Une traversée du siècle
« -Est-ce que vous vous souvenez de où on en était ?
-Oui ! Juliette avait découvert que son fiancé Raymond ne voulait se marier avec elle que pour voler la compagnie maritime de son père et la vendre aux nazis.
-Même que ces méchants avaient tué son papa en poussant sa voiture dans l’eau !
-Moi j’ai bien aimé la fin, quand Juliette donne une grande gifle à ce Raymond et puis qu’elle découvre le journal de Spirou. Comme ça, elle n’oubliera jamais Ptirou !
-Merci pour votre mémoire, les enfants ! Maintenant, vous allez voir que, à travers les horreurs de la guerre, Juliette va révéler plus extraordinaire que jamais ! »
En ce premier dimanche de juillet 1960, l’Oncle Paul arrive dans la banlieue de Charleroi. Les enfants de la famille Destrée l’accueillent et l’emmènent rejoindre Mamie au jardin. L’apéritif les attend. Ils vont reprendre l’histoire de Juliette là où ils l’ont laissée. Comme l’annonce le tonton, à travers les horreurs de la guerre, le destin de Juliette va se révéler plus extraordinaire que jamais. Dans le Paris occupé des années 40, la maison de Juliette de Sainteloi est réquisitionnée par les nazis pour y loger des officiers. Comme tout français, elle n’a pas son avis à donner. Comme certains français, elle ne compte pas rester sans agir. Alors que l’ordre a été donné d’arrêter tous les juifs non français de Paris et de les rassembler au Vélodrome d’Hiver avant d’être envoyés dans des camps de prisonniers à l’Est, Juliette essaye en vain de protéger la famille de Léa Vollak, sa meilleure amie. Elle compte user de sa fonction de reporter pour se rendre au Vél’ d’Hiv’. Elle finira la soirée 93, rue Lauriston, pour y être interrogé au siège de la Gestapo. Mais comment tout cela va-t-il se terminer ?
Les années de guerre ne concernent que le premier quart de cette troisième partie de la saga de Mademoiselle J. On retrouvera Ptirou dans ce troisième opus, enfin son esprit, quand Juliette lit Spirou, venu de Belgique, reparaissant enfin après la guerre. Elle y remarque que le personnage est dessiné par Jijé, et non plus par Rob-Vel. Va-t-il bien ? Et la famille Vollak ? C’est le déclic pour Juliette de prendre son destin en main. Ptirou le lui souffle. Elle va redevenir journaliste pour dire au monde tout ce qu’il s’est passé pendant la guerre. Son contact avec Bertrand Malepeigne va lui permettre de rentrer en contact avec ceux qui ont fait la Résistance.
Yves Sente et Laurent Verron poursuivent la destinée de ce personnage qui s’est imposé à eux dans le one shot « Il s’appelait Ptirou » et qui deviendra le premier tome de la série Mademoiselle J. Comme quoi, il arrive que des êtres de papier décident à la place de leurs créateurs. Passer après Emile Bravo dans la période de guerre et dans le journal de Spirou, ce n’est pas facile. L’espoir malgré tout est rentré si en détail dans la vie pendant le conflit qu’on a l’impression que le sujet, tout du moins dans sa première partie, est ici survolé. A contrario, s’y attarder plus aurait fait l’effet de redites, même si l’on n’est pas ici dans une aventure de Spirou à proprement parler. Peut-être aurait-il mieux fallu sauter les années de guerre pour retrouver Juliette en 1945 ? Bien compliqué de faire un choix judicieux. De toutes manières, par devoir de mémoire, on ne parle jamais assez de la guerre. Toujours est-il qu’à partir du moment où elle devient reporter, grand reporter même, au Figaro pour ne pas le citer, l’aventure s’émancipe de ce que l’on avait pu lire jusqu’alors pour acquérir son indépendance quant à l’angle scénaristique choisi. On va partir à l’Est, au fin fond des forêts sibériennes. Au dessin, Laurent Verrron est de plus en plus dans la finesse, avec des décors et des lieux documentés. Isabelle Rabarot joue sur le contre-pied, en laissant en noir et blanc, couvertures d’illustrés exclues, les scènes contemporaines des années 60 avec l’Oncle Paul, gardant la couleur pour la vie de l’héroïne.
Mademoiselle J. est une série utilisant la petite histoire pour raconter la grande ou utilisant la grande pour raconter la petite, suivant le point de vue que l’on adopte pour l’observer et la lire. Cela fait la force de son squelette.
Série : Mademoiselle J.
Tome : 3 – 1945. Jusqu’au bout du monde
Genre : Aventure historique
Scénario : Yves Sente
Dessins : Laurent Verron
Couleurs : Isabelle Rabarot
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034757404
Nombre de pages : 64
Prix : 16,95 €