse aux juifs a commencé, il faut se cacher. Lisou a dix ans et la guerre n’en finit plus de finir. Ils trouvent asile dans un chalet prêté par des amis. Les mois et les saisons se succèdent. Les nazis se déchaînent dans la région. Les rafles font rage. Un jour neigeux de février 1944, alors que les parents sont partis raccompagner des amis jusqu’à l’autocar de Sappey, les deux jeunes filles voient débarquer une automobile noire. Ils recherchent la famille. Mylaine ment sur leur identité et leur indique une maison voisine. Les boches tournent les talons. La grande envoie sa petite sœur prévenir les parents pour qu’ils ne rentrent pas.
Mylaine sera arrêtée par les nazis, Lisou et ses parents erreront de cachettes en cachettes pour leur échapper. Mylaine et Lisou sont aujourd’hui en vie. Ce sont les tantes de la scénariste Marion Achard. Elle les a longuement interrogées en 2021. A 88 et 98 ans, elles ont apporté leurs témoignages sur cette période barbare d’un siècle faussement civilisé. Elles ont montré à leur nièce les fausses cartes d’identité, les différents courriers conservés, échangés entre eux, ou ceux de dénonciation et de la Gestapo. Marion Achard en a tiré le scénario de ce diptyque inspiré de leurs vies, de leurs destins brisés. La fillette et l’adolescente seront séparées par la tragédie. Cet épisode suit les pas de Lisou. Le second nous emmènera sur les traces de Mylaine et nous fera vivre sa déportation. On sait déjà qu’elles se retrouveront. Ça va légèrement aider à supporter le drame.
La volonté de Marion, dès le départ, est de s’adresser aux adolescents, parce que l’avenir du monde est dans leurs mains. Il faut se souvenir pour ne pas reproduire les erreurs du passé. C’est tellement bateau, cette phrase, mais c’est tellement vrai, tellement important. Dans un trait tout public arrondi, à la manière d’un Benoît Ers, Toni Galmes dessine l’ensemble avec l’innocence de Lisou toujours en ligne de mire. Ce n’est pas une héroïne, ce n’est pas une observatrice, C’est l’actrice d’une période trouble. Tout au long du récit, on est « elle », au jour le jour.
A ranger aux côtés des Enfants de la Résistance, Quand la nuit tombe (quel titre efficace !) démontre encore une fois d’une part aux témoins de l’époque que raconter leur histoire est la clef pour que la nuit ne retombe plus, et d’autre part aux lecteurs d’aujourd’hui qu’il est des temps sombres qui ne doivent pas revenir.
Série : Quand la nuit tombe
Tome : 1 – Lisou
Genre : Histoire
Scénario : Marion Achard
Dessins & Couleurs : Toni Galmés
Éditeur : Delcourt
Collection : Histoire et histoires
ISBN : 9782413077657
Nombre de pages : 128
Prix : 19,99 €
- Quand vient l’étépar Laurent Lafourcade
Personne ne devrait mourir en cette saison
« -V-vous pouvez me redonner l’adresse ?
-Mama, qu’est-ce qu’il y a ? Mama, où est Licia ? »
Eté 2011, lorsque Joaquim quitta sa petite amie Licia après une dispute, il ne se doutait pas qu’il ne la reverrait jamais. Partie sur un scooter avec une copine, elles seront percutées par un chauffard. Licia laisse ses parents et sa petite sœur Rachel sur leur lieu de vacances, l’endroit des journées ensoleillées, des doucereuses soirées d’été et des premières amours. Dix ans plus tard, la famille organise une réception souvenir en la mémoire de leur fille. Licia aurait eu vingt-six ans. Il est encore difficile d’accepter son absence, mais les siens lui doivent de continuer leurs vies, d’avancer… comme on peut. Rachel y retrouve ses tantes, son cousin Thomas, ainsi que Joaquim. Ils ne s’étaient jamais revus. Ils sont venus sans leurs conjoints. Chacun a fait sa vie. Joaquim est « consultant supply chain », un truc en logistique. Il navigue entre Paris et Rennes. Rachel est consultante en bourgeons, autrement dit fleuriste. Cette commémoration, c’est une volonté des parents de Rachel. Elle, elle aurait préféré penser à sa sœur chez elle, à sa façon, sans tout un tas de pique-assiettes. L’événement aura néanmoins permis aux jeunes adultes de se revoir. Et ça risque bien de bouleverser leurs vies.
Evidemment, la fleuriste et le consultant ne vont pas en rester là. Leurs quotidiens vont changer de direction. Petit à petit, les fils du passé vont lier leurs destins. Leurs couples respectifs risquent d’en être chamboulés. L’avenir va s’écrire sans précipitation. Les choses qui doivent se faire se feront comme il se doit. Ni l’un ni l’autre ne cherchera à aller plus vite que la musique. On devine que l’amitié devra laisser sa place à de nouveaux sentiments. Y aura-t-il une quelconque concrétisation ? C’est le propos émergent de cette belle histoire d’amours, avec un « s », amour d’adolescence qui ne s’oublie jamais, amour sororal même si l’une des sœurs n’est plus physiquement présente, amour entre adultes, Rachel et Yann, Joaquim et Amélie, … et les conséquences collatérales. Mais si ce propos est émergent, c’est un autre sujet qui donne toute sa force au récit.
Les autrices Laura Nsafou et Reine Dibussi mettent en scène l’une des histoires les plus poignantes du moment. Bien plus qu’une histoire d’amour, elles abordent le douloureux sujet du deuil et de la place de ceux qui restent. Les parents de Licia ne se sont jamais remis de la tragédie. D’ailleurs, comment pourrait-on s’en relever ? Il n’y a rien de plus douloureux que la perte d’un enfant, de son enfant. Pourtant, c’est Rachel qui va avoir l’héritage le plus lourd à porter, celui du fait que tout le monde veuille qu’elle vive la vie qu’aurait dû vivre sa grande sœur. Sans l’oublier, elle va devoir s’émanciper, apprendre à agir pour elle-même, en tant que Rachel. Joaquim, lui, va-t-il se remettre du jour de la dispute où il a vu Licia pour la dernière fois, quand ils se sont quittés fâchés ?
Reine Dibussi met en scène le théâtre de la vie avec une délicatesse, une pudeur et une sensibilité émouvantes. Les couleurs vont toujours par deux, selon les chapitres, pastellisées pour mettre en valeur les personnages. Il est juste dommage que le lettrage informatisé donne de la distance. Heureusement, on est si vite emporté par le récit qu’on l’oublie, parce que l’on s’est insinué entre Rachel et Joaquim.
« Personne ne devrait mourir en été… » Et pourtant… Magnifique regard sur le sens de la vie, histoire de reconstruction, « Quand vient l’été » aurait pu s’appeler « Ceux qui restent ». L’album restera en tous cas dans toutes les bibliothèques de ceux qui l’ouvriront.
One shot : Quand vient l’été
Genre : Emotion
Scénario : Laura Nsafou
Dessins & Couleurs : Reine Dibussi
Éditeur : Marabulles
ISBN : 9782501163293
Nombre de pages : 224
Prix : 25,90 €
- Le Royaume 8 – La Reine du balaipar Laurent Lafourcade
Hola, tavernière !
« -On m’a cambriolé ! Hé là ! Au voleur ! Arrêtez-le ! Le voleur est là ! Juste en bas ! Allez, les gars !
-Arrêtez-vous !!… Quoi ?!
-Dépêchez-vous de descendre à cette corde et de le rattraper !!!
-Mais Sire, c’est trop haut.
-Bon ! Je vais y aller moi-même ! Je n’ai plus vingt ans mais j’ai encore du cran, moi ! »
De retour au château après une soirée à la taverne d’Anne, le Roi regagne ses appartements. Stupeur ! Il a été cambriolé ! Le voleur est en train de s’échapper avec le fruit de son larcin. Il réussit à fuir. Quelques jours plus tard, un client paye Anne avec un bijou. Diantre ! C’est la bague du Roi. La tavernière fait mine de rien et s’empresse de demander conseil au Père Albert pour savoir comment confondre le brigand. Ceci est la première histoire de ce recueil du Royaume composé de récits courts et de gags.
Dans « Le mal du siècle », le Roi s’avère être plutôt entreprenant avec Louise, une masseuse venue lui soulager son mal de dos. Il fait des allusions. Louise est dans la mouise. Elle doit se tirer de cette situation avant que ça ne dégénère. Heureusement, elle a des copines sur qui compter. Sauront-elles lui donner les bons conseils ? Ce récit datant de 2014 parle déjà d’abus de pouvoir et de consentement. On est dans une série humoristique, alors ça reste léger, mais il n’empêche que les choses sont posées. On revient à la comédie pure avec « L’écu d’or », histoire d’une pièce qui va de mains en mains, sans pouvoir être saisie et qui finit dans un endroit inattendu. François le forgeron est la vedette du dernier grand chapitre dans « A vos ordres, Capitaine ! ». Il y est devenu Capitaine de la garde royale dans laquelle est embauchée Sophie Bellesec. Une femme dans la garde royale ! Ça va secouer le cocotier.
Près de dix ans séparent les différentes histoires de cet album, et pourtant, elles restent d’une incroyable unité. Deux co-scénaristes viennent épauler Benoît Féroumont. Si Maïa Mazaurette n’intervient que sur un seul gag, Clara Cuadrado s’installe en tant que co-autrice. Elle donne à Anne un côté encore plus fort et indépendant. Le personnage est féministe avant l’heure. Sachant ce qu’elle veut, et ce qu’elle ne veut pas, elle impressionne dans une époque et un monde machos. Même s’ils sont plus discrets, les oiseaux bavards sont toujours là avec leurs commentaires et leurs réflexions toujours bonnes à dire, même si ça ne fait pas toujours plaisir à tout le monde.
Le Royaume est devenu une série incontournable. C’est drôle, c’est frais, c’est moderne. Féroumont et Cuadrado sont déjà au travail sur le prochain tome qui sera une grande histoire. Espérons que le dessinateur ne soit pas trop accaparé par son autre vie dans le domaine du dessin animé. Tiens ? Cette série ferait justement un merveilleux dessin animé, aussi bien en série qu’en long métrage.
Série : Le Royaume
Tome : 8 – La Reine du balai
Genre : Humour médiéval
Scénario : Benoît Feroumont, Maïa Mazaurette & Clara Cuadrado
Dessins : Benoît Feroumont
Couleurs : Christelle Coopman & Sarah Marchand
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808500777
Nombre de pages : 56
Prix : 12,50 €
- Deux sœurspar Laurent Lafourcade
Chien et chat
« -Hum ! Bonjour Mesdames. J’ai deux lettres recommandées. Une pour Madame Lise Dutilleul. Et l’autre pour Madame Camille Dutilleul. Comme ça, pas de jalouses ! Hum… Une petite signature, s’il vous plaît ?… Fait plutôt beau aujourd’hui… Non ? Bonne journée, Mesdames ! »
Lise et Camille sont sœurs. Elles habitent la même maison. Enfin, elles habitent la même maison coupée en deux. Elles sont fâchées et n’ont pas du tout le même mode de vie. Lise est dans la finance. Elle est fan de football et pratique la méditation. Elle entretient un jardin vert et du lierre pousse sur sa façade. Côté droit mais le cœur à gauche, Camille, l’aînée, est enseignante. Sa cour est bétonnée, soi-disant à cause de la pollution d’une station-service avoisinante. Férue de musique, elle vient d’acquérir une gigantesque corne tibétaine. Ça fait vibrer les murs de Lise. La voilà énervée au point de démarrer sa tondeuse, alors qu’elle l’a déjà passé la veille. On ne peut pas dire que Lise et Camille soient sur la même longueur d’onde. Pourtant, un jour, il va falloir qu’elles prennent une décision en commun. Leur propriétaire souhaite vendre la maison. Pourront-elles la racheter ou faudra-t-il partir ?
Décidément, Bruno Duhamel aime bien les histoires de maison. Après celle de la vieille dame de Jamais, voici celle de deux sœurs. Les lieux ne sont pas les mêmes. On quitte les falaises de bord de mer pour une maison de ville, enclavée entre d’autres maisons du même style, mais entourées d’immeubles, à la manière de celle de Monsieur Fredericksen dans le dessin animé long métrage Là-haut. Pour l’occasion, Duhamel retrouve Isabelle Sivan, sa scénariste du Voyage d’Abel. Mais peut-on dire que Lise et Camille sont réellement des sœurs fâchées ? Elles n’ont simplement aucun atome crochu. Elles ont pourtant été élevées ensemble, par les mêmes parents. Qu’est-ce qui les a alors amenées sur des chemins différents ? Sans donner de véritable explication à la brouille, s’inspirant d’une histoire vraie, Anne Sivan interroge sur la sororité et sur le sens de la famille.
La scénariste construit son récit sur un système de symétrie, soit sur une même planche, soit sur deux planches en vis-à-vis. Duhamel met les pions en place, comme au théâtre côté cour et côté jardin. Il a utilisé une perspective faciale et éliminer les cadrages dynamiques comme les plongées ou contre-plongées. Cette contrainte l’a invité à aller chercher le dynamisme ailleurs, avec un trait légèrement vibrant, un peu à la Sempé. Il a travaillé au lavis pour les modelés, en niveaux de gris, avant de poser les lumières pour avoir une texture de peinture qui sera transformée en numérique.
L’histoire de Lise et Camille invite à reconsidérer ses relations familiales, même si elles sont déjà bonnes. Il y a toujours moyen de construire ou de rajouter des ponts. Ici, il y en a un qui s’appelle Néfertiti, la chatte de Camille qui navigue d’un côté à l’autre et qui trône victorieuse sur la couverture au beau milieu des deux portails, bien au-dessus de toutes les préoccupations des sœurs.
One shot : Deux soeurs
Genre : Chronique de la vie
Scénario : Isabelle Sivan
Dessins & Couleurs : Bruno Duhamel
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9782818999684
Nombre de pages : 72
Prix : 16,90 €
- Wahkanpar Laurent Lafourcade
Paris cadavres
« -Vous vous foutez de moi ?! Comment peut-on laisser filer un meurtrier sur quelques étages d’une tour ?! Et vous ! Vous faisiez quoi, cette nuit, pour ne rien voir et ne rien entendre ?!
-Baaah…
-C’est le troisième meurtre… Le troisième ! Bon sang !!!
-Fallait pas construire cette monstruosité… »
Quelle idée de construire une tour de ferraille en plein cœur de la capitale ? Il ne faut pas aller chercher plus loin les causes des meurtres perpétrés à la Tour Eiffel : c’est la malédiction de la Grande Dame de Paris ! Enfin, ce n’est pas l’avis de tout le monde. Nous sommes en 1889. Les projecteurs sont dirigés vers la capitale de la France à l’occasion de l’exposition universelle. L’inspectrice Eléonore Kowalski est chargée de retrouver l’assassin. Le Maire a prévenu la police. Au prochain incident, ils devront interdire la Tour et annuler l’Exposition. Ce serait dramatique pour l’image de la France. Epaulée par son nouveau collègue Jules Castignac, Kowalski va tout mettre en œuvre pour empêcher le coupable de récidiver et faire main basse sur lui.
Des rues de la capitale jusqu’au bordel Au jardin d’Eden, de la Cathédrale Notre-Dame jusqu’aux sous-sols carnavalesques, l’enquête va mener le duo fraîchement nommé dans tous les recoins de Paris. On croisera Buffalo Bill et on passera devant la Boucherie Sanzot. Dans une histoire de faux-semblants et un jeu de dupes, Kowalski et Castignac vont parfois avancer main dans la main, d’autres fois, au contraire, il y aura des changements de directions. Entre fausses pistes et chausse-trappes, l’enquête va s’avérer plus complexe qu’en apparence, et plus personnelle pour certains.
Dans un univers aux frontières du Steampunk, sans vraiment y tomber complètement, Maxe L’Hermenier offre un terrain de jeu d’époque à Brice Cossu et Alexis Sentenac. Le dessinateur de Frnck retrouve Alexis Sentenac, son complice du Triomphe de Zorglub. L’alchimie est parfaite entre ces deux dessinateurs qui semblent ne pas avoir besoin de se parler pour se comprendre. Plongées et contre-plongées dynamisent un récit sans temps mort. Quelques codes mangas dans les visages et attitudes mettent un soupçon d’humour dans une histoire dramatique de serial killer. La résolution de la problématique, inattendue, n’est pas conventionnelle. Ne vous attendez pas à un happy end classique. Le récit est conçu comme un one shot, mais laisse une porte ouverte sur une éventuelle suite, vers de nouveaux horizons.
Le Wahkan est un phénix noir surgit du ciel chevauché par un homme. Il fera renaître de leurs cendres les fidèles qui lui auront consacré leur vie. Ça, c’est la légende. Qu’en sera-t-il de la réalité ? Les vivants et les morts ne sont pas toujours qui l’ont croît. Derrière et devant les masques, il faudra se méfier des identités.
One shot : Wahkan
Genre : Polar
Scénario : Maxe L’Hermenier
Dessins : Alexis Sentenac & Brice Cossu
Couleurs : Piky Hamilton
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034768899
Nombre de pages : 72
Prix : 15,50 €
- Cédric 36 – Transport à risquespar Laurent Lafourcade
Le premier Cédric sans Raoul.
« -Demain c’est la Saint-Valentin. Je n’ai toujours pas réussi à faire savoir à Chen que j’en suis bleu et que plus tard je veux me marier avec elle.
-Ce n’est pourtant pas si compliqué. Il te suffit de poster un message sur Tiktagram. Elle ne pourra pas passer à côté.
-Tu rigoles ? Chen ne va pratiquement jamais sur les réseaux sociaux. Je serai aussi vieux que mon pépé quand elle lira mon message. »
Cédric arrivera-t-il un jour à déclarer son amour à Chen ? Non seulement, elle n’est pas adepte des réseaux sociaux et il faut trouver d’autres stratégies pour l’aborder (merci, Christian !), mais elle ne fait pas partie de la même classe sociale. Ça fait de la concurrence accrue avec Nicolas d’Aulnay des Charentes du Ventou. Côté nouvelles technologies, Pépé, par contre, il est plus à la page. Pas froussard pour deux sous, pourquoi n’essaierait-il pas la trottinette électrique ? Il n’y en avait pas de son temps. Le voici embarqué avec Cédric, Chen et Nicolas, à quatre sur le destrier et à la vitesse d’un cheval au galop. Il y a un frein dessus ? A la maison, il y a du changement côté courrier. Le mythique bulletin de notes n’arrive plus par la poste mais est à consulter sur le site de l’école. Encore faut-il avoir les codes. Ça laisse un temps de répit.
Une qui n’en a pas, de répit, c’est maman. A peine rentrée du boulot – elle est vendeuse dans une boulangerie -, elle est assaillie de « Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? ». Allez, hop ! Plus personne dans la cuisine jusqu’à l’heure du repas ! Quelques minutes plus tard, on ne peut pas dire que le repas annoncé ravisse les foules : soupe de pain rassis aux croûtons de lard, épluchures de pommes de terre, radis, fanes de carottes et autres légumes, lasagnes blettes épinards à la béchamel de maïs et pesto à l’ail des ours. Avant l’annonce du dessert, ces félons de garçons, Pépé, Papa et Cédric, sont tous les trois partis au food truck Frites Kox.
Qu’il est émouvant, ce nouvel album de Cédric, émouvant dans tous les sens du terme. D’abord, parce que ça fait déjà deux ans que l’album précédent est paru, puis parce que c’est le premier album réalisé par Laudec tout seul, depuis la disparition de l’immense scénariste Raoul Cauvin. Le dessinateur, devenu auteur complet, s’en sort de main de maître. Il signe de courtes histoires pétries de tendresse et d’humour. Tout doucement, Laudec fait évoluer les personnages, sans les faire grandir bien sûr, mais en bougeant légèrement quelques lignes, comme cela avait été amorcé avec Raoul. Chen n’est plus vietnamienne mais chinoise, volonté du scénariste originel qui ne voulait que l’on puisse penser qu’elle était issue d’une famille de réfugiés de guerre. Papa n’est plus « vendeur de carpettes » mais travaille dans un bureau de la même fabrique. Quant à Pépé, double de Cauvin, il a bien fallu que Laudec imagine au plus près les façons dont il aurait réagi dans telle ou telle situation.
On parle tout le temps de Titeuf et du Petit Spirou, mais il y a aussi Cédric, qui, sans vulgarité aucune, raconte la vie quotidienne à hauteur des 8 ans. Cédric, c’est un bon moment de complicité avec une série familiale dans laquelle il y a un peu de chacun d’entre nous et d’entre les nôtres.
Série : Cédric
Tome : 36 – Transport à risques
Genre : Humour familial
Scénario & Dessins : Tony Laudec
Couleurs : Leonardo
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034762958
Nombre de pages : 48
Prix : 12,50 €
- Le meunier hurlantpar Laurent Lafourcade
Mais qui crie le plus fort ?
« -Hé ! Y a un bonhomme ! Un grand ! Il a redressé le moulin ! Le moulin des rapides de la bouche !
-C’est de ça qu’on parlait ! Je lui ai prêté mes bœufs.
-Ho ho !
-Il a été vendu le mois dernier, le moulin. »
1951, en Laponie, ayant fichu les nazis dehors, les finlandais se réacclimatent à la vie. Le vieux moulin, qui n’a pas tourné depuis les années 30, a même été acheté, acheté par un fou. Il faut croire que la guerre ne les a pas tous tués. Il s’appelle Agnar Huttunen. Il est grand. Il vient du Sud de Kilkoiset. Il avait un moulin là-bas chez lui mais il paraît qu’il a brûlé avec sa femme dedans. Ce n’est pas ce que disent les registres de l’église qui l’affirment célibataire. Toujours est-il qu’ici, il l’a redressé alors qu’il était de guingois à cause des glaces qui le compriment. Il a remis en service la scie à bardeaux. De temps en temps, il monte sur le toit de son moulin et pousse des cris intempestifs. Un fou ? Un iconoclaste ? Un simple marginal ? Agnar Huttunen ne laisse personne indifférent et il y en a qu’il dérange. A l’instar du fleuve qui perturbe le moulin au gré de ses gels et dégels, la vie du meunier ne va pas être tranquille.
Le meunier hurlant est un roman de l’auteur lapon Arto Paasilinna, surtout connu pour Le lièvre de Vatanen. Ce meunier a quand même été vendu à 100 000 exemplaires. Il nous immerge dans un pays libéré en proie à la douce folie d’un homme en marge de la société. Il montre comment la différence dérange. Le meunier hurle, mais la foule hurle avec les loups. Dans cette cacophonie, qui criera le plus fort ? Heureusement, certains villageois comme Sanelma et le facteur ont du recul sur la situation et vont permettre à Agnar de continuer à vivre dans son environnement jusqu’à ce que la fatalité ne rattrape tout ce petit monde. Le final n’est pas franchement optimiste sur la société humaine et invite à se remettre en question en tant que groupe. Paasilinna écrit une ode à l’altérité et à la nature. Pour une fois, la Laponie n’est pas froide. Bien que ses habitants ne soient pas tous fréquentables, on a envie d’y vivre.
Le monde de Nicolas Dumontheuil est en parfaite adéquation avec celui de Paasilina. Celui que l’on a découvert avec L’enclave et surtout Qui a tué l’idiot ? (que Futuropolis réédite) trouve dans ce roman un scénario qu’il aurait pu écrire. Les histoires de Dumontheuil sont peuplées de fous, mais ceux-ci ne sont jamais des fous dangereux à enfermer dans une camisole. Les fous de Dumontheuil, et ce meunier, sont des gens qui ne marchent pas au rythme de la société. Ils sont peut-être même en avance sur leur temps. On verserait même une larme pour eux. Nicolas Dumontheuil traite son dessin en niveaux de gris-sépia, un gris légèrement teinté de marron, assez inédit, un vrai travail graphique qui donne tout son sens au média bande dessinée.
Avec ce meunier hurlant, Futuropolis frappe fort pour ses cinquante ans. Nicolas Dumontheuil livre l’un de ses meilleurs albums. On est tous le fou de quelqu’un. Dans la peau d’Agnar, on peut en être fier. Un album indispensable.
One shot : Le meunier hurlant
Genre : Chronique villageoise
Scénario, Dessins & Couleurs : Nicolas Dumontheuil
D’après : Arto Paasilinna
Éditeur : Futuropolis
ISBN : 9782754835244
Nombre de pages : 152
Prix : 24 €
- Becky Stillborn 2 – Jusqu’à ce que le sang les séparepar Laurent Lafourcade
Chacun a ses vieilles histoires personnelles.
« –Bloody Hell ! La maison d’Alexander Stillborn réduite en cendres, tel un champ de mort. Cette fois-ci, elle a tout perdu…
-Les tentatives d’assassinat sur Lady Stillborn se multiplient, inspecteur, et celle-ci a été très proche de réussir.
-Malgré tous mes efforts et les moyens mis en place pour sa protection, elle n’en fait qu’à sa tête sans se soucier du reste, à croire que mourir lui est égal… »
Sud de l’Angleterre, 1886. L’inspecteur Isaac Jack observe les ruines encore fumantes de la maison d’Alexander Stillborn. Pendant ce temps, à Londres, sa nièce, Rebecca Stillborn, dite Becky, est interrogée par un juge virulent. Elle doit répondre à cinq chefs d’accusation : importation de produits non approuvés par l’autorité de médecine britannique, administration de substances non autorisées, expérimentation sur des êtres humains, erreur médicale et homicide. Elle risque la pendaison. Refusant de plaider coupable, le procureur l’accable. Que la cour prenne garde, Becky pourrait s’enflammer.
Arnaud Michel poursuit la trilogie fantastico-polar de son héroïne Becky Stillborn dans une Angleterre victorienne aux relans d’une époque qui change et que les aristos ne souhaitent pas voir évoluer. Ils sentent le vent qui tourne et s’accrochent à leurs acquis. La société est phallocrate. Il est reproché à Becky de ne pas être marié et par conséquent de ne pas avoir de tuteur « mâle », ce qui fragilise encore plus sa situation. Mais Becky est féministe avant l’heure, un féminisme symbolisé par ses pouvoirs fantastiques. Son enquête sur la mort de son oncle va la mener dans l’antre de la folie. A l’instar d’une Nellie Bly qui s’était faite volontairement internée, elle va entrer dans un asile en tant que soubrette pour retrouver le fameux Moonstrock. Mais au final dans cette affaire, c’est l’inspecteur Jack qui va voir ravivé son passé tragique.
Graphiquement, Arnaud Michel tient bon la barre, avec des compositions monstrueusement efficaces dans tous les sens du terme. Les progrès depuis le tome 1 sont bien visibles. Le propos général de la série est plus profond qu’en simple apparence. Il y est question de folie, de résilience et de féminisme. Plus que le procès de Becky, c’est le procès d’une époque que raconte l’auteur. C’est sur la fluidité du scénario qu’Arnaud Michel a encore une marge de progrès. On passe d’une scène à une autre de manière parfois trop abrupte, retrouvant des personnages dans des situations éloignées dans l’espace et dans le temps. Au fur et à mesure, on arrive à remettre les pièces en place, mais on peut facilement perdre le fil. L’auteur devra être vigilant sur ce point pour la fin de l’enquête.
Entre sorcellerie, folie et satanisme, les plus barbares ne sont pas forcément ceux que l’on croit. On en avait parlé pour le tome 1. Les références à Seven sont encore plus marquées ici, notamment dans un final cauchemardesque. Vite, la suite…
Série : Becky Stillborn
Tome : 2 – Jusqu’à ce que le sang les sépare
Genre : Polar fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Arnaud Michel
Éditeur : Filidalo
ISBN : 9782375080191
Nombre de pages : 64
Prix : 15,90 €
- L’écuyer & son chevalier 1par Laurent Lafourcade
Un coupable idéal
« -En voilà du raffut ! Cade ! Qu’est-ce que tu fais dehors ? Pas fichu d’obéir, ma parole !
-Regarde, ma’, un chevalier ! Il est venu tuer le dragon !
-Ah, tout de même ! Il était temps qu’on nous libère de cette satanée malédiction ! »
Un chevalier et son écuyer viennent d’arriver à Bridgetown. Il n’y a personne dans les rues, plus un épi dans les champs et plus de pont. Seul, un gamin pleure sur un perron la mort de son chien. S’il n’y a pas âme qui vive à l’extérieur, c’est que les habitants ont peur du dragon. Messire Kelton, le chevalier, se sent investi d’une mission. Enfin un adversaire à sa mesure. Il promet d’occire le dragon et de ramener sa tête en guise de trophée. Troubadours et conteurs peuvent d’ores et déjà s’emparer du combat pour raconter les exploits du vantard. C’est le dragon qui a détruit le pont. C’est à lui que les moutons sont sacrifiés pour qu’il se calme. Et puis, les villageois auraient besoin d’or pour reconstruire le pont. Pour le chevalier, pas de problème. Qui dit dragon, dit trésor. La bête doit dormir sur une montagne d’écus.
C’est alors que le monstre survole le village. Voilà donc le chevalier parti l’occire, seul, préférant laisser son écuyer en sécurité au village. Très rapidement, ce dernier va se rendre compte que le responsable désigné de tous les problèmes de la contrée n’est pas le véritable coupable. Alors que la population hurle avec les loups la mort du dragon, le jeune écuyer va tenter de le retrouver par ses propres moyens et découvrir comment la situation a pu en arriver là.
Scott Chantler est un auteur canadien qui a plusieurs fois concouru pour des prix prestigieux tels les Eisner Awards. Dans un graphisme à la Jeff Smith et une bichromie automnale, Chantler écrit un récit médiéval tous publics. Nourri à Donjons et Dragons, il mène son histoire comme un jeu de rôle dans lequel le lecteur n’est pas le prétentieux et intrépide chevalier, mais le malin et réfléchi écuyer. Comme pour que tout le monde puisse s’y identifier, le jeune page n’a pas de nom. L’auteur s’inspire également de Merlin l’enchanteur, lui-même trouvant sa source dans Excalibur, l’épée dans la pierre, roman de T.H.White. Quant au dragon, il a de faux airs de Maléfique dans La Belle au bois dormant.
Cet album, qui pourrait presque se suffire à lui-même, est le premier volume d’un diptyque. Le cœur de la problématique est ici résolu et nos héros accompagnent un troisième compère, pivot de cet épisode, vers son initiation. Une belle aventure.
Série : L’écuyer & son chevalier
Tome : 1
Genre : Fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Scott Chantler
Traduction : Marc Lesage
Éditeur : Rue de Sèvres
ISBN : 9782810204786
Nombre de pages : 176
Prix : 16 €
- Chocochat & moi 2 – Je veux être chat !par Laurent Lafourcade
Chat-rivari à l’école
« -Quand vous adoptez un humain, n’oubliez pas de lui mettre un collier.
-Hein ? De quoi tu parles, Chocochat ?
-Tadam ! C’est important d’y inscrire son nom : Lulu ! Et votre adresse, pour qu’il puisse être retrouvé tout de suite s’il est perdu !
-La clochette, c’est vraiment obligé ? »
Lulu est un petit garçon adopté par une famille de chats. Ce n’est pas banal. On est plutôt habitué à des histoires d’humains avec des animaux de compagnie. Ici, ce n’est pas compliqué, c’est l’inverse. Chocochat a trouvé un humain abandonné dans la rue. Il l’a ramené dans son foyer et lui a offert un bon repas cuisiné avec amour. Il lui a préparé un bon lit trop moelleux, trop confortable… sauf que c’est lui qui s’est vautré dedasn, pour lui montrer qui est le maître. Chocochat fait tout avec son humain. En particulier, il l’emmène à l’école. Comme ça, le jour du cours de camouflage, quand il faut épier sa cible, Lulu fera la souris. Et le midi à la cantine, Lulu pourra se régaler, ou pas, avec un petit pâté de têtes de saumon, une tartelette de pigeons, un bon steak de croquettes, des lasagnes à la souris ou de la glace au poisson. Miam !
Chocochat a tout du chat qui se prend pour un humain tel qu’on les connaît, mais qui a tous les goûts, les habitudes et les travers du félin. Chassez le naturel, il revient au galop. Il lape de l’eau, défend son assiette et se prélasse sur les radiateurs. Lulu est un observateur désabusé. La sortie scolaire au Musée est un grand moment. Chabruti ne va pas manquer de se faire les griffes sur une toile. Celles-ci sont dérivées de celles que l’on connaît. Ici, on peut admirer Mona Lichat, La jeune chatte à la perle et La liberté guidant les félins. Comme dans les sorties de classes d’humains, la moindre perturbation peut distraire l’attention des élèves, et une chaise qui traîne, tout le monde veut s’asseoir dessus tellement la visite est éreintante.
Entre deux Migali, Alexandre Arlène et Fabien Öckto Lambert retrouvent Chocochat et Lulu. La série s’adresse à un public un brin plus jeune, tout en intéressant toujours autant les plus grands. Le contrepied employé est prétexte à toutes sortes de situations rigolotes. Lulu apprend à vivre comme un chat : câlins, jeux, sieste, nourriture, lavage… non pas lavage. Le trait enjoué du dessinateur décuple l’effet des gags. La symbiose entre les auteurs est parfaite. Offrir aux jeunes lecteurs une série d’une telle qualité, c’est leur montrer tout l’intérêt qu’on leur porte. C’est dommage qu’il n’y en ait que pour Mortelle Adèle, parce que, avec tout le respect qu’on lui doit, à elle et à ses auteurs, sans vouloir les mettre en concurrence, elle paraît bien fade à côté des productions Arlène-Lambert.
Original et bien construit, Chocochat & moi est à miauler de rire.
Série : Chocochat & moi
Tome : 2 – Je veux être chat !
Genre : Humour
Scénario : Alexandre Arlène
Dessins & Couleurs : Fabien Öckto Lambert
Éditeur : BD Kids
ISBN : 9791036366055
Nombre de pages : 56
Prix : 9,40 €
- Migali 6 – Un royaume carrément sucré ! / Croquidou 1 – Croco mais pas troppar Laurent Lafourcade
Araignée ou Crocodile, on choisit les 2 teams !
« -Terminus ! Tout le monde descend !
-Déjà ? Mais on est pas du tout arrivés.
-On n’est même pas à l’Académie Royale !
-Non, attendez… C’est pire que ça ! On est aux portes du Royaume enchanté !
