La bonne aventure
« -Dis-moi ce que tu veux.
-Savoir le passé et l’avenir, ma digne mère. Rien que ça. Ce qui est aussi possible que de filer dix nœuds, le vent debout !
-Ta main !
-Sottises que tout cela ! Je ne crois qu’à la lame demon poignard, ou à l’amorce de mon pistolet… Et quand je dis à mon ennemi qu’il va mourir, le fer ou le plomb accomplissent mieux ma prédiction que toutes les…
-Silence ! »
Une nuit de Novembre, sombre et froide. Kernok le pirate ne croit pas à ces sorcelleries qui le faisaient frissonner dans son enfance. S’il vient se faire prédire la bonne aventure avant de prendre la mer, c’est sa compagne Mélie qui le lui a demandé. Pourtant, Kernok tremble déjà. La vieille lui prédit treize jours à vivre. Treize jours et son âme sera à Teus’s. Elle ne prévoit pas mieux pour sa compagne. Un rocher noir sera leur lit nuptial avec les lames de l’océan pour rideaux et les cris de corbeaux pour chant de noces. Ça ne va pas empêcher le pirate de prendre le large à bord de l’épervier, son fameux brick, attendu par son fidèle second maître Zéli. La chasse aux trois-mâts marchands peut débuter, à moins que l’on ne croise un vaisseau anglais.
Kernok est un pirate sanguinaire mais sensible. A l’apparence d’une tête brûlée, il n’en reste pas moins humain et a ses failles. Quand il rencontre la voyante, la terreur des mers redevient un petit garçon qui ne peut cacher la trouille qu’il a à l’annonce de la madame Irma. Kernok est amoureux, amoureux fou de Mélie. Et c’est réciproque. Elle aurait tout donné pour lui. Il l’aime avec passion, à en crever de jalousie jusqu’à l’extrême. Enfin, Kernok est fédérateur. Son équipage est cosmopolite. Il est constitué de matelots recueillis dans tous les coins du globe : français, russes, égyptiens, américains chinois,… Le chef d’équipage a réussi l’exploit de créer une unité entre eux. Ensemble, ils écument les mers. La prophétie fatidique se réalisera-t-elle ou bien la voyante n’est-elle qu’un charlatan ?
Frédéric Brrémaud adapte le roman d’Eugène Sue. Avec Kernok le pirate, l’auteur des mystères de Paris s’adressait à de plus jeunes lecteurs, pour un récit épique qui fait aujourd’hui figure de classique. Sue y mêle aventure, action, romance, mais aussi humour. Avec cette transposition très fidèle, avec de nombreux récitatifs laissant la narration à Eugène Sue lui-même, Brrémaud démontre comment, en 1830, le romancier feuilletoniste était aux avant-gardes d’un poly-genres intergénérationnel.
Alessandro Corbettini livre son premier album en lavis de gris. Le choix pourrait être discutable, tellement on aurait eu envie de découvrir certaines scènes en couleurs. C’est peut-être pour fondre la violence dans les combats. Corbettini a un avenir prometteur devant lui tant il explose de talent dans des scènes navales tout ce qu’il y a de plus complexe à représenter.
Bien que le scénario soit librement adapté du roman d’origine, Brrémaud et Corbettini rendent hommage avec fidélité à Eugène Sue, raconteur d’histoires, qui aurait certainement touché à la bande dessinée si elle avait existé à son époque.
One shot : Kernok le pirate
Genre : Piraterie
Scénario : Frédéric Brrémaud
D’après : Eugène Sue
Dessins & Niveaux de gris : Alessandro Corbettini
Éditeur : Glénat
Collection : Treize étrange
ISBN : 9782344057629
Nombre de pages : 96
Prix : 17,50 €