Par le prisme animal
« -Je ne comprends pas pourquoi tu t’intéresses à ces humains. Ils nous tuent avec leur mode de vie.
-Je ne m’intéresse pas aux humains. En tant qu’espèce, ils me répugnent. C’est la vie des spécimens qui sont installés ici que je veux connaître, les connaître individuellement.
-Pourquoi ?
-Ce sont nos voisins, c’est important pour nous de les comprendre.
-Mais pourquoi ceux-ci ?
-Pourquoi pas ? Le monde commence au pied de mon nénuphar… Ces humains-là valent bien les autres. »
Les humains se plaisent à regarder les animaux. Il était temps que vienne le tour de ces derniers pour observer les hommes, de s’amuser à les voir se débattre dans leurs petites vies. C’est ainsi que, trônant sur un nénuphar, un crapaud charge chats, araignées, oiseaux et autres biches d’espionner la race des bipèdes, juste pour savoir ce qu’ils font. C’est à Dave Rivage, un village de la campagne belge, que les amours, les amitiés et les soucis de gens ordinaires jouent leurs partitions devant les yeux des bestioles.
Hugo est un lycéen dont le hobby est la photographie animale. Il initie sa camarade de classe Jill à sa passion. Ils ne sont pas indifférents l’un pour l’autre. Qui fera le premier pas et jusqu’où iront-ils ? Simon, le père de Hugo, est prof de français. En pleine correction d’examens, les copies lui donnent envie de vomir, pas comme Diane, la femme qu’il observe à sa fenêtre et qui a l’habitude de se baigner dans la rivière, en toute discrétion. Elle ne supporte pas les regards indiscrets et fait tout pour ne pas être vue. Elle habite à côté de chez Pierre, l’ancien amant de Nicole qui vient de temps en temps lui rendre visite. Pierre est en fauteuil roulant. Il a une maladie dégénérative, vit en solitaire avec un perroquet, joue de la guitare et passe l’essentiel de ses journées à sa fenêtre ouverte au rez-de-chaussée.
Vincent Zabus est un scénariste-poète. Après le sublime Mademoiselle Sophie et avant l’émouvant et sensible Les petits métiers méconnus, il livre ici une variation bucolique, analysant les sentiments humains avec une certaine rêverie. Lire un album signé Zabus, c’est la garantie d’être touché dans son âme. Au dessin, le stakhanoviste Nicoby s’accorde avec son camarade de jeu. Son trait jeté a beaucoup plus de profondeur qu’en apparence. Les culs-de-lampe des chapitres et quelques clichés de Hugo sont en couleurs crayonnées montrant une autre facette de son talent. Saluons les couleurs de Philippe Ory, simples et belles, qui vient de nous quitter.
Hugo/Jill, Simon/Diane, Pierre/Nicole, trois histoires de séductions s’entrecroisent sous les yeux des animaux… parce qu’ils partagent la même rive. Cela permettra-t-il aux uns comme aux autres de comprendre la vie ? Inexplicablement fascinant.
One shot : Nos rives partagées
Genre : Emotion
Scénario : Vincent Zabus
Dessins : Nicoby
Couleurs : Philippe Ory
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782205212099
Nombre de pages : 160
Prix : 22 €