-Wow ! C’est trop bizarre… T’es sûre de toi, Lucile ? »
Comme tous les matins, Migali retrouve ses amis dans le bus qui les mène à l’école. Gredin roupille encore sur Orson qui lui sert de coussin. A côté de Vera et ses vers de terre, le prince Azzo s’enveloppe dans les ténèbres de sa nuit qu’il n’a pas fini. Corentin dessine dans son coin et Rex-Emilien va sûrement faire un truc à l’envers. Lucile a l’impression que tous les jours se ressemblent, sauf qu’aujourd’hui ne va pas ressembler aux autres jours. Le bus ne s’arrête pas à l’Académie Royale, mais aux portes du Royaume enchanté. Tout le monde descend. Les enfants ont la surprise de voir Monsieur Flamberge leur ouvrir la porte. L’Académie étant en travaux, les cours vont continuer ici pendant quelques mois, dans leur nouvelle école, au château des collines enchantées. La Reine idéale a accepté d’accueillir les classes dans sa prestigieuse demeure. Espérons que les élèves soient dignes et honorables.
Bienvenue dans la jungle ! Dans ces merveilleux paysages, le danger est partout, tapi dans l’ombre. C’est le constat que va faire un crocodile, affolé de sentir un papillon se poser sur son museau. Ce crocodile, c’est Croquidou. Il est très sensible. Heureusement qu’il peut compter sur son pote Maurice le dodo, toujours un ballon de foot sous l’aile. Leur jungle est peuplée d’animaux improbables : un kiwi, pas très mûr pour sauver sa peau, Vluuux, avec trois u et un x, un ornithorynque tombé du ciel ou encore des escargots bizarroïdes. Comme chez Migali, il y a aussi une école. La maîtresse, c’est Madame Fouinette. Pour le cours de survie dans la jungle, elle a demandé à Croquidou d’intervenir…à son grand désarroi.
Alexandre Arlène et Fabien Öckto Lambert sont aux commandes du fer de lance des éditions Auzou BD, la merveilleuse et hilarante série Migali. Pour ce sixième épisode, le décor change puisque tout se mange au Royaume enchanté. On se promène dans les forêts chocolat. On gravit des collines de sucre. Les volières enferment des oiseaux bonbons comme des corbabas au rhum, des grands ducs gaufrés, des faucons aux pommes ou des ibiscuits. Il y a juste Papillon, la fille de la Reine, qui ne voit pas d’un très bon œil l’arrivée de nouveaux élèves.
Après Inspecteur Peluche, Mouk lance une nouvelle série chez le même éditeur, mais cette fois-ci tout seul, en tant qu’auteur complet. Les lecteurs du journal Spirou connaissent bien Croquidou puisqu’il y fait quelques apparitions, trop rares. Le crocodile poltron vit dans une jungle aux animaux déjantés, comme les hamsters de la communauté de la « sainte gwaine » qui vivent dans la décharge qui s’y trouve. Le chapitre Croquidou Futur montre comment Croquidou prendra la grosse tête. Ne vous attendez donc pas à un reportage sur la vie des animaux de la jungle. C’est un poil psychédélique, un peu écolo…ou pas, mais surtout drôle.
L’araignée et le crocodile sont dans la même team, celle de l’humour tout public qui fera rigoler les enfants et leurs parents.
Série : Migali
Tome : 6 – Un royaume carrément sucré !
Genre : Humour arachnide
Scénario : Alexandre Arlène
Dessins & Couleurs : Fabien Öckto Lambert
Éditeur : Auzou BD
ISBN : 9791039539579
Nombre de pages : 104
Prix : 11,95 €
Série : Croquidou
Tome : 1 – Croco mais pas trop
Genre : Humour reptilien
Scénario, Dessins & Couleurs : Mouk
Éditeur : Auzou BD
ISBN : 9791039543385
Nombre de pages : 104
Prix : 11,95 €
- # Les mémés 4 – Fleurs de pavépar Laurent Lafourcade
Caddies en folie
« -Z’avez vu ? Le poireau a grimpé de 30 points ce matin à Wall Street ! Exceptionnel ! Une valeur sûre en ce moment ! Du coup, j’vais faire des tourtes ! Par contre, le navet, c’est la cata… Grosse dégringolade à Tokyo. J’ai dû tout foutre à la poubelle ! »
Sur les marchés, sur les trottoirs, à l’église, au parc ou dans les bistrots, les mémés sont de retour, cannes à la main et caddies à roulettes. En fait, elles n’en partent jamais vraiment. Elles font partie du décor quotidien de la ville. Elles sont aigries, de mauvaise foi et pas politiquement correctes, mais ça, à leurs âges, elles s’en moquent complètement.
La mamie d’aujourd’hui n’est pas tout à fait la même que celle d’il y a quelques années seulement. La mamie 2024 est à la pointe de la technologie, équipée du dernier iphone, 1163 € TTC, son THX pour un meilleur confort d’écoute. La mamie 2024 est aux goûts du jour. Ça bloque ses copines qui ne le sont plus sur Facebook. Une série à conseiller ? Game of thrones ? Emily in Paris ? The walking dead ? Non, il vaut peut-être mieux rester sur Derrick, une valeur sûre. Saison 12, un must. Bon, ben, la mamie 2024, les goûts du jour, elle les choisit quand même en fonction des siens. Comme quoi, il y a de l’ADN de mamie à côté duquel on ne peut pas passer. La mamie 2024 est irrévérencieuse, même envers les personnes du même genre qu’elle. Si la grenouille de bénitier prie agenouillée, la mécréante va tenter de se mettre en communication avec Dieu en 4G.
Si une mémé était présidente de la République, les choses se passeraient autrement. Le sort des prisonniers par exemple. La solution aux prisons surpeuplées, elles l’ont. Bracelet électronique pour tous avec interdiction de sortir à plus de cinq cent mètres. Ben, c’est ce que font un peu déjà les vieilles dames. Pour donner son avis, il y a aussi chroniqueuse chez Hanouna comme métier d’avenir. Plutôt que de dire des conneries toute seule à la maison, autant se faire payer pour. Quand y’a du talent ! Une mémé, ça fait aussi des tags sur les murs. Ce n’est pas réservé aux jeunes. Elles aussi elles sont capables de faire des foufounes pour rivaliser avec les bites des prétentieux qui les taguent.
Les vamps sont Has been. Pour leur quatrième caddie rempli, autrement dit leur quatrième album, les mémés de Sylvain Frécon sont au meilleur de leur forme…sauf Madame Marchandot et Madame Duchêne quand même, les pauvres. Elles battent le pavé, et pas qu’avec des fleurs. Attention au jet de poireau !
Titre : # Les mémés
Titre : 4 – Fleurs de pavé
Genre : Humour
Scénario, Dessins, Couleurs : Sylvain Frécon
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038206229
Nombre de pages : 56
Prix : 13,90 €
- Le premier chat dans l’espace a mangé de la pizzapar Laurent Lafourcade
Miaou Moon
« -Chef ! Chef ! On a reçu ces images du super-téléscope.
-Nom d’un p’tit lama.
-Je n’aurai pas mieux dit, chef.
-On dirait…
-Des marques de dents, chef. »
Mais qui peut bien manger la lune ? Apparemment, ce seraient des rats d’une autre galaxie. A ce rythme, ils auront dévoré toute la lune dans trois jours. L’Hexagone est en effervescence. Il faut activer sans tarder le projet 47. C’est un ordre, Docteur Milksop. Caché quinze kilomètres sous terre, se trouve le sauveur de la Lune : un chat au cerveau amélioré par des puces électroniques et une combinaison augmentée de biotechnologie cybernétique. Il est aussitôt envoyé sur la Lune pour s’occuper de ces rats. Il décolle à bord d’une fusée. D’après les statistiques, la mission a moins d’une chance sur un million de réussite. Nom d’un petit orteil potelé. Dans le vaisseau, le félin est accompagné par Loz 4000, un petit robot clandestin mis au point par un savant maléfique, créé pour… lui couper les ongles. Se sentant inutile, les ongles n’étant en moyenne taillés que les six semaines, Loz s’est introduit en cachette dans la fusée, en quête de sa raison d’être dans l’immensité de l’univers.
Quelques instants plus tard, voici donc notre duo posé sur l’astre lunaire où les accueille La Reine de la Lune. Elle leur apprend que de l’autre côté de la face visible, pays de la Bonne Humeur et siège de son royaume, se trouve la face sombre où des rats ont atterri et construits leur forteresse. C’est de là qu’ils ont commencé à ronger la planète. Lorsque ceux-ci vont apprendre qu’un danger menace leurs grignotages, la colère de leur souverain à trois têtes va monter. Tous ceux qui se dresseront sur le chemin des rats seront détruits. Nos amis peuvent arriver, ils seront accueillis. Pas d’autres solutions pour eux que d’essayer de s’adjoindre l’aide de personnes qu’ils pourraient rencontrer.
Ce premier chat dans l’espace a mangé de la pizza est une douce dinguerie. Le chat et ses compagnons vont faire toute une série de rencontres psychédéliques. Il y a quelque chose du Baron de Münchhausen dans cet aventure de sélénites. On croisera pêle-mêle une baleine qui chante accompagnée des meilleurs musiciens des vingt-trois mers, Dennis, un mille-pattes surfeur, un abominable géant des neiges, le cap’taine Barbe-Bébé et son navire « Le dent de lait », des mains voleuses de clefs, ainsi que bien d’autres personnages plus improbables les uns que les autres. Comme un running-gag, le chat ne parvient jamais à manger tranquillement de la pizza. Le titre est-il trompeur où y arrivera-t-il au final ?
Et si la destination, c’était le voyage ? Et le voyage, la destination ? Les auteurs californiens Mac Barnett et Shawn Harris écrivent leur Alice au pays des merveilles, voyage déjanté où petits et grands y trouveront leur compte, leur conte défait.
One shot : Le premier chat dans l’espace a mangé de la pizza
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Mac Barnett
Dessins & Couleurs : Shawn Harris
Éditeur : Albin Michel
ISBN : 9782226481061
Nombre de pages : 312
Prix : 17,90 €
- Le fils de Taïwan 4par Laurent Lafourcade
Les cicatrices du passé
« -J’ai entraîné mes amis et mes proches dans ma chute. J’en ai très honte… J’ai eu beaucoup de revers et d’échecs dans ma vie. Je ne suis pas du tout un héros. Rien de remarquable… Allons déjeuner d’abord !
-Ah ! Déjà midi ! J’étais tellement absorbée par votre récit que je n’ai pas prêté attention à l’heure. Alors, je vous suis !
-Aucun problème. Je suis sur mes terres. »
Janvier 2018, Yu Pei-Yun interviewe Kunlin Tsai. Il lui a donné rendez-vous au bureau de planification pour l’ouverture du musée des Droits de l’Homme pour lesquels il est bénévole. Et dire qu’autrefois c’était une cour martiale et un endroit pour enfermer des prisonniers politiques. Avec son compatriote Chisheng Chen, Kunlin Tsai témoigne souvent des persécutions politiques dont ils ont été victimes. Kunlin Tsai s’attarde sur sa vie depuis le début des années 70. Après la faillite du magazine Prince en 1969, il fit une dépression, avant de se relever en réussissant le concours d’embauche de la plus haute entreprise taïwanaise de l’époque, une compagnie d’assurances-vie. Il devient formateur puis éditeur de manuels de formation. En 1975, il est chargé de superviser la création d’un musée d’art. Plus tard, il est chargé de la planification et de la création d’une maison d’édition spécialisée dans les encyclopédies.
Années 80, la mégalomanie de Tchang Kaï-chek emporte tout. Le dictateur se fait vénérer comme un dieu. Les chaînes de télévision sont aux ordres du Kuomintang. Ceux qui gênent le régime sont éliminés. Kunlin Tsai essaye de faire son travail comme il le peut. C’est en se faisant passer pour un employé de la compagnie de commerce de son frère qu’il réussira à partir au Japon pour rencontrer les éditeurs de l’encyclopédie dont il souhaite acquérir les droits d’édition. La publication à Taïwan sera un succès, avec cependant de l’auto-censure concernant le parti communiste chinois. Kunlin créera ensuite Nonnon, un mensuel féminin de référence. Années 90, il retourne sur l’île verte, devenu site touristique, où il fut si longtemps prisonnier, pendant dix ans. Ce retour va résonner comme une prise de conscience.
Yu Pei-Yun et Zhou Jian-Xin offrent une biographie émouvante d’un enfant du siècle passé. La scénariste a eu la chance de pouvoir rencontrer Kunlin Tsai, celui qui deviendra le héros de cette série. De son enfance à ses dernières années, en passant par ses années de détention en tant que prisonnier politique et ses métiers dans l’édition, la vie du Taïwanais montre les difficultés qu’ont pu vivre ceux qui, à cet endroit et en ces instants, n’aspiraient qu’à un peu de justice et de liberté. On y découvre comment les droits de l’homme étaient inexistants et on mesure le chemin parcouru par ce peuple qui a depuis fait un grand bond en avant. L’engagement de Kunlin Tsai est une voie toute tracée pour que ne reviennent pas des heures sombres.
« L’histoire des hommes ne peut être réduite à quelques lignes dans les manuels scolaires. », a fortiori quand ces histoires se passaient à l’autre bout du monde dans des pays où l’information était sclérosée et à une époque trouble. En quatre volumes, le Manhua Le fils de Taïwan est un témoignage bouleversant sur l’état d’un pays et de ses citoyens tout au long du XXème siècle. Pendant toute sa vie, les livres et la lecture ont été la source des problèmes et des succès de Kunlin Tsai. Que cette vie devienne aujourd’hui elle-même un livre est un symbole majeur pour la Liberté.
Série : Le fils de Taïwan
Tome : 4
Genre : Histoire
Scénario : Yu Pei-Yun
Dessins & Couleurs : Zhou Jian-Xin
Éditeur : Kana
Collection : Made in
ISBN : 9782505117469
Nombre de pages : 176
Prix : 18,50 €
- Le combat d’Henry Flemingpar Laurent Lafourcade
Dans l’âme du soldat
« -‘Man… Je me suis engagé.
-Que la volonté de Dieu soit faite, Henry. Mais ne crois pas que ce sera facile. Les sudistes ont l’expérience de plusieurs révolutions, au Texas, au Mexique, ils savent se battre. Face à de jeunes recrues yankees pleines de belles idées, il n’y aura pas de miracle. »
La mère d’Henry Fleming va devoir se faire à l’idée. Son fils s’est engagé chez les Yankees. Passer son temps derrière le cul d’une mule à labourer les champs n’a jamais fait rêver personne. Les copains ont déjà quitté le village pour aller se battre. Toute la région est à feu et à sang. Il n’en fallait pas moins à Henry pour se décider à enfiler l’uniforme. Il part. Le jeune homme va vite déchanter. Au lieu de se réjouir et fêter ça avec les autres, il se demande s’il sera capable de rester dans le rang quand les premiers tirs vont s’abattre. Aura-t-il les tripes de ne pas fuir comme un lâche ? Quel genre de soldat est-il, au fond ? Quel genre d’homme ? Demain, il va assister à l’une des plus grandes batailles qu’il n’y ait jamais eu. Pendant que la cavalerie va faire diversion du côté de Richmond, les troupes d’infanterie dont fait partie Henry seront face aux Sudistes.
Compagnie, en avant, marche ! Cette fois-ci, les soldats du 304ème régiment y vont pour de bon. Si certains sont plein d’entrain – « On va mettre une raclée aux rebelles » – « On va les prendre par surprise et les massacrer ! », d’autres sont plus inquiets – »J’espère que mon fusil tire droit. » – « Je voudrais que mon chien soit là ». Dès les premiers tirs, Henry se trouve coincé de chaque côté, prisonnier au milieu d’un troupeau de moutons qu’on envoie à l’abattoir. Ce n’est pas cette guerre-là qu’il a voulu. Alors, se faire tuer dès le début ? Attendre son tour ? Son pote Wilson est persuadé que c’est sa première et dernière bataille. Il lui confie des lettres pour qu’il les remette à ses vieux. Dans cette putain de fumée, on ne voit pas sur quoi on tire. Comment Henry va-t-il vivre son combat, combat contre l’ennemi et contre lui-même ?
Steve Cuzor adapte The red badge of courage, un roman de Stephen Crane datant de 1894. Contrairement à la plupart des histoires de guerres avec ses héros et ses lâches, dans des lieux définis et un instant historique précis, celle-ci met en exergue l’événement, sans endroit ni date claire. Le lecteur est immergé dans la bataille, sa poussière et sa fumée, comme une caméra-témoin. Les affrontements assourdissants sont mis en scène sans onomatopée, comme si les bruits étaient dans les intercases. Cuzor joue avec les ombres et les contre-jours. Les couleurs de Meephe Versaevel chapitrent les séquences dans des tons uniformes. C’est d’ailleurs plus une mise en lumière qu’une colorisation. En adaptant, Cuzor a été contraint à faire des choix. Il a laissé de côté toute une dimension patriotique que l’on retrouve dans le film qu’en a tiré John Huston en 1951.
Cuzor a mis cinq ans à réaliser cet album. Il offre une immersion en plein cœur de la fournaise et invite à se poser la question de comment on aurait réagi à la place d’Henry Fleming. Lâche ou héros ? Blutch ou Chesterfield ? Avec Henry Fleming, les tuniques bleues ont le soldat que chacun de nous pourrait être.
One shot : Le combat d’Henry Fleming
Genre : Histoire
Scénario & Dessins: Steve Cuzor
Couleurs : Meephe Versaevel
D’après : Stephen Crane
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9791034752485
Nombre de pages : 152
Prix : 26 €
- Le beau parleurpar Laurent Lafourcade
Un baluchon bien lourd
« -Cent ! Ceeeent !!! Tu es rentré !
-Pedro ! Pedrito, mon petit macaque ! Quelle surprise ! Comment vas-tu ? Et surtout, qu’est-ce que tu fabriques ici ? Tu ne devrais pas être à l’école ? »
Au Brésil, en plein cœur de la forêt amazonienne, Cent débarque au village où il est accueilli par son petit frère Pedro, alors que ce dernier devrait être à l’école. C’est du moins ce que croyait Cent, mais on est dimanche aujourd’hui. Il faut dire qu’avec tous les voyages qu’il fait, Cent a un peu perdu la notion des jours. Cent est un grand voyageur. Il parcourt le monde et ça fait rêver Pedro. Cent retrouve son autre frère José et les petites jumelles. Les cinq jeunes sont orphelins. Les plus grands s’occupent des plus petits. Cent a aussi ses amis le cerveau, la caisse et la main, c’est-à-dire Manuel, Rubens et Vasco, trois types dont on ne peut pas dire qu’ils soient étouffés par l’honnêteté. La jolie Amalia tient le salon de coiffure, centre du monde et des potins, Tonio, jeune adulte un peu attardé, y passe le balai. Enfin, il y a Chico, qui ne dit pas un mot. Et pour cause, c’est un petit singe ouistiti, alter ego de Pedro. Cent est comme le fleuve. Parfois il coule avec confiance, force et sérénité, d’autres fois, il est agité, troublé, furieux. Il doit bien y avoir une raison à cela.
Lorsqu’un matin, Pedro va apprendre que Cent est parti avec le bateau de José, il va tenter de le retrouver. Le vieux Tirésias l’amène sur sa barque. Après quelques changements de moyens de transports, le petit va retrouver le grand. Mais il n’y a pas que lui qui le recherchait. Le trio Manuel-Rubens-Vasco est aussi de la partie. Cent a-t-il dit toute la vérité à Pedro ? Qui se cache derrière le soi-disant globe-trotter ? Entre mensonges et déconvenues, toutes les vérités ne sont peut-être pas bonnes à dire. Dans un jeu du chat et de la souris, de la forêt amazonienne à Manaus, Pedro va découvrir le monde des adultes… et ses problèmes d’argent.
Après La terre, le ciel, les corbeaux, Teresa Radice et Stefano Turconi quittent une forêt neigeuse en pleine guerre pour une autre plus luxuriante et décor d’un tout autre type de guerre. Il ne suffit pas d’un théâtre paradisiaque pour vivre dans un havre de paix. On va vite le comprendre, nous, lecteurs, mais surtout Pedro. Comme Dorothy et chacun de ses compagnons dans Le magicien d’Oz, il cherche celui qui apportera des réponses à ses questions. Et lorsqu’il va le trouver, c’est lui qui devra l’aider à s’en sortir. Les auteurs écrivent une quête initiatique. Ce petit brésilien passionné de livres et d’histoires va grandir plus vite que prévu. Il ne sera plus jamais le même après l’aventure qu’il va vivre.
Chaque chapitre du récit porte le titre d’une œuvre célèbre de littérature, ayant un rapport avec les scènes vécues. Du Baron perché à Moby Dick en passant par Le Comte de Monte Cristo, Pedro est l’acteur malgré lui d’événements s’y appariant.
Treize étrange était à l’origine un petit éditeur qui a été racheté par Glénat. Jusqu’à présent, ses albums étaient publiés encore sous label Treize étrange. A l’occasion de leurs trente ans, ce Beau parleur inaugure une nouvelle ligne graphique. Treize étrange devient une collection labellisée, estampillée Editions Glénat.
Road movie, histoire de famille, recherche du sens de la vie, Teresa Radice et Stefano Turconi signent un one shot d’exception, l’une des plus belles odes à la littérature dans un décor hors du commun. Brillant dans tous les sens du terme.
One shot : Le beau parleur
Genre : Quête initiatique
Scénario : Teresa Radice
Dessins & Couleurs : Stefano Turconi
Collection : Treize étrange
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344062401
Nombre de pages : 208
Prix : 22,50 €
- La vengeancepar Laurent Lafourcade
Wyoming Montana
« -P’pa, Anna ! Je peux venir avec vous en ville ?
-Tu risques de t’embêter pendant que ta sœur essaye sa robe, Tom.
-S’te plaît, P’pa.
-Emmenez-le, ça lui fera une sortie. S’il trouve un livre sui lui plaît, il pourra l’acheter.
-Bon, c’est entendu. Allez, grimpe !
-Merci, M’man ! »
Wyoming, avril 1876. Quand Richard Hatton quitta son ranch ce matin-là pour se rendre en ville avec ses enfants, il ne se doutait pas qu’il ne reverrait jamais son épouse. Pendant ce temps, trois cow-boys crevant la dalle, Jim Pickford et sa bande, recherchés morts ou vifs, l’ont assassinée. Le vieux Biedler a vu passer ces beaux salopards à proximité du ranch. Pas si simple de les attraper. Le vieux shérif du Comté est seul. Ça fait des mois qu’il attend des renforts. Il ne peut quitter la ville. Il rassure Richard, lui disant que les hommes comme eux tombent toujours, tôt ou tard, que sa haine et son désir de vengeance vont passer avec le temps. Celui-ci n’a pas l’intention d’attendre. Il vend la ferme pour quitter cet endroit maudit. Ils partent dans le Montana, à la traque des tueurs.
Le récit de vengeance fait partie des classiques de la fiction, que ce soit en littérature, en bande dessinée ou au cinéma, dont le plus bel exemple reste le Kill Bill de Tarantino. Le genre peut être piégeux. On peut vite tomber dans la violence et la vengeance sans pitié. Il y a quelques années, Jérôme Félix et Paul Gastine signaient le magistral western « Jusqu’au dernier », chez Bamboo-Grand Angle, déjà une histoire de vengeance. L’album fut l’un des événements de l’année 2019 et reste aujourd’hui encore dans toutes les mémoires. Il fallait oser passer après eux, mais il fallait bien que quelqu’un s’y risque un jour. Dans un style graphique totalement différent (et c’est ça qu’il fallait faire), plus proche de Davodeau que de Gir, David Wautier se lance dans l’aventure.
Wautier casse certains codes. Au revoir le mythe du cow-boy solitaire, celui-ci part en chasse accompagné de ses enfants. Et oui, il n’a plus personne pour les garder. A l’instar de John Ford ou Clint Eastwood au cinéma, Wautier opte pour le contemplatif, appuyé par une narration fluide, des dialogues courts, pas de cartouches narratifs. Les flashbacks sont explicités par des tons de couleurs différents. Les neiges blanches aux reflets bleutés du Montana alternent avec la poussière marron-jaunâtre des moments passés et de l’instant du drame. Richard Hatton fait passer sa haine aux lecteurs en même temps que ses enfants, pour lesquelles on tremble, font passer leurs émotions, et non pas la peur comme on pourrait le penser mais une certaine force et complicité avec leur père. Wautier fait la part belle aux paysages, comme pour mieux se déporter par rapport à la mission que Richard semble vouloir effectuer avec dignité et humilité, pour tourner la page d’une vie qui malheureusement ne sera plus jamais la même.
Wautier réalise une puissante mise en scène dans des décors étourdissants. « La vengeance » montre une fois de plus la bédégénicité du western. (Tiens, j’ai inventé un mot)
One shot : La vengeance
Genre : Western
Scénario, Dessins & Couleurs : David Wautier
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782931105221
Nombre de pages : 96
Prix : 19,50 €
- La drôle de guerre de Papi et Lucien 3 – Mission : Sahara !par Laurent Lafourcade
Quand t’es dans le désert…
« -Alors, Félix, cette mission « Or du Sahara », ça progresse ?
-Oui, mon général !
-A qui allez-vous la confier ?
-A M.Marcel et Lucien.
-Hein ?! »
Brazzaville, Congo, 1942, capitale de la France libre. Alors que les français résistent comme ils le peuvent dans leur pays en Europe, la résistance s’organise depuis l’étranger. Le Général de Gaulle est à Londres. Papi et Lucien sont en Afrique. Pour gagner la guerre, il va falloir de l’argent pour fabriquer des chars, des munitions, des avions, des canons et toutes ces sortes de choses. En 1940, devant l’avancée des nazis, une grande partie de l’or de la Banque de France a été évacué en Afrique près de Dakar, en AOF, l’Afrique Occidentale Française, fidèle au traître qu’est le Maréchal Pétain. Il faut l’empêcher d’utiliser ce trésor pour aider l’ennemi. Actuellement en AEF, Afrique Equatoriale Française, Papi et Lucien sont volontaires pour se charger de cette mission. Et qui vont-ils retrouver sur leur route ? Evadé des geôles britanniques, Helmut le nazi est bien décidé à le récupérer avant eux. Qui ramènera le pactole ?
Apprendre la guerre en s’amusant, c’est possible ? Oui, en rigolant même. Bien sûr, avec tout le respect que l’on doit à ceux qui ont vécu la tragédie. Fabrice Erre, en bon pédagogue, choisit le biais de l’humour pour raconter, apprendre et témoigner. 1300 tonnes d’or ont donc quitté Paris pour Dakar en 1940. Papi et Lucien vont rouler à bord d’une autochenille qui a servi quelques années plus tôt, en 1924, lors de la croisière noire organisée par Citroën. Ils vont passer par l’oasis de Koufra, en Lybie, prise aux italiens par le Général Leclerc. C’est ce même Leclerc qu’ils vont rencontrer en plein désert, lui que de Gaulle a envoyé en Afrique pour rattacher les colonies françaises à la France libre. En face, c’est Rommel qui mène les troupes. Le renard du désert dirige les soldats italiens et nazis de l’Afrika Korps. Tout ça, c’est dans cet épisode de La drôle de guerre de Papi et Lucien, tout comme la célèbre bataille de Bir-Hakeim.
Avec son graphisme humoristique, Tehem dédramatise les situations. Lucien est peut-être le personnage le plus sérieux de la série. Papi ne veut pas d’un auxiliaire de vie mais il a bien besoin de son petit-fils pour diriger les opérations. Cette fois-ci, ils sont accompagnés du premier enregistreur vocal de l’Histoire, à savoir un perroquet nommé Coco, à qui Siri et OK Google doivent tout. Ce petit monde se fait voler la vedette par le méchant de l’aventure : Helmut. L’ennemi récurrent revient comme le sparadrap du Capitaine Haddock. Il est non seulement bête et ignoble, mais aussi sacrément guignard. Le trait de Tehem jubile sous ses colères, ses rictus et ses avanies. Papi et Lucien n’ont pas fini de le retrouver sur leur route. Sinon, il nous manquerait. C’est leur Olrik.
Les guerres ont besoin de leurs chefs, mais les véritables héros sont toujours ceux du front. Que serait-on devenus sans Papi et Lucien ? Se remémorer le conflit de cette façon, que demander de mieux pour ancrer les événements ? Erre et Tehem ont trouvé la recette.
Série : La drôle de guerre de Papi et Lucien
Tome : 3 – Mission : Sahara !
Genre : Aventure historique
Scénario : Fabrice Erre
Dessins & Couleurs : Tehem
Éditeur : Auzou
ISBN : 9791039528573
Nombre de pages : 56
Prix : 12,95 €
- Copenhaguepar Laurent Lafourcade
Une sirène assassinée
« -Madame… Excusez-nous les danois, nous avons un problème. Mais je vais t’occuper. Je suis très francophile. Ici, c’est comme ma maison parce que j’habite là. Je peux t’aider.
-On a vraiment trouvé une sirène morte ? C’est possible, ça ?
-Oui. Nous ne comprenons pas la chose encore. Toute la ville est dans le grand désarroi. Les gens ont la peur ! Ils ont le chagrin. Ils ont l’émotion qui déborde. »
Partie six jours au Danemark, à Copenhague, Nana Miller, parisienne, ne savait pas qu’elle allait y rester plus que prévu. Elle a quitté Paris sans prévenir son ado de fille. Elle lui a laissé cent balles, un post-it sur le frigo et un reste de lasagnes. Royal ! Arrivée sur place, dans le taxi qui la mène à l’hôtel, c’est la panique sur les boulevards. La radio annonce qu’un corps a été trouvé près d’Amalienborg. Ce n’est pas un homme. Ce n’est pas tout à fait une femme. C’est une sirène. Le personnel ayant déserté l’hôtel, Anna y est accueillie par Thyge Thygesen (prononcez Thüü Thüsen), un excentrique qui y habite en compagnie de « Nom d’un chien », son caniche rose. Le pays est verrouillé. Les aéroports sont fermés. Plus personne n’entre ni ne sort du Danemark. L’information est gardée secrète. Anna va devoir prendre son mal en patience. « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? »
Anna ne va pas rester passive en attendant que la situation évolue. Thyge (prononcez Thüü) est animateur de radio. Il est présentateur de l’émission « Les vrais génies ont la parole », dans laquelle il prend au téléphone les seuls qui se posent les bonnes questions : les enfants. Ça ne va louper. Il y en a un qui l’appelle pour lui demander qui a tué la sirène, parce que les sirènes, elles ne meurent pas normalement. C’est comme dans les multivers Marvel : si une brèche s’ouvre sur un autre univers, tout est chamboulé. Il faut qu’un gardien de l’univers remette les choses en ordre. Thyge et Anna vont se transformer en détectives en herbe afin de démêler l’intrigue. Un gourou, un club de caniches, le célèbre parc d’attractions Tivoli en plein centre-ville, des terroristes, la capitale du Royaume du Danemark est le théâtre d’une affaire bien mystérieuse.
Après Sousbrouillard, le duo Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg est de retour avec une petite pépite, un pavé de suspens et d’émotion à côté duquel il est impossible de passer. Terkel Risbjerg enveloppe l’histoire dans un style proche de celui de Christophe Blain. On est tout de suite pris dans l’action, la problématique est posée dès les premières pages. Bien sûr, les liens entre Anna et Thyge vont évoluer au fil de l’histoire. L’ours fêlé qu’est le danois va se transformer en doux kidulte. La rigide française, dont on ne connaîtra jamais vraiment la raison du voyage, va être attendrie par le moustachu. Jusqu’à quel point ? On est dans une tragi-comédie où les scènes les plus cocasses (comme une réanimation de caniche après un séjour dans l’eau) côtoient des instants très sérieux (comme l’autopsie de la sirène). Anne-Caroline Pandolfo aborde le sujet des dérives sectaires et du terrorisme. On ne peut s’empêcher de penser aux attentats perpétrés à Copenhague en 2015. Ce livre n’en serait-il pas une version décalée ?
Cette histoire a l’air futile et fantaisiste, mais elle est très profonde. Un de plus beaux messages qui soit est délivré dans l’une des dernières scènes de l’album lors d’une conversation entre Thyge et l’un de ses jeunes auditeurs. Copenhague est ces bijoux grâce auxquels, contre toute attente, on n’est pas tout à fait le même après l’avoir lu. Faire de sa vie un rêve, faire de son rêve une réalité.
One shot : Copenhague
Genre : Polar feel good
Scénario : Anne-Caroline Pandolfo
Dessins & Couleurs : Terkel Risbjerg
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782505122159
Nombre de pages : 296
Prix : 29,99 €
- Les aventures d’Urbain Pujol 1 – Ramdam à Taxis Panamepar Laurent Lafourcade
Tillieux toujours vivant
« -Taxiii !!!
-(…Ah ben quand même !!) Je vous écoute ma p’tite dame !
-Huit rrue esperrausses s’il vous plaît !!
-C’est parti ! »
En embarquant ce jour-là une dame à l’accent slave dans son taxi, Urbain Pujol ne se doutait pas qu’il allait se trouver au beau milieu d’un trafic international. Il dépose la cliente à l’adresse indiquée, poursuit sa journée de travail, puis va garer son taxi au dépôt. Petite inspection avant extinction des feux, Urbain trouve un beau stylo-plume sur la banquette arrière. C’est sûrement la blonde au chapeau avec un oiseau qui l’a oublié. Que les gens sont distraits ! Le lendemain, il se rend à l’adresse où il l’avait déposée pour lui rendre l’objet. La mamie qui lui ouvre la porte n’a aucune connaissance de cette jeune femme. Peu importe, Urbain garde le stylo et poursuit sa journée de travail. C’est en rentrant déjeuner chez lui qu’il découvre que son appartement a été cambriolé. Il est sens dessus dessous, mais rien ne semble avoir disparu, même pas son argent. A quoi bon prévenir la police ? On ne lui a rien dérobé. C’est en reprenant son travail qu’il se rend compte qu’il est pris en filature.
En taximan connaissant la capitale comme sa poche, Pujol réussit à se débarrasser de ses poursuivants. Et s’il y avait un rapport avec le stylo ? Nous sommes au cœur des années 60, en pleine guerre froide. Les relations soviético-occidentales ne sont pas au beau fixe. L’Afrique colonisée vit ses dernières années. C’est un peu tout ce melting pot politique qui va se retrouver à Paris pour une histoire d’espionnage internationale. Du terrain vague aux jardins de l’Elysée, la capitale est l’héroïne de ce polar dans la plus pure tradition franco-belge.
