Engrenages sanglants
« -Bonjour, je suis…
-Je sais qui vous êtes; la police est passée ce matin pour payer d’avance une chambre pour la semaine.
-La police ? Pourquoi la police ?
-C’est un tueur, papa ? Hein, c’est un tueur ?
-Voyons, voyons ! Ce charmant monsieur me semble bien avenant pour être un meurtrier !
-La tromperie est dans le cœur de ceux qui méditent le mal ! »
1936, Cleveland, Ohio. Il croyait arriver dans un hôtel miteux, Ethan Hedgeway débarque plutôt à la cour des miracles. Une gueule cassée à l’accueil, un pasteur, une beauté unijambiste, un père et son fils, c’est original comme comité d’accueil au Maimed King. Si Ethan débarque là, c’est parce que la police l’y a mis au vert pour une semaine. Il a balancé le parrain de la pègre Frank Milano qui a commencé à se venger sur sa femme en la démembrant. Aujourd’hui, la police espère bien qu’en pistant Hedgeway ils feront sortir le mafieux de sa tanière de Veracruz. Pendant ce temps, un tueur en série sème la terreur dans le quartier pauvre de Kingsbury Run. De quoi raviver la fibre meurtrière d’Ethan. Mais y a-t-il de la place pour deux ?
Avant d’être un polar, Quelque chose de froid est une histoire d’ambiance. Ça commence comme finit Seven. Ça finit comme… Non, ça on ne le dira pas. L’époque n’est pas la même. Nous sommes dans l’Amérique des années 30, celle de la mafia et de la prohibition, celle du silence et du sang. Philippe Pelaez invoque Dashiell Hammett et Raymond Chandler, non seulement sur le fond mais aussi dans la forme. Le scénariste adopte une narration extrêmement écrite, où chaque mot est pensé, dévoilant ainsi des talents littéraires qu’on ne lui connaissait pas. Philippe Pelaez rend hommage au cinéma du même genre, du Faucon maltais au Grand sommeil, de Laura aux Passagers de la nuit. Dans la postface, il revient sur la genèse de Trois touches de noir, conçue comme une trilogie hommage.
Hugues Labiano ne dessine pas le polar. Mieux, il l’ambiance. Entre les ombres, les sentiments passent par les yeux. Les clairs-obscurs jouent les faux-fuyants. Les visages sont marqués, les regards sont empreints de la douleur du poids des passés de chacun des personnages. Au milieu de tout ça, telle Gene Tierney ou Lauren Bacall, Victoria Jordan ne se contente pas d’être la caution féminine, jouant un véritable rôle pivot par rapport à l’ambivalence de caractère d’Ethan. Labiano la pose tout en délicatesse dans ce monde de brute qui ne lui fait même pas peur. Jérôme Maffre ne colorise pas l’album. Il accentue son ton, en niveaux de gris et quelques touches de rouge, si rares et si violentes.
Avec Trois touches de noir, Philippe Pelaez et Hugues Labiano signent le plus bel hommage qui puisse être fait au polar noir américain.
Série : Trois touches de noir
Tome : 1 – Quelque chose de froid
Genre : Polar
Scénario : Philippe Pelaez
Dessins : Hugues Labiano
Couleurs : Jérôme Maffre
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344038109
Nombre de pages : 64
Prix : 15,50 €