Monument girl
« -Messieurs, voici le père Draganovic qui a signalé l’existence des œuvres dont nous préparons le sauvetage d’ici quelques jours…
-Enchanté, messieurs.
-D’ici quelques jours ?
-Hier, à Francfort, le père Draganovic nous a convaincus de couvrir, par une action de police, la récupération de ces objets en zone russe. »
Berlin, Noël 1946, venue de Paris, Clarisse d’Arcier est accueillie par le sergent Norman Bold. Elle vient retrouver son père, mais surtout le sergent Jay Johnson, qui ne semble pas ravi de retrouver son amoureuse. Pourquoi donc ce casseur de cœurs de porcelaine ne l’aime-t-il plus ? Bref, l’affaire semble réglée. On ne se dit rien, mais tout est dit. Surgit des décombres de la ville détruite, un jeune homme avance hagard vers les soldats. Bold lui propose à manger mais le gamin semble plutôt intéressé par un harmonica. Le militaire le lui tend. Il s’en empare et se met à jouer, à merveilleusement jouer. C’est le premier contact de Clarisse avec le génie musical de V. La musique de Bach se répand dans l’univers avec que l’impromptu ne s’en aille avec l’instrument.

Le lendemain matin, Clarisse retrouve son père dans son bureau. Celui-ci vient de présenter le père Draganovic à Bold et Johnson. L’homme d’Eglise a signalé l’existence d’œuvres d’art à sauver. Il faut les exfiltrer sans alerter les russes, sous prétexte des trafics qui s’y tiennent. C’est la mission qui attend la troupe. Clarisse, elle, semble plutôt motivée pour retrouver le joueur d’harmonica. C’est dans la soirée, après être sortis d’un club de jazz, que Clarisse et Norman vont retomber sur V., faisant la manche dans la rue avec l’instrument. Personne ne semble savoir d’où il vient. Tout le monde l’appelle Vi, V. like victory. Et le voilà encore une fois reparti comme il est venu. Sur les ruines fumantes de la capitale exsangue, amours et amitiés se jouent et se déjouent jusqu’à ce qu’un assaut dans un train ne vienne bouleverser le destin. La suite, c’est douze ans plus tard, à Los Angeles. Les souvenirs vont ressurgir et les stigmates de l’après-guerre recommencer à saigner.

Moonlight Express est tout autant une histoire de guerre qu’une histoire d’amour. Fresque historique se déroulant sur plusieurs années, on y suit des destins brisés, non pas par la guerre, mais par ses conséquences. Comme à son habitude, Thierry Smolderen n’écrit pas un scénario linéaire, ses personnages sont tout sauf formatés. Il n’y a pas de héros dans les récits de Smolderen, il y a tout simplement des humains. Il faut parfois s’accrocher pour comprendre les agissements de chacun, mais lorsque les fils se dénouent, tout est justifié. Il y est question d’art aussi pour ces Monuments Men pour qui les affaires sont toujours en cours tant qu’elles ne sont pas clôturées.
Dans son style graphique « flat » design, inspiré du Bahaus d’une après-guerre moderne, Alexandre Clérisse fait une fois de plus des merveilles avec des séquences incroyables comme au club de jazz, après l’attentat ou bien au parc d’attraction.

Moonlight Express est un polar noir aux couleurs parfois chatoyantes. C’est paradoxal mais ça fait aussi partie du propos. Il en ressort également un côté âge d’or hollywoodien. Est-ce parce que les héros sont américains ? En blonde, Audrey Hepburn aurait en tous cas été impeccable dans le rôle de Clarisse.
One shot : Moonlight Express
Genre : Espionnage
Scénario : Thierry Smolderen
Dessins & Couleurs : Alexandre Clérisse
Éditeur : Seuil
ISBN : 9782021551204
Nombre de pages : 160
Prix : 25 €