Les histoires les plus ignobles ne sont pas toujours des fictions
« -Assieds-toi, Iñaki. Tu as beaucoup de devoirs ? Tout se passe bien au collège ?
-Ben, je crois que oui…
-Gorka, ça suffit, maintenant ! Ou tu manges ton sandwich ou tu files au lit tout de suite, sans dessert, ni rien. Qu’est-ce que tu disais, mon grand ? Tout se passe bien au collège ?
-Oui, maman, tout va bien. »
« Oui, maman, tout va bien. » Quand, page 11 de cette histoire, un adolescent répond à sa mère que tout va bien au collège, la phrase fait autant de bruit que le signal d’arrêt d’urgence d’un TGV lancé pleine puissance. Si le jeune homme ne laisse rien transparaître, on ne cache rien à une maman. Elle se doute bien que quelque chose ne tourne pas rond. Iñaki est beaucoup plus grand que ses camarades de classes. Alors, ils l’appellent Théodule, parce que Théodule, plus il est grand, plus il est nul. Les petits disent même que s’il est si grand, c’est parce qu’il a mangé son petit frère. Alors qu’il joue au basket dans la cour de récréation, des élèves viennent méchamment lui voler le ballon avant de le lui rendre en pleine face. Il n’a pas de réflexe, ce « débile » !
Débile, une histoire de harcèlement scolaire, est construit comme ces films d’horreur dont la tension monte crescendo jusqu’à atteindre un paroxysme insoutenable. Horreur, oui, le harcèlement est bien une histoire d’horreur. Tout ça parce qu’il est plus de taille que la moyenne, Iñaki est la risée du collège. Si tout commence par des phrases des plus jeunes, soi-disant drôles, quand les plus grands vont s’attaquer au jeune homme, tout va prendre une autre dimension. L’un d’eux va jusqu’à lui faire manger ses excréments. Et quand la spirale du cauchemar tourne dans le mauvais sens, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Même la prof de maths, qui au départ prévient la maman qu’il y a quelques chamailleries mais que ce n’est « rien de grave », finit par se ranger du côté des moutons de Panurge. Ce n’est pas qu’elle se moque de lui, mais elle ne voit rien de ce qu’il se passe réellement. Elle lui reproche ses erreurs d’opérations et le réprimande pour ne pas avoir son éteint son téléphone, alors que c’était justement un harceleur qui profitait de l’instant pour l’accabler. Bref, cette accumulation de problèmes va pousser Iñaki à songer au suicide.
Si Débile une histoire de harcèlement scolaire est une histoire si forte, c’est certainement, et dramatiquement, parce qu’elle est basée sur des faits réels. Elle est basée sur le témoignage d’Iñaki Zubizarreta, ancien basketteur espagnol victime de harcèlement scolaire, qui a trouvé sa résilience dans le sport. S’il peut le raconter aujourd’hui, c’est que, heureusement, ça s’est bien terminé pour lui, parce qu’à un moment donné, il y a eu une prise de conscience salvatrice. Depuis quelques années, le sportif donne des conférences et fait des interventions en classe pour dénoncer cette engeance. Fernanco Llor et Miguel Porto ont adapté son récit dans cette BD parue en Espagne en 2020 et que les éditions Des ronds dans l’O ont eu la bienfaitrice idée de traduire en français.
Le harcèlement scolaire est un problème aujourd’hui pris à bras le corps par le Ministère de l’Education Nationale. Depuis trois ans, les enseignants sont sensibilisés et formés dans le programme pHARe, un plan global de prévention et de traitement des situations de harcèlement. Le but est de :
- Éduquer pour prévenir les phénomènes de harcèlement ;
- Former une communauté protectrice autour des élèves ;
- Intervenir efficacement sur les situations de harcèlement ;
- Associer les parents et les partenaires de l’école au déploiement du programme ;
- Mobiliser les instances de démocratie scolaire (CVC, CVL) et le comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement.
C’est beaucoup complexe qu’il n’y paraît. Il faut expliquer aux élèves, et à leurs parents, ce qu’est et ce que n’est pas une situation de harcèlement. On ne peut rien prendre à la légère. L’objectif sera réellement atteint lorsque tous les personnels éducatifs auront pu mettre en place de manière efficiente les protocoles permettant de sauver des destins… et des vies. Ce livre y contribue.
En démontrant aux lecteurs qu’un harcelé est une victime et non pas un coupable comme les bourreaux voudraient le laisser paraître, en démontrant que la vengeance n’est pas la réponse face à la bêtise et à la méchanceté, Débile une histoire de harcèlement scolaire est de ces livres d’utilité publique à intégrer dans tous les CDI de collèges et lycées. Si j’étais Ministre, j’en achèterais un pour chaque établissement scolaire.
One shot : Débile une histoire de harcèlement scolaire
Genre : Témoignage émotion
Scénario : Fernando Llor
Dessins & Couleurs : Miguel Porto
Éditeur : Des ronds dans l’O
ISBN : 9782374181547
Nombre de pages : 148
Prix : 23,90 €