« N’empêche… C’est beau la mer »
« -C’est quoi ? L’esprit frappeur ?
-La nuit tombe très tôt. C’est l’allumeur de lampes.
-Alors continue ! Eclaire ma lanterne. »
1885. Libérée de l’emprise de son souteneur, Klervi est emmenée en Bretagne par Zabo. Le long voyage en train est l’occasion pour Zabo de lui raconter l’horreur de la Commune où elle perdit mari, puis enfant en pleine Semaine sanglante, puis son emprisonnement pour avoir caché un Communard blessé qui la conduisit à la déportation en Nouvelle-Calédonie en 1873 dont on apprendra comment elle en sortira. Pendant cette histoire dans l’histoire, le train les mènera à Nantes. Y trouveront-elles enfin une vie de sérénité ?
Après quarante-trois ans, l’épopée des Passagers s’est close en novembre dernier. Trois cycles, neuf albums, près de six cent planches. C’est une page de l’histoire de la bande dessinée qui se tourne avec la fin de cette série majeure. Bien sûr, le premier cycle reste et restera mythique à tout jamais. Et ce pour plusieurs raisons : un scénario impeccable en cinq volumes, une des premières sagas dites « adulte » de la bande dessinée, un sujet historique et polémique sur la traite négrière, des scènes chocs, violentes, sans concession, un dessin maritime somptueux et lyrique. On y suivait l’histoire d’Isa, sous Louis XVI, qui embarqua déguisée en homme sur un vaisseau de la Royale. Ce n’est que vingt-cinq ans plus tard que Bourgeon ajouta le diptyque de La petite fille Bois-Caïman et présente Zabo, orpheline et arrière-petite-fille d’Isa, en pleine guerre de Sécession, découvrant l’histoire de sa famille. On la retrouvera à Paris en 1885 pour le diptyque du Sang des cerises qui apporte un point final.
Si la première moitié de ce dernier album est assez verbeuse et urbanisée, marquée en particulier par la scène cauchemardesque de l’exécution du fils de Zabo, c’est en tournant la page 51 que la magie Bourgeon va opérer. C’est le cap pour le bagne, départ pour Nouméa à bord d’une goélette toutes voiles au vent. « Deux cents hommes d’équipages et autant de déportés… On se croirait rendu au temps des négriers ! ». L’auteur annonce ainsi que la boucle va se boucler. Parmi les passagers, il y a une certaine Louise Michel. A bord du Virginie, on voguera de l’Ïle d’Aix à Santa Catarina au Brésil, puis nous prendrons laa direction du Cap de Bonne-Espérance pour contourner l’Australie et atteindre la Nouvelle-Calédonie. 120 jours de mer sont l’occasion pour le dessinateur de laisser éclater son trait sur une mer d’huile ou en pleine tempête. On aura même droit à un cyclone sur l’île.
De la même façon que Zabo monte en haut d’un phare breton et aperçoit la pointe de Penmarc’h 111 ans après Isa, ce n’est pas sans émotion que l’on referme ce livre, surtout quand on a été envoûté dans les années 80 par le premier cycle.
Série : Les passagers du vent
Tome : 9 – Le sang des cerises – Livre 2 – Rue des martyrs
Genre : Aventure historique
Scénario, Dessins & Couleurs : François Bourgeon
Éditeur : Delcourt
ISBN : 9782413030621
Nombre de pages : 128
Prix : 23,95 €