Jean-Paul Tibéri signe un hommage à Maurice Tillieux. Jacques Gipar, le héros de Delvaux et Dubois chez Paquet, n’est plus tout seul sur le coup. Il va falloir compter sur Urbain Pujol, Dussiflard jeune, entendez par là chauffeur de taxi pour qui n’aurait pas la réf. Mais si vous êtes en train de consulter cette chronique, vous l’avez certainement. Tous les poncifs du genre sont réunis pour accrocher le lecteur nostalgique, et pourquoi pas conquérir de jeunes curieux de faire un voyage dans le temps de leurs grands-parents. Alain Julié, dessinateur des Vélomaniacs, se prend au jeu. L’ancien assistant de Serge Carrère a trouvé son Léo Loden avec ce personnage original. Il joue à fond le jeu des clins d’œil. Tous les personnages de Tillieux font des caméos : Gil Jourdan, Libellule, l’Inspecteur Crouton, Queue-de-Cerise. On croit même apercevoir Secottine et sa queue de cheval sur un Solex. Les publicités des années 60 et les bagnoles d’époques sont autant d’héroïnes de l’histoire.
On n’attendait pas forcément les éditions Idées Plus dans ce domaine. A côté des petits albums illustrés sur la Nationale 7, c’est somme toute logique. Dans des enquêtes d’époque bien troussées, Urbain Pujol a tout pour mettre des kilomètres au compteur de son taxi 403 bleu.
Série : Les aventures d’Urbain Pujol
Tome : 1 – Ramdam à Taxis Paname
Genre : Polar
Scénario : Jean-Paul Tibéri
Dessins : Alain Julié
Couleurs : Claire Dumas
Éditeur : Idées Plus
ISBN : 9782374700861
Nombre de pages : 64
Prix : 18 €
- Utopie 1 & 2par Laurent Lafourcade
Dystopie rodolphienne
« -Dites, Sam, je voulais vous demander : toutes nos archives sont maintenant enregistrées, mais reste-t-il encore des supports anciens ?
-Des livres ? Voilà, je ne trouvais plus le mot ! »
Nous sommes à une époque où les livres n’existent plus. Tout a été numérisé. De toutes manières, ils sont interdits. Will Jones travaille à l’académie historique. Pour un présent heureux, il faut un passé lisse. C’est son job. Comme tous les jours, c’est une belle journée. Le ciel est bleu. Des agents vérificateurs humanoïdes sont venus chez Will pour s’assurer que les implants qui lui ont été insérés dans le cerveau fonctionnent bien, vraie assurance sur le bonheur, et que Kris, sa compagne cybernétique, lui donne entièrement satisfaction : bonne cuisinière, bonne ménagère et douces entrées. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à ce Will découvre que quelqu’un lui avait glissé dans une poche… un livre !
A l’académie historique, Will et son équipe travaillent en ce moment sur la relecture des mémos communistes. Ils ont nettoyé l’axe principal de ce parti politique d’autrefois, mais il y a des tas d’annexes, textes et images, à « lisser ». Dans ce futur, il semble falloir oublier le passé. Chacun vit dans une certaine virtualité. Après la journée de travail, la principale occupation est de devenir le personnage d’une série « double vie », pour vivre des aventures extraordinaires dans la peau de personnages incroyables. Ça fait du bien dans ce monde où en apparence tout est si propre, sans aspérité. Il aura fallu qu’un livre donne un coup de pied dans la fourmilière : Individu et utopie, c’est son titre. Tout un programme. Will le lit et le fait disparaître dans ses toilettes avant que quelqu’un ne le découvre. Mais on lui en glissera un autre dans la veste, puis un troisième… Qui fait cela ? Dans quel but ? Le deuxième épisode accentue le mystère en basant le propos sur l’identité. Qu’advient-il lorsque notre identité devient gênante pour ceux qui tirent les ficelles de la société ?
Rodolphe pose les bases d’une nouvelle trilogie, une dystopie… Une utopie ? Ce monde aseptisé ne fait pas particulièrement rêver. Mais ne serait-ce pas quelque chose vers lequel l’humanité pourrait se diriger ? Seul l’avenir dira si Rodolphe aura été visionnaire sur ce coup-là. Comme dans Ter et Terre, comme dans Demain, le scénariste disgresse, imagine, inquiète tout autant qu’il prévient. Ici, on est dans une phase post-SOS bonheur, scénarisé par Van Hamme pour le même Griffo, à une époque où le dessinateur était au sommet de son art. Car si Griffo est un dessinateur assuré, sur lequel on peut compter, même si son trait est parfois aujourd’hui un peu rapide, il adopte plusieurs fois dans la série une technique qui a été reprochée au grand Morris à la toute fin de sa carrière : celle de la photocopieuse. Maintenant, on dit scanner. Qu’un dessinateur de la trempe de Griffo duplique plusieurs fois certaines de ses cases, c’est regrettable. C’est flagrant, en particulier dans le tome 1. Il ne faut pas que ça fasse passer à côté de cette histoire qui porte à réflexion.
Utopie est un thriller futuriste de la trempe d’un Bienvenue à Gattaca ou autre 1984. Le tome 3 est annoncé pour septembre.
Série : Utopie
Tomes : 1 & 2
Genre : Dystopie
Scénario : Rodolphe
Dessins : Griffo
Éditeur : Delcourt
ISBN : 97824130790-33/-40
Nombre de pages : 48
Prix : 13,50 €
- Undertaker 7 – Mister Prairiepar Laurent Lafourcade
IVG
« -Mister Crow ! Vous allez pas le croire !! Vous allez vraiment pas le croire !!
-Je croirais ce que tu veux… Si tu le dis moins fort… Quelqu’un a répondu à mon annonce ?
-Ah… Ben non. Ce serait même plutôt le contraire. Ça vient de votre bureau habituel en Californie. Une offre de boulot. Cercueil, funérailles, enterrement et tout le tralala.
-Nan. Chuis… débordé.
-C’est au Texas.
-« au Texas » ??? … Plutôt m’enterrer moi-même. Double non !
-Même pour elle ? »
Jonas Crow, le croque-mort, l’undertaker, est rappelé aux affaires. Mais pour cela, il lui faut une motivation. Il ne va pas se déplacer jusqu’au Texas pour une simple mise en bière. Si la demande est signée Rose Prairie, ça pourrait bien changer la donne. Direction Eaden City. Il découvrira sur place que c’est son mari le docteur Randolph Prairie qui a fait appel à lui pour deux enterrements : celui du Père Wilson, un prêtre de leurs amis, mort dans un accident la veille, et celui du fœtus d’une patiente, Madame Eleanor Winthorp, qui souhaite mettre un terme à sa grossesse mais qui est très pieuse et exige des obsèques en bonne et due forme pour son enfant. Ce qu’ils ne savent pas encore, c’est que l’homme d’Eglise a été envoyé ad patres par Madeleine Esther Oz, alias Sister Oz, membre de la ligue pour la suppression du vice au Texas, se sentant investie d’une mission : empêcher la bénédiction d’un bébé mort-né pour lequel elle veut de surcroît éviter que sa mère n’avorte.
Paru en novembre, cette aventure de l’undertaker Jonas Crow prend une dimension supplémentaire alors que le parlement vient enfin d’inscrire l’IVG dans la constitution. Qui aurait cru qu’un jour un western aborderait le sujet ? Si on ajoute que les auteurs traitent aussi d’homosexualité dans un milieu si testostéroné, on est vraiment dans un album de genre révolutionnaire. Sister Oz est une Frigide Barjot. Elle est bourrée de paradoxes. Elle lutte contre l’IVG, qui ne s’appelait pas encore comme cela, mais n’hésite pas à provoquer la mort d’un apôtre de Dieu. Etrange pour quelqu’un qui souhaite sauver des vies et prêcher la bonne parole. On verra rapidement que la dame a, comme on le dit vulgairement, des fils qui se touchent.
Xavier Dorison et Ralph Meyer ne sont pas tendres avec Jonas Crow. Ils le plongent en plein chagrin d’amour. Un espoir de renouer avec Rose ? Et hop, celui-ci est vite avorté (c’est le cas de le dire), elle est mariée. Dorison aborde des thèmes contemporains avec l’avortement et le fanatisme religieux, invitant à se poser la question : peut-on imposer aux autres ses idéaux ? Incarnant un puritanisme puant, Oz est tyrannique, ne laissant pas à chacun le libre arbitre dans ses décisions. Délaissant les grandes plaines pour des intérieurs victoriens, Ralph Meyer passe au pinceau sec, pour apporter plus de profondeur et mieux jouer avec les ombres. Dans cet automne texan, Caroline Delabie renouvelle les couleurs de l’univers de la série.
« Le monde selon Oz » est le titre de la deuxième partie annoncée du diptyque. Mais celui de Madeleine est nettement moins magique que celui de Dorothy. Qui quittera Eaden City dans une boîte en bois ? Encore quelques mois pour le savoir. En attendant, chacun devra agir en son âme et « bonne » conscience.
Série : Undertaker
Tome : 7 – Mister Prairie
Genre : Western
Scénario : Xavier Dorison
Dessins : Ralph Meyer
Couleurs : Caroline Delabie & Ralph Meyer
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782505119753
Nombre de pages : 64
Prix : 16,95 €
- Le héros du Louvre 2 – Le jeu du silence / 3 – Liberté !par Laurent Lafourcade
Sauvez Monna, Lisa sauvée.
« -Français ! A l’appel de Monsieur le Président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France…
-C’est Pétain ! Plus fort, c’est Pétain !
-Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes… Sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. »
La famille Benhamou, épuisée par la fuite depuis Paris, fait une escale imprévue à Louvigny. Les déménageurs de Jacques Jaujard pensaient être déjà à Chambord. Ils doivent se rendre à Pau, à la tête d’un camion empli d’œuvres d’art, pour éviter qu’elles ne soient spoliées par les allemands. Il va falloir repartir plus vite que prévu et oublier Chambord. Dès demain, les nazis seront là. Ils brûlent tout, rasent tout. C’est alors que la voix du Maréchal Pétain se fait entendre sur un transistor. Le militaire annonce la reddition. La France capitule. Si certains se réjouissent de la fin des hostilités, d’autres, moins naïfs, n’y voient qu’une marche de plus gravie dans l’escalade de la guerre. C’est l’occupation. Il paraît que la France va être coupée en deux par une ligne de démarcation, séparant une zone libre d’une partie occupée. Au sein même de la famille de Babi, tout le monde n’a pas le même objectif. Yvette, pensant qu’il n’y a plus de risques, part rejoindre son mari Jacques à Paris avec son fils Maurice, contre l’avis de sa mère. Pour le reste de la famille, il faut amener au plus vite la Joconde en zone libre.
Ce n’est pas divulguer la fin que de dire qu’ils vont y arriver. On s’en doute dès le départ puisque dans la narration c’est un vieux Babi qui raconte ses exploits à sa famille, et en particulier à un certain Elie, qui prend des notes. Peut-être en fera-t-il un jour une histoire. Ce Elie, on le connaît bien, puisque c’est le réalisateur et metteur en scène Elie Chouraqui. Dans la troisième partie du récit, on assiste à un jeu du chat et de la souris avec l’occupant d’un côté et la famille de juifs et les œuvres d’art de l’autre, qui devront rester cachés pendant des mois et des mois, et les œuvres, et la famille. La suite, on la connaît, ce sera la Libération avec l’arrivée des chars américains.
Le héros du Louvre est une histoire de guerre mais c’est aussi une histoire de l’Art. Jacques Jaujard a pris une décision salvatrice en organisant la fuite des œuvres. Tout un patrimoine aurait certainement disparu corps et biens sans cela. Outre le sourire de Monna Lisa, dans les œuvres les plus célèbres dissimulées par Babi Makloouf Benhamou, il y avait un autre tableau majeur de Léonard de Vinci : Sainte Anne, la Vierge et l’enfant Jésus jouant avec un agneau. Cette peinture, qui fait la couverture du tome 2 et que l’on verra raccrochée à sa place dans le final, représente tout un symbole. Jésus serre l’agneau sacré contre lui. Ça signifie qu’il accepte le sacrifice. Il sait qu’il mourra pour que les hommes vivent. Jésus rassure sa mère par son sourire. Si celle-ci s’inquiète, la grand-mère Sainte-Anne sait que son petit-fils vivra dans le cœur des hommes au-delà de la mort, pour l’éternité. L’allégorie prend une dimension incroyable en plein milieu de la guerre, quand personne ne pouvait prédire l’issue du conflit. Elle donne de la force et de l’abnégation à tous ceux qui résistent contre l’ennemi sans savoir s’ils en sortiront vivants.
Letizia Depedri, dans un trait semi-réaliste et une ambiance sépia, et Elie Chouraqui, avec l’attendrissement d’un petit-fils qui a aujourd’hui dépassé l’âge de son grand-père, montrent comment le monde a sauvé l’Art, alors que d’habitude c’est lui qui sauve le monde. La trilogie du Héros du Louvre se clôt avec émotion. On retrouvera en principe dès la fin de l’année Babi sous les traits de Kad Merad au cinéma.
Série : Le héros du Louvre
Tomes : 2 – Le jeu du silence / 3 – Liberté !
Genre : Aventure historique
Scénario : Elie Chouraqui
Dessins & Couleurs : Letizia Depedri
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344057711 / 9782344057728
Nombre de pages : 56
Prix : 12,90 € / 13,50 €
- Thorgal Saga 2 – Wendigopar Laurent Lafourcade
Légendes indiennes
« -Alors, c’est fini, on ne reverra jamais le pays Qâ, Thorgal ?
-Je l’ignore, Jolan.
-Pied d’Arbre me manque déjà. C’est lui qui m’a appris à me servir de mon arc !
-Je sais, mon enfant… Durant cet étrange voyage, il a veillé sur toi comme sur son propre fils. (…) C’est étrange, les vents ont brutalement changé de sens, et cette brume, à l’horizon, arrive à la vitesse d’un cheval au galop ! »
De retour du pays Qâ, Thorgal Aegirsson et sa famille voient leur embarcation attaquée par des poissons volants enfantés par les brumes. Leur drakkar détruit, Thorgal, Aaricia et le petit Jolan se réfugient sur une barque qui les conduit vers une terre inconnue où ils sont accueillis par des indigènes tout peinturlurés. Aaricia, enceinte et blessée, est soignée par un chaman. Le peuple indien est sous l’emprise du Wendigo, un manitou maléfique très puissant depuis le pays des esprits qui se délecte de voir le peuple des hommes s’entre-tuer, ce qui est le cas entre deux tribus ennemies. Le démon fait la taille de dix guerriers, pieds de boucs, cornes de cerf, griffes et crocs acérés. Une légende dit qu’il n’y a qu’un moyen de se débarrasser du Wendigo : le toucher entre les yeux avec une flèche taillée dans la plus haute branche de l’arbre de vie. Cette même légende dit que c’est un guerrier à la peau claire venu des terres froides au-delà de l’océan qui accomplira l’exploit. Tiens donc !
La voie semble toute tracée pour que Thorgal se distingue une fois de plus dans une aventure aux frontières du surnaturel. La tâche ne va pas être aussi facile que ça. Un serpent de mer vénéré dans des temps anciens va venir mettre son grain de sel. Il l’a déjà fait puisque c’est lui qui a poussé le viking sur ce nouveau continent. Alors que l’on pense, lui le premier, que le destin de Thorgal est tout tracé, il y a toujours un caillou dans la chaussure, un grain de sable dans l’engrenage. Plus que jamais, l’enfant des étoiles va devoir prendre les choses en mains pour sauver pas seulement sa famille.
Après l’excellent album de Robin Recht, ce deuxième opus de Thorgal Saga était encore plus attendu au tournant. Fred Duval sort un atout majeur de sa manche : placer son histoire sur le chemin du retour du Pays Qâ, le cycle magistral de la saga Thorgal, l’une des plus fantastiques épopées d’heroïc-fantasy de la bande dessinée. Même si l’histoire s’en détache complètement, Thorgal et les siens en sont tout empreints. On le ressent au plus profond d’eux-mêmes. A partir de ce postulat, Duval sort la grande artillerie des légendes de monstres mêlées au folklore nord-américain. Après avoir collaborés ensemble sur un XIII Mystery, le scénariste retrouve Corentin Rouge. Le dessinateur sublime l’histoire, que ce soit dans les décors de forêts ou dans les scènes d’action, parfois un peu violentes quand même. On sent que les auteurs ont voulu faire grandir Thorgal avec son public. On n’aurait pas vu certains passages dans le journal Tintin. Toujours est-il que le Wendigo et le serpent de mer n’ont rien à envier à King Kong et Godzilla. Rouge ose les découpages percutants et les cases gigantesques. Il a atteint une maturité graphique impressionnante.
Yann et Roman Surzhenko, deux habitués des mondes de Thorgal, sont annoncés aux commandes de Shaïgan, la prochaine Thorgal Saga. On n’a donc pas trop à craindre du résultat. Reste à savoir s’ils resteront dans le classicisme ou s’ils prendront des chemins escarpés. En attendant, Wendigo s’inscrit indéniablement dans la liste des albums remarquables de la série.
Série : Thorgal Saga
Tome : 2 – Wendigo
Genre : Heroïc Fantasy
Scénario : Fred Duval
Dessins : Corentin Rouge
Couleurs : Walter & Corentin Rouge
D’après : Rosinski & Van Hamme
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 9782808205917
Nombre de pages : 128
Prix : 24,50 €
- Sangre 4 – Donnadion le béatpar Laurent Lafourcade
La vengeance est un plat… qui se mange
« -Et vous v…voulez quoi ?
-Je vous ai entendue chercher quelqu’un…
-Donnad…
-Shht ! Il y a des noms qu’on ne prononce pas.
-Vous savez où le trouver ?
-Ça se pourrait. Mais c’est une information de grande valeur ! »
Sangre porte en elle la marque des ténèbres. Depuis que son père et son frère ont été assassinés par les écumeurs, et que sa mère a été enlevée le même jour pour en faire une esclave, Sangre a soif de vengeance. La marque la fait souffrir et se nourrit de la violence. Sangre cherche à retrouver sa mère et à éliminer l’un après l’autre les responsables de la tragédie. C’est à Thériasme que la jeune femme fait la connaissance d’Ortho-trois-narines, un humble marin du fleuve qui sait où trouver celui qu’elle cherche à présent, Donnadion. Il lui apprend que le bourreau vit dans un méandre du fleuve, à cinq jours de navigation. Sur un petit archipel sauvage protégé par la mangrove qui abrite des esclaves évadés, Donnadion est devenu un ermite pacifique que les rebelles vénèrent.
Sangre est accompagnée dans sa quête par un grand chien blanc, appelé Loup. D’ailleurs, n’en est-ce pas un ? Elle va par ailleurs retrouver Dame Ydrelène, qu’elle a jadis sauvée. Sangre a également un pouvoir magique : celui de suspendre le temps pendant quelques secondes, sauf pour elle, ce qui lui permet d’agir sur le cours des événements. Cependant, après l’usage du pouvoir, elle perd momentanément la vue. Elle doit donc l’utiliser avec parcimonie et ruse. Arleston a construit comme à son habitude un univers bien cadré, bien borné. Comme dans ses autres séries d’héroïc-fantasy, le concept est fort. Au contraire des autres, celle-ci est bien plus violente. Il n’y a pas l’humour de Lanfeust, mais il y a l’exotisme de Ekhö. Il n’y a pas des petites bestioles mignonnes comme dans Ekhö, mais il y a une véritable quête comme dans Lanfeust.
Stefano Vergani prend la suite d’Arnaud Floch au dessin. Il s’empare du monde de Sangre avec grâce. Ses combats font preuve d’un certain lyrisme. Ils sont chorégraphiés. Vergani amène Sangre vers un destin, dans une mission dont on devine la fin. Mais il n’empêche que l’on vibre pour elle. Associé avec Gloria Vezzaro, Vergani opte pour des couleurs presque pastellisées, avec un petit côté années 70-début 80, comme on en voyait dans des séries comme Nahomi de Crisse.
Avec Sangre, la vengeance est un plat qui n’attend pas pour être mangé. Il ne se mange pas froid. Il se mange, tout simplement.
Série : Sangre
Tome : 4 – Donnadion le béat
Genre : Héroïc-Fantasy
Scénario : Christophe Arleston
Dessins : Stefano Vergani
Couleurs : Stefano Vergani & Gloria Vezzaro
Éditeur : Soleil
ISBN : 9782302098398
Nombre de pages : 56
Prix : 15,50 €
- Paris sur Merpar Laurent Lafourcade
L’embouteillage du siècle
« -Mon cher Capitaine, j’ai besoin du meilleur électeur de ce pays pour remplir une mission vitale ! Je vous ai désigné volontaire pour cette mission… Mais sachez que l’avenir économique et l’influence dans le monde de notre nation sont désormais entre vos mains !!! »
Le Capitaine Rokoko est convoqué par la plus haute autorité de l’Etat : le Président de la République. Il confie au marin une mission de la plus haute importance. Entre Londres et Paris, au beau milieu de la Manche, on a repéré comme un gros bouillonnement. Une île va émerger à cet endroit dans pas longtemps. Rokoko est chargé de prendre la tête d’une expédition pour, dès l’émersion de l’île, y planter le drapeau de Paris sur Mer. Or, au même instant, à Londres sur Mer, la Reine, la Couine, confie la même mission au commandant Harry Cover. Qui des mangeurs de grenouilles ou des buveurs de thé remportera le challenge ? C’est sans compter les perturbations du mage Dodududo qui manigance un plan démoniaque tout au fond de son repaire.
Voici une bande dessinée animalière sortie du tiroir. Les éditions du même nom n’auront jamais si bien porté leur nom. L’aventure parue pour la première fois dans l’hebdomadaire Pistil en 1979 est éditée pour la première fois en album, près de quarante-cinq ans plus tard. Paris est Paris sur Mer, une île aux contours de la France que l’on connaît. Londres est Londres sur Mer, la même chose correspondant au Royaume-Uni. Le Capitaine Rokoko est une sorte de perroquet, capitaine du bateau « Fluctuat nec Mergitur », qui, contrairement à son nom, sombre à chacune de ses sorties, s’échouant sur des récifs. Il est épaulé par Mamour, un éléphant qui assure la fonction de moussaillon. En filigrane de la bataille de la Manche, Dodududo rêve de mettre Paris en bouteille. Y parviendra-t-il ? Les relations internationales seront-elles apaisées après cette histoire ?
Aventure et humour sont au programme de cet album qui aurait pu être le premier d’une longue série. Jean-Pierre Terrien et Gilbert Lions ont un graphisme Spirou-années 70-compatible. Les dessinateurs ont lu les aventures citadines de Macherot comme Le retour de Chlorophylle ou Chaminou et le Khrompire. On n’atteint pas la même qualité mais les auteurs n’ont pas à rougir de leur fort honorable travail. Au scénario, Jean-Pierre Terrien et Gilbert Lions s’en donnent à cœur joie dans une histoire fort bien construite, avec running gags et calembours à gogo. C’est mignon, c’est amusant, un brin suranné aujourd’hui mais ça témoigne aussi d’une époque. Gilbert Lions n’est pas un inconnu puisqu’il co-écrivait entre autres les aventures de Sylvio avec Philippe Luguy dans Pif gadget. Pour cette réédition, les couleurs ont été modernisées par Marité.
Paris sur Mer est de ces histoires cachées dans les pages des magazines à la grande époque de la presse BD. C’est merveilleux au sens propre du terme. Espérons que les éditions du Tiroir nous en dégotent d’autres dans le style.
One shot : Paris sur Mer
Genre : Aventure humoristique
Scénario & Dessins : Jean-Pierre Terrien & Gilbert Lions
Couleurs : Marité
Éditeur : Editions du Tiroir
ISBN : 9782931251041
Nombre de pages : 48
Prix : 15 €
- Marie Tudor la reine sanglante 2par Laurent Lafourcade
Le Roi, sa fille et le Baron
« -De toute part, je n’ouïs que louanges de vos actions !
-En obéissant à la volonté de votre majesté, je ne fais que mon devoir, Sire.
-Le devoir est une chose, la loyauté en est une autre. J’ai l’intention de vous nommer à la charge de Lord du sceau privé… Vous succèderez ainsi au Comte de Wiltshire, le père de ma défunte épouse et abandonnerez de fait votre fonction de maître des rôles.
-C’est un honneur, Sire. »
Londres 1536. Henri VIII, père de Marie Tudor, adoube Thomas Cromwell au rang de Baron. Ce titre sonne à ses oreilles comme la plus douce des récompenses. Pendant que le Roi s’occupe d’affaires internes, il envoie sa fille Marie, à York, pour qu’elle persuade John Hussey de renoncer à l’insurrection. Pour elle, son père se trompe d’adversaire. C’est Robert Aske qui mène les insurgés. Elle refuse la mission. Qu’importe ! Cromwell se chargera de mener la répression. L’homme va cristalliser les haines. Il est l’incarnation de l’intolérance du Roi, de son fanatisme et de la violence aveugle dans cette guerre de religions. Pour Cromwell, il est nécessaire de chasser les suppôts de l’Eglise du Pape qui noyautent les monastères.
Marie Tudor refuse de se prêter à un mariage arrangé pour consolider la position de son père au sommet de l’Europe. Là encore, Cromwell est envoyé aux négociations. Il invite celle qui a pour l’instant renoncé à ses prétentions au trône à reconsidérer son point de vue. Qu’elle réfléchisse au bénéfice personnel qu’elle pourrait en tirer. Entre Cromwell et elle, le torchon brûle. Elle n’a aucune estime pour cet homme qui incarne le bras armé d’une autorité despotique qu’elle désapprouve. De son côté, son père va se marier pour une énième fois. Cromwell, toujours lui, lui présente le portrait qu’il a fait peindre de celle qu’il prévoit comme épouse pour son souverain afin de renforcer les alliances internationales. Henri VIII se laissera-t-il séduire ?
Corbeyran traite l’Histoire façon thriller psychologique. Dans ce deuxième épisode, Marie Tudor reste en position d’observatrice. Elle fait preuve d’un sang froid et d’une maîtrise de soi impressionnante. Thomas Cromwell est l’éminence grise de son père. L’histoire du portrait est un véritable gag historique, comme si avait été inventée ce jour-là l’expression de comédie dramatique. On se croirait dans une parodie télévisée. Et pourtant, l’anecdote est véridique. Marie va pouvoir regarder Cromwell, comme on dit vulgairement, se crasher en plein vol. elle n’aura plus qu’à ramasser ce qui devrait lui revenir de droit, mais ça, ce sera l’objet du troisième et dernier tome. Claudio Montalbano laisse la vedette aux personnages historiques. C’est propre, c’est net. Ça pourrait sembler passe-partout mais Montalbano réussit à exprimer sa personnalité dans certaines cases plus lâchées.
Souvent, les bandes dessinées historiques sont bourrées de récitatifs et ont du mal à se détacher d’une approche détaillée et scolaire. Leurs auteurs n’ont qu’à lire Corbeyran. La construction de cette série est exemplaire. Le scénariste ferait aimer l’Histoire aux réfractaires parce qu’il démontre que, quand c’est bien fait, ça se lit comme une BD d’aventure.
Série : Les reines de sang
Tome : Marie Tudor la reine sanglante 2
Genre : Histoire
Scénario : Corbeyran
Dessins : Claudio Montalbano
Couleurs : Jean-Paul Fernandez
Éditeur : Delcourt
ISBN : 9782413044819
Nombre de pages : 56
Prix : 14,95 €
- L’œil du louppar Laurent Lafourcade
Pennac adapté
« -Qu’est-ce qu’il me veut ? N’a jamais vu de loup, ou quoi ? Grrr… »
Dans l’enclos d’un zoo, un loup est énervé. Il n’a qu’un œil depuis sa capture dix ans plus tôt. Il navigue sans arrêt, de long en large, agacé par un jeune garçon qui l’observe, immobile, alors que les enfants, normalement, ça gesticule et ça bouge dans tous les sens. Jusqu’à la semaine dernière, une louve était avec lui, mais elle est morte. Le lieu est triste et froid. Tous les jours, il revoit le garçon qui reste à l’observer en silence. Celui-ci suit la bête du regard. Le loup d’Alaska se demande donc s’il intéresse l’enfant, lui qui a décidé de ne plus se préoccuper des hommes. Il ne va pas à l’école ? Il n’a pas d’amis ? Il n’a pas de famille ? Le loup va s’arrêter de marcher et fixer l’enfant, les yeux dans les yeux, sauf que lui n’en a qu’un. C’est alors que le garçon va faire quelque chose qui va mettre le loup en confiance.
Classique de la littérature jeunesse étudié dans de nombreuses classes d’écoles primaires et de collège, L’œil du loup, de Daniel Pennac, est adapté en bande dessinée par Mathieu Sapin. Quatre chapitres jalonnent le récit : celui de la rencontre, celui qui va raconter la vie du loup de sa naissance à son arrivée au zoo, celui des premières années de l’enfant en Afrique, pour terminer avec leur rencontre dans ce monde nouveau pour eux deux, démontrant tout ce qui peut passer par le regard.
Mathieu Sapin adapte un succès littérature. Pas facile de pénétrer l’imaginaire de milliers de lecteurs qui se sont appropriés l’histoire. Il réussit son coup en choisissant de rester au plus proche des phrases et des mots de Pennac, étant parfois à la limite du livre illustré, plaçant néanmoins des dialogues autant que faire se peut. Le texte reste furieusement d’actualité, avec les préoccupations écologiques, animales et humanitaires qu’il soulève. Le trait léger du dessinateur d’Akissi (déjà en Afrique) permet de mettre le doigt sur des sujets sensibles, permettant aux plus jeunes d’en prendre conscience. Dans le cahier final, on en apprend plus sur la genèse du récit par Pennac et sur son adaptation. La couverture est remarquable. Deux demi-visages de part et d’autre, celui du loup et celui du garçon, sont séparés par un double décor, celui de l’Alaska, avec les chasseurs traquant la bête, surplombé par celui de l’Afrique.
Plus qu’une histoire d’amitié, de confiance, L’œil du loup est une histoire de respect, un récit œcuménique démontrant la puissance du vivre ensemble et de la tolérance. Pas étonnant que le livre n’ait pas quitté les bibliothèques et les librairies depuis quarante ans. Mathieu Sapin lui offre une nouvelle et belle vitrine.
One shot : L’œil du loup
Genre : Emotion
Scénario & Dessins : Mathieu Sapin
Couleurs : Clémence Sapin
D’après : Daniel Pennac
Éditeur : Nathan bande dessinée
ISBN : 9782092494639
Nombre de pages : 80
Prix : 19,90 €
- Les profs refont l’Histoire 3par Laurent Lafourcade
A l’éducation ce soir
« -Marre ! J’en ai marre de ce XVIIème siècle soi-disant moderne mais qui ne permet pas à une femme cultivée d’enseigner autre chose que la couture ou les bonnes manières… Me voilà obligée de ma sauver de chez moi parce qu’on me prend pour une hérétique ! On croit rêver ! Pff ! Comment je vais faire, moi ?
-Eh bien Madame, je connais quelqu’un susceptible de vous aider…
-Ah bon, et qui est donc ce bon samaritain ?
-Moi ! Je me présente, Jean-Antoine Poquelochon ! »
Automne 1672, tel un chevalier d’Eon, une femme, Amina, se travestit en homme. Mais elle, c’est pour enseigner. Démasquée, elle est contrainte d’arrêter la mission qu’elle s’était donnée. C’est alors qu’elle rencontre dans une taverne un certain Jean-Antoine Poquelochon, directeur de la troupe « L’illustré théâtre ». Rien à voir avec ce Molière dont on entend parler. Amina va s’intégrer aux comédiens dont les spectacles mêlent divertissement et instruction. C’est l’une des sept histoires qui composent ce troisième volume des Profs refont l’Histoire.
On commence dans un village d’irréductibles, à une époque où toute la Gaule est envahie. Toute ? Non. Un petit village résiste à l’envahisseur. Mais détrompez-vous, nous ne sommes pas en Armorique, mais dans le Lot où, suite à la défaite d’Alésia et la reddition de Vercingétorix, des gaulois refusent de rendre les armes. Dans leur village fortifié, des druides, ancêtres de nos chers profs, cherchent à échapper à l’ennemi. En Islande, vers 970, on accompagnera des vikings à la conquête de « l’âme d’Erik » (le rouge). Puis direction le Machu Picchu, dans l’Empire Inca du XVIème siècle. Déjà à l’époque, les profs en avaient marre de répéter et les évaluations surprises étaient en vigueur. Côté punitions, par contre, ça pouvait aller jusqu’à l’autel sacrificiel.
Moins historique si ce n’est du côté patrimoine littéraire, voici une parodie d’un conte de Charles Perrault avec Amineige et les 7 profs. Simplet se charge de l’EPS, Joyeux la philo, Dormeur… euh… on ne sait pas, Timide la SVT, Atchoum la chimie, Prof l’Histoire et Grincheux, lui, il fait la grève. On y découvrira Boulard, ou plutôt Bouloir, dans un rôle inattendu. Retour à la vérité (ou presque) historique avec un petit tour chez les Indiens dans le Dakota à la fin des années 1860 au clan des Faons Farons. Interdit de fumer derrière le tipi des sanitaires. On conclue avec l’incroyable histoire de Jack London dans le Klondike canadien.
La machine à remonter le temps de l’Education Nationale est en marche. Pica, dont le trait retrouve de plus en plus de sa superbe, et Sti, l’un des meilleurs gagmen de sa génération, sont aux manettes. Dans le genre, on se marre plus que dans Le piège diabolique. N’est-ce pas, professeur Mortimer ? Ben, oui, fallait être prof au lycée Fanfaron !
