Voyage au bout de la connerie
« -Encore un canal ! Ils les ont gratuits ou quoi ?! On abandonne cette valise, ma choupinette, Pff ! Pff ! Elle nous retarde !
-Jamais ! Je préfère encore me couper un sein ! Pour rappel, lapin, dans cette valise, il y a le gorgonzola que j’ai acheté pour remercier la voisine d’avoir nourri nos perruches et fouiné partout dans la maison. »
Un couple de touristes n’est pas franchement ravi de son séjour à Venise : des canaux partout, du mal à se repérer sur « gougle maps». La connexion satellite semble déconner. L’agence de voyage ne perd rien pour attendre ! Il leur tarde de retrouver le bateau de croisière qui les a déposés pour l’escale. Malheureusement pour eux, ils vont se retrouver au beau milieu d’une manifestation anti-touriste organisée par des vénitiens excédés de voir leur belle cité des doges envahie par trente millions de touristes chaque année. Ceci est la première des histoires de ce recueil signé Zidrou et Maltaite qui nous fait faire le tour du monde, non pas pour visiter le globe, mais pour se moquer avec plus d’acidité que de tendresse, du tourisme de masse.

Même les animaux locaux sont désabusés face au ridicule des détenteurs de perches à selfies. C’est le cas de ces deux lamas, dans les hauteurs du Machu Picchu, posant aux côtés de trépanés du cervelet pour des photos qu’ils publieront sur Crétinstagram. Qu’ils se rassurent, leurs potes dromadaires côtoient les mêmes énergumènes en Egypte.
Quelle déception pour ce groupe de filles débarquant dans la station de Val d’Hiver. Monsieur Fusk a privatisé tout le domaine pour son bon plaisir et celui de sa onzième épouse. Quelle déception pour ces migrants débarquant sur un boat people devant un par terre de touristes les attendant pour les prendre en photo : ils ne seront pas chaleureusement accueillis parce que ces derniers doivent se dépêcher de repartir pour arriver avant la nuit sur le site de l’incendie qui ravage un parc naturel voisin.

Un safari-photo, une visite de camp de concentration, Bruxelles, New-York, Barcelone, une île paradisiaque, les auteurs ne lésinent pas sur les frais de voyage. Zidrou dénonce le pathétisme des voyages low cost, le ridicule des city trips et l’égocentrisme des réseaux sociaux. Dans les plus belles villes, les locaux ont du fuir le centre pour laisser place aux touristes avec leurs portables et leurs tee-shirts niais. Zidrou n’invente rien. Il lui suffit de grossir à peine un poil le trait pour faire rire. Même le tourisme de catastrophe existe, et ça, ça ferait plutôt pleurer.
Le réalisme souple d’Eric Maltaite apporte le côté décalé nécessaire à ce genre de comédie dramatique. Le dessinateur rajoute des détails dans tous les coins faisant de cet album d’humour, chose rare, un album qui se relie. Il y a de quoi voir dans tous les coins de cases et l’on peut s’amuser à retrouver en arrière-plans certains touristes d’histoire en histoire. De la bimbo qui n’a plus grand-chose de naturel au couple gay en passant par les mangeurs de glace, tous sont là au rendez-vous.
Hosmane Benahmed a terminé avec respect les couleurs de l’album, commencées par Philippe Ory, occasion de rendre hommage à ce talentueux coloriste décédé pendant la réalisation du livre.

Le titre et la couverture ne sont peut-être pas des plus vendeurs, mais Fuck ze tourists est bel et bien un album d’ « Umour et Dérision » dans la grande tradition fluide glacialesque qui invite, qui plus est, à se retourner sur nos propres comportements en voyage.
One shot : Fuck ze tourists
Genre : Humour
Scénario : Zidrou
Dessins : Eric Maltaite
Couleurs : Philippe Ory & Hosmane Benahmