Le photographe, l’indien et la négresse
« -C’était notre dernière piste.
-Non, Dull ! Tu peux encore te souvenir.
-Non ! Je n’y arrive pas ! Je ne vois que ses yeux et ses sourcils brûlés, tu comprends ? »
Colorado, 1877. Dull est un jeune indien qui a été recueilli par Oscar, un photographe. Il est portraitiste et dessine des images de suspects selon les indications qu’on lui donne. En quelques jours, ils préparent des affiches Wanted qui sont placardées dans les villes. En quelques traits, Dull est capable de reproduire le visage de n’importe quel malfrat. Mais il souhaiterait en dessiner un dont il ne se rappelle que des yeux, celui qui, quelques années plus tôt, avec un groupe d’hommes armés, a massacré sa tribu. De surcroît, grâce à quelques incantations cheyennes, les portraits de Dull s’animent pour indiquer la direction dans laquelle se trouvent les personnes recherchées. C’est pour cela qu’il voudrait réussir à rassembler ses souvenirs d’enfant, pour venger les siens. La route de Dull et Oscar va croiser celle de Rose, chasseuse de primes noire, à la recherche de son frère.
On pourrait s’étonner de voir Wanted édité dans la collection Drakoo. C’est tout simplement à cause de son petit côté fantastique. Mais que les réfractaires au genre ne soient pas rebutés. Il est si léger qu’il peut passer pour un côté chamanique, ce qui est d’ailleurs le cas. Wanted est avant tout et tout simplement un western, genre si efficace en bande dessinée. Celui-ci ne déroge pas à la règle. David Boriau signe une histoire de vengeance impitoyable, faisant fi des gentils qui ne font que blesser des bandits avant de les conduire au bagne. Ici, pas de sentiment, d’un côté, comme de l’autre. Les esprits de Quentin Tarantino et de Sergio Leone planent sur ce récit violent et décalé. Chacun des trois personnages principaux possède ses caractéristiques propres dans lesquelles Boriau a rebattu les cartes. Ici, le stéréotype blanc est incarné par Oscar qui tient presque un rôle de faire-valoir. Ce n’est pas lui qui dirige et influence l’action, mais son rôle d’acolyte reste primordial. Dull, le cheyenne, et Silent Rose, femme noire à la gâchette silencieuse anachronique, sont les véritables maîtres du jeu, ou du moins tentent de le devenir.
C’est Steven Dhondt qui a demandé à son ami scénariste un western aéré aux accents de manga. De l’espace, de l’action et du rythme. Grâce à son trait semi-réaliste, l’ultra-violence de certaines scènes prend un côté, non pas comique, mais forcément plus léger. On revient là encore à Tarantino qui sait si bien faire ça au cinéma. Contrairement à la couverture qui ne le laisse pas penser, Dhondt est dans la mouvance Loisel-Alary-Mallié. Ici, son trait aurait gagné à être imprimé dans un format légèrement plus petit, taille Comics à l’américaine car certaines scènes d’ensemble, si grandes, manquent de finesse dans les détails. Les gros plans sont quant à eux on ne peut plus expressifs. On gagne d’un côté ce que l’on a un petit peu perdu de l’autre. L’ensemble reste solide.
Avec son angle inédit et sa narration originale, Wanted – Portrait de sang est un one shot pop-corn avec toute la noblesse du genre. Espérons que ceci ne soit que les bases de ce qui ne demande qu’à devenir une série.
One shot : Wanted – Portrait de sang
Genre : Western
Scénario : David Boriau
Dessins & Couleurs : Steven Dhondt
Éditeur : Bamboo
Collection : Drakoo
ISBN : 9782382331385
Nombre de pages : 104
Prix : 18,90 €