Série : Les profs refont l’Histoire
Tome : 3
Genre : Humour
Scénario : Sti
Dessins : Pica
Couleurs : Jacqueline Guénard
Éditeur : Bamboo
ISBN : 9791041103300
Nombre de pages : 48
Prix : 11,90 €
- Don Quichotte de la Manchepar Laurent Lafourcade
Cervantes sublimé
« -Allons, Rossinante, fière et noble monture, toi qui dépérissais à l’ombre des murs tristes de cette écurie, sache que le jour est venu. Le monde nous réclame. »
C’est le grand jour pour Don Quijano, alias Don Quichotte, et pour son cheval Rossinante. Fort de ses lectures lui ayant rempli la tête, vêtu d’un semblant d’armure et coiffé du plat à barbe de son coiffeur, l’hidalgo part sur les routes à la rencontre de son glorieux destin. Sa première rencontre est celle avec celle qu’il nomme Dulcinée del Toboso. Il voit en celle qui est en fait Aldonza Lorenzo, la gardienne d’oies, une sublime déesse et lui promet d’aller risquer sa vie en son nom. C’est ensuite une modeste auberge qu’il prend pour un château. Il s’y fait adouber chevalier. Après avoir chargé une roulotte et ses occupants dans un nouveau délire, Don Quichotte est laissé pour mort en bordure de chemin. Il ne devra son salut qu’à l’un de ses voisins passant par-là, un certain Sancho Panza, qui le ramène chez lui. Afin de juguler sa folie, ses livres sont brûlés dans un autodafé. Ça ne va pas arranger son état, bien au contraire. Don Quichotte propose à Sancho de l’accompagner en tant qu’écuyer lors de sa prochaine virée.
Voici donc nos deux larrons sur la route. Mais qui sont ces géants qui font tourner leurs bras devant eux juste pour les impressionner ? Là où le pseudo-chevalier voit des Goliaths de pierre, son larbin n’aperçoit que des moulins à vent. Peut-être les monstres se cachent-ils derrière ? A moins que ce ne soit un nouveau mirage de Don Quichotte ? De rencontres en rencontres, transcendées par la folie de l’escogriffe espagnol, le duo va écrire une légende. Dans l’étroit sentier de la chevalerie errante, Don Quichotte venge des injures, redresse des torts, châtie des insolences, vainc des géants et affronte des fantômes. Dieu seul sait quelles épreuves l’attendent encore, mais il pourrait bien être la risée de nobliaux qui voudraient se rire de lui.
En près de deux cents planches de bande dessinée, Paul et Gaëtan Brizzi marchent sur le fil tenu entre fantasme et réalité dans l’esprit du héros créé par Cervantes. Le gentilhomme est passionné de littérature de chevalerie et s’imagine en nouvel héros du genre, tant et si bien qu’il tombe dans la schizophrénie. Rien de plus complexe à retranscrire. Les auteurs ont trouvé une recette miracle, si recette il y a. Les scènes de la « réalité » sont traitées en niveaux de gris charbonneux. Dès que l’on pénètre au plus profond du cerveau du héros, car héros il y a, cette fois-ci pas de doute, on bascule dans un sépia sur un soupçon de crayonné bleuté. Les Brizzi offrent ainsi une séquence d’anthologie avec la célèbre attaque des moulins à vent.
Satire politique et sociale, Cervantes écrit en ce début de XVIIème siècle une geste qui a traversé les années. Comme pour L’enfer de Dante, avec fluidité mais précision, avec romance et respect, les frères Brizzi contribuent à la pérennité d’une œuvre du patrimoine mondial.
One shot : Don Quichotte de la Manche
Genre : Poème épique
Scénario & Dessins : Gaëtan et Paul Brizzi
D’après : Cervantes
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741684
Nombre de pages : 200
Prix : 29 €
- CAC 3D – Encyclopédie des figurines de collection Hors-Série 7 – Blake & Mortimerpar Laurent Lafourcade
La Marque Collectionnite
« Edgar Jacobs a publié 10 albums en 27 ans… mais se doutait-il du succès des nouvelles éditions, et de l’énorme marché des produits dérivés ? Comme pour ses livres précédents, Christian Mallet, le maître d’œuvre de cet incroyable ouvrage, recense toutes les créations sorties de l’univers de Blake et Mortimer. Sidérant ! » Christian Viard, fondateur des Amis de Jacobs, Janvier 2024.
Après Uderzo, Franquin, Hergé et Morris, le CAC3D s’intéresse aux figurines issues de l’univers de Blake et Mortimer. Comme le précise Christian Viard, fondateur des Amis de Jacobs, dans la préface, 2024 célèbre non seulement les 80 ans du débarquement en Normandie, mais aussi le cent-vingtième anniversaire de la naissance d’Edgar Pierre Jacobs. Quelle belle occasion pour sortir cet ouvrage qui ravira les fans de l’univers du Maître, qu’ils soient collectionneurs ou pas d’ailleurs. Nous sommes ici dans un argus CAC3D hors-série, c’est-à-dire qu’il ne donne pas les côtes des objets, en en faisant un beau livre à ranger à côté des albums du duo.
Survolons donc chacune des aventures de Blake et Mortimer en nous penchant sur celles-ci dans leur ordre chronologique. Pour une aile rouge petit ou grand modèle issue du « Secret de l’Espadon », c’est chez Michel Aroutcheff que l’on en trouvera, en résine ou en bois, fabriquées en 1996, chacune à une centaine d’exemplaires seulement. Pour trouver les deux compères devant un serpent à sonnettes et l’idole, scène tirée du « Mystère de la Grande Pyramide », direction chez Pixi. C’est tout petit, 14 cm de haut et c’est en métal. La particularité est que la scène est livrée dans une boîte au fond illustré. A l’origine, ça coûtait (seulement) 37 €. Autre scène remarquable de la même histoire, c’est l’envoûtement d’Olrik dans « Que ton nom ne soit plus », en résine chez Figures et vous. La célébrissime « Marque Jaune » est souvent présente, avec notamment un Guinea Pig de plain-pied, en résine polychrome chez Fariboles. La société artisanale émaillerie belge, à Bruxelles, propose des plaques métalliques, dont celle de « L’énigme de l’Atlantide », qui n’est pas la couverture mais une image similaire des astronefs. L’objet de 800 par 600 mm est polychrome avec quatorze passages couleurs. Prix d’origine : 850 € pour 119 exemplaires dont 20 hors commerce.
La Ford 1957 de « SOS météores » se trouve, comme de nombreux véhicules, chez Hachette collections. Reproduction au 1/43ème. Restons chez Hachette où il n’y a pas que des voitures avec le robot de police du « Piège diabolique », album dont on retrouve une scène chez Leblon Delienne, Mortimer se faisant attaquer par des moustiques géants. Retournons chez Aroutcheff pour retrouver Mortimer dans le taxi Simca Aronde où il embarque dans « L’affaire du collier ». La période Jacobs se conclue avec « Les trois formules du Professeur Satô », fort peu représenté dans ces produits dérivés, comme cette ambulance en résine, métal et plastique, encore chez Hachette, ou le robot samouraï chez Pixi. L’après-Jacobs n’est pas oublié avec un peu de Benoît, de Sterne d’Aubin, de Schréber et de Juillard, et pour rester chez le créateur, un peu de Guerre des mondes. Tiens, pas de Rayon U ? On ne peut pas terminer sans évoquer les magnifiques bustes des personnages, pas donnés, que l’on peut s’offrir en bronze composite chez Boulesteix.
Blake et Mortimer sont plus vivants que jamais. Jacobs a pris la bonne décision en les laissant vivre après lui. Aussi bien encadré, d’autres héros auraient pu être encore dans l’actualité. Les figurines le prouvent.Plus que des ouvrages de référence, les CAC 3D sont aux figurines dérivées ce qu’est le BDM aux albums.
Série : CAC 3D – Encyclopédie des figurines de collection
Tome : Hors Série 7 – Blake & Mortimer
Genre : Argus
Auteur : Christian Mallet
Éditeur : Côte-à-cas éditions
ISBN : 9782491066338 / 9782491066345
Nombre de pages : 66
Prix : 39 € (version cartonnée) / 29 € (version souple)
- Largo Winch 24 – Le centile d’orpar Laurent Lafourcade
Dur retour sur Terre
« -A l’arrière, grouille !… J’ai un dernier joker ! On tente le tout pour le tout. Vite, enfile ce parachute !
-Combien de temps il nous reste ?
-Si tu te dépêches, juste assez !
-C’est quoi ce sac ?
-Matériel de survie, fusées de détresse. Tu en auras besoin si tu t’en sors…
-Hein ?… Mais… Et toi ? Ton parachute ??!
-Je… Je n’en ai qu’un, Largo… »
Largo Winch et Jarod Manskind sont à bord de la navette spatiale de ce dernier qui fonce s’écraser sur Terre. L’organisation d’éco-combattants We Blue a pris le contrôle de l’appareil. Leur objectif est d’éliminer les milliardaires nuisibles de leur espèce. Les commandes ne répondent plus. Ils viennent de rentrer dans l’atmosphère. Leur seul salut est de quitter l’engin. Il y a juste un hic : ils n’ont qu’un parachute. Alors que Jarod est prêt à se sacrifier, Largo ne l’entend pas de cette oreille. Ils sauteront ensemble. Les voici en pleine nature, peut-être en Californie, peut-être dans le Nevada, dans ce qui ressemble en tous cas à un immense parc national. Il n’y a plus qu’à regagner la civilisation. Pas si facile avec des combinaisons tracées par We Blue. Les tueurs pourraient arriver plus vite à les retrouver que les secours. De son côté, Simon, entre deux conquêtes amoureuses, ou plutôt sexuelles, retrouve le journaliste Tom Halbrow, en vie, bien décidé à reprendre ses investigations sur les contrats du Winch Group avec la société minière indonésienne l’Indomining, stipulant que l’actionnaire principal ne peut décider seul de la fermeture de la Flamingo, possession commune, sans l’accord de son partenaire. Il pourrait y avoir magouilles pour obliger Largo à vendre ses parts.
Deuxième partie du diptyque débuté avec La frontière de la nuit, Le centile d’or a tout du blockbuster hollywoodien. Mais au fait, c’est quoi, le « centile d’or » ? C’est le terme désignant le 1 % des hommes et femmes les plus fortunés de la planète, les milliardaires qui trônent tout en faut de la pyramide, comme Jarod et Largo. Mais on a beau être richissime, on peut quand même être dans la panade. Même si l’on sait que, à l’instar d’un Thorgal ou d’un Bob Morane, Largo s’en sortira, on entre à fond dans l’aventure. Les ficelles sont parfois énormes, mais peu importe. On est là pour de l’action sur fond de finances, même si on n’est pas obligé de tout comprendre sur ce dernier point. On en a pour son argent.
Même si Philippe Francq a toujours dit ne pas être « marié » avec Eric Giacometti, le binôme fonctionne à merveille. Le scénariste a une approche très « série télé » de l’intrigue. Les rebondissements scandent l’avancée du thriller comme un métronome. On ne peut lâcher l’album dont la construction est minutieuse. Avec Simon, les auteurs jouent un peu dans la provocation. Le complice de Largo est tout sauf #MeToo. C’est parfois un brin poussé. Graphiquement, Philippe Francq est au sommet, avec des décors forestiers peu habituels dans la série, et des hélicoptères sous tous les angles. Jean-Michel Ponzio apporte sa patte dans la création de décors 3D, ajoutant de la profondeur et de la crédibilité.
Parfois, on se dit que ça fait du bien de lire autre chose que des classiques. Mais quand ils sont de cette trempe, ce serait vraiment ballot de s’en priver. Largo Winch a encore de belles années devant lui.
Série : Largo Winch
Tome : 24 – Le centile d’or
Genre : Thriller financier
Scénario : Eric Giacometti
Dessins : Philippe Francq
Couleurs : Philippe Francq & Bertrand Denoulet
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034767823
Nombre de pages : 48
Prix : 15,95 €
- La brigade des cauchemars 7 – Sofianepar Laurent Lafourcade
Accrospirit
« -Sofiane ! J’ai eu tellement peur !
-Que pouvons nous faire pour vous, Capitaine Montlouis ?
-Ce jeune homme a disparu pendant quatre jours et il n’en garde aucun souvenir ! »
Coincé dans son fauteuil roulant, Tristan en pince pour Ariane, dans les arbres, monitrice d’accrobranche. A la fin de sa journée de travail, il lui propose de faire un bout de chemin ensemble. La jeune fille refuse. Elle avait prévu de raccompagner Sofiane, son pote d’enfance, qui fait le même job qu’elle. Tristan, impuissant face à ce rival, se met à souhaiter sa disparition. Il ne croît pas si bien dire. C’est ce qui va arriver. Sofiane est enlevé par un groupe d’hommes masqués. Il réapparaît quatre jours plus tard, tout aussi mystérieusement qu’il avait disparu, sans aucun souvenir de ce qu’il s’était passé. Il dit avoir eu une absence en rentrant chez lui, puis a continué sa route comme si de rien n’était, sans se rendre compte que plusieurs jours s’étaient écoulés. Voici une énigme à résoudre pour la brigade des cauchemars.
Grâce à leur installation scientifique, le professeur Albert et Alice envoient les ados dans l’esprit de Sofiane, sous hypnose. Pour la première fois, Ariane va accompagner le trio composé de Tristan, Sarah et Esteban. Comme d’habitude, chacun va pouvoir choisir une capacité extraordinaire qui sera comme un super-pouvoir dans le monde parallèle. Tristan n’a pas trop le choix, ce sera marcher. Sarah prend l’invisibilité afin de laisser le pouvoir de voler dans les airs à Ariane pour sa première. Esteban, quant à lui, on le découvrira plus tard. Après avoir déjoué une attaque de gorilles blancs, nos amis vont se trouver face à quelqu’un qu’ils connaissent bien, très bien, et qu’ils ne s’attendaient pas du tout à trouver là.
C’est un génie, ce Franck Thilliez. Alors que le tome précédent donnait une nouvelle direction à la série, en ajoutant la fonction de pénétrer dans les souvenirs en plus des cauchemars, voilà qu’il développe encore plus le concept de la série. Mais, no spoil ! Il faut le lire pour le vivre. Au dessin, Yomgui Dumont prend un plaisir non dissimulé. Est-ce qu’un jour l’intelligentsia bédéphile s’intéressera au graphisme faussement estampillé jeunesse ? Sous les couleurs de Drac, le trait de Yomgui est exceptionnel et n’appartient qu’à lui. C’est aussi en découpage que le dessinateur rebat les cartes, avec des compositions inédites, voir par exemple la page 38 où Albert et Alice s’inquiètent du sort des enfants auprès d’un Sofiane en léthargie. Chacune des couvertures est aussi finement pensée, comme celle-ci où une tête de gorille se dévoile dans le feuillage d’une jungle inquiétante. Jusqu’aux pages de garde, différentes en début et en fin, la maquette est impeccable.
La brigade des cauchemars s’inscrit définitivement comme le fer de lance des éditions Jungle. La série mériterait un éclairage particulier. Ça viendra peut-être avec la série télévisée en préparation…
Série : La brigade des cauchemars
Tome : 7 – Sofiane
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Franck Thilliez
Dessins : Yomgui Dumont
Couleurs : Drac, assistée de Takaku & Langlais
Éditeur : Jungle
Collection : Jungle frissons
ISBN : 9782822237956
Nombre de pages : 64
Prix : 13,95 €
- Girl Juicepar Laurent Lafourcade
Coloc, sextoys & dogmom
« -Ça t’arrive, des fois, de te demander, genre, pourquoi on est là ?
-Putain, non. Dieu m’a donné ce cerveau débile qui ne peut penser qu’à des trucs insignifiants… Des trucs comme : « Est-ce que je peux poster ce selfie ? », ou « Y a quoi à manger ce midi ? ». Dieu serait contrarié que je devienne philosophe, il a d’autres plans pour moi. Et, euh, nan merci !
-Du coup, tu crois que Dieu a prévu quoi pour toi ?
-Ben… que je sois une fille toute simple et sexy pour toujours. »
Elles sont quatre, elles sont colocataires, elles ont la vingtaine florissante. Elles croquent la vie à pleines dents et se sentent invincibles. Elles sont surtout sans filtre. Cheveux longs et frange blonde, Bunny passe sa vie en crop top, mini-short et bottes en cuir. Elle devise sur le canapé, téléphone en mains. Son mobile, d’ailleurs, c’est comme un membre supplémentaire. Si elle ne l’a pas, c’est comme si elle était amputée. Comme elle le dit, Dieu lui a donné un cerveau débile qui ne peut penser qu’à des trucs insignifiants. Simple et sexy pour toujours, c’est son credo. Elle laisse traîner des sextoys partout dans l’appart’. Brune aux yeux noirs, Nana est très exigeante avec les mecs. Elle cherche quelqu’un de marrant avec les mêmes centres d’intérêt qu’elle. Elle est attirée sexuellement par les clowns depuis qu’à 9 ans il y en a un qui est venu pour son anniv’. Elle est rentrée dans la salle de bain pendant qu’il pissait et il lui a offert un ballon en forme d’animal. Mais elle peur que si elle en rencontre un elle les déteste tout autant que sa sœur infirmière exècre les médecins. Les deux autres colocataires sont Sadie et Tallulah, toutes deux cheveux courts, roses pour la première, noire pour la seconde. Elles sont ensemble. Sadie veut devenir écrivain, elle est assez bordélique. Ça contraste avec l’esthétique casual, cool, bobo chic et minimaliste de Tallulah. Elle est créatrice de contenu sur les réseaux sociaux. Et puis il y a aussi Britney le chien, qui permet à Bunny de faire la dogmom.
Quand les filles vont en bal de promo pour adultes, Sadie va choisir un costard cravate façon mec, Tallulah opte pour une belle robe, des fleurs dans les cheveux et des ailes de fée, Nana a une belle tenue type Pierrot, et Bunny, elle, va choisir une combinaison latex bondage. Déçue de la bande de millennials dépressifs en pleine régression qui remplissent la salle, elle a bien l’intention de réchauffer l’ambiance.
Quand les filles décident une opération déconnexion en pleine nature, Nana va rapidement être au bout de sa vie. C’est pourtant elle qui en a eu l’idée en matant des tutos sur comment camper et dépasser son addiction à internet. Elle va enchaîner les avanies : boutons de stress, lentille de contact perdue donc lunettes moches, et puis des beaux mecs qui débarquent pour bivouaquer alors qu’elle est dans cet état. Tout pour faire un testament…
Après une bonne dose de gags sur leurs vies quotidiennes, on va retrouver les filles dans une longue histoire : Le démon de Tallulah. Sur sa chaîne YouTube, la jolie brune annonce s’éloigner de son contenu habituel en s’intéressant exclusivement à tout ce qui est flippant et surnaturel. Mais alors qu’elle pensait faire une vidéo qu’elle monterait (heureusement parce qu’avec Nana qui vient pour demander du lubrifiant, faudra couper au montage), elle était en fait en live et oublie de couper le réseau en quittant la pièce. C’est là que ses followers aperçoivent un truc qui bouge dans le coin de la pièce. Oh, my god ! Très grand, les pieds nus et grisâtres, mais qui est donc cet homme mystère ? La maison serait-elle hantée ? On va faire venir une médium.
Dessinatrice d’origine portoricaine, Benji Nate raconte la vie de ces vingtenaires on ne peut plus décomplexées. Dans un graphisme simple et rapide, elle montre les travers d’une société qui ouvre les portes d’une soi-disant liberté, mais qui n’a pas toutes les armes pour protéger les jeunes, en particulier des réseaux. La deuxième partie de l’album est bien plus intéressante que la première, cependant nécessaire pour bien présenter les personnages. C’est pas Sex in the city, c’est Sex in the comics. C’est trash, c’est parfois vulgaire, c’est drôle, c’est la vie.
One shot : Girl Juice
Genre : Chronique moderne
Scénario, Dessins & Couleurs : Benji Nate
Traduction : Laure Picard-Philippon
Éditeur : Marabulles
ISBN : 9782501163453
Nombre de pages : 192
Prix : 19,90 €
- Un monde oublié 1par Laurent Lafourcade
Jurassic Island
« -Regardez ! L’aiguille du compas pointe droit vers la terre… A présent… plaçons la barre à tribord toute !
-Barre à tribord toute !
-Que constatez-vous ?
-L’aiguille est toujours dans la même position… Droit sur les falaises ! Qu’est-ce que ça signifie ?
-Connaissez-vous le navigateur italien Caproni ?
-J’en ai entendu parler…
-En 1721, il affirma avoir découvert un nouveau continent… »
Début du XXème siècle, Bowen Tyler, ingénieur dans la marine américaine, son chien Prince, et Lys LaRue sont les seuls rescapés du bateau dans lequel ils se trouvaient et qui a été torpillé par un sous-marin allemand. A bord d’un canot de sauvetage, ils sont recueillis par un remorqueur anglais. Alors que l’u-boat allemand s’apprêtait à attaquer ce nouveau refuge, Bowen et l’équipage salvateur parviennent à prendre possession du sous-marin qui venait d’endommager leur embarcation. Sous pavillon ennemi, leurs alliés ne les reconnaissent pas. Ils doivent fuir avant de se faire torpiller. Au fil des jours, les appareils se détraquent et les vivres commencent à manquer. Il y a du sabotage dans l’air. Bowen va rapidement confondre le malfaisant. Dans tous les cas, il va falloir à présent trouver rapidement un endroit où accoster. La seule terre en vue semble être une île inaccostable. Il y aurait peut-être un moyen d’y pénétrer. Bienvenue dans un monde oublié !
Si aujourd’hui les histoires d’îles perdues peuplées de dinosaures et de peuples cachés peuvent sembler monnaie courante, à l’époque où Edgar Rice Burroughs, le créateur de Tarzan, publie cette nouvelle, elle révolutionne le genre, au même titre que Le monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle paru quelques mois plus tôt. Nous sommes en 1917, The lost U-boat commence à paraître en feuilleton, avant d’être édité plus tard sous le titre The land that time forgot, puis en français en étant nommé La terre que le temps avait oublié. Les Etats-Unis sont entrés en guerre contre l’Allemagne. Rice Burroughs est préoccupé par les questions de race et d’évolution. Il écrira trois histoires qui formeront le cycle de Caspak. Le torpillage du navire britannique le Lusitania fut certainement pour lui l’élément déclencheur qui le lança dans ce récit bien plus politique qu’en apparence.
Corbeyran s’empare de ce roman pour en faire une bande dessinée sans temps mort, à l’action quasi omniprésente, s’éloignant petit à petit du piège énorme du récit dans le récit. Même si ça pourrait sembler désuet, ça fait quand même du bien de lire du passé simple dans certains récitatifs. Notre langue est encore vivante. Corbeyran puise l’essentiel de l’essence du livre originel pour embarquer ses lecteurs dans une histoire entre Jurassic Park et Tarzan. Gabor développe des décors luxuriants et une faune préhistorico-terrifiante. On est dans de la vraie bonne BD d’aventures classique comme il n’y en a finalement plus tant que ça. L’histoire sera clôturée dans un deuxième volume sur lequel nous reviendrons.
A l’instar de Robert Howard et ses histoires de Conan le Cimmérien, l’adaptation des romans du créateur de Tarzan semblait destinée au 9ème Art, même si le 7ème s’en est déjà emparé, voir le film The land that time forgot réalisé par Kevin Connor en 1974. C’était il y a déjà cinquante ans. Grâce à Corbeyran et Gabor, le monde oublié d’Edgar Rice Burroughs ne l’est aujourd’hui plus.
Série : Un monde oublié
Tome : 1
Genre : Aventure
Scénario : Corbeyran
Dessins : Gabor
D’après : Edgar Rice Burroughs
Couleurs : Hiroyuki Oshima The tribe
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344039786
Nombre de pages : 64
Prix : 15,50 €
- Chroniques du Château faible / Et ils eurent beaucoup d’emmerdespar Laurent Lafourcade
Fluide médiéval
« -Dites donc, je dois annoncer une nouvelle à notre sire mais c’est un peu délicat.
-C’est grave ?
-Moyen grave. Il va bientôt mourir dans d’atroces souffrances.
-Wopopopopo !! »
Le roi se meurt ! Le roi se meurt ! Il savait que ça arriverait un jour, mais là, ça risque de se passer bien plus tôt que prévu. Il va tant souffrir qu’il risque de pleurer sa race et sa dynastie. Mais il est rude, il est fier… Il faut le lui annoncer. Et il adore les devinettes. La mort « herself » est arrivée pour son rendez-vous avec le monarque à l’agonie. Pourtant, son médecin « himself » ne sait pas trop quel mal ronge le souverain. Il faut dire qu’il est d’abord astrologue et astronome. Il n’avait pris médecine qu’en option et le prof n’était jamais là. Il faudra songer à en faire venir un nouveau. Le roi trépasse et on ne sait pas encore qui lui succèdera. Si l’on vous dit que ça pourrait se jouer entre un chien, un tabouret et une vieille très très vieille qui se prétend sa fille, vous le croiriez, vous ? Les chroniques du Château faible nous racontent les derniers jours du roi.
Que deviennent les héros des contes une fois que l’on a fini leur histoire ? Ils vécurent heureux, et ils eurent beaucoup d’enfants. Ça, c’était d’après Perrault, les frères Grimm et toutes ces sortes de raconteurs d’histoires. En réalité, ces héros eurent surtout des emmerdes. Heureusement, les pendules vont être remises à l’heure en découvrant les aventures de leurs enfants. Si la belle au bois dormant a eu des triplés, elle n’en reste pas moins aventurière. Et gare au Prince charmant s’il lui vient à l’idée de lui faire une réflexion… ménagère. Le fils et la fille de Barbe-Bleue vont découvrir la face, ou plutôt la barbe, cachée de leur père. On découvrira qui est celui du rejeton du petit chaperon rouge, pendant que le petit Poucet devenu vieux ne perdra rien de son sens de l’orientation. Il n’y a guère que le fils de Tarzan qui déroge à l’époque dans une histoire plus contemporaine.
Des gags sur un roi qui vit ses derniers jours, signés Jean-Christophe Mazurie, et des récits complets sur des descendances littéraires illustres, signés Mab, voici le double programme médiéval proposé par le très en forme Fluide… Glacial ! On avait découvert Mazurie avec entre autres Torrents d’amour, paru chez Delcourt. On retrouve son graphisme très Kerascoët pour une farce ubuesque montrant l’absurdité du théâtre de la vie. Trouvères et troubadours n’ont rien à envier à Gilbert Montagné. On ne va pas se laisser aveugler par le cynisme de la situation. Le roi est le premier à en rire. Drôlissime.
Après s’être fait la main dans Spirou et dans Fluide, Mab signe son deuxième album sous ce label après que le premier eût été adoubé par Edika. Il ne détourne pas les contes. Ça a été fait tant et tant de fois. Il nous en offre les suites. Si ce n’est pas aussi rose que ce que l’on nous avait promis, c’est en tous cas beaucoup plus drôle. C’est irrévérencieux, c’est parfois gore, bref, c’est poilant.
Il n’y a pas de choix à faire entre l’un ou l’autre de ces albums. Ils sont complémentaires. Ils sont différents. Il n’y en a pas un plus (château-)fort que l’autre. Tous deux atteignent le sommet du donjon.
One shot : Chroniques du château faible
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Jean-Christophe Mazurie
Couleurs : Alex Doucet
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038205260
Nombre de pages : 56
Prix : 13,90 €
One shot : Et ils eurent beaucoup d’emmerdes !
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Mab
Couleurs : Laure Durandelle
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038205871
Nombre de pages : 56
Prix : 13,90 €
- Silence 2par Laurent Lafourcade
La citadelle de l’espoir
« -Les enfants ! Les enfants semblent attirés par ce monstre ! Que tout le monde garde un œil sur eux ! S’ils tombent dans la rivière, ils risquent l’hypothermie !
-Reviens là, toi ! Ne vous inquiétez pas pour les gosses, on s’en charge !
-Débarrassez-nous de cette saloperie !
-Pour ça… comptez sur nous ! »
Lame et ses compagnons d’infortune ont dû fuir les lieux qu’ils habitaient. S’ils veulent survivre dans ce monde hostile où le moindre bruit attire les monstres, ils doivent atteindre la citadelle qui se trouve à quelques jours de marche. Lune et ses clochettes pas très discrètes les accompagnent. Elle leur apprend comment elle s’est retrouvée maudite en absorbant de l’orbe dans une recette qu’elle a trouvé et permettant aux sans-magie de s’assurer une protection. Au lieu de ça, toutes les nuits, l’orbe prend possession du corps de Lune pour s’en prendre aux villageois. C’est pour cela qu’elle a fui. Gris, handicapé d’un bras, dirige les opérations de sustentation en organisant la pêche. C’est alors qu’apparaît dans la brume un cheval étrange qui attire sur lui les enfants qui prennent une attitude étrange, comme s’ils étaient envoûtés. C’est la panique sur le campement. Nos héros arriveront-ils tous au bout de leur route ? Malgré les pouvoirs de Lame, ils ne pourront pas y arriver tout seuls. Mais la troupe qui s’apprête à leur filer un coup de main est à la recherche de Lune.
Yoann Vornière lance ses personnages sur une route bien dangereuse où les rencontres vont être surprenantes. Le mangaka insère un bestiaire issu de mythologies régionales françaises. Le cheval voulant noyer les enfants est le cheval blanc de Vaudricourt. C’est un âne dans certaines légendes du Pas-de-Calais. La nuit, il est capable d’attirer jusqu’à une vingtaine d’enfants sur son dos qui s’allonge, avant de se jeter dans une rivière pour les y éliminer. Tapi dans les fleuves et rivières de Meurthe-et-Moselle, Chan Crochet entraîne au fond de l’eau avec son crochet les imprudents qui se promènent sur les rivages. Il y a aussi la Velue, avec sa carrure à la Bowser, qui se cache dans les rivières du pays de la Loire, inondant les champs à côté desquels elle passe.
L’auteur distille sa culture au fil de l’action. Dans les inter-chapitres, il donne quelques secrets de création, de fabrication et d’inspiration. On apprend ainsi qu’il aime découvrir des paysages inspirants au hasard de pérégrinations. Pour lui, comme pour ses personnages, la ligne droite n’est pas le moyen privilégié pour arriver à destination. Les scènes de monstres sont impressionnantes. Le silence imposé permet quelques scènes muettes d’action ou d’émotion. Sans spoiler le final, l’arrivée d’un train dans un certain lieu rappelle le Poudlard Express arrivant à destination.
Ce deuxième tome de Silence confirme tout l’intérêt et toute l’originalité de la série. Les nouveaux personnages apportent une densité à cet univers dont les mystères n’ont pas fini d’être dévoilés. Aventure, religion et mythologie sont les trois pans de ce Silence attirant.
Série : Silence
Tome : 2
Genre : Fantastique
Scénario & Dessins : Yoann Vornière
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505117094
Nombre de pages : 208
Prix : 7,70 €
- L’incroyable histoire de l’éducationpar Laurent Lafourcade
Des peintures rupestres au numérique
« Ce voyage fantastique dans l’histoire de l’école émeut et ravit le cancre que j’ai été et le prof que je suis devenu. » (Daniel Picouly)
En neuf chapitres, les auteurs détaillent l’histoire de l’éducation à l’école et en famille. On a tous en tête Charlemagne. Mais avant lui, il y a eu la Préhistoire et l’Antiquité. Hé oui, avant l’invention de l’écriture, qui marque la fin de la Préhistoire, on éduquait ! Les peintures rupestres en témoignent. Et pas qu’elles. Des chercheurs ont analysé des débris de pierres différents montrant que des hommes apprenaient à d’autres, certainement plus jeunes, comment fabriquer des outils. Dans l’Antiquité, l’Empire romain a laissé ses traces conquérantes. On y découvre les premiers véritables enseignants comme le primus magister. Les esclaves amenaient les enfants à l’école où régnaient les châtiments corporels.
C’est au Moyen-Âge que l’école évolue, avec notamment l’influence de l’Eglise et ses écoles épiscopales dès le VIème siècle. Charlemagne n’a donc pas inventé l’école, n’en déplaise à France Gall. Il l’a restaurée, pour contrôler ce qui se passait dans son empire. Il a imposé une écriture transformée, la caroline, plus lisible et plus facile à reproduire. On a réfléchi aux contenus des enseignements avec les arts libéraux divisés en deux groupes : le trivium (grammaire, rhétorique et dialectique) et le quadrivium (arithmétique, géométrie, astronomie et musique) composent les sept disciplines base de l’enseignement de l’élite. Plus tard, ce sera la création de l’Université. On verra tout au long du chapitre que tout le monde n’était pas logé à la même enseigne. Du côté des filles, et du côté des paysans, c’était plus compliqué.
A la Renaissance et dans l’Ancien Régime, à partir du XVème siècle, on repense l’éducation et l’enseignement. L’invention de l’imprimerie change la donne, même si l’élite est encore privilégiée, en ayant accès aux collèges, correspondant à l’ensemble de l’enseignement secondaire d’aujourd’hui. On y enseignera l’activité physique et il y aura des récréations. L’enseignement élémentaire se développe, en ville comme en campagne, mais en milieu rural selon des initiatives de mécènes ou des communautés d’habitants. L’église locale contrôle tout. On arrive ensuite à la période de la Révolution, avec ses ambitions et ses évolutions paradoxalement modestes concernant le sujet. Juste avant, l’Encyclopédie dirigée par Diderot et d’Alembert, puis surtout Emile ou de l’éducation par Rousseau, jettent un pavé dans la mare. Si le premier témoigne d’une évolution dans le besoin de transmission, le deuxième s’attire les foudres de l’Eglise. Rousseau prône une éducation par des précepteurs plutôt qu’au collège. En 1794, Joseph Lakanal publie un décret demandant l’ouverture d’écoles publiques gratuites… mais autorisant l’ouverture d’écoles privées. Sous le Consulat et l’Empire, le monde éducatif est sous contrôle. Napoléon veut repenser les écoles centrales issues de la Révolution. En 1802, Fourcroy créé les lycées, avec les internats permettant de mieux encadrer et contrôler les élèves. En 1808, l’empereur réactualise le baccalauréat, diplôme consacrant les années d’enseignement. Il devient le premier grade universitaire. Au XIXème siècle, la loi Guizot instaurera l’enseignement primaire d’Etat. L’école primaire deviendra gratuite et obligatoire. Le XXème siècle tente une école plus juste. Le XXIème recherche de nouvelles approches de réflexion avec des enjeux de laïcité, de climat scolaire, de lutte contre le harcèlement et d’usages du numérique.
Jean-Yves Séguy, maître de conférences émérite en sciences de l’éducation, ne survole pas l’incroyable histoire de l’éducation. Il la détaille avec minutie sous le dessin d’Eva Rollin et les couleurs de Nicolas Bègue qui évoluent au fil des siècles racontés. « Les maîtres d’école sont des jardiniers en intelligences humaines. » disait Victor Hugo. Avec les élèves d’aujourd’hui, il va falloir de l’engrais transgénique pour arriver à les mettre en valeur. Et ce ne sont pas les ministres qui se succèdent à un rythme effréné et les programmes changeant façon girouette qui vont arranger les choses. Il faut la foi pour enseigner. C’est l’espoir dans les générations futures qui fait tenir les enseignants. Ce livre a le mérite de démontrer que l’éducation, ça a quand même servi à quelque chose, et ça peut encore servir à quelque chose.
One shot : L’incroyable histoire de l’éducation
Genre : Histoire
Scénario : Jean-Yves Séguy
Dessins : Eva Rollin
Couleurs : Nicolas Bègue
Éditeur : Les arènes BD
ISBN : 9791037511072
Nombre de pages : 280
Prix : 26 €
- Lebensbornpar Laurent Lafourcade
La fontaine de sa vie
« -Himmler ! … Les camps de concentration… L’effroyable sélection qui envoyait les enfants juifs se faire gazer ! Et vous connaissez l’autre programme de sélection mis en place par les nazis ? »
Nîmes, octobre 1993, Isabelle est en cours d’Histoire au collège La révolution. La prof leur apprend que la sélection des enfants mise en place par les nazis ne passait pas que par le gazage des juifs. Pendant que ces barbares tuaient des enfants d’un côté, ils en faisaient naître de l’autre. Dépeuplement- repeuplement. Des aryens naissaient dans des maternités nazies scandinaves. Ces lieux étaient appelés des Lebensborn, de « leben » (vie) et « born » (fontaine ou source) en allemand ancien. Ces fontaines de vie cachaient des horreurs. Il y en avait en Allemagne, au Danemark, en Belgique, aux Pays-Bas, en France, mais surtout en Norvège, entre 1942 et 1945. Le cours fait tilt dans la tête d’Isabelle. Sa mère, adoptée, est née en 1944 en Norvège. Viendrait-elle d’une de ces maternités ?
Katherine, la maman d’Isabelle, ne sait pas pourquoi sa mère n’a pas pu la garder. L’époque était compliquée. Elle était peut-être trop jeune ou trop pauvre. Toujours est-il qu’elle a trouvé une famille aimante en France et que mamie est celle qu’elle aime et qui l’a élevée. A son décès en 1998, Katherine, qui n’avait jamais cherché à en savoir plus, décide de mettre de la lumière sur son histoire. 1998, c’est aussi l’arrivée d’internet dans le foyer. Les recherches sont facilitées. Isabelle part faire des études de dessin pendant que sa mère avance dans l’enquête de ses origines. Elle découvre que son père biologique était un soldat allemand. Elle se trouve un frère et une sœur en Norvège. Isabelle apprend qu’elle a des cousins. Katherine est née sous le nom d’Annelise. Elle va aller rencontrer sa famille et découvrir la vie de sa mère Gerda. Isabelle en sera le témoin graphique, pas toujours avec l’accord de sa maman.
Isabelle Maroger explore un pan méconnu de l’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, peut-être parce qu’il n’y a eu qu’un seul de ces Lebensborn en France. Entre 15 000 et 20 000 enfants seraient nés dans ces pouponnières. En Norvège, de jeunes soldats allemands étaient envoyés pour séduire des filles qui pourraient leur donner des enfants correspondant aux critères aryens. On accompagne Gerda à Hurdal Verk, le manoir qui abrita l’une des plus grandes maternités nazies de la région d’Oslo. Annelise-Katherine y naîtra. Comment échappera-t-elle à une arrivée en Allemagne, comme ce qui avait été prévu ? On le découvrira dans l’album, tout comme on en saura plus sur Paul, le soldat, grand-père d’Isabelle. Dans un graphisme tous publics et une mise en couleurs originale posant des personnages en couleurs ou pas selon les époques sur des décors en tons de gris, Isabelle Maroger transforme une histoire vraie de famille et de généalogie en polar parfois palpitant.
Il est des histoires où la réalité dépasse la fiction. Lebensborn est de ces récits témoignages, témoin d’une époque que l’Histoire du monde aurait préféré ne jamais écrire, mais qu’il est nécessaire de retranscrire pour ne pas l’oublier. Un des albums de l’année.
One shot : Lebensborn
Genre : Histoire
Scénario, Dessins & Couleurs : Isabelle Maroger
Éditeur : Bayard graphic’
ISBN : 9782227500822
Nombre de pages : 224
Prix : 22 €
- Les petits riens de Lewis Trondheim 9 – Les chemins de désirpar Laurent Lafourcade
Au jour le jour, au lieu le lieu
« -Je me demande si ça a un nom, ces traces faites par les piétons qui prennent des raccourcis… Sinon il faut en trouver un. Ah oui ! Les lignes de désir ou les chemins de désir. J’aurais pas trouvé mieux. »
N’allez trouver aucune connotation sexuelle au nouveau tome des petits riens de Lewis Trondheim. Les lignes de désir ou les chemins de désir sont des sentiers tracés graduellement par érosion à la suite du passage répété de piétons, cyclistes ou animaux. Le terme a été inventé par les géographes, urbanistes et architectes. En ville, ces sentiers démontrent que l’aménagement urbain aux alentours est inapproprié, puisque les gens ont emprunté une voie qui n’était pas prévue au départ. En gros, c’est soit un raccourci, soit un chemin plus commode. Lewis en emprunte un. C’est ainsi qu’en se posant la question il découvre qu’une expression leur était attribuée. C’est loin d’être la seule route sur laquelle il va embarquer les lecteurs de cet album. Avec lui, la locution « Les chemins de désir » prend une dimension beaucoup plus large.
Comment passionner le lecteur en ne racontant rien ? Demandez donc à l’auteur de cette série. Les petits riens, le titre est éloquent. En plus de cent-vingt pages, passant d’un sujet à l’autre, Lewis nous invite à partager sa vie, dans tout ce qu’elle a de plus intéressant et futile, un paradoxe scénaristique qui a quelque chose d’envoûtant. On va beaucoup voyager. A Vancouver, on va déguster des cocktails aux tailles disproportionnées, avec des piques pleines d’oignons frits, de club-sandwichs, de morceaux de viande et de hamburgers, que l’auteur qualifie de junk food pour instagrammeurs. A Singapour, la bande centrale de l’autoroute est composée de pots de fleurs qui peuvent être déplacés pour créer une bande d’accès d’urgence si besoin. A Porto-Vecchio, en Corse, on peut ramasser une pièce de vingt centimes par terre. A Bonifacio, c’est deux euros mais on ne peut pas y toucher. La pièce est collée. Pour Lewis, c’est un signe de l’univers.
Les petits riens, c’est aussi la vie privée. L’auteur se fait enguirlander par sa femme parce qu’il se contente d’envoyer un SMS à son papa pour la fête des pères. Après s’être résolu à l’appeler, ce sont ses propres enfants qui la lui souhaitent… par SMS. Autre sujet, Lewis n’aime pas jeter. Si un article sur lequel il tombe peut l’amener à commencer une tentative de rangement avant de gros travaux chez lui, le naturel va vite revenir au galop. Une carte Orange pour prendre le métro, des timbres en francs, une diapositive, une carte à puces pour téléphoner d’une cabine…. Tout ça, c’est archi rare. Il pourrait les garder… Niveau graphique, on mesure les progrès qu’a fait Trondheim depuis ses débuts. Lui qui s’est plongé tout seul dans le grand bain en réalisant les cinq cents planches de Lapinot et les carottes de Patagonie est devenu un auteur qui n’a plus rien à envier aux dessinateurs formés dans des écoles. Quelques vues prises sur le vif sont teintées de précision et d’émotion. Une falaise, un arbre, une rue, une cathédrale, le chemin de l’œil de l’auteur à sa main prend la bonne route, le bon chemin de désir.
Après neuf volumes, les petits riens de Lewis Trondheim continuent à nous permettre de partager sa vie de créateur. Sorte de journal intime sans direction imposée, l’auteur y partage son quotidien et ses voyages avec générosité.
Série : Les petits riens de Lewis Trondheim
Tome : 9 – Les chemins de désir
Genre : Biographie
Scénario, Dessins & Couleurs : Lewis Trondheim
Éditeur : Delcourt
Collection : Shampooing
ISBN : 9782413077695
Nombre de pages : 128
Prix : 13,50 €
- Tokyo Cannabis 1par Laurent Lafourcade
Le business de l’or vert
« -Ma femme m’aide au magasin tout en ayant un emploi à temps partiel. Et elle s’occupe tous les jours de la maison. Mais ça fait plus d’un an que je n’ai même pas pu lui payer un nouveau vêtement. Et ma fille qui est en première année n’a même pas de smartphone. J’imagine qu’elle doit être frustrée de ne pas pouvoir être à la mode comme ses copines. Je suis en train de leur imposer une vie de frustrations et de privations. (…) Je voudrais tellement pouvoir faire quelque chose pour ma famille… !! »
L’université Sairyô organise une réunion des anciens élèves. Morio Chitô, 41 ans, fleuriste dans une rue commerçante peu fréquentée d’une ville de banlieue de Tokyo s’y rend. Il y retrouve Kagayama qui travaille aujourd’hui dans l’alimentation et l’épicerie fine. Tous deux sont dépités de l’état d’esprit prétentieux de leurs camarades d’études. Ils finissent la soirée, en after, chez Kagayama. Morio se plaint de ses revenus et du piètre train de vie qu’il impose à sa femme et à sa fille. Son ancien collègue de fac lui propose de l’aider dans son boulot. L’homme est en fait trafiquant de cannabis. Il propose à Morio, qui a la main verte, de faire pousser les plans. Lui se chargera de la vente. Ils se partageront les bénéfices. Dans un premier temps, Morio refuse, mais un événement dans sa vie va le contraindre à changer d’avis. Le voici un doigt dans l’engrenage. Pourra-t-il un jour en sortir ?
Cet événement, c’est un accident de circulation de sa femme. Elle se retrouve à l’hôpital. Au final, à part une fracture de la clavicule ne nécessitant pas d’opération, plus de peur que de mal, mais la voiture est détruite. Les livraisons ne pourront plus être assurées. Va-t-il falloir mettre la clef sous la porte ? Morio ne veut pas des économies que lui offre sa fille Saki. Quand bien même, elles n’y suffiraient pas. La jeune fille propose même d’arrêter le lycée pour l’aider au magasin. Hors de question. Morio se tourne alors vers Kagayama. Il s’assure que ça ne craint pas et que le boulot rapporte, puis accepte le marché. Morio Chitô devient ce jour cultivateur de cannabis dans un appartement secret, au profit d’une organisation de dealers.
La culture et la consommation du cannabis sont interdites par la loi. Et c’est tant mieux. Les jeunes, et les moins jeunes, étant attirés par la bravade des interdits, si celui-ci était légalisé, ce serait la porte ouverte vers la consommation de drogues encore plus dures. Pansement sur une jambe de bois, si la fumette soulage les esprits par des moments d’évasion, c’est loin d’être une panacée. Et quand au XXIème siècle, on nous parle de cannabis thérapeutique, n’est-ce pas un moyen d’écouler les stocks et d’en profiter pour organiser des cultures en ce sens ? Bon moyen de détourner la loi. Dans ce premier volume de Tokyo cannabis, pas de CBD à l’horizon, mais de « simples » pétards. La couverture montre la famille Chitô dans leur boutique. Morio tient une feuille illicite en mains, mais sa femme et sa fille ont les yeux cachés. Elles ignorent tout du trafic parce que Morio veut les protéger. Tout un symbole.
Yûto Inai signe un thriller tendu et inattendu. Il ne prône en aucun cas le cannabis et met en garde contre ses dangers. Si on risque de devenir addictif, ce n’est pas à la plante, mais à la série. A la manière de My home hero, un premier tome exemplaire, d’une efficacité remarquable.
Série : Tokyo Cannabis
Tome : 1
Genre : Shonen
Scénario & Dessins : Yûto Inai
Éditeur : Kana
ISBN : 9782505122135
Nombre de pages : 160
Prix : 7,70 €
- L’ombre de Moonpar Laurent Lafourcade
One Shot French Shônen
« -Bonjour, Moon… Tout sait attendre, à qui vient à point. C’est une expression connue, tu l’as ?
-Euh…
-Ecoute-moi attentivement, jeune homme ! Tu es… l’élu ! »
Moon est un jeune homme bien combattif. Accompagné du jeune Panpan, il affronte des bêtes enragés dans une dimension qui semble parallèle. Il est dans le dernier couloir, celui de sa vie sans alternative, sans aucune sortie, sans aucun autre chemin. Il a passé des portes astrales et vaincu des champions, mais il reste faible. Ça, c’est ce que lui assène un monstre gigantesque avant qu’un loup ne lui arrache le bras droit. Un étrange cosmonaute va venir à son secours. C’est Arès, celle qu’il découvrira en se réveillant le lendemain à la Montagne Tournesols, avec un membre en moins. Pour elle, il est l’élu. Elle est là pour le guider. La route a déjà été dure. Ils sont dans le monde de l’ombre. Moon ne sait pas comment il y est entré. Parviendra-t-il à en sortir ?
C’est à une quête initiatique que va être confronté Moon Banning. L’homme semble perdu dans des limbes inextricables, devant combattre des démons les uns après les autres. Des démons ? Pas n’importe lesquels puisque l’on va vite comprendre qu’il est face à ses propres démons, comme des fantômes du passé, comme s’il était prisonnier du temps. Il apprendra que si la colère et la détermination permettent quelques victoires, ce ne sera pas suffisant pour affronter la Reine. Il va devoir canaliser les regrets. Il est impossible de les éliminer. Les combattre, ça va être un peu comme s’affronter soi-même. Le chemin onirique de Moon va le ramener vers sa propre réalité et à tout ce qu’il faudra admettre.
Sylvain Ferret écrit une histoire d’une émotion forte. Il ne faut surtout pas se fier au feuilletage du manga qui pourrait laisser penser qu’on est dans une dark fantasy. C’est comme si Ferret nous entraînait dans une région inconnue du cerveau humain. L’ombre de Moon est l’allégorie du difficile passage de l’enfance à l’âge adulte, avec les erreurs que l’on peut commettre en se croyant indépendant, autonome, grand, invincible… pensant que l’on peut se débrouiller tout seul vers une nouvelle vie alors qu’on a encore tant à apprendre de l’enfant en soi. L’ombre de Moon traite aussi de l’acceptation du deuil et démontre que l’on se construit dans « l’ombre » de soi-même, tout autant qu’il faut apprendre à vivre avec ses erreurs du passé. Au dessin, Nevan maîtrise les codes. De l’action à l’émotion, nombreux auront été les défis à réaliser. Le mangaka français s’en sort avec brio.
Saint-Exupéry et son Petit Prince planent sur ce récit qui en est le descendant. Quête de soi et quête de sens, L’ombre de Moon révèle l’âme que l’on a tous au fond de nous-même.
One shot : L’ombre de Moon
Genre : Onirique
Scénario : Sylvain Ferret
Dessins : Nevan
Éditeur : Delcourt Tonkam
ISBN : 9782413081678
Nombre de pages : 208
Prix : 12,99 €
- CAC 3D – Hergé & Copar Laurent Lafourcade
The Essential Guide for collectibles
If you are looking for both an accurate specification for any figurine as well as an estimated value (valiou), this is just the thing – an encyclopedia of merchandise and figurines from Tintin & Co.
Whether you are a proven Tintin-lover or simply interested in Hergée’s universe, this album is for you. Christian Mallet meticulously lists and indexes the collectibles from the universe of Hergé. 98% of them concern Tintin, however Jo, Zette & Jocko, as well as Quick & Flupke, are not forgotten. In total, 658 objects from various manufacturers are listed : Aroutcheff, La Chaise Longue, Moulinsart are there, and so are Leblon Delienne, Plastoy, Fariboles, Pixi, Christian Desbois and many others.
There are two ways to use this essential guide (gaïde). The collector will estimate his collection to resell pieces or buy new ones. The enthusiast will love browsing through it. Either (izer) way, this is a huge (ioudge) gift that Christian Mallet has given us. Because each piece is pictured, we can see the impressive number of characters and cult scenes that populate the world of Hergé. In one scene recreated in metal, Professor Calculus presents the prototype of the shark submarine to Tintin and Haddock; Pixi priced it at €940. In another scene – this one a resin carved by Patrick Regout, Snowy is in the Congo on the head of a swimming crocodile; it’s priced at €450. And what about this magnificent chess game, also by Pixi, in which the pawns are angelic or devilish versions of Snowy. The other chess pieces are rockets, towers of the black island, Professor Calculus chained to a pole, a Castafiore, Chinese Thomson and Thompson and other wonders. It is estimated at €2700. There are also some bookends in which Snowy brings a telephone handset to Tintin. It’s made at Lebon-Delienne and it costs €300. And many more examples… You can spend hundreds of happy hours with this guide.The book has a preface by the great Olivier Roche. He writes that the collector can use this guide to rejuvinate a childhood dream. Early on, Hergé developed the universe of the adventures of Tintin in 3D. Roche uses five verbs to describe the value of Mallet’s guide: discover, check, compare, evaluate and… dream !
Christian Mallet is currently refining a third edition of the guide for collectibles from the Hergé universe. Meanwhile, this second opus will satisfy all those who have kept a childish spirit and invites, again and again, to reread Tintin. (I promise) You’ll always find something new.
Collection : CAC 3D – The Essential Guide for collectibles
Volume : Hergé & Co
Kind of Book : Argus
Author : Christian Mallet
Editor : Côte-à-cas éditions
ISBN : 9782491066352
Numbre of pages : 190
Price : 49 €
- Demain Tintin ?par Laurent Lafourcade
Entretien avec « 7 fils de Tintin »
« Même s’il n’existait que Tintin, la bande dessinée serait justifiée comme art. » (Benoît Peeters)
« Nous avons tous en nous quelque chose d’Hergé, de sa ligne claire, claire et éclairante, belle étoile. » Cette déclaration d’Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, en préface, est indiscutable. Si l’œuvre du maître a marqué tant de générations, c’est qu’elle a quelque chose d’universel et de magique qui atteint tout lecteur en son for intérieur. On peut quitter Tintin. On y revient avec le même plaisir. 600 ! 600, c’est le nombre du jour. Plus de 600 ouvrages ont déjà été consacrés à Hergé et à son œuvre. Alors, pourquoi Renaud Nattiez, éminent tintinologue, en publie-t-il un de plus ? Tout simplement parce que, pour la première fois, l’avenir de Tintin est abordé. Si dans son ouvrage précédent « Faut-il brûler Tintin ? », Renaud Nattiez démontrait qu’il y avait toujours quelque chose à dire sur le sujet, il questionne ici sept fils de Tintin, sept spécialistes de l’univers, sur la pérennité de l’œuvre. Les ventes des albums sont en baisse. Alors que le dernier album achevé est paru en 1976, il y a quarante-huit ans, Tintin peut-il résister à la concurrence ? Intéresse-t-il encore les jeunes lecteurs ?
Le grand interrogatoire débute avec Albert Algoud, qui a signé l’un des best-seller sur le sujet : Le Haddock illustré, dictionnaire des jurons du Capitaine. Il n’a jamais écrit d’ouvrages d’analyse sur l’œuvre elle-même, mais s’est attaché aux personnages avec notamment des biographies de Bianca Castafiore et du Senhor Oliveira da Figueira. Pour lui, qu’importe si Tintin est et sera moins lu par les jeunes. Son auteur restera un grand artiste. Il voit la pérennité du personnage dans l’imaginaire des foules grâce à toutes formes de détournements artistiques.
Auteur de Tintin et le mythe du Surenfant, l’universitaire Jean-Marie Apostolidès disparu il y a juste un an avait une vision plus pessimiste, pensant que la notoriété de Tintin disparaîtra avec sa génération qui est celle de tous les spécialistes interrogés ici. Pourtant, il affirme qu’il y a encore à dire sur le sujet, citant Bertrand Méheust dont les recherches pourraient aboutir sur une nouvelle approche de Tintin, où il est question de métapsychisme et de médiumnité. C’est ensuite au tour de Pierre Assouline, auteur d’une biographie détaillée d’Hergé en 1996, de s’exprimer. Lui, voit le dessin animé et ses rediffusions comme moyen de perpétrer l’œuvre, plus que le cinéma. Assouline a connu Tchang. Il pense qu’il y a encore des choses à dire sur l’œuvre mais qu’il ne faut pas tomber dans la spéculation et les élucubrations.
En milieu d’ouvrage, voici l’entretien avec Philippe Goddin. Biographe et ami d’Hergé, secrétaire général pendant dix ans de la Fondation Hergé, président de l’association Les amis de Hergé, il est certainement l’analyste le plus légitime qui soit. Avec lui, Renaud Nattiez peut se permettre d’aller encore plus loin qu’avec les autres questionnés. Continuer à faire vivre Tintin sans nouveautés est une gageure. Il n’est pas contre une vision parallèle comme a pu le faire Emile Bravo avec Spirou. Mais on marche sur des œufs. Quant aux ouvrages d’analyse, Goddin avoue avoir écrit sur Tintin et le Thermo-Zéro…en attendant « une marque d’intérêt de la part de Nick Rodwell. »
Jacques Langlois prend la suite. Ayant correspondu avec Hergé, l’auteur du Petit éloge de Tintin se positionne en tant qu’observateur. Il partage avec Nattiez l’objectif de lire et de relire Tintin, avant tout pour le plaisir. Langlois s’interroge sur l’intérêt de la parution d’un nouvel album en 2054, lorsque le héros sera tombé dans le domaine public, alors que le gros des tintinophiles aura disparu.
Auteur de la première monographie Le monde d’Hergé, parue fin 1983, année du décès de l’auteur, le pointilleux Benoît Peeters enchaîne, voit en l’absence de nouvel album la force du mythe. Il partage avec Aspotolidès l’émergence possible d’une exégèse originale. Paradoxalement, mais n’est-ce pas lui qui aurait raison, ayant grandi avec le reporter à houppe, Peeters ne s’estime pas légitime pour parler de son avenir.
Les rendez-vous de Renaud Nattiez se concluent avec Numa Sadoul. Il est l’auteur de deux des plus grands livres de référence sur le 9ème Art : Et Franquin créa la gaffe, et Entretiens avec Hergé, publié pour la première fois en 1975. Lui, est clairement pour la sortie d’un nouvel album, mais, à l’instar de ce que préconise Goddin, avec une vision d’auteurs qui projetteraient leur univers sans dénaturer l’original.
Cette chronique n’est que le survol d’un ouvrage qui porte à réflexion. Au fil des entretiens, on s’amuse à imaginer les réponses que l’on aurait apporté soi-même aux questions pertinentes de Renaud Nattiez dont il ne manquerait dans ce livre que l’auto-entretien. Pour une rencontre avec lui, je vous invite à vous rendre sur le site et la chaîne YouTube Boulevard BD pour un grand entretien filmé et illustré avec lui. Pour en finir avec ce « Demain Tintin ? » (mais rien n’est jamais fini avec Hergé et Tintin) , Olivier Roche, rédacteur en chef de l’indispensable Houpette Libérée, signe une postface résumant le propos. Il demande explicitement à Tintinimaginatio, société des ayant-droits gérant l’œuvre, d’ouvrir ses portes aux spécialistes et aux artistes. Ce sont eux qui ont les clefs de ce que sera Tintin demain. En attendant, quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Demain Tintin ?
Genre : Entretiens
Auteur : Renaud Nattiez
Éditeur : 1000 sabords
ISBN : 9782494744127
Nombre de pages : 184
Prix : 20 €
- Tintin au-delà des idées reçuespar Laurent Lafourcade
22 contre-vérités sur Hergé et son œuvre
« A l’heure des réseaux sociaux, de l’actualité en continu et du développement de l’intelligence artificielle, on parle de plus en plus de fake news et de débunkage. Circulant parfois dans le but de nuire, les fausses informations peuvent aussi découler d’un manque de connaissances, d’un témoignage défaillant, d’une source peu sérieuse, ou encore d’une hypothèse considérée comme une certitude. Le domaine de la Tintinologie n’échappe pas à ces erreurs. » (Patrice Guérin)
Hergé serre la main d’un Alfred Hitchcock honoré. Un enfant, accompagné de son grand-père, admire une momie précolombienne dans une vitrine de Musée. Les Dupondt semblent avoir saisi une bobine de film. Quick et Flupke, les ketjes de Bruxelles, poursuivent leur auteur pour lui demander une petite dédicace ou un simple autographe. Salvador Dali observe circonspect ce petit monde. Voici la couverture multicéphale de Stanislas pour Tintin au-delà des idées reçues, livre signé du tintinologue Patrice Guérin. En vingt-deux chapitres, l’auteur va démonter, comme l’annonce le sous-titre, vingt-deux contre-vérités sur Hergé et son œuvre. Tout au long de l’ouvrage, nous allons naviguer entre les vies privées et professionnelles de l’auteur, reconnaissant avoir parfois été soi-même pris parfois au piège par des fake news.
Chaque chapitre commence par exposer une idée reçue avant de la démonter en présentant la réalité. Chacun se conclut par des conseils de lectures qui ont aidées l’auteur à la rédaction de l’article. Commençons par un petit tour chez Georges Remi, sans accent sur le « e », c’est Reu-mi et non pas Rémi. Il était un mauvais élève en dessin. Il l’a déclaré lui-même dans le documentaire Moi, Tintin en 1974. Il le répètera à Jacques Chancel dans Radioscopie et à Numa Sadoul dans ses entretiens. Ses bulletins scolaires démontrent le contraire. Alors, fausse modestie ou souvenirs flous ? Le doute subsiste.
Hergé allait au cinéma et admirait Hitchcock. Le romancier Bob Garcia et d’autres soi-disant spécialistes attribuent des références erronées dans les œuvres du dessinateur. Pour preuve, certains films sont postérieurs aux scènes prétendument influencées. Pourtant, Hergé avoua à Benoît Peeters en 1982 avoir fort vu fort peu de films du réalisateur et en découvrir seulement maintenant à la télévision.
A la Libération, Hergé, accusé de collaborationnisme pour avoir publié dans Le Soir, pu retrouver du travail grâce à Raymond Leblanc. C’est en réalité un certain Pierre Ugeux qui lui annonça en septembre 1945 que l’un de ses amis André Sinave avait pour projet de relancer en le modernisant Le Petit Vingtième. C’est plus tard que Hergé rencontrera Leblanc.
Patrice Guérin s’attache aussi évidemment au contenu de l’œuvre. L’île noire d’Hergé se situerait en réalité sur la Côte d’Azur. La rumeur est lancée par le journaliste de France Bleu Provence Jean-Pierre Cassely, trouvant flagrantes les ressemblances entre les images d’Hergé et les photographies de l’île d’Or. Une autre rumeur la situe en Bretagne, une troisième en Vendée. Or, durant la décennie des années 30, Hergé n’a guère voyagé en France, hormis en Forêt-Noire et dans les Pyrénées.
Selon les sources, la Castafiore aurait été inspirée par Ninie, une tante de l’auteur, aux puissantes percées vocales, ou par Florence Foster Jenkins, la richissime américaine qui louait des théâtres pour se produire sur scène et qui chantait à faire pleuvoir. Or, jamais dans les albums, Bianca ne brise du verre. En fait, la cantatrice est simplement jugée par des profanes. Guérin clôt ce chapitre en rappelant l’hypothèse d’Albert Algoud selon qui la Castafiore serait un homme.
On s’attardera plus curieusement sur Tintin et le Thermozéro, scénario de Greg, le créateur d’Achille Talon. Faux. Il a simplement débloqué Hergé dans un scénario se prenant les pieds dans le tapis. Greg a néanmoins trouvé le concept du produit qui donnera le titre à l’histoire. Celle-ci ne verra pourtant jamais le jour.
Le livre de Patrice Guérin fourmille d’autres anecdotes plus passionnantes les unes que les autres, pour mieux se replonger par la suite dans les albums du reporter. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Tintin au-delà des idées reçues
Genre : Analyse d’œuvre
Auteur : Patrice Guérin
Éditeur : Les impressions nouvelles
ISBN : 9782390701156
Nombre de pages : 208
Prix : 18 €
- Le sourire d’Auschwitzpar Laurent Lafourcade
L’histoire de Lisette Moru, résistante bretonne
« -Sur quel sujet avez-vous prévu de travailler maintenant ?
-Je ne sais pas encore… Peut-être sur les femmes résistantes. Je me suis aperçue qu’il y avait beaucoup moins d’écrits sur leurs parcours. »
En Bretagne, après une conférence sur La résistance dans le Morbihan, la journaliste Stéphanie Trouillard dédicace son livre Mon oncle de l’ombre, enquête sur un maquisard breton. Elle est interpelée par un homme qui l’invite à travailler sur les femmes résistantes, héroïnes sur lesquelles il y a très peu d’écrits. Après son enterrement, il a découvert que sa tante était dans la résistance. L’idée fait son cheminement dans le cerveau de la reporter. Et si elle se penchait sur l’histoire d’une résistante du Morbihan ? En naviguant sur le site www.memoirevive.org, elle tombe sur la biographie de Marie-Louise Pierrette Moru, dite Lisette Moru, déportée à Auschwitz où on lui gravera le matricule 31825. Née le 27 juillet 1925 à Port-Louis, elle fut dénoncée à 18 ans pour avoir fleuri le monument aux morts de Kerzo. Arrêtée en décembre 1942 avec Louis Séché, elle mourra l’année suivante. Elle faisait partie du convoi des 31000 femmes déportées à Auschwitz. Stéphanie est envoûtée par sa photo. « Ce regard et ce sourire, sur une photo prise à Auschwitz, le contraste est si fort ! »
Il n’en fallait pas moins pour lancer Stéphanie dans une enquête. Elle commence en allant interroger Jeannine Barré, à Port-Louis, non loin de Lorient, qui a œuvré à la mémoire de Lisette. François, le frère de Jeannine, a été déporté dans le même camp de concentration en tant que communiste. C’est en faisant des discours lors de cérémonies que Jeannine a appris que Lisette avait fait le même voyage et que ses parents habitaient non loin de chez elle. Ceux-ci lui ont appris les conditions de l’arrestation de leur fille, dénoncée par quelqu’un « d’ici ». Avec les maigres indices récoltés par Jeannine, Stéphanie va pouvoir poursuivre son enquête avec des bases, en rencontrant tout d’abord la nièce de la disparue. On va ainsi remonter jusqu’à l’enfance de Lisette et l’accompagner, comme Louis, jusqu’à leur destination finale.
Après Ginette Kolinka, récit d’une rescapée d’Auschwitz-Birkenau, les éditions Des ronds dans l’O frappent une nouvelle fois très fort avec le nouvel album de la scénariste de Si je reviens un jour…, les lettres retrouvées de Louise Pikovsky. Stéphanie Trouillard, journaliste à France 24, retrace les destins de Louis Séché et Lisette Moru, résistants bretons. L’histoire est transcendée par les clichés d’identification de Lisette, souriante, sur les photographies prises à son arrivée dans le camp de la mort, comme un paradoxe, comme un oxymore, comme un moyen de dire aux bourreaux : « Vous avez capturé mon corps, vous ne vous emparerez pas de mon cœur. » Ce triptyque bouleversant dessiné en couverture est montré en annexe. On voudrait pleurer, mais Lisette semble nous retenir, nous donnant une hallucinante leçon de vie et de courage. Les autres photographies montrent des portraits de Lisette et de Louis à différentes époques de leur si courte vie, et quelques photos des lieux de leur cheminement vers la mort. Poignant. Un webdocumentaire de la scénariste est visible sur : https://webdoc.france24.com/sourire-auschwitz. Renan Coquin dessine l’enquête, la quête, avec une grande sobriété, un respect certain, s’effaçant derrière l’histoire des véritables héros de la tragédie.
Il est hallucinant de voir comment les albums sur 39-45 se succèdent avec chacun leur force et leur particularité, chacun apportant un témoignage nouveau, un pan de mémoire nécessaire. Le sourire d’Auschwitz est une histoire, une image, qui s’ancre avec force dans les esprits. Hypnotique.
One shot : Le sourire d’Auschwitz
Genre : Reportage
Scénario : Stéphanie Trouillard
Dessins & Couleurs : Renan Coquin
Éditeur : Des ronds dans l’O
Collection : Les témoins racontent l’Histoire
ISBN : 9782374181431
Nombre de pages : 112
Prix : 22 €
- Mauvais œilpar Laurent Lafourcade
Mythologie galicienne
« -Chers enfants, ces terres sont habitées par une multitude de magiciennes et de sorcières. Et même si certaines sont plus mauvaises que d’autres… Je vous assure qu’il n’y en a pas une que vous aimeriez rencontrer… »
Les forêts et les nuits sont peuplées de cauchemars… parce qu’elles sont peuplées de sorcières, de fantômes et de monstres. Il y a Asumcorda qui s’approche des gens pour les attaquer dans l’obscurité, Marimanta qui enlève les enfants, les fourre dans un sac et les amène dans son antre pour en faire des potions, ou encore Feiteiceira qui convainc les enfants de se baigner dans la rivière pour les noyer. D’autres sont plus donneuses de leçons comme Lavandeira qui oblige les enfants à laver leurs vêtements. S’ils ne le font pas correctement, elle leur jettera un sort. Lobismuller est contre toute attente en principe pacifique. C’est son aspect de chien-loup enragé qui fait peur. La plus terrifiante de toutes les sorcières reste Chuchona, qui terrorise les enfants et leur suce le sang… sauf s’ils ont de l’ail sur eux.
Sorte de centaure, le diable moqueur adore faire des blagues. Il peut disparaître en fumée. Si Luis se réveille épuisé tous les matins, c’est que ses nuits sont peuplées de squelettes, plus au propre qu’au figuré. Tous les jours, le nuage tonitruant sème les pires intempéries, mais gare à lui, les oiseaux pourraient lui donner une belle leçon. Si vous n’avez pas peur, vous pourrez toujours aller en forêt cueillir des biosbardos. Encore faut-il connaître le sortilège qui les attire. Quand le danger n’est pas sur la terre ferme, il peut être en mer. Les sirènes n’ont pas la côte face à la Maruxaina, qui pourrait en faire voir de toutes les couleurs aux marins, à moins que ceux-ci ne débarquent sur l’île secrète des sorcières du Miño.
