Loisel en roue libre
« -T’as prévu quoi pour ce long week-end du 14 juillet ?
-C’est l’anniversaire de mon paternel, je vais en profiter pour me reposer et oublier le sexe opposé. »
Pierrot, le facteur du village, est irrésistiblement beau. Enfin, c’est la façon dont il se voit. Il ne comprend pas pourquoi elles ne tombent pas toutes sous son charme. En réalité, on ne peut pas dire que ce soit un Appolon. Pour le long week-end du 14 juillet, il a prévu d’aller fêter l’anniversaire de son père dans la maison familiale, le manoir des de Cormolan, la dernière maison juste avant la forêt. Dans le tramway qui l’amène à destination, il rencontre une femme, Mademoiselle Mimi, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Lola, le mannequin en vitrine du magasin de lingerie sur lequel il fantasme. Il ne sait pas encore qu’elle se rend au même endroit que lui. Il le découvrira sur place après avoir fait une halte pour acheter un gâteau à offrir à son père.

La somptueuse baraque se trouve au milieu d’un grand parc fermé par un portail de fer. Ce n’est pas une maison comme les autres, enfin, ce sont surtout ses habitants qui ne sont pas comme les autres. Un groupe de gnomes vit dans les jardins. L’une d’elle, maladivement jalouse, est amoureuse de Pierrot. Ensorcelé par la mère, le père est un colonel à la retraite transformé en buste de pierre trônant dans le hall d’entrée. Gildas Paterne est un grand serviteur noir ramené des colonies. Pierrot adore prendre des bains dans la baignoire occupée par Coin-Coin, un canard gonflable avec lequel il disserte. Ajoutons à cela que le colonel pense que son fils est un avocat réputé du barreau, qu’une serre renferme des plantes carnivores qui sont utiles en cas de visiteurs gênants, que Mimi a été convoquée pour servir de cadeau à Papa et que Maman est une obsédée sexuelle à la magie un brin caractérielle, et bienvenue dans la dernière maison juste avant la forêt.

C’est le grand retour de Régis Loisel au dessin. Co-scénarisée par Jean-Blaise Djian qui en a eu l’idée originale, la trame est celle d’une pièce de boulevard totalement foutraque à mi-chemin entre La petite boutique des horreurs et Le dîner de cons. L’album inclassable laissera plus d’un lecteur perplexe. Sur le fond, on ne peut pas dire que ce soit raté, mais c’est déconcertant. C’est bizarre, parce que si ça avait été un épisode de Dans les villages de Cabannes, ça serait plus facilement passé. Sur la forme, la couverture, même si elle laisse toute la place au mystère, manque de finesse, et le choix des planches à trois bandes n’est pas justifié. De nombreuses images semblent trop grandes. On est dans de l’exigence, parce qu’on sait que de Loisel, on aurait pu s’y attendre. Les divers dessinateurs repreneurs de la quête savent de quoi on parle.

La dernière maison juste avant la forêt est un album qui se laisse lire et dont la principale réussite est que l’on ressent l’amusement qu’ont pris les auteurs à le réaliser. C’est la récréation que s’offre Régis Loisel avant de se lancer dans l’ultime tome de La quête de l’oiseau du temps.
One shot : La dernière maison juste avant la forêt
Genre : Fantaisie
Scénario : Jean-Blaise Djian & Régis Loisel
Dessins : Régis Loisel
Couleurs : Bruno Tatti
Éditeur : Rue de Sèvres
ISBN : 9782810201532
Nombre de pages : 168
Prix : 35 €



