La philosophie de la transmission du savoir
« -Le voilà ! C’est notre instituteur.
-Fortuné !
-On fait l’école chez qui, cette semaine ?
-Chez moi. Mon père, il a fait ronfler la cheminée toute la semaine.
-On a tous apporté nos bûches. »
Alpes du Sud, Col de la Rousse, Novembre 1833. Fortuné Chabert brave la neige pour arriver au hameau. Fortuné est colporteur en écriture, c’est-à-dire instituteur itinérant. L’hiver, les enfants ne travaillent pas dans les champs. Ils ont donc le temps d’apprendre. L’homme est accueilli à bras ouverts par une dizaine de gamins. Le curé, lui, est furieux qu’il apprenne le calcul à une fille. C’est inutile du moment qu’elle sait lire le catéchisme. Aujourd’hui, c’est la dernière fois que Fortuné vient au village. François Guizot, ministre de l’instruction publique vient de décréter qu’il faudrait un brevet pour être instituteur. Cette décision va l’amener à quitter l’Europe pour l’Amérique où il enseignera chez les Hopis en Arizona.
2018 en Afghanistan, deux personnes qui auraient pu ne jamais se croiser se rencontrent. Chassé par les talibans parce qu’il apportait le savoir, Sanjar devient auxiliaire de l’armée américaine. Envoyée en reportage dans ce pays, Arizona Florès est « placardisée » par son journal parce qu’elle milite contre les armes à feu et les violences scolaires aux Etats-Unis. Comme Fortuné, Sanjar doit abandonner sa mission d’enseignement. Arizona va être le trait d’union entre les deux époques, d’autant plus que Fortuné était l’un de ses aïeux.
L’université des chèvres est une expression qualifiant l’enseignement nomade. On y assiste tout d’abord en France dans une fin de XIXème siècle en pleine mutation, avec une école qui va se créer, pas encore laïque mais avec des objectifs républicains. Fortuné exportera son savoir et son savoir-faire dans une tribu indienne. L’avenir confirmera malheureusement qu’il ne réussira pas à leur permettre de conserver leur culture et leur identité. Cinq générations plus tard, son arrière-arrière-petite-fille mènera elle-aussi son combat, mais le sien est contre une Amérique autoritaire à la gâchette facile. Christian Lax confronte cette conception éducative avec celle des talibans en Afghanistan, chacune dans son genre, l’une n’ayant pas grand-chose à envier à l’autre. L’Amérique de Trump en prend pour son grade. Il n’y a pas de contrées plus sauvages que celles qui se croient civilisées.
Comme à son habitude, Lax écrit et dessine une chronique humaine. Il n’y a pas de héros dans ses histoires, si ce n’est ceux du quotidien. Ne sont-ce pas eux les plus valeureux ? L’université des chèvres est une ode à ce sacerdoce qu’est le métier d’enseignant, celui où il faut avoir tant de force car les montagnes sont lourdes à déplacer.
One shot : L’université des chèvres
Genre : Chronique à travers les ans
Scénario, Dessins & Couleurs : Christian Lax
Éditeur : Futuropolis
ISBN : 9782754829335
Nombre de pages : 152
Prix : 23 €