Cristian Robles, signant ses planches Kensausage, invite au voyage dans la mythologie galicienne, un véritable trésor culturel. La Galice est une région autonome d’Espagne située au Nord du Portugal sur la façade Atlantique. Elle est connue principalement pour sa capitale Saint-Jacques-de-Compostelle. Dans un graphisme très underground proche de celui d’un Killoffer, le dessinateur espagnol effraie tout autant qu’il amuse, repousse aussi bien qu’il attire. Ses humains aux oreilles disproportionnées et rougeâtres se ridiculisent tellement qu’on trouve normal qu’ils se laissent berner par les sorcières qui croisent leurs routes. Il n’y a guère que Chatonpedro qui soit plus couillon qu’eux. On pense également à la mythologie Yo-Kaï quand on lit ces micros-histoires galiciennes. Les monstres représentés en sont de lointain cousins, tout comme les panthéons grecs et romains sont assimilables.
Si le Mauvais œil plane sur les pauvres victimes des créatures galiciennes, il est aussi le témoin d’une culture ibérique riche en légendes qui font rêver… ou cauchemarder.
One shot : Mauvais œil
Genre : Contes fantastiques
Scénario, Dessins & Couleurs : Cristian Robles
Traduction : Léa Jaillard
Éditeur : Bang
Collection : Mamutcomics
ISBN : 9788413714592
Nombre de pages : 64
Prix : 15 €
- SangDragonpar Laurent Lafourcade
Retour au Moyen-Âge
« -Hélia… Ma… tendre fille… Viens plus près… Je… dois te… parler… de… ta naissance…
-Père ?
-C’est fini, princesse ! Le roi Arthmel a rejoint les dieux ! »
Dans les hautes terres d’Ergwad, le prince Oghor, futur roi dans toute sa splendeur, est de retour dans la maison royale. Et pour cause, le roi Arthmel se meurt. A son chevet, sa fille Hélia recueille son dernier soupir. Il n’a pas eu le temps de lui révéler le secret de sa naissance. A peine descendu de cheval, Oghor convoque aussitôt le conseil majeur. Pendant ce temps, Hélia apprend par le mage Arkâhn que le tourment est de nouveau aux portes du royaume. La Pyrise, la pierre de dragon, s’irradie. Cela veut dire qu’un dragon est en train de se réveiller, à cause de la haine qui dort en chaque homme. Y aurait-il donc un lien avec la mort du roi ? La pierre désigne Hélia comme origine ou fin du mal. Oghor va profiter de l’occasion pour mettre sa sœur au cachot, d’autant plus que le roi aurait été empoisonné. Heureusement, une bonne âme va lui permettre de s’évader. A elle de prouver son innocence…
Après vingt-cinq ans de Psys, Bédu revient au genre qui a fait son succès avec la série Hugo dans les années 80 au Lombard : l’héroïc-fantasy moyenâgeuse. Quel bonheur que de le relire dans ce domaine avec un récit bien plus sombre que les aventures du jeune troubadour. Porté pendant tant de temps par les scenarii humoristiques de Cauvin, Bédu a mis quelques années à accoucher de ce récit dense, aux multiples personnages et à l’action bien présente. Alors que Les Psy était une série caricaturale, théâtrale, jouant sur les expressions, Sang-Dragon est d’un semi-réalisme plus complexe. Bédu joue sur les regards, est plus minutieux sur les costumes, ainsi que sur les décors que l’on aurait aimé encore plus présents.
Outre le Dragon, quelle joie de trouver, comme dans Hugo, des peuples fantastiques. Aussitôt évadée, Hélia va tomber dans les mains des Khtolls, peuple souterrain de la forêt, mais qui vont s’avérer pour elle d’une grande aide. Dans un autre genre, on ne peut s’empêcher de penser à la rencontre de Johan et Pirlouit avec les Schtroumpfs. Les Khtolls connaissent la route du pays des dragons. Hélia va trouver en Yohl, dit Yoyo, un compagnon de voyage, personnage indispensable du genre. Moins accueillants vont être les Draks, horde d’effrayants êtres volants crasseux et massacrants. Avec Hélia, Bédu créé une nouvelle héroïne dans la digne lignée de Natacha et de Yoko Tsuno, avec un poil plus de modernité et de féminisme, contrairement à ce que l’époque traitée pourrait laisser penser.
Bédu réussit avec brio son retour en tant qu’auteur complet. Espérons vivement que cet album ne soit que le premier d’une nouvelle série. Créer un tel univers et s’arrêter aussitôt, ce n’est pas possible.
One shot : SangDragon
Genre : Heroïc-Fantasy
Scénario & Dessins : Bédu
Couleurs : Cerise
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782800170916
Nombre de pages : 96
Prix : 18,95 €
- Mon cœurpar Laurent Lafourcade
MiniBulles au pôle au poil
« -Mais… Il court après quoi, cet ours ?
-Qui est-ce ? »
Une banquise à perte de vue, des icebergs flottant sur l’océan glacé, un ours blanc qui court à perdre haleine. Des petits cœurs semblent s’envoler de son esprit. Il a l’âme amoureuse. De qui ? De quoi ? Mais… Tiens ? Quel est ce trou dans le sol d’où jaillissent des bulles ? L’ours glisse son museau à l’intérieur et voit dans l’eau si froide un phoque qui remonte à la surface. L’animal marin l’entraîne sous les profondeurs pour jouer avec lui. Les camarades de jeu vont rapidement être rejoints par un autre larron, un orque que l’ours va chevaucher en s’accrochant à son aileron. Au fur et à mesure, les animaux croisent quelqu’un de leur race qui va faire jaillir des petits cœurs. Notre ours rencontrera-t-il lui aussi une âme sœur ?
Antoine Guilloppé, adepte du noir et blanc, ajoute uniquement deux tons à sa palette. Le bleu glacé des régions polaires et le tout petit et tout rouge, rouge vermillon des cœurs de l’amour. On est dans une gamme de couleurs monochrome et duveteuse. Le bleu est la couleur de l’aventure, le rouge est celle de l’émotion. Cette émotion, ça peut tout aussi bien être l’amour, comme on l’a vu dans le résumé, que l’amitié. Amour et amitié sont bel et bien réunis dans la famille du verbe aimer. Antoine Guilloppé laisse cette porte-ouverte, ce choix, à ses lecteurs qu’il définit un peu comme un co-auteur.
« Mon cœur » est idéal pour aborder le thème de l’amour et de la Saint-Valentin avec les plus petits. Ça peut être fait évidemment en famille, un des moments les plus importants du développement d’un enfant étant celui de l’histoire du soir, et même d’avant tout endormissement. Ça peut également être fait à l’école. Les enseignants de maternelle peuvent aisément se saisir de l’aventure pour traiter le sujet en classe. L’idéal est dans un premier temps de scanner le livre pour isoler les cases, la principale difficulté pour les plus jeunes étant de comprendre que s’il y a trois cases avec un ours sur une page, il n’y a néanmoins qu’un seul ours. Une première vision case après case bien assimilée permettra ensuite de présenter le format livre pour la bibliothèque de classe avec une totale compréhension.
La collection de bandes dessinées Mini-bulles adressée aux 3/5 ans publiée par les éditions Nathan a pour vocation de leur faire découvrir et aimer le média BD. Le pari est gagné.
Tome : Mon coeur
Scénario, Dessins & Couleurs : Antoine Guilloppé
Genre : Aventure pour les tout-petits
Éditeur : Nathan
Collection : Mini-bulles
ISBN : 9782095030711
Nombre de pages : 24
Prix : 8,50 €
- Abyss Azure 3par Laurent Lafourcade
L’océan des secrets
« -Commandante ! Le ministre Erigéron va s’adresser aux citoyens !
-Allons voir ! »
Dans les profondeurs sous-marines, le ministre Erigéron a pris le pouvoir. La colère contre les humains gronde. Ils souillent la mer de leurs déchets, se promènent en sous-marin comme s’ils étaient chez eux. Le réchauffement climatique impacte sur la formation des coraux et des mollusques. Plus grave encore, des espèces animales comme l’ômichi, l’otarie du Japon, continuent à être chassées alors qu’elles sont en voie d’extinction. Si les humains ont décidé de signer leur propre perte, il est hors de question pour le peuple des sirènes de se laisser détruire et de souffrir en silence. Erigéron a donc échafaudé un plan autour d’une île qui n’appartiendrait qu’à leur peuple : l’île des sirènes. Pendant ce temps, Jo est prisonnière. La sirène Akira lui offre la liberté afin qu’elle s’introduise avec elle dans le palais ministériel pour tenter de découvrir le plan d’Erigéron. Elle se laisse convaincre car elle pourrait y retrouver Yuki, l’homme devenu sirène, et son amie Ryû. Elles se feront passer pour des employés.
Ce fourbe d’Erigéron veut profiter de l’idylle entre Yuki et Ryû pour s’emparer de leur premier enfant et créer une armée d’hybrides. Ryû ne se rend pas compte que cela causerait la perte des humains. Fuir ou réagir ? Il va falloir décider, mais il faudrait plus de pilules de transformation. Jo va découvrir que celles-ci sont faites à partir du sang de Rinrin, une petite sirène qui est enchaînée dans une pièce secrète. Elle a le même nom que l’impératrice des mers dont une statue trône à l’entrée du palais. La délivrée aurait-elle un rapport avec celle qui a jadis gouverné le pays ? Les jeux de pouvoir créent des clans pendant que le grabuge entre les humains et les sirènes sème la zizanie jusque dans les profondeurs.
Ce troisième tome clôt la trilogie Abyss Azure. La simple histoire d’amour prend une dimension politique inattendue. Akihito Tomi explore les fonds marins en développant son univers. Le final va nous entraîner tout au fond des abysses. Un dragon va donner un nouvel élan à l’aventure permettant au mangaka de s’envoler dans des grandes compositions. Ce « Mushu » des mers est d’une grâce incroyable. Ses ondulations offrent les plus belles scènes d’action de la série. Le final serait presque conventionnel. Il permet de terminer fort logiquement le récit tout en laissant la porte légèrement entrouverte vers un potentiel second cycle.
Abyss Azure aura permis de remettre au goût du jour le récit de sirènes. Ces trois tomes très denses auraient pu être développés sur une plus longue haleine. Ça aura néanmoins eu le mérite de ne pas traîner et d’éviter les temps morts. Aquatique et féérique !
Série : Abyss Azure
Tome : 3
Genre : Mangaquatique
Scénario & Dessins : Akihito Tomi
Éditeur : Vega Dupuis
ISBN : 9782379502743
Nombre de pages : 210
Prix : 8 €
- La bataille de Claudine 1/2par Laurent Lafourcade
Spin off du réseau Papillon
« -Pfff ! J’en peux plus ! J’en viens à regretter l’école, tiens.
-Je te connais. Quand les écoles rouvriront, tu traîneras les pieds pour y aller.
-C’est pas pour demain…
-D’ailleurs… On se disait ton père et moi, que peut-être… Tu pourrais quitter Brest…
-Quoi ?! Mais pourquoi ?
-Tu sais, avec tous ces bombardements, tu n’es pas en sécurité.
-Mais vous non plus ! Je ne veux pas partir ! »
Brest, février 1943, les parents de Claudine veulent l’envoyer au vert, loin des bombardements qui s’abattent sur la ville. L’adolescente n’est pas de cet avis et compte bien apporter sa pierre à l’édifice dans la Résistance. Elle apporte à vélo du linge à nettoyer dans une blanchisserie pour les hôtels ou pour l’hôpital. Elle en profite pour faire passer des messages secrets, au nez et à la barbe des patrouilles de contrôle. Au siège de la Kriegsmarine, marine de guerre allemande, dans la même ville, l’Amiral Canaris a reçu les pleins pouvoirs de la part du Führer pour mettre un terme à la bataille de l’Atlantique. Colette, l’une des résistantes les plus actives de la région, a découvert que le système électrique du hangar de construction des sous-marins allemands était défaillant. Un incendie pourrait facilement tout ravager. Mais comment y pénétrer ? Le réseau a les plans. Claudine pourrait faire passer les messages pour coordonner l’action.
Réseau Chinchilla, voilà le nom de l’organisation brestoise de résistants dont fait partie Claudine. Les sous-marins de l’Allemagne nazie tentent d’empêcher le ravitaillement en armes et en nourriture de l’Angleterre. Au large de l’Atlantique Nord, la bataille est décisive. Claudine va faire équipe avec Colette, une résistante homosexuelle, raison de plus pour être traquée par les barbares nazis. On apprend que l’ennemi les marquait d’un triangle avant de les déporter. Claudine a remarqué cette marque sur Colette qui a dû, miraculeusement à moment donné, échapper au pire.
Les scénaristes Franck Dumanche et Michel-Yves Schmitt apportent une nouvelle dimension à la série-mère en emmenant le lecteur voir ce qu’il se passe dans d’autres régions. On quitte le bordelais pour la Bretagne, où les combats sont similaires même si les problématiques sont différentes. On se tourne un peu plus vers l’étranger, en l’occurrence l’Angleterre, et on y mettra plus que vraisemblablement les pieds dans la deuxième partie du diptyque. Fort de ses expériences dans le réalisme (La cellule, Joseph Kessel l’indomptable), Nicolas Otéro s’affirme dans des scènes historiques où décors et matériaux priment, comme les attaques sous-marines ou aériennes avec le survol du port de Brest par des bombardiers.
La bataille de Claudine est le premier spin-off du Réseau Papillon. Espérons que ce diptyque ne soit que le premier d’un tour de France de la Résistance vue à l’échelle adolescente.
Série : La bataille de Claudine
Tome : 1/2
Genre : Aventure historique
Dessins : Nicolas Otéro
Scénario : Franck Dumanche & Michel-Yves Schmitt
Couleurs : 1ver2anes
Éditeur : Jungle
Collection : Une aventure du Réseau Papillon
ISBN : 9782822242141
Nombre de pages : 48
Prix : 12,95 €
- Astérix 40 – L’iris blanc par Laurent Lafourcade
La zizanie 2
« -On met des sesterces de dingue dans ce village gaulois qui résiste encore et toujours !
-Mmh… Autre chose pour m’éclairer.
-« Pour éclairer la forêt, la floraison d’un seul iris suffit… ».
-Qu’est-ce que c’est que ce charabia, ô Vicévertus, médecin-chef de mes armées ?
-Ô grand César, il s’agit plutôt d’une méthode sur laquelle je travaille depuis des années et que j’ai nommé « l’iris blanc ». »
« Nous avons tous au fond de nous une fleur ne demandant qu’à s’épanouir dans la bienveillance. » Voici le précepte porté par Vicévertus, médecin-chef des armées de Jules César. Le praticien qui prône la pensée positive et l’alimentation saine propose au conquérant de la Gaule de lui confier l’une de ses garnisons pour lui démontrer l’efficacité du remède. Quoi de mieux que l’une des quatre qui encerclent le village peuplé d’irréductibles gaulois ? Direction Babaorum en Armorique. Si les légionnaires qui y sont en faction parviennent à soumettre le village d’Astérix, alors la gloire de Vicévertus sera faite car sa méthode serait appliquée à l’ensemble des armées. Dans le cas contraire, il rendra des lions heureux. Débarqué au « village des fous », dixit Sipilinclus chef du camp de Babaorum, Vicévertus commence à prêcher la formulation positive. C’est la méthode de l’iris blanc, inspirée du philosophe grec Granbienvoufas.
Bien évidemment, tout ne va pas se passer comme prévu. Premières cibles du nouvel arrivant : le poissonnier Ordrafalbétix et le forgeron Cétautomatix. Le premier est invité à pêcher lui-même ses poissons pour privilégier un circuit court au lieu de l’importer de Lutèce. Le second est vanté pour le son de son marteau sur l’enclume qui apaise et facilite la circulation des énergies. Le pseudo-thérapeute ne sèmerait-il pas une zizanie ? Non, ça, ça a déjà eu lieu. Toujours est-il que lorsque Vicévertus va proposer à une Bonemine en colère de canaliser ses pulsions pour les transformer en une force constructive cela va faire comprendre à la femme du chef que son mari la néglige comme une outre percée. La petite dame prend conscience qu’elle ne mène pas la vie dont elle rêvait et part rejoindre son frère à Lutèce. Vicévertus retourne les esprits. Réussira-t-il à retourner la situation globale du village pour qu’il tombe enfin aux mains des romains ?
Exit Jean-Yves Ferri parti préparer le tant attendu De Gaulle à Londres, bonjour Fabcaro. L’auteur reprend les rênes de la série de Goscinny et Uderzo. L’histoire n’est pas des plus originales, même si pour la première fois et contrairement à la tradition on est dans un récit en deux parties, l’une au village, l’autre en extérieur, en l’occurrence à Lutèce. Cet « Iris blanc » est une zizanie 2. Fabcaro fait plus éclat dans les dialogues, très fins, ce qui pardonne l’ensemble un poil verbeux. Les fans des éternelles années 80 apprécieront le répertoire tordu de l’artiste chanteur dans une scène d’anthologie de concert d’Assurancetourix. Au dessin, Didier Conrad n’a pas peur des scènes de foule. Il fait un petit clin d’œil à Lutèce aux irréductibles compagnons d’Idéfix. Mais, car il y a un léger « mais », son Astérix, le personnage, n’est pas toujours convaincant. Le dessinateur était plus irréprochable dans les albums précédents. Tout ça pour pinailler sur quelque chose car les astérixophiles de la fan-base n’y verront que du feu.
L’iris blanc sème son pollen dans le village d’Astérix. Nos gaulois en feront-ils une allergie ou réussiront-ils à garder leur flegme légendaire face au danger romain qui plane ? Qui lira saura.
Série : Astérix
Tome : 40 – L’iris blanc
Genre : Aventure humoristique
Scénario : Fabcaro
Dessins : Didier Conrad
Couleurs : Thierry Mébarki
D’après les personnages de : René Goscinny & Albert Uderzo
Éditeur : Hachette
ISBN : 9782014001334
Nombre de pages : 48
Prix : 10,50 €
- Tintin – Les bijoux de la Castafiore Version du Journal de Tintinpar Laurent Lafourcade
Un bijou de Tintin
« -Tchang m’écrit de Londres : tout va bien, et il vous adresse son meilleur souvenir.
-Quel charmant garçon, ce Tchang !
-Oui… et une autre lettre signée – vous ne le devineriez jamais – Bianca Castafiore…
-Bianca Castafiore !… Ha ! Ha ! Ha ! Ce cher rossignol milanais !… (…) Et que nous annonce-t-elle, cette charmante créature ? (…)
-Ce qu’elle nous annonce ?… Son arrivée pour demain !… »
A Moulinsart, Tintin, Haddock et Milou se promènent dans la campagne environnante du château. Ils rencontrent une enfant qui pleure en plein forêt. C’est une petite tzigane. Elle les conduit au campement où se trouve sa famille. Les lieux sont insalubres. C’est un véritable dépotoir. Le capitaine Haddock leur promet une belle pâture près de son domicile, auprès d’une rivière. De retour au château, après une chute de Tournesol dans l’escalier à cause d’une marche cassée, un coup de fil à l’artisan Monsieur Boullu après une mauvaise direction à la boucherie Sanzot, c’est l’heure de l’apéritif pour le propriétaire des lieux. Tintin en profite pour ouvrir le courrier qu’il vient de récupérer. Il y a une lettre de Tchang, et une autre de Bianca Castafiore… annonçant sa venue pour le lendemain, à la grande joie de Haddock.
Le décor est en place. Les acteurs sont en place. Il ne reste plus qu’à la star, à la diva, à entrer en scène. Nous sommes dans le huis-clos le plus célèbre du Neuvième Art, celui qui est à la comédie ce que Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux est au polar. Nous sommes en train de lire les mythiques bijoux de la Castafiore. Le rossignol milanais débarque avec sa fidèle dame de compagnie Irma et son pianiste attitré Igor Wagner. Le séjour va être perturbé par une disparition : celle de ses bijoux. Il faudra toute la lucidité d’un Tintin qui, comme une didascalie sur la couverture originelle, fait le pont entre ses compagnons d’aventure et les lecteurs. On dit souvent que l’aventure est au coin de la rue. Là, elle est carrément à domicile. Coup de génie et coup de maître, Hergé fait une démonstration de virtuosité.
La préface non créditée est signée Philippe Fontaine. Elle détaille la genèse de la vingt-et-unième aventure de Tintin présentée ici dans la version de sa parution dans le journal de Tintin, avec le grain et les couleurs de l’époque, un sublime travail éditorial. Après Tintin au Tibet, Hergé, empêtré dans Tintin et le thermozéro sur un scénario de Greg (qui restera inachevé), tombe sur un Paris Match avec Sophia Loren en couverture, annonçant le vol de ses bijoux sur le tournage d’un film. Un autre fait divers attira son attention : un camp de tsiganes était installé non loin de chez lui près d’une décharge. La problématique de départ était alors toute trouvée : les gens du voyage allaient être injustement accusés du vol des bijoux de la Castafiore. Entre autres anecdotes, on apprend qu’Igor Wagner s’est d’abord appelé Casimir, puis Wladimir. On admire le plan du château réalisé par les collaborateurs du maître pour mieux réaliser l’intrigue, dévoilant quelques contradictions avec des mises en place dans des albums précédents. Sont également mises en évidence quelques cases redessinées entre cette version et la parution en album.
Pour accompagner la relecture de cet album exceptionnel, on ne peut que vous conseiller de (re)lire le truculent roman Meurtre à Mouliserre, signé Renaud Nattiez, paru chez 1000 sabords. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau. Ciel, mes bijoux !
Série : Tintin
Tome : Les bijoux de la Castafiore Version du Journal de Tintin
Genre : Aventure
Scénario & Dessins : Hergé
Dossier introductif : Philippe Fontaine
Éditeur : Moulinsart/Casterman
ISBN : 9782203254404
Nombre de pages : 80
Prix : 16,95 €
- Bobigny 1972 / Dans les couloirs du conseil constitutionnelpar Laurent Lafourcade
L’esprit des lois
« -Laisse-moi entrer, Marie-Claire… Que je te voie. Savoir si je dois t’amener chez le Docteur. Chérie, que se passe-t-il ? Pourquoi tu pleures ? Ce n’est pas grave, voyons… Des coliques… Marie-Claire…. Marie-Claire. Tu dois me raconter ce qui s’est passé. Et tu dois me dire quand cela est arrivé. »
1971. Marie-Claire a 15 ans. Elle n’a pas fait l’amour. Il l’a forcée. Il l’a forcée. Elle est enceinte. Il l’a forcée… Il l’a forcée… Marie-Claire ne veut pas de cet enfant. Sa mère l’accompagne dans sa démarche. Comme des milliers de femmes, elle va aller voir une faiseuse d’anges… pour avorter. Début 1972, sur dénonciation du violeur, Marie-Claire et Michèle, sa mère, sont arrêtées et interrogées par la police. « Quiconque par aliments, breuvages, médicaments, manœuvres, violences ou par tout autre moyen aura procuré ou tenté de procurer l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte, qu’elle y ait consenti ou non, sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans, et d’une amende de 1800 F à 100 000 F… » Les deux femmes sont libérées en attendant le procès. Quelques mois plus tôt, 343 femmes ont lancé un appel réclamant l’avortement libre. Parmi elles, la célèbre avocate Gisèle Halimi. Michèle Chevalier décide d’aller la rencontrer pour qu’elle défende sa fille, mais elle n’a pas d’argent pour la payer. Pour Halimi, il n’y a pas de problème d’argent. Il n’y aura pas de frais si la famille la laisse agir. L’affaire sera médiatisée afin de pousser l’état à changer la loi. La société patriarcale est-elle prête à faire évoluer sa mentalité ?
Les allées du tribunal de Bobigny laissent place à celles d’une institution. Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel, deux autrices nous prennent par la main pour visiter les lieux et comprendre le rôle de l’instance de la rue de Montpensier. Avant 1958, le régime politique de la France était marqué par la toute-puissance de la loi. Si celle-ci était en contradiction avec la constitution, on modifiait cette dernière, ce qui fragilisait le régime. A l’avènement de la Vème République, tout va changer grâce à la création du Conseil Constitutionnel, premier organe qui va contrôler la constitutionnalité. Le premier président en est Léon Noël. Il est composé de neuf membres, renouvelables par tiers tous les trois ans, ainsi que des anciens présidents de la République qui en sont membres de droit. Peu y siègeront, en particulier pour préserver la neutralité de l’institution. Chaque citoyen peut saisir le Conseil Constitutionnel pour une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil veille également au bon déroulement des élections.
Marie Bardiaux-Vaïente scénarise deux récits de lois. Avec Bobigny 1972, c’est tout le parcours du combattant pour l’IVG qui est raconté à travers une histoire basée sur des faits réels, le procès de Marie-Claire Chevalier. La loi Veil est en ligne de mire, mais avant d’en arriver là, il aura fallu tout le talent et la puissance d’une Gisèle Halimi, avocate qui réussit à embarquer l’opinion publique. Carole Maurel met en scène cet événement avec une pudeur incroyable. Son graphisme réunit les genres et transpire d’émotion. Pour rester dans la militance, Carole Maurel, futur Grand Prix d’Angoulême ! Marie Bardiaux-Vaïente montre à toutes les femmes du XXIème siècle qui l’ignoraient qu’il aura fallu se battre il y a cinquante ans pour qu’elles connaissent enfin la justice de leur liberté. Quand un bouquin comme ça sort dès janvier, on peut dire aux autres qu’ils n’ont plus qu’à repousser leurs sorties en 2025 s’ils veulent être élus meilleur album de l’année.
Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel se range dans la catégorie des BD reportages, même si le livre se lit avec la même aisance qu’une fiction. La scénariste se met en scène aux côtés de sa dessinatrice Gally. On les voit dès la couverture, Marie toute guillerette à l’idée de rentrer dans l’immeuble de la Rue de Montpensier, Véro, traînant des pieds, se demandant dans quoi elle s’est embarquée. C’est instructif. C’est parfois drôle, contre toute attente. Le graphisme tout public contrebalance avec la solennité des lieux, permettant de mieux s’y faufiler. On comprend enfin l’utilité et l’indispensabilité du Conseil. Comme un trait d’union entre les deux albums, l’ombre de Simone Veil veille sur les autrices. Elle a été membre du Conseil Constitutionnel de 1998 à 2007.
Bobigny 1972 et Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel racontent des pans de la politique de la Vème République. Chacun dans son style explique comment les mentalités ont évolué dans le sens de la fraternité (et de la sororité), de la liberté et surtout surtout de l’égalité. Au-delà de ça, en 2024, les femmes prennent enfin le pouvoir dans le milieu de la bande dessinée et c’est tant mieux.
One shot : Bobigny 1972
Genre : Histoire
Scénario : Marie Bardiaux-Vaïente
Dessins & Couleurs : Carole Maurel
Éditeur : Glénat
ISBN : 978234405
Nombre de pages : 164
Prix : 22 €
One shot : Dans les couloirs du Conseil Constitutionnel
Genre : Reportage
Scénario : Marie Bardiaux-Vaïente
Dessins & Couleurs : Gally
Éditeur : Glénat
ISBN : 978234405
Nombre de pages : 164
Prix : 22 €
- Isidore et Simone Juifs en résistancepar Laurent Lafourcade
Extraire la lumière et le soleil…
« -Mes pauvres parents…
-Ils arrêtent aussi les français… Je ne pensais pas que cela serait possible… Ce n’est pas ma France ! Qu’ont-ils fait de notre pays ? S’ils sont allés chercher tes parents, ils viendront nous chercher un jour…
-Nous devons protéger nos filles. Il faut absolument leur trouver un abri sûr. J’ai discuté avec nos voisins les Goldschild. Ils connaissent des gens. Des catholiques fidèles à leur foi…
-Très bien. Mais il faut que nous soyons discrets et organisés. Je dois justement voir nos amis éclaireurs pour avoir de l’aide. »
Isidore et Simone sont juifs en France en 1943. On ne peut pas dire que ce soit la meilleure situation au meilleur moment. Quelques années plus tôt, en 1910, Hayim et Rachel ont débarqué en France, pour fuir l’antisémitisme naissant dans leur pays, et dans le but de s’intégrer. Ils s’installent à Marseille où Isidore naquit deux ans plus tard. Ils se réfugieront à Barcelone pendant la Grande Guerre, avant de poser leurs valises à Paris en 1919. C’est chez les éclaireurs qu’Isidore rencontrera Simone. Elle est ashkénaze, il est séfarade. Qu’importe l’opinion du père de Simone, ils se marient en 1935 et ont une fille l’année suivante. 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne suite à l’invasion de la Pologne. Isidore est démobilisé. Simone, enceinte, abandonne son métier de sténodactylo pour se réfugier avec leur fils chez son oncle à Chartres. Isidore, sergent, les retrouvera à Toulouse en avril 1940. Ce n’est que le début des années sombres. Comment traverseront-ils la guerre ? Pas en restant passifs, c’est certain.
Lorsqu’en janvier 2018, le journaliste Simon Louvet visite le camp de concentration d’Auschwitz en compagnie d’un groupe de lycéens rouennais, il découvre le lieu chargé d’émotion où sont morts dix membres de sa famille. Descendant direct de Simone et Isidore Adato, Simon se sent investi d’un devoir de mémoire lorsqu’il entend l’historien Olivier Lalieu expliquer qu’il fallait récolter un maximum de documents sur les déportés et leurs histoires avant que les derniers témoins de l’époque ne disparaissent. Louvet a trouvé en Remedium le dessinateur idéal pour raconter l’histoire de sa famille comme si elle était la sienne. Le dessinateur de Cas d’école et de Cas de force majeure avait démontré dans ses ouvrages précédents comment il avait la capacité de transposer des témoignages durs en bande dessiné. Ceux de Simone et Isidore, par la voie et la voix de Simon, s’y ajoutent dans cet album œuvre de mémoire.
En postface, Olivier Lalieu éclaire chacun des chapitres de l’histoire. On apprend que ce ne sont pas les allemands qui les premiers ont exclu les juifs de certaines professions. C’est bien l’Etat français. Peu de catholiques comme Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, ont dénoncé le sort réservé aux juifs. On apprend comment les familles de déportés ont découvert ce qu’il se passait. On y lit le rôle décisif de la première armée de libération venue d’Afrique. On comprend le rôle primordial du Mémorial de la Shoah. Photos et documents d’archives rendent la famille Adato encore plus proche de nous, comme s’ils étaient nos anges gardiens à nous tous pour qu’une telle histoire ne puisse plus jamais être écrite.
« On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours
Qu’il vaut mieux ne chanter que des chansons d’amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l’Histoire
Et qu’il ne sert à rien de prendre une guitareMais qui donc est de taille à pouvoir m’arrêter
L’ombre s’est faite humaine aujourd’hui c’est l’été
Je twisterais les mots s’il fallait les twister
Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiezVous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres tremblants dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent. »Jean Ferrat le chantait dans Nuit et brouillard. Il ne faut jamais oublier les victimes des guerres. Notre avenir se base sur les erreurs du passé à ne pas reproduire. Pour cela, il faut des témoignages. Simon Louvet et Remedium ont apporté leur pierre à l’édifice.
One shot : Isidore et Simone Juifs en résistance
Genre : Histoire
Scénario : Simon Louvet
Dessins : Remedium
Éditeur : Ouest France
ISBN : 9782737388910
Nombre de pages : 188
Prix : 22 €
- Urbex 3 – La fin des cauchemarspar Laurent Lafourcade
Exploration urbaine dans l’espace-temps
« -Tu crois qu’on va de nouveau rencontrer les jumelles ?
-Va savoir ce qui peut arriver ici.
-Attention !! Ce couteau est tombé du plafond ? Mais ?! Nous sommes au plafond !
-Tais-toi ! Regarde en bas ! »
En faisant de l’urbex, Alex et Julie se sont rendus compte qu’ils avaient la faculté de voir les morts. A la villa Pandora, maison pourtant démolie depuis 5 ans et oubliée de tous, les deux adolescents affrontent en pleine nuit peurs inconnues et souffrances. Du haut du plafond, comme si rien n’avait de sens dans tous les sens du terme, ils voient se rejouer des scènes du passé. Marie-Jeanne traîne le corps sans vie de sa sœur jumelle Isadora pour l’enterrer dans le jardin. Une affiche leur apprend que cet événement se déroule en 1900. La meurtrière décide qu’elle sera tantôt elle, tantôt sa sœur. Elle brouillera les pistes pour dissimuler le crime. Lors d’une autre exploration, Alex et Julie découvrent un homme qui apprend sans cesse la mort de son fils, bloqué sans pouvoir faire son deuil. La résolution d’une énigme ne pourrait-elle pas donner une solution à l’autre ?
L’urbex, est-ce un loisir, un sport ou une science ? L’activité est-elle légale ou illicite ? Toujours est-il qu’elle est cadrée par ses véritables adeptes, avec des codes bien définis. L’urbexeur commence en général sa « carrière » en visitant par curiosités des maisons abandonnées, des manoirs, des petits châteaux ou des friches industrielles. Hormis celles de ses pas, il ne laisse aucune trace, et surtout pas des détritus. Il ramène éventuellement des photos qu’il trouve mais ne vole aucun objet. Il ne divulgue pas les adresses qu’il visite. S’il se fait surprendre par quelqu’un, jamais l’urbexeur ne tentera de fuir mais préfèrera entrer dans le dialogue pour expliquer sa démarche. Indéniablement, l’urbexeur rêve de fantastique, mais il faut s’appeler Alex et Julie pour le rencontrer.
Vincent Dugomier et Clarke ont écrit une histoire bien ficelée qui donne envie de se lancer dans l’exploration urbaine. Comme à son habitude, Dugomier s’attache tout autant aux personnes qu’aux événements. Ses personnages ne sont pas des observateurs. Ils sont acteurs, pas seulement dans le sens « agir », mais dans le sens « impliqués ». Le scénariste creuse ses personnages pour leur donner une densité inattendue. Alors qu’on pensait ne s’intéresser qu’à Isadora et Marie-Jeanne, Alex et Julie prennent le pas. Avec son trait rapide et jeté, Clarke donne juste le ton qu’il faut pour accentuer le mystère ou l’émotion. Il n’y a qu’à voir comment il traite les sentiments du père apprenant la mauvaise nouvelle et réagissant de façon évolutive pour s’en rendre compte.
