Quand Hergé décida de ne rien laisser au hasard
« C’est donc au moment du Lotus bleu que j’ai découvert un monde nouveau. Pour moi, jusqu’alors, la Chine était, en effet, peuplée de vagues « humanités » aux yeux bridés, de gens très cruels qui mangeaient des nids d’hirondelle, portaient une natte et jetaient les petits enfants dans les rivières… (…) C’est à partir de ce moment-là que je me suis mis à rechercher de la documentation, à m’intéresser vraiment aux gens et aux pays vers lesquels j’envoyais Tintin, par souci d’honnêteté vis-à-vis de ceux qui me lisaient : tout ça grâce à ma rencontre avec Tchang ! » Hergé
Après les semi-improvisées premières aventures, avec Le Lotus bleu, Hergé propose pour la première fois un récit construit, cohérent, intelligent et travaillé. Si cela a pu se faire ainsi, comme l’a expliqué Hergé, c’est grâce à sa rencontre avec Tchang, jeune étudiant chinois en Belgique. Parue pour la première fois en album en 1936, l’aventure envoie Tintin en Extrême-Orient. Le reporter quitte le palais du Maharadjah de Rawhajpoutalah pour se rendre en Chine. Il va tenter de démanteler un gang de trafiquants d’opium dirigé par Rastapopoulos et Mitsuhirato. Il sera aidé par Tchang, un jeune chinois qu’il sauvera de la noyade. Tchang aide Tintin pendant que Tchang aide Hergé. La fiction et la réalité s’écrivent en parallèle. Accompagné par Li Xiaohan, professeur de chinois, Patrick Mérand propose de déceler les secrets du Lotus bleu.
L’auteur raconte pour débuter la genèse de l’album, son succès et les relations entre Hergé et Tchang Tchong-Jen venu perfectionner ses connaissances artistiques en Europe. Les aléas de la vie sépareront les jeunes hommes qui se reverront seulement en 1981, une quarantaine d’années après leur rencontre. Mérand resitue ensuite le contexte historique : Shanghai dans les années 30, le rôle de la Société des Nations (SDN), l’attentat sur la ligne de chemin de fer de Moukden en Mandchourie, dont Hergé s’inspirera, l’invasion japonaise en Chine, les concessions étrangères, les fumeries d’opium, qui donneront une des images les plus mythiques de la série, et les inondations du Yang-Tsé-Kiang.
Le cœur de l’ouvrage est consacré au décryptage de toutes les indications linguistiques qui parsèment l’album. Au fil des cases, les idéogrammes chinois écrits par Tchang sont explicités et traduits, des enseignes aux publicités, des affiches aux panneaux indicatifs. Des encarts explicitent coutumes ou contexte : les pousse-pousse, les toits sculptés, les dragons,… Le livre a eu le privilège de pouvoir bénéficier d’illustrations originelles de la bande dessinée. On peut ainsi comparer l’image de Tintin et Milou dans une rue de Shanghaï avec la photo qui a servi de modèle.
Le Lotus bleu n’aura maintenant plus de secret pour vous. Il ne reste plus qu’à se replonger dedans pour une approche plus immersive. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Le lotus bleu décrypté
Genre : Ouvrage d’étude
Auteurs : Patrick Mérand & Li Xiaohan
Éditeur : Sépia
ISBN : 9782842801533
Nombre de pages : 64
Prix : 16 €