La trilogie Urbex se clôt en démontrant que les cicatrices du passé, en se refermant, peuvent apaiser le présent. Urbex n’est pas qu’une histoire d’exploration urbaine. C’est aussi une aventure de généalogie. Alex et Julie vont éclaircir des pages inconnues de leurs histoires familiales.
Série : Urbex
Tome : 3 – La fin des cauchemars
Genre : Fantastique
Scénario : Vincent Dugomier
Dessins : Clarke
Couleurs : Mikl
Éditeur : Le Lombard
ISBN : 97828082010270
Nombre de pages : 56
Prix : 12,95 €
- Strom 2 – Le collectionneurpar Laurent Lafourcade
Les nouveaux chevaliers
« -Vous avez l’objet ?
-Vous êtes là. Oui, ce fut très difficile, mais je l’ai. Il…
-Posez-le sur la pierre.
-Voilà. Bien sûr, il est à vous, au prix nouvellement convenu.
-Vous ne serez pas déçu… si je ne le suis pas.
-Il est dans l’état où nous l’avons… trouvé. »
Mais qui est donc ce mystérieux être encapuchonné connu sous le nom du collectionneur ? Raphaëlle et Raphaël, les jumeaux en initiation dans la confrérie des chevaliers de l’insolite, vont devoir se rendre en Allemagne afin de résoudre le mystère de cet homme, mystère lié à l’ordinateur trouvé dans un sarcophage, énigme spatio-temporelle de 4000 ans. En attendant, leur parrain Tristan vient de les déposer au Louvre afin qu’ils découvrent les différentes salles de la commanderie, avec les autres jeunes initiés et leurs avatars anges-gardiens : les mouchards. Les adolescents vont découvrir leurs salles de cours et une bibliothèque imposante avec manuscrits, parchemins, livres et internet, tout ce qui pourrait leur être nécessaire pour leurs études.
C’est dans ce Poudlard moderne que nous retrouvons nos héros pour la deuxième partie du premier cycle de Strom. A l’occasion de leur double anniversaire, leur parrain Tristan, qui les élève, va leur offrir un cadeau un peu spécial, une lettre de leurs parents qui va leur en apprendre plus sur le passé de leur famille et leur mission. Et oui, Papa et Maman étaient des Chevaliers de l’Insolite. Ils ont écrit ce courrier deux semaines avant leur naissance pour qu’ils la découvrent le jour de leurs douze ans. Ils savaient que leurs enfants commenceraient alors à éveiller le dragon d’or qui sommeille en eux. Avec leur parrain, où qu’ils soient, les parents promettent dans cette lettre à leurs enfants de les aider dans leur apprentissage. Il va être temps de partir sur les traces du collectionneur.
Lylian poursuit l’adaptation de la série de romans d’Emmanuelle & Benoît de Saint-Chamas. La fin de ce premier cycle continue la longue mise en place des personnages. Ce deuxième tome est composé de deux parties distinctes : d’une part, la suite de l’initiation, d’autre part, la suite de l’énigme de l’ordinateur semblant avoir traversé les âges. Le rythme assez lent et la quasi absence d’action ne rendent pas les choses faciles pour les adaptateurs du roman en bande dessinée. Peut-être aurait-il fallu aller plus vite dans certaines scènes, quitte à revenir plus tard sur certaines informations. Toujours est-il que la première partie, poussive, ralentit considérablement le rythme et fait que l’on tarde à entrer dans le vif du sujet. Le final émouvant rattrape les choses et le twist de conclusion relance l’intérêt pour la série. On sent que James Christ fait tout ce qui est en son pouvoir pour dynamiser le récit et on le rêve dans des scènes spectaculaires. Espérons que le second cycle nous les offrira.
Les souterrains du Louvre cachent bien des secrets. Et ceux-ci peuvent faire parcourir le monde et le temps. Bienvenu dans le voyage !
Série : Strom
Tome : 2 – Le collectionneur
Genre : Aventure fantastique
Scénario : Lylian
Dessins : James Christ
Couleurs : Cyril Vincent
D’après : Emmanuelle & Benoît de Saint-Chamas
Éditeur : Nathan
ISBN : 9782095000141
Nombre de pages : 88
Prix : 16,95 €
- Le chat 24 – Le chat et les 40 bougiespar Laurent Lafourcade
1,5 fois de Geluck en plus !
« -Bonjour, installez-vous devant le lutrin.
-Vous avez 10 minutes pour exposer votre scénario.
-C’est l’histoire d’un type qui doit faire un pont et…
-Euh…
-Oui ?
-A-t-il rentré une demande de permis de bâtir ?
-Mais, vous savez… C’est juste un gag et…
-Il n’empêche que les choses doivent être faites dans les règles. »
Le chat de Philippe Geluck fait-il ses gags dans les règles ? N’en déplaise aux membres du bureau de validation des gags, la réponse est oui. Oui, oui, oui, trois fois oui ! A propos de trois, ça faisait trois ans que le chat nous avait laissé sans nouvel album. Ça lui fait plaisir de rentrer chez lui, et ça nous fait plaisir de l’avoir pour 64 pages au lieu de 48. Lui qui a gagné une course contre la montre la seule fois où celle-ci s’est arrêtée est prêt pour le départ d’un marathon de l’humour.
Quand le chat épluche des pommes de terre, il commence par enlever les yeux. Mais comment va-t-il trouver les patates à présent ? Savez-vous pourquoi le chat ne sourit jamais sur les photos ? Sinon, il les mange… les souris. Il faut parfois percuter, mais le chat en a toujours de bonnes à replacer en société ou sur le coin d’un zinc au bistro. L’animal sait aussi parler chinois. Ce n’est pas si difficile : ping, ça veut dire tennis, et pong, c’est « de table ». Le chat constate que l’appétit vient en mangeant, mais qu’il part aussi de la même façon, en mangeant… Bref, il reste toujours de bon conseil, comme lorsqu’il préconise de commencer à balayer son escalier en commençant par le haut.
Fidèle à ses habitudes, Philippe Geluck alterne strips et dessins du chat avec des images anciennes auxquelles il rajoute des bulles à se tordre de rire comme cette dame la tête dans une bassine qui attend l’invention de la cuillère à soupe ou ce malade dans un lit qui présente un aérateur à pets. N’oublions pas cette couverture du supplément littéraire illustré au Petit Parisien revisité façon Scrabble. L’humoriste n’a pas de filtre. Le chat peut faire rire de tout, et en particulier de toutes les religions. N’en déplaise à Saint-Sébastien, martyrisé plus d’une fois. Un poncif chez Geluck. Le belge innove avec des gags pleines planches (on en avait déjà lu quelques-uns) et surtout une histoire de trois planches mettant le chat face à un tribunal de gardiens du temple de l’humour… ou pas. L’auteur reste plus percutant dans le format (très) court.
Comment ne pas finir par la réflexion du chat dans l’un des strips ? « Le temps passé avec un chat n’est jamais perdu » (Sigmund Freud) « Ça, c’est bien vrai, ça ! Et ce ne sont pas les albums qui manquent » (Sigmund Casterman)
Série : Le chat
Tome : 24 – Le chat et les 40 bougies
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Philippe Geluck
Couleurs : Serge Dehaes
Éditeur : Casterman
ISBN : 9782203222786
Nombre de pages : 64
Prix : 15,95 €
- Audrey Hepburn Un ange aux yeux de faonpar Laurent Lafourcade
Always a fair lady
« -Allez, plus souple ! Plus hautes les jambes ! Et souriez !
-Alors Monsieur Van Der Linden, y en a-t-il une qui vous plairait ?
-La grande là ! Quelle grâce… Et ce sourire… J’ai rarement vu une fille aussi parfaite.
-Edda ! Peux-tu venir une seconde ? Edda, Monsieur Van Der Linden aimerait te proposer du travail.
-Chouette ! C’est pour faire quoi ?
-Une hôtesse de l’air dans un film. »
1948, au Pays-Bas, Edda Hepburn a dix-neuf ans lorsqu’elle est repérée en cours de danse classique par un réalisateur pour faire de la figuration dans un film. C’est la première fois qu’elle tourne, et ce ne sera pas la dernière, loin de là.
Bruxelles, Belgique, 4 mai 1929, les frères Hepburn entendent résonner le premier cri de leur petite sœur aux yeux de faon. Elle s’appellera Edda. Son père, anglais de pure souche, la déclare née là-bas. La famille bourgeoise déménagera aux Pays-Bas dans une grande propriété, avant que les parents n’envoient leur fille étudier dans une école anglaise pour apprendre la langue, sous le prénom Audrey. Joseph Hepbrun-Ruston, le papa, est fasciste et sympathisant d’Adolf Hitler. Dévoué à la cause nazie, un adultère scellera la séparation du couple. Le père part à Londres. Les enfants restent aux Pays-Bas avec leur mère mais dans une modeste maison de ville. On a vu comment la future star eut sa première proposition de tournage, avant des pas plus marqués, tant au cinéma qu’au théâtre. En 1951, Colette lui propose de jouer Gigi à Broadway.
De Vacances romaines à My fair lady, de la comédie musicale Funny Face à Comment voler un million de dollar, elle tourne avec les plus grands réalisateurs : Billy Wilder, John Huston, Blake Edwards, Stanley Donen ou encore Mel Ferrer dont elle partagera la vie et avec qui elle aura un enfant. Seule dans la nuit restera l’un de ses rôles les plus originaux. Elle y joue une aveugle poursuivie par des malfrats qui veulent récupérer une poupée remplie de drogue. Lorsque ses engagements humanitaires prennent le pas sur sa carrière, seul Steven Spielberg la sortira de sa retraite cinématographique en lui offrant un second rôle dans Always en 1989.
Onzième volume de la collection 9 ½ des éditions Glénat consacrée aux grandes stars du cinéma, Audrey Hepburn est seulement la deuxième femme à avoir les honneurs de la série après l’iconique Jayne Mansfield. Jean-Luc Cornette détaille sa vie de sa naissance à sa mort. Ses premières années démontrent comment son destin est lié à celui du XXème siècle. Son enfance est nécessaire pour comprendre ses choix de vie. De même, ses dernières années accompagnent une époque en mutation. Hepburn est une des premières actrices altruistes, tournée vers les autres, dans un engagement auprès de l’Unicef vers les enfants du monde, de l’Amérique du Sud à l’Asie. Que les cinéphiles se rassurent, Hollywood tient le haut du pavé dans l’album. Agnese Innocente dessine l’actrice avec une vive émotion. Ses grands yeux constamment écarquillés, ses yeux de faon, happent le lecteur comme elle le faisait avec la caméra, preuve en est cette sobre et sublime couverture où elle semble nous inviter dans sa vie.
Les étoiles brillent dans le ciel. Mais avant cela celle d’Audrey Hepburn a illuminé les planches et les plateaux de tournage. Cette biographie donne envie de se replonger dans ses films.
One shot : Audrey Hepburn Un ange aux yeux de faon
Genre : Biographie cinématographique
Scénario : Jean-Luc Cornette
Dessins & Couleurs : Agnese Innocente
Éditeur : Glénat
Collection : 9 ½
ISBN : 9782344056356
Nombre de pages : 164
Prix : 22 €
- Lettres mortespar Laurent Lafourcade
XIII thérapie
« -Jodie ! Ça fait longtemps !
-Pardonnez-moi, mais…
-Je m’appelle Narcisse… Et nous sommes des amis d’enfance, Jodie. Lili m’a tout raconté.
-Tout ?
-Enfin ! L’essentiel… »
Amnésie complète, disait la lettre du médecin. Lorsque Jodie revient dans son village d’enfance, tout le monde sait déjà qu’elle a perdu la mémoire dans un accident de voiture. Retourner aux sources pour retrouver son passé, être attendu par ses souvenirs, replonger dans une vie avec ses plaisirs, ses doutes, ses bonheurs et ses peurs, Jodie prend rendez-vous pour une deuxième naissance. La jeune femme est accueillie par Narcisse, aujourd’hui facteur, jadis un de ses amis d’enfance. La grand-mère de Jodie vient de décéder. L’employé de la poste la connaissait très bien. Il va guider Jodie sur les pas de son passé, et, en premier lieu, l’installer dans la maison où elle habitait avec ses parents, morts depuis cinq ans déjà. Jodie est bien décidée à refaire le puzzle, mais tout le monde n’a pas envie qu’elle remette les pièces en place.
L’histoire est une enquête tout ce qu’il y a de plus classique. On ne peut pas dire loin de là que Lettres mortes réinvente le polar. Lettres mortes est « le polar », genre en soi, polar campagnard, polar de petit village où tout le monde se connaît mais personne ne sait ce qu’il se passe chez son voisin quand la porte est fermée. Christian Lallemand au scénario et Tangi au dessin signent leur premier album. De grands personnages élancés, une pure ligne claire et des tons grisâtres, le graphisme et la colorisation ne sont pas sans rappeler les débuts de Christian Durieux avec la série Avel. Quand on voit le chemin fait depuis par cet auteur, on souhaite le même destin à Tangi.
Ce qu’il y a de bien avec les éditions du Tiroir c’est que, même quand elles publient des albums inédits d’auteurs contemporains, ceux-ci on la savoir des vieux récits oubliés, non pas qu’ils soient désuets, mais ils ont cet esprit et cette saveur dans le fond et dans la forme. Avec Lettres mortes, on ne peut s’empêcher de penser aux enquêtes de Félix par Maurice Tillieux. Nuages et scènes de pluie, 4L et bistro de village, tout est réuni pour se retrouver dans heroïc-albums si ça existait encore. Il y a même la page avec plus de textes que de dessins, comme dans toutes les histoires où Tillieux n’avait plus assez de place pour finir. Ici, ce n’est pas un fait exprès mais évidemment un clin d’œil.
Lettres mortes montre que le polar « à papa », expression tout sauf péjorative, est encore vivant, et c’est tant mieux.
One shot : Lettres mortes
Genre : Polar
Scénario : Christian Lallemand
Dessins & Couleurs : Tangi
Éditeur : Editions du Tiroir
ISBN : 9782931027967
Nombre de pages : 56
Prix : 15 €
- Anya 1 – L’oiseau bleupar Laurent Lafourcade
La neige Crisse
« -Couvre-toi bien. Nous allons en ville, il va faire glacial pendant le trajet.
-Tu tousses beaucoup, Papouchka.
-Ce n’est pas grave… C’est à cause de mes bottes. Elles sont percées. Du coup, j’ai froid aux pieds. »
Dans une glaciale forêt soviétique, la petite Anya vient de trouver de jolies plumes sur la neige : des bleues, des rouges, des roses, … Elles sont très belles mais son grand-père n’aime pas qu’elle s’aventure dans les bois. Plein d’animaux sauvages y vivent : des loups, des ours, des lynx, et surtout Baba Yaga la sorcière. Anya n’est même pas impressionnée. Son chien Kozak la protègera. Aujourd’hui, Papouchka, son papi, l’emmène avec lui en ville à bord d’un traîneau tiré par un cheval de trait. Pendant que l’aïeul tente de vendre les jouets qu’il fabrique à la propriétaire d’une boutique, la petite fille va faire une drôle de rencontre dans la ruelle d’un bas-quartier.
Après le succès interplanétaire de La reine des neiges, revisitée par les studios Disney, on aurait pu penser qu’il n’était plus possible de raconter d’histoire féérique dans des paysages glacés. Crisse prouve ici le contraire. Lorsque l’oiseau bleu se métamorphose en jolie dame, la magie se dégage du livre pour atteindre le lecteur en plein cœur. On retrouve dans cette histoire toute la grâce des contes russes que l’on pouvait nous lire enfant dans les gros bouquins de chez Gründ. L’ombre de Babayaga plane au-dessus des steppes.
Des années après Nahomi, la petit princesse japonaise, Crisse semble avoir de nouveau la fibre tous publics qui toque à sa porte. On l’a vu et lu récemment avec Uluru une odyssée australe dessinée par Christian Paty. Voici cette fibre universelle encore plus développée dans Anya, petit album merveilleux à lire le soir dans le lit avec son enfant, ou petit-enfant à côté de soi. Loin d’être mièvre, le scénario est malin et l’on ne comprend bien la fin que si l’on a été très attentif aux discussions du début. Graphiquement, l’auteur est aussi au meilleur de sa forme. Ses animaux sont en particuliers incroyables. Aux couleurs, Crisse fait appel au talentueux Fred Besson dont les tons violacés se reflétant sur la neige enveloppent le récit d’une doucereuse bienveillance.
Une famille pauvre, un hiver rigoureux, la maladie qui frappe à la porte, mais aussi la féérie, la recette est éternelle. Encore faut-il un metteur en scène de talent. C’est fait grâce à lui : la neige crisse, c’est la neige Crisse.
Série : Anya
Tome : 1 – L’oiseau bleu
Genre : Conte russe
Scénario & Dessins : Didier Crisse
Couleurs : Fred Besson
Éditeur : La Gouttière
ISBN : 9782357960985
Nombre de pages : 32
Prix : 10,70 €
- Les merveillespar Laurent Lafourcade
C’est l’histoire de la vie
« -Bonjour à tous. Merci de votre présence pour ce XXIème congrès. Nous sommes réunis ce jour pour célébrer la bonne santé de l’économie. Nous aurons bientôt asphalté tous les recoins du monde. Mais il nous reste quelques problèmes à résoudre. La grande forêt résiste ! »
Un arbre pousse à l’intérieur d’une bulle. Ses branches grandissantes explosent cette gangue pour qu’il continue de croître. Mais voilà que des flammes viennent lécher son tronc. L’arbre se consume et il n’en reste plus rien. Dans une ville polluée par des usines tournant à plein régime, des hommes en rouge traquent des individus. Ils ne les trouvent pas, mais sont certains qu’ils ne sont pas loin. Il y a de l’extermination dans l’air. C’est pour cela que ces gibiers se cachent. On les voit apparaître dans une pièce sombre. Cachés derrière des feuilles d’arbre qui se matérialisent, des lutins sortent de leurs habits des boules lumineuses. Ce sont des « Merveilles ». Elles semblent saines et sauves. Ils les protègent. Il y en a de moins en moins. Chacun de ces réceptacles contient un arbre en devenir. La grande forêt est en feu. Des soldats la brûlent pour qu’elle disparaisse. Il n’y aura pas de marche arrière possible. Il n’y a pas de temps à perdre. Il faut continuer à planter des merveilles.
Au XXIème congrès mondial d’économie, les grands industriels ne sont pas du même avis. Leur but est d’asphalter le monde pour détruire les forêts qui les empêchent d’extraire l’eau de son sol. Les technocrates veulent contrôler l’eau de la planète. Il va leur falloir pour ça éviter que les sauvages qui la protègent continuent à planter. L’assemblée est d’accord. Il faut mettre le paquet et prendre des mesures strictes. Pendant que les lance-flammes crachent leur venin dévastateur, les lutins recueillent les merveilles qui feront les arbres de demain. Y aurait-il des humains qui pourraient les aider à sauver la planète ?
C’est un message fort que délivre l’autrice espagnole Marta Cunill dans cet album en tous points merveilleux. On ne passera jamais assez de messages écologiques aux générations grandissantes, et ce livre en est un. En s’adressant aux plus jeunes, c’est ainsi que l’on touche leurs parents. La préservation de la nature n’est pas qu’une question de beauté, c’est aussi une question de vitalité. Cunill oppose un yin et un yang avec des économistes dont les cœurs sont remplacés par des porte-monnaies contre des enfants portant l’avenir du monde. Cunill oppose la mort avec le feu à la vie avec l’eau. Le graphisme ligne hyper-claire est de toute beauté, de la famille d’une Domitille de Pressensé, autrice des aventures du quotidien d’Emilie, la petite fille habillée en rouge.
Avec Les merveilles, les éditions Bang frappent un grand coup. Fable écologique, cet album est l’un des premiers événements de l’année. Par son message, par sa narration, par son graphisme, et même par sa maquette, Les merveilles est en tous points merveilleux.
One shot : Les merveilles
Genre : Emotion
Scénario, Dessins & Couleurs : Marta Cunill
Traduction : Léa Jaillard
Éditeur : Bang
Collection : Caos
ISBN : 9788413715032
Nombre de pages : 96
Prix : 20 €
- La gloire des Aigles 4 – Le raisin des immortels !par Laurent Lafourcade
Les vestiges d’un règne
« -Je suis Maître Edouard Glauria de l’office notarial Glauria & Glauria. Monsieur, j’ai une bien triste nouvelle que vient de m’apporter votre cousin ici présent, Jacques de Pouillon-Guérac.
-J’avais en effet reconnu ce coquin.
-Ce coq… Pardon, ce cousin m’apporte des papiers dûment tamponnés qui font de lui le légitime propriétaire du-dit Château en la commune de Neuilly-sur-Seine. Votre pauvre père, trop tôt décédé, vous ayant rayé de son testament. »
1814, le Vicomte Charles François Athanase de Guérac, domicilié céans à Neuilly-sur-Seine au château de Guérac va devoir déménager. Capitaine du 7ème de hussards au service de l’Empereur, il a été déshérité au profit de son cousin Jacques de Pouillon-Guérac. François ne compte pas se laisser faire. Sa rébellion contre les forces de l’ordre va le conduire au cachot de la Conciergerie avec son amour Françoise-Marie Lagriote, dite La Cerise, une lavandière qui suivait les armées napoléoniennes, et les enfants qu’ils ont pris sous leurs ailes : Toine le Tafouilleux, joueur d’orgue des rues, et « Sauve-la-vie », tambour de la Grande Armée. La levée d’écrou nocturne qui va les sortir de ce mauvais pas va en fait les faire tomber de Charybde en Scylla en les menant dans un traquenard. François arrivera-t-il à défaire les nœuds de son héritage convoité ?
Ce quatrième tome de La gloire des Aigles clôt une série napoléonienne bien ficelée et très bien documentée. Et pour cause, son scénariste, Pascal Davoz et l’un des biographes de l’Empereur. On y suit toute la campagne de Russie au travers du destin de Sauve-la-vie, tambour au Neuvième voltigeur de la jeune garde. Ce raisin des immortels sonne la fin de la puissance de Napoléon, exilé à l’île d’Elbe après avoir abdiqué. L’espoir pour les Aigles, reviendra, on le sait, mais pour l’instant les derniers hussards ne sont pas à la fête. « Avoir perdu son sang sur tous les champs de batailles pour voir ennemis de la France dans Paris… Quelle pitié. » Et oui, il faut composer avec les cosaques et les royalistes. Mais François, Lagriote et Sauve-la-vie n’ont pas l’intention de vendre leurs âmes.
Au dessin, Massimiliano Notaro remplace Philippe Eudeline, dessinateur des trois premiers volumes et qui a ici uniquement dessiné la couverture. Notaro conserve une précision historique en s’attachant tout autant aux monuments, célèbres (La Conciergerie) ou moins connus (Le château de Rancy à Bonneuil-sur-Marne), qu’aux costumes. Les pinailleurs pourront s’amuser à compter les boutons sur les costumes. L’album a bénéficié des conseils du Docteur en Histoire, régisseur des collections du Musée de l’Empéri. Celui-ci nous détaille en postface le parcours du 11ème Régiment de Hussards. Cette Gloire des Aigles trouvera une place de choix dans les bibliothèques à côté des Fils de l’Aigle, mythique série napoléonienne en onze albums signée Michel Faure et Daniel Vaxelaire dans les années 80 et 90.
La série se conclue de façon logique car historique. Ses quatre volumes forment un tout concentré sur une période précise de l’Histoire. La dernière page invite à découvrir dans les livres ce qu’il se passera ensuite lors des « Cent Jours », à moins qu’une saison 2 qui pourrait s’appeler Le retour des Aigles ne nous le raconte en bande dessinée.
Série : La gloire des Aigles
Tome : 4 – Le raisin des immortels !
Genre : Histoire
Scénario : Pascal Davoz
Dessins : Massimiliano Notaro
Couleurs : Max Bayo
Couverture : Philippe Eudeline
Conseiller historique : Jérôme Croyet
Éditeur : Idées Plus
ISBN : 9782374700397
Nombre de pages : 56
Prix : 16 €
- Trésor 2 – L’énigme des trois soleilspar Laurent Lafourcade
Une licorne dans l’estomac
« -Les amis, je voulais vous dire… cette carte, je l’ai pas vraiment trouvée…
-Tu l’as achetée ?
-Non…
-Tu l’as volée ?
-Non plus…
-Tu l’as piratée ?
-Je l’ai fabriquée.
-Whaaaaaat ? T’as dessiné une île et l’île est apparue ??
-La Grande a dit que quand on y croit très fort… »
Le voyage de Trésor, dit Trez’, et ses amis à bord du vieux bateau à voile Brigantine, ne s’est pas tout à fait terminé comme prévu. Ils ont débarqué sur une île n’existant sur aucune carte, sauf sur celle que Trésor a dessinée. Parce que cette carte, il ne l’a pas achetée, il ne l’a pas volée, il ne l’a pas piratée, il l’a fabriquée. Alors que la Grande la leur a dérobée, les enfants se dirigent vers l’intérieur de l’île pour échapper au terrible pirate William Vague Rouge qui ne serait autre que… le père de Trésor. Il n’y a pas que lui qui soit à leurs trousses. Il y a aussi l’antiquaire et son automate. Après avoir traversé une jungle luxuriante et échappé à des plantes carnivores, le club des cinq va se retrouver au milieu d’épaves dans l’estomac d’une mystérieuse créature.
Les histoires de bandes de gamins font florès, que ce soit en littérature, en bande dessinée, au cinéma ou à la télévision. En littérature, Enid Blyton leur a donné évidemment ses lettres de noblesse avec le Club des 5 et le Clan des 7, tout comme Sempé et Goscinny avec le Petit Nicolas et ses copains. En télévision, les plus anciens groupes de mômes sont les P’tites canailles et ceux d’Autobus à impériale. Mômes, on rêvait d’en faire partie. En bande dessinée, si contemporainement, les enfants de Seuls sont peut-être les plus célèbres, il ne faut pas oublier qu’avant eux il y a le Club des Peur-de-Rien, la bande de Totoche,… Plus récemment, on a les enfants de Créatures. On pourrait trouver des tonnes d’exemples. Trésor et ses amis, avec un dynamisme manga, entrent avec vigueur dans cette grande famille.
Jean-Baptiste Saurel et Pauline de la Provôté poursuivent cette aventure à cent à l’heure qui reprend à l’instant même où s’était arrêté le tome 1. Le seul reproche que l’on pourrait faire aux auteurs serait justement que l’histoire est difficile à suivre pour qui n’aurait pas lu la première partie. Une petite remise en place des personnages en début d’histoire aurait été bienvenue. Les auteurs multiplient les références. La plante carnivore n’est pas sans rappeler celle qui cause bien du mal au Grand Schtroumpf dans Les Schtroumpfs et le Cracoucass. La bestiole qui avale les enfants, même si l’on ne voit que ses amygdales, son œsophage et son estomac, est un clin d’œil à Monstro, la baleine qui ingurgite Pinocchio et Gepetto. Gerbouille dans les cheveux de Noé a une touche de Rémy sur la tête de Linguini dans Ratatouille. Et l’énigme des 3 soleils, elle est un clin d’œil plus qu’appuyé à celle de la Licorne, ce navire qui a un secret : « Trois frères unys. Trois licornes de conserve vogant au soleil de midi parleron. Car c’est de la lumière que viendra la lumière. Et resplendira la † de l’Aigle ».
Avec une petite ambiance japonisante dans la rapidité de narration, Saurel et de la Provôté vont peut-être réussir à amener les jeunes lecteurs de manga vers le franco-belge. Trésor se sortira-t-il de cette île aussi hostile à cause de sa faune et de sa flore qu’à cause des malfrats qui y débarquent ? L’énigme des trois soleils ne va pas être facile à résoudre.
Série : Trésor
Tome : 2 – L’énigme des 3 soleils
Genre : Aventure
Scénario : Jean-Baptiste Saurel
Dessins & Couleurs : Pauline de la Provôté
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034770151
Nombre de pages : 72
Prix : 12,95 €
- Les p’tits diables 35 – Danger sœur baveuse ! par Laurent Lafourcade
Slurps de rire
« -Tu fais pas tes devoirs, microbe.
-Non, j’en ai trop et c’est trop dur.
-Bon, allez, viens, je vais t’aider avant que maman te gronde.
-Ah oui ? Et contre quoi ?
-Rien. »
Quand Nina propose à son frère Tom de l’aider à faire ses devoirs pour qu’il ne se fasse pas gronder par sa mère, il y a quelque chose de louche. Tom n’est pas dupe. Il n’est pas près de se faire avoir. Il va les faire tout seul, ses devoirs, tiens ! Ha, si ! Tom est une nouvelle fois dupé. C’était une girly stratégie pour faire bosser le gamin. Nina a réussi son coup. Plus qu’à récupérer le salaire du forfait auprès de maman qui ne trouvait aucun moyen pour faire travailler son fils. Et pour que Tom prenne sa douche, Nina, ce génie, va développer un plan similaire, en faisant croire à son frère que l’eau avec laquelle on se lave est issue de cerveaux fondus et permet ainsi de récupérer son intelligence. A ce rythme-là, maman risque d’être rapidement ruinée.
Ils ont faim. Ils ont soif. Ils sont fatigués. Ils ont mal. Ils s’ennuient. Ils en ont marre. Ils ne laissent jamais leur père tranquille cinq minutes. Faut toujours qu’il râle celui-là ! C’est pas un bon exemple pour ses enfants. Faut dire qu’il y a de quoi craquer. Paradoxalement, quand la maison est trop calme, les parents ont le cafard. C’est qu’ils seraient capables d’asticoter leurs enfants pour remettre de l’ambiance dans la maison. Non ? C’est sûr que si un jour il y avait un traité de paix dans la fratrie, il faudrait au moins garder les guilis et les fléchettes.
Comme l’indique le titre, la bave est au cœur du sujet de ce trente-cinquième album. Dans un tuto santé, Nina explique les bienfaits des agrumes qui, en les mastiquant lentement, irritent les zones latérales de la langue, ce qui fait saliver abondamment, et grâce à quoi on peut faire les bisous les plus baveux du monde, au grand dam de Tom. Il va devoir sortir son arme fatale pour la contre-attaque : la chaussette la plus puante du monde. Gare à l’auto-atomisation. Grâce à une page shopping, le lecteur pourra acheter de la bave de sœur. 100 % bio, 100 % naturel, 100 % efficace, 1 litre acheté, c’est 1 mois de tranquillité et 1 litre supplémentaire est offert. Ça hydrate la peau et chasse les frères. Génial ! A part ça, on apprendra entre autres d’où viennent les pizzas, comment seront Tom et Nina vieux et que dans le futur il n’y aura peut-être plus de frères.
Si les vrais diables sont comme ceux-ci, ça donnerait presque envie d’aller faire un petit tour en enfer. Olivier Dutto et son complice Benoît Bekaert le font pour nous et c’est tant mieux. Toujours aussi drôle.
Série : Les p’tits diables
Tome : 35 – Danger sœur baveuse !
Genre : Humour fraternel
Scénario & Dessins : Olivier Dutto
Couleurs : Benoît Bekaert
Éditeur : Soleil
ISBN : 9782302095311
Nombre de pages : 48
Prix : 10,95 €
- Uluru Une odyssée australepar Laurent Lafourcade
Les contes existent encore
« -Comment vont-ils ?
-Ils dorment encore. Ils vont bien. Je crois qu’ils ont eu très peur… Qu’allons-nous devenir ?
-Reposons-nous pour le moment. Dans quelques jours, nous…
-Vous venez d’arriver ? Soyez les bienvenus. Enfin, si vous venez en paix… »
Décembre 1876, Océan Indien, au large du Sud-Ouest de l’Australie, une tempête fait rage. Le rafiot sur lequel se trouve la famille du jeune Harry risque de ne pas résister. Harry place ses deux chiens et leurs deux petits dans un tonneau. Les côtes ne sont pas loin. Ils auront peut-être une chance de s’en sortir. Il a raison. Les animaux seront sauvés. Leur embarcation va s’échouer sur des terres où ils vont faire des rencontres plus hallucinantes, dans tous les sens du terme, les unes que les autres. Ces chiens, ce sont Ardent et Précieuse. Leurs petits s’appellent Câline et Eclair. Ce qu’ils vont vivre va les marquer à tout jamais. Leur but : retrouver leurs maîtres. Le temps et l’espace le leur permettront-ils ?
Avant tout, c’est toute une faune locale que vont rencontrer les canidés. Ils sont accueillis, pour ne pas dire recueillis, par un gwaga, race de minuscule kangourou. Lui et ses amis sont tout autant intrigués par les chiens que ces derniers ne le sont par eux, se déplaçant par bonds. Un goanna, drôle de gros lézard à langue bleue, vient leur dire bonjour. Pour l’instant, l’urgence n’est pas de s’amuser mais de trouver un moyen de quitter cette petite île pour regagner le continent. Ils vont y arriver. Les rencontres vont se poursuivre, émouvantes comme avec des tortues, dangereuses avec des dingos les entraînant dans un traquenard, avant qu’un aigle ne capture Câline. C’est là que l’aventure va les entraîner au cœur des légendes aborigènes.
Après Le pré derrière l’église, Didier Crisse et Christian Paty se plongent au cœur de la magie aborigène. Crisse s’affirme en conteur étonnant, alliant la malice du Rudyard Kipling des Histoires comme ça, avec la poésie d’un Marcel Aymé des Contes du chat perché, tout en apportant une grosse louche de modernité dans la narration. Les plus perspicaces décèleront une allusion du scénariste à l’une de ses séries mythiques. Le voyage est immersif. Les pages de garde montrent les endroits du pays où se déroulent les scènes principales. Sous les pinceaux de Paty, l’Australie dévoile ses décors et ses animaux, dont ceux cités ci-dessus ne sont que quelques exemples parmi tous ceux que l’on peut voir dans cet album. La cérémonie aborigène brouillant les frontières entre rêve et réalité est un grand moment de bande dessinée. Paty est l’un des meilleurs dessinateurs et coloristes du moment. Il serait temps que cela se sache.
Uluru, cette odyssée australe, démontre la haute qualité que peut avoir la bande dessinée tous publics. Il paraîtrait qu’après des chiens Crisse nous entraîne ailleurs avec des chats. Mais ça, c’est déjà une autre histoire…
One shot : Uluru Une odyssée australe
Genre : Conte
Scénario : Didier Crisse
Dessins & Couleurs : Christian Paty
Éditeur : Soleil
ISBN : 9782302099586
Nombre de pages : 64
Prix : 15,95 €
- Poltron Minet 2 – Le protocole Sethpar Laurent Lafourcade
Expériences interdites
« -Ben ça ! R’gad’z-y qu’il est tout habillé çui-là.
-Ben ça…
-Qu’est-ce j’y fais, j’y tire ?
-Attends, tu t’souviens quand l’Dédé avait raconté qu’il était tombé sur des bestioles tout habillées ? Il a dit qu’au labo y z’y avait donné un beau pactole.
-Combien ?
-Assez pour payer la première traite de son pick-up. »
Alors que des chasseurs viennent de trouver en forêt un lapin tout habillé, voici qu’un chat lui aussi vêtu vient s’interposer. Ce chat, c’est Poltron Minet, celui qui recherche sa petite maîtresse Romane, rentrée de vacances sans lui parce que la famille ne l’avait pas retrouvé au moment du départ. Le lapin, c’est Hardi. Pas question pour les tueurs de tirer dessus. Le laboratoire en donnerait un bon prix. Les deux bestioles sont capturées. Féroce, la renarde, va tenter de retrouver leurs traces pour essayer de les tirer de ce bien mauvais pas.
Après un premier tome présentant un univers original entre Billy-the-cat et Balade au bout du monde, Poltron Minet passe un cran dans le domaine de la triste et réelle cruauté. Ça commence simplement, avec des animaux, en pleine forêt, que nos amis tentent d’alerter pour qu’ils fuient les chasseurs. Ce sont eux, lanceurs d’alertes, qui vont se faire prendre et découvrir un lieu dans lequel il valait mieux ne jamais poser la patte. Hardi et Poltron se retrouvent en laboratoire, avec des camarades qui sont là depuis un moment, certains touchés par la folie, sous le regard observateur d’humains visant à les utiliser comme cobayes dans un protocole scientifique sur des expériences cérébrales. Parallèlement, on en apprend plus en même temps que Féroce sur le royaume animal. Son propre père a fait un coup d’état pour prendre le pouvoir.
Le sujet est plus profond que la « simple » expérimentation animale. Comme le faisait Macherot dans Chlorophylle et dans Sybilline, le monde animal n’est qu’un prétexte pour parler des travers de l’âme humaine. Le scénario de Mayen traite en profondeur de l’asservissement de populations par d’autres. Les guerres actuelles le démontrent. Il y a encore des peuples qui tentent de se « bouffer » les uns les autres, que l’on soit au Proche-Orient ou dans les balkans. Mayen politise le propos, à la manière d’une Ferme des animaux. Mayen philosophe. Qu’est-ce qu’une société utopique ? Existe-t-elle seulement ? Le cannibalisme moral est-il un passage obligé dans le contrôle de peuples ? En mêlant humains et animaux dans le propos, la série donne envie de devenir végétarien. Le dessin tout en aquarelle de Madd permet de supporter la rudesse du scénario. Que le premier feuilletage ne trompe pas les parents. La série n’est pas faite pour les plus petits.
On n’avait pas lu de récit animalier avec un message si fort depuis bien longtemps. Intelligente dans sa mise en scène, esthétique dans sa mise en forme, Poltron Minet est une nouvelle vision de bande dessinée engagée.
Série : Poltron Minet
Tome : 2 – Le protocole Seth
Genre : Aventure animalière
Scénario : Cédric Mayen
Dessins & Couleurs : Madd
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034759392
Nombre de pages : 56
Prix : 14,50 €
- L’œil du Maraboutpar Laurent Lafourcade
Soudan soudain l’espoir
« -J’espère que ce sera une petite sœur pour jouer à la poupée avec elle…
-Hi ! Hi ! Tatie s’est bien occupée de toi, tu as grandi. Tu es une bien jolie petite fille… Tu vas être bien ici… Moi, je ne peux pas trop bouger ces jours-ci, mais Georges prendra bien soin de toi. Viens, ton frère va te faire visiter le camp. »
Soudan, années 2010, des réfugiés débarquent à Bentiu, un campement surveillé par des Casques Bleus de l’ONU. L’Unicef veille sur eux. Parmi ces rescapés de la guerre civile, il y a la famille de Georges et Nialony. Suite à une maladie, leur père ne voit plus que d’un œil. Leur mère est enceinte. Georges est un jeune adulte ou un grand adolescent alors que sa sœur n’est encore qu’une enfant. Aujourd’hui, Georges fait découvrir le camp à sa sœur et à sa poupée. L’endroit est grand, constitué non pas de quartiers mais de « blocks » où les riches et les pauvres vivent ensemble, dans la « même merde ». Il y a un endroit, où tous les jours les familles viennent remplir leurs bidons. Un mur d’enceinte surveillé les protège des dangers extérieurs, et notamment des rebelles qui cherchent à enrôler les jeunes dans leurs troupes.
En 2016, Jean-Denis Pendanx accompagne l’Unicef au Soudan pour réaliser une fresque sur un mur du camp de Bentiu. Il est intervenu auprès de jeunes et d’enfants qui lui ont raconté leurs conditions de vie. Georges et Nialony étaient de ceux-là, même s’ils ne sont devenus frère et sœur que pour l’intérêt de la fiction. Par leur biais, Pendanx présente les lieux et la problématique de la situation. Attention, le livre n’est pas un simple reportage. Il y a une histoire émouvante, des destins en question. Là où le récit prend une toute autre dimension, c’est lorsque Nialony rencontre le marabout, non pas un vieil homme ou sorcier raconteur de légendes, mais un « vrai » marabout, un oiseau. Un virage onirique et philosophique se prend alors. Les deux personnages se parlent comme le feraient deux humains. Le marabout symbolise à la fois l’âme du pays et la capacité de résilience de la petite fille. Tous les deux assistent impuissants à la folie meurtrière des hommes. Accrochée à son doudou, Nialony a la force de l’enfance en elle.
En postface, un cahier graphique et documentaire met des photos et des dessins pris sur le vif qui raccrochent et rappellent à la réalité. Le vrai Georges tient un dessin qu’il a réalisé en atelier avec Jean-Denis Pendanx. Page suivante, les yeux de la véritable Nialony transpercent le papier pour frapper le cœur du lecteur. « Tout ce que j’ai lu, c’était donc vrai ? » Plus question à présent d’en douter. Perrine Corcuff, membre de l’Unicef, rédige les textes accompagnant les photos, permettant de mieux comprendre la situation et le quotidien des réfugiés, familles parfois séparées qui se retrouvent grâce au travail des bénévoles des associations humanitaires, comme c’est le cas pour Nialony dans le début de l’histoire mise en scène par Pendanx.
Pour vouloir la belle musique
Soudan mon Soudan
Pour un air démocratique
On t’casse les dents
Pour vouloir le monde parlé
Soudan mon Soudan
Celui d’la parole échangée
On t’casse les dentsOh oh oh et je rêve
Que Soudan mon pays soudain se soulève
Oh oh
Rêver c’est déjà ça, c’est déjà çaLa chanson C’est déjà ça d’Alain Souchon résonne dans les pages de ce magnifique album. L’œil du marabout regarde un monde qui ne tourne pas rond. Il est des auteurs comme Jean-Denis Pendanx qui sont là pour rappeler qu’il y a un monde au-delà de nos frontières dites civilisées et que l’on a de quoi se sentir concerné. Quand en plus, graphiquement, c’est maîtrisé et immersif, il n’y a pas de quoi se priver de cet album pour lequel chaque exemplaire vendu est un don de 0,80 € à Unicef France.
One shot : L’œil du Marabout
Genre : Emotion réaliste
Scénario, Dessins & Couleurs : Jean-Denis Pendanx
Dossier complémentaire : Perrine Corcuff
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741530
Nombre de pages : 160
Prix : 26 €
- Cabu Vive le sport !par Laurent Lafourcade
Sportifs, beaufs, Duduche & Compagnie
« -Mon premier fils est un basketteur prodige acheté par Nike… Mon deuxième fils, je l’ai vendu à Reebok… Ma troisième, surdouée du tennis, vendue à Adidas… Ma quatrième, une lolita virtuose du golf, sponsorisée par Coca-Cola… Mais attention, je ne suis pas un négrier : jamais ils ne joueront avec des balles et des ballons fabriqués par des enfants du tiers-monde ! »
« Dessiner les sportifs, c’était le seul sport de Cabu. Et quel sport ! » Ainsi commence la préface de Véronique Cabut, épouse de l’auteur disparu. Quatre-cent-trente dessins décapants sont réunis dans cet ouvrage. Dopage, triche, supporters insupportables, tous les sports en prennent pour leur grade. Et le pire, c’est qu’avec son sourire, on lui excuse tout à Cabu. Côté sport, il a entre autres dessiné pour L’Equipe Magazine de 1982 à 1986. Le livre s’ouvre avec une photo de l’auteur, un feutre et un ballon de foot en mains, sur lequel il a dessiné un militaire scandant : Le foot, c’est la guerre !
On commence avec un abécédaire : Petits joueurs de A à Z. On a A comme Arbitre, soit aux chiottes, soit dans un plumard avec nanas et champagne parce qu’il est acheté. C comme Corrida démontre que cette barbarie est porno : une corne dans le derrière, ou la « queue » et les oreilles du torero découpés. F comme foot, c’est l’opium du peuple pour les politicards, et l’activité qui fait marcher l’hémisphère droit du cerveau, celui qui ne marche jamais à l’école, pour le professeur Henri Laborit. J comme JO fait place à un Cabu visionnaire avec des dessins qui sont encore au goût du jour pour Paris 2024. « Salauds de grévistes qui vont nous priver des J.O. » L’enchaînement est parfait avec P comme Pain et jeux : Cannes, les riches regardent les pauvres, Mondial, les pauvres regardent les riches.
Dans la deuxième partie du livre, « Dispensé de gym », Bernard Fournier, ami du dessinateur, raconte l’étonnante carrière sportive de Cabu. On ne peut pas dire que son prof de sport au lycée de Châlons-sur-Marne dans les années 50 lui ait laissé un bon souvenir, pas plus que les matchs de foot entre copains à la récré. Plus tard, il participera à des canulars lors d’une course à pieds et d’un rallye automobile. Lorsqu’on lui demandera dans les années 80 de dessiner pour un hebdomadaire sportif, il sera le premier surpris et finira par accepter.
Nouvel abécédaire pour continuer, avec celui des têtes de vainqueurs. A comme Armstrong : le multiple vainqueur avant destitution du Tour de France lit avec circonspection « Le tour de France de deux enfants » – « Pas possible… Ils étaient dopés ! » D comme Drut : Chirac sur le dos, le ministre-sportif est amnistié pour services rendus à la nation. D encore comme Duduche : contre toute attente, le lycéen recevra le baiser de la fille du proviseur à l’arrivée du cross auquel il ne souhaitait pas participer. V comme Virenque : le cycliste perclus de seringues grimpe en danseuse avec une force de taureau, sous les vivas de la foule même quand il n’est pas là – « Virenque, même absent, t’es le meilleur ! » « Chirac, c’est pareil ! ».
On termine par un quiz permettant de savoir si on a bien tout retenu, avec une petite récompense motivante. Si vous avez tout bon, le Grand Duduche vous signe une dispense de gym. Si vous avez tout faux, aussi.
Si vous vous attendiez à un livre sur l’éloge du sport, ce n’est pas celui-ci qu’il fallait ouvrir. Il va pourtant vous en faire faire du sport, le sport des zygomatiques, tout autant au détriment des sportifs que de ceux qui les regardent. C’est avec des bouquins comme ça que l’on se rend compte à quel point Cabu nous manque.
One shot : Cabu Vive le sport !
Genre : Dictionnaire des champions toutes catégories
Textes & Dessins : Cabu
Éditeur : Michel Lafon
ISBN : 9782749955452
Nombre de pages : 192
Prix : 24,95 €
- L’espionne 3 – L’espionne en mission spéciale par Laurent Lafourcade
James Bondette de tous les jours
« -Maman ! Regarde ! Emanuel m’a invitée à sa fête d’Halloween !
-C’est très joli, Romarine… Mais tu ne peux pas y aller.
-Hein ? Mais si ! J’ai promis…
-Je suis désolée, mais moi aussi, j’ai promis à tata Annick que nous irions à La Guernouille, comme tous les ans, pour la Toussaint.«
L’invitation est trop belle. Emmanuel est nul en orthographe, mais super fort en dessin. Il invite Romarine à sa fête d’Halloween, sauf que sa mère a prévu autre chose pour ce jour-là : aller voir sa sœur à la campagne dans leur maison d’enfance qui pue le moisi (la maison, pas tatie). Romarine va devoir s’y résoudre. En plus, il y aura sa cousine Tiphaine, celle qui veut toujours commander et qui fait sa crâneuse. Sa mère lui conseille d’inventer des jeux d’espionnage. Comme ça, c’est elle qui décidera. La cousine se prendra-t-elle au jeu ? « L’espionne frissonne » est la première des trois histoires qui composent ce troisième recueil de L’espionne.
Dans « L’espionne sauve la planète », notre Sherlock Holmes en herbe part en sortie scolaire. Vendredi, le monsieur de Sauvons la planète est venu dans sa classe de CM1. Or, il se trouve que Romarine, ça l’intéresse de sauver la planète, parce que quand elle sera grande, elle sera espionne, et que les espions, ça sauve souvent la planète. Pour l’instant, Romarine va se contenter de sauvetage mode écolo en allant avec ses camarades de classe nettoyer une plage. Sa boussole (en vérité, celle de sa sœur), ses lunettes de soleil et son compteur Geiger vont-ils lui servir ? « L’espionne est occupée », pour terminer l’album. La maîtresse lit à la classe l’histoire Papa est un héros. C’est l’occasion pour elle de parler à ses élèves de l’Histoire avec un grand H, et notamment de résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale. Romarine et ses copains vont se prendre au jeu et se mettre dans la peau de ces héros de 39-45 pendant leurs loisirs. D’ailleurs, à la maison, notre espionne favorite trouve que son père a un comportement étrange. Serait-il dans une bande organisée ?
Eglantine Ceulemans adapte les romans de Marie-Aude Murail, gage de qualité dans la littérature jeunesse. Romarine est une espionne en herbe et se rêve dans cette fonction. Elle a fondé un club à l’école et chaque activité de sa vie est l’occasion pour elle de mettre en scène ses talents. Son imagination est débordante. Les autrices mettent en évidence des valeurs de vie : l’entraide, l’écologie, l’empathie. Même si elle a son petit caractère, l’héroïne finit toujours par se diriger vers une solution rassembleuse.
Il n’y a pas que l’encre qu’elle utilise pour écrire ses messages qui est sympathique, il y a aussi Romarine, héroïne du quotidien dans l’air du temps.
Série : L’espionne
Tome : 3 – L’espionne en mission spéciale
Genre : Club scolaire
Scénario, Dessins & couleurs : Eglantine Ceulemans
D’après : Marie-Aude Murail
Éditeur : BD Kids
ISBN : 9791036353178
Nombre de pages : 64
Prix : 10,50 €
- Visages – Ceux que nous sommes 4 – Soleil Cou Coupépar Laurent Lafourcade
Nous sommes ce dont on hérite
« -Sheila, ça te tente une promenade ? Tu n’es pas trop fatiguée ?
-Volontiers, Papa ! Je ne me lasse pas du paysage ! Quand j’étais sur le front, je ne réalisais pas à quel point mon homeland me manquait… Maman va chaque jour un peu mieux.
-Notre Maureen est si heureuse que tu attendes un enfant. Elle s’accroche à ça. Puisque ce Georg va épouser ma fille, ce serait bien qu’il épouse notre cause.
-Ce sera son choix.
-Dire que c’est le fils de Louis ! »
1943, à Berlin, Georg apprend que sa mère Lieselotte est à Dachau. Enquêtant sur les camps de la mort, elle s’y est trouvée prisonnière. 1944, à Paris, Louis, directeur de cabaret, tente d’extirper son amour de ce mauvais pas. Quant à Sheila, l’amour de Georg, enceinte, elle vient de regagner l’Irlande en urgence. Sa mère est malade. Transférée à Mauthausen, Lieselotte retrouve l’ignoble docteur Mühle, auprès duquel elle a travaillé lors de la guerre de 14 et qui pratique des expériences chirurgicales sur de pauvres victimes déportées. Alors qu’en Irlande, la résistance de l’IRA contre les « brits » s’organise, sur le continent, les nazis voient arriver les premiers véhicules américains. Louis, Lieselotte, Georg et Sheila se retrouveront-ils tous ensemble ? Leurs destins se lieront-ils à nouveau ?
Mais quelle claque ! Ce quatrième et ultime tome de Visages Ceux que nous sommes montre à ceux qui en doutaient encore que cette série porte un message qui ne peut qu’inviter à la réflexion. Elle montre que la vie est un fléau, fléau dans le sens tragédie à cause des guerres comme celles qui ont fait du XXème siècle une époque tout aussi barbare qu’un Moyen-Âge sauvage, et fléau dans le sens aiguille d’une balance, la balance de la vie sur laquelle chacun est en équilibre et doit faire des choix pour la faire pencher d’un côté ou de l’autre. La question philosophique soulevée par la série est la suivante : Dans quelle mesure peut-on soi-même choisir le côté duquel mettre le poids dans la balance de sa vie, et par ricochet dans celle du monde ? Et si l’on va plus loin : L’Histoire, avec majuscule, nous emprisonne-t-elle dans notre histoire personnelle ? Dans un final poignant à arracher des larmes à la fois d’émotion, de fatalité et d’espoir, les auteurs apportent une réponse. Visages est le genre d’histoires grâce auxquelles on n’est plus vraiment le même après l’avoir lue.
Ce dernier tome fait référence au dernier vers du poème Zone de Guillaume Appolinaire : Soleil cou coupé, expression qui sera popularisée par Aimé Césaire. «Soleil cou coupé» est une exclamation elliptique qui sonne le glas du monde nouveau, décapité et d’avance perdu. Alors, avance-t-on inéluctablement vers une fin dramatique ? Qui lira saura. La cité de l’immigration, au Palais de la Porte Dorée, était autrefois le Musée des arts africains et océaniens. C’était le Musée préféré de nombreux artistes peintres et écrivains comme Picasso ou Appolinaire. C’est la fin d’un monde, mais pas forcément dénuée d’espoir parce que ça peut être également un renouveau. Ecrits en 1913, les 155 vers de Zone résonnent comme une métaphore de la saga Visages, de son début – « À la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin Tu en as assez de vivre dans l’antiquité grecque et romaine » – à sa conclusion – « Tu es seul Le matin va venir Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle Métive C’est Ferdine la fausse ou Léa l’attentive Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie Tu marches vers Auteuil Tu veux aller chez toi à pied Dormir parmi tes fétiches d’Océanie et de Guinée Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyance Ce sont les Christ inférieurs des obscures espérances Adieu Adieu Soleil cou coupé« . Relue à la lumière du soleil qui éclaire le monde et d’Appolinaire qui en dégage l’essence, Visages Ceux que nous sommes prend tout son sens.
Inutile de revenir sur le talent des auteurs. La série aura permis de révéler les véritables « visages » du dessinateur Aurélien Morinière, définitivement entré dans la cour des grands dessinateurs réalistes, et du duo de scénaristes Nathalie Ponsard-Gutknecht et Miceal Beausang-O’Griafa qui ont ici démontré toute la puissance que la bande dessinée peut apporter à l’Histoire. Une série d’entretiens avec les auteurs est disponible sur la chaîne YouTube Boulevard BD. Histoire de guerres, histoire des arts, mais avant tout histoire de personnes, avec un type de narration inédit, osé et efficace, Visages – Ceux que nous sommes se clôt avec maestria. Sublime.
Série : Visages – Ceux que nous sommes
Tome : 4 – Soleil cou coupé
Genre : Histoire
Scénario : Nathalie Ponsard-Gutknecht & Miceal Beausang-O’Griafa
Dessins & Couleurs : Aurélien Morinière
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344032909
Nombre de pages : 64
Prix : 15,50 €
- Tokyo Mystery Café 1 – La disparue d’Akibapar Laurent Lafourcade
Enquête au pays du soleil levant
« -Que voulez-vous ?
-Ah, bonjour ! Je … Je suis votre plus grand fan ! J’ai lu tous vos mangas. Je rêve de travailler pour vous !
-Je ne suis pas Monsieur Komatsu. Je suis son éditeur.
-A… Ah bon ?
-Vous aviez rendez-vous ?
-Pas vraiment, mais… Je suis venu de France exprès. Je peux au moins lui montrer mes dessins ? »
Français fraîchement débarqué à Tokyo dans l’espoir de devenir mangaka, Nahel s’installe dans un minuscule appartement d’Akihabara. Il se débrouille en japonais. Mirai, le propriétaire, pas de première jeunesse, tient une petite boutique d’électronique au rez-de-chaussée. Le quartier dans lequel Nahel a choisi d’habiter est le royaume des otakus, les passionnés d’informatique, d’anime, de mangas, de pop culture, les geeks locaux en résumé. Il espère intégrer un atelier d’un dessinateur. Dès la première nuit, Nahel entend des sons venir d’une pièce voisine. Quelqu’un chante. Par un petit trou dans le mur, il aperçoit une fille sur un fauteuil roulant. Mirai lui avait pourtant dit qu’il était le seul locataire. Le lendemain, fier de montrer ses dessins, Nahel tente son premier rendez-vous. Il essuiera une fin de non recevoir par l’éditeur de Monsieur Komatsu, un auteur qu’il vénère.
De retour chez lui, Nahel entend une voix appeler son grand-père. C’est certainement la personne qu’il a aperçu dans la nuit. Mirai nie toute présence. Tard le soir, l’apprenti mangaka va retrouver le vieil électronicien agonisant. La fille a disparu, le fauteuil roulant est vide. Alors que des hommes en noir tentent de l’attraper, il s’enfuit par la fenêtre, guidé par Soba, une gamine collégienne qui l’amène se réfugier dans un restaurant : le Tokyo Mystery Café, dont le gérant est aussi un détective privé. Il va pouvoir aider Nahel à chercher la disparue et à découvrir à quoi sert la clef que lui a remis Mirai avant de mourir.
L’atelier Sentô est un duo d’auteurs passionnés du Japon. Cécile et Olivier l’explorent en bandes dessinées, en illustrations et également dans les jeux vidéos. Le Tokyo Mystery Café est un lieu intriguant, à la fois restaurant et agence de détective privé. Vieux bâtiment en bois au milieu d’un quartier moderne, c’est un peu comme la maison de Monsieur Fredericksen dans le dessin animé Là-haut, un dernier havre d’authenticité. Pour leur récit, les auteurs ont passé deux mois à Tokyo il y a deux ans. Ils ont rencontré des mangakas et visité la rédaction du mythique Shonen Jump. Nahel, Soba et le patron-détective vont former un trio original dans un pays où la culture est si éloignée de la nôtre qu’elle en est aussi un mystère. On va découvrir non pas le Tokyo des touristes, mais la vraie ville, celle cachée en dessous, celle des tokyoïtes. Un mot sur la délicate mise en couleur : une ambiance bleutée aux reflets aquarellés. Ça fait partie du voyage.
Tokyo Mystery Café offre un décor inédit au polar à la narration européenne. L’atelier Sentô ne renouvelle pas le genre mais en créé un nouveau, à la frontière de deux cultures.
Série : Tokyo Mystery Café
Tome : 1 – La disparue d’Akiba
Genre : Polar
Scénario, Dessins & Couleurs : Atelier Sentô
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504171
Nombre de pages : 80
Prix : 16,50 €
- Rebuild the world 007par Laurent Lafourcade
Prise d’otage & médecin chef
« -C’est… C’est lui… Il m’a tiré dessus alors qu’on était en train de parler ! Il a tenté de m’assassiner !
-C’est faux ! Enfin, je lui ai vraiment tiré dessus… mais seulement parce qu’il a essayé de me tuer !
-Tu mens ! C’est toi qui as engagé les hostilités ! Je n’ai fait que défendre ma vie ! »
C’est dans un face-à-face impitoyable que l’on retrouve Akira. Le chasseur de reliques vient de marquer un point contre Yajima, un cyborg, qui, à terre, tente de convaincre et Reina qu’il a été visé par Akira. La réalité est toute autre. Ce dernier n’a fait que défendre sa vie. Shiori en doute et veut s’assurer de la vérité. Celle-ci lui reviendra en pleine face lorsque Yajima va se précipiter sur Reina pour la prendre en otage. Il est un voleur de reliques. Elles doivent être dissimulées dans les environs. Il ne laissera aucun témoin. Akira refuse de baisser les armes. Shiori veut sauver son amie. Leur ennemi commun n’a plus qu’à les regarder se mettre d’accord, et ça ne va pas se faire sans mal. Akira aura bien besoin des conseils de son ange gardien Alpha. Les alliances d’un jour ne sont pas celles de toujours. Tout le monde n’en sortira pas indemne.
La deuxième partie de ce septième tome de Rebuild the world est une invitation, celle de Yatsubayashi, médecin en chef de sa propre clinique à l’annexe des ruines de Kuzusuhara. Akira acceptera-t-il de faire soigner ses blessures légères avec un nouveau remède ? Le docteur lui propose une infiltration de son invention, mise au point après avoir analysé des reliques du vieux monde afin de reproduire fidèlement leurs effets. Alors, génie ou charlatan ? Dans un monde post-apocalyptique, il faut parfois faire le choix le moins pire ou prendre des risques mesurés. Akira repartira-t-il sur un terrain de chasse ?
L’heure des choix. Voici un titre qui serait très bien allé pour les deux parties de cet épisode. Si l’histoire avait été européenne, on aurait pu penser que les auteurs se seraient inspirés (moralement pas physiquement) du professeur Raoult pour le Docteur Yatsubayashi. Son liquide vert est la chloroquine du médecin marseillais. Graphiquement, Kirihito Ayamura est passé au niveau supérieur. Que ce soit pour des affrontements duels ou des pluies de missiles, les scènes d’action sont immersives, efficaces et détonantes. Il y a parfois plus d’énergie que dans un anime. On aimerait à présent que l’intrigue se recentre sur les reliques, pour que les lecteurs en aient une vision plus concrète.
On se laisse prendre par l’action, se demandant quelle décision on aurait prise. Sans être d’une originalité redoutable, on ne peut pas reprocher à Rebuild the world de ne pas être efficace.
Série : Rebuild the world
Tome : 7
Genre : Shonen Survival
Roman d’origine : Nahuse
Dessins : Kirihito Ayamura
Design des personnages : Gin
Design de l’univers : Yish
Design des machines : Cell
Éditeur : Vega Dupuis
ISBN : 9782379502750
Nombre de pages : 178
Prix : 8 €
- Les cavaliers de l’apocadispe 4 – Les cavaliers de l’apocadispe en route vers l’aventurepar Laurent Lafourcade
Trois tiers de trio en sortie
« -Mais c’est quoi cette histoire ?
-Ils sont carrément partis sans nous !
-Oh non ! Ils vont croire qu’on s’est enfuis du voyage ! On va être punis ! »
Le directeur de l’école a convoqué tout le monde pour faire une annonce. Jé, Ludo et Olive, les potes cavaliers, sont aux abois. Les adultes ont-ils trouvé le tunnel géant qu’ils ont creusé et qui passe sous l’école ? Impossible ! Trop bien caché. Ils vont vite être rassurés. Le chef de l’établissement demande un peu de silence devant tous les enfants réunis dans la cour. Il leur annonce que le budget prévisionnel a été validé. Un séjour découverte du poney est donc prévu pour fin avril. Quelques semaines plus tard, c’est le moment du grand départ. Un grand car rouge stationne devant l’école pour le voyage. Il faut compter les enfants mais impossible de les faire mettre en rangs deux par deux. Ça grouille d’excitation dans tous les sens. Distraits dans leur coin par le Manuel des Ragondins Malins, les cavaliers de l’apocadispe ne répondent pas à l’appel qui n’est même pas fait et ratent le départ du bus. Ils sont partis sans eux ! Pour autant, pas question de rater le séjour. Le trio va tout mettre en œuvre pour rejoindre la destination.
Les traditions étant faites pour changer, ce nouveau recueil des Cavaliers de l’apocadispe comporte un long récit de trente planches : la classe de poney. On les aura préalablement suivis dans des péripéties au format classique, courts récits de 4 à 10 planches. Ils explorent un manoir, avec le chien grogneur du vieux Pouilly. Ils s’occupent d’un rat voleur de portefeuilles. L’un d’eux se fait élire bien malgré lui délégué de classe. Ils voyagent au XVIIème siècle. Ils font de la poésie. Ils trouvent un téléphone. Ils empruntent un tunnel secret. Ils tentent de récupérer le ballon d’Hypolite envoyé malencontreusement par-dessus un muret. Il y a de quoi faire dans l’aventure.
L’humour Libon passe à la vitesse supérieure. L’un des auteurs les plus drôles de sa génération teste sa série dans un format semi-long. Le thème du voyage scolaire était l’occasion idéale pour s’y coller. On verra peu les enfants au poney club. L’intérêt est le parcours pour y parvenir. Rien qu’en prenant le thème du poney, Libon est dans le décalage. Un enfant « normal », ça monte sur un cheval. Un « cavalier », qui plus est de l’apocadispe, va forcément être plus susceptible d’utiliser un poney. Avant ça, ils vont prendre le train. Evidemment, ils vont devoir rivaliser d’ingéniosité car ils n’ont pas de quoi payer. On appréciera le clin d’œil plus qu’appuyé aux Castors Juniors et à leur manuel. Ici, on a à faire à des Ragondins Malins. Riri, Fifi et Loulou n’ont qu’à bien se tenir. Et que dire de ce truculent papi, encore plus gamin qu’eux, avec qui ils vont faire un bout de route ? Hilarant, comme d’hab’.
Eclaté le club des cinq. Atomisé le clan des sept. Pulvérisés les goonies. Les cavaliers de l’apocadispe ont pris le pouvoir et ne sont pas près de le lâcher. Ils sont si coupablement innocents.
Petite curiosité trouvée sur le web, voici un essai d’animation réalisé en 2019 sur la série :
Série : Les cavaliers de l’apocadispe
Tome : 4 – Les cavaliers de l’apocadispe en route vers l’aventure
Genre : Aventures humoristiques
Scénario, Dessins & Couleurs : Libon
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808504690
Nombre de pages : 72
Prix : 12,95 €
- Les amis de Jacobs 34 – Décembre 2023par Laurent Lafourcade
Jeux d’espions et jeux d’enfants
« -Pardon, cet individu, qui s’est approprié à votre insu nos documents, tentait simplement de nous arracher le secret de notre code, vous frustrant ainsi des avantages et des honneurs que vous escomptiez de notre capture. » Francis Blake, Le secret de l’Espadon.
Une chaise cheval à bascule, deux automobiles miniatures, un cheval en peluche, une brouette, un chariot à légumes, le tout avec des prix allant de 11 francs 50 à 595 francs, ne vous y trompez pas, vous êtes bien en présence d’une revue sur l’œuvre de Jacobs. L’auteur avait réalisé ces dessins pour un catalogue de jouets des éditions Anspach. Aujourd’hui, c’est la couverture de la trente-quatrième revue Les amis de Jacobs au sommaire de laquelle on va trouver, comme à l’accoutumée, de nombreux articles de fonds sur l’œuvre de cet artiste à mettre sur le même pied d’égalité que Hergé.
L’éditorial de Christian Viard revient, actualité oblige, sur l’article de Jérôme Dupuis paru dans le quotidien Le Monde en décembre dernier au sujet des planches volées de Jacobs. Il résume les exactions de Philippe Biermé, président de la Fondation Jacobs, comment celui-ci a récupéré, entre autres, au coffre d’une banque l’original de la couverture de La Marque Jaune, estimée à deux millions d’euros, contre quatre planches originales d’Astérix, avec des petits transferts d’argent pour accompagner. Plus de deux cents planches se sont ainsi « échappées » de la banque. Un vrai thriller.
Dans les articles du semestre, on peut lire une interview de Jacobs accordée au journal Okapi en 1980. Dans les images d’illustrations, on ne peut que se gausser en lisant le Capitaine Blake, dans le secret de l’Espadon, qui dit qu’un individu s’est approprié des documents à l’insu de ses interlocuteurs. (Clin d’œil à Biermé) Avec Les chronoscaphes américains, on profite de Time Machines sur des couvertures de comics. Le cœur de la revue est consacrée aux vingt-et-une pages Les chemins de l’irréel, par Daniel Vankerckhove. Il expose les sept raisons qui peuvent expliquer le succès des aventures de Blake et Mortimer. La première réside dans le fait que, contrairement à Hergé, Jacobs a accepté que ses personnages lui survivent. Les autres vous les découvrirez dans la revue. Retour sur les jouets en pages centrales avec « Au bon marché », dessins de trains électriques et véhicules réalisés par le maître pour la boîte Marklin. Après le courrier et les découvertes des adhérents, nous avons droit à une correspondance inter-Atlantique entre Jacobs et Monsieur Robert Gaudreault, canadien aujourd’hui adhérent des Amis de Jacobs. On termine avec un article sur les mystères de la sortie du premier tome de l’Espadon au Lombard, puis un autre sur les époux Funcken. En quatrième de couverture, Antonio Lapone propose un portrait de Jacobs, tout en joie.
Les amis de Jacobs est une association visant à promouvoir la connaissance ou la découverte de l’œuvre d’Edgar Pierre Jacobs et sa continuité par les nouveaux auteurs et scénaristes. Pour 40 € annuels, les adhérents reçoivent deux numéros des Amis de Jacobs, revue imprimée sur un papier de grande qualité et emplie d’articles d’une richesse incroyable. Toutes les informations pour adhérer et commander, entre autres, d’anciens numéros sont sur le site www.amisdejacobs.org.
On le dit pour Tintin, mais on peut aussi le dire pour eux. Quand on a fini de lire Blake & Mortimer, on peut recommencer à lire Blake & Mortimer. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau. La revue des amis de Jacobs le prouve depuis déjà 34 numéros !
Série : Les amis de Jacobs
Tome : 34 – Décembre 2023
Genre : Revue d’étude
Directeurs de publication : Christian Viard et Didier Bruimaud
Éditeur : Les amis de Jacobs
Nombre de pages : 48
Prix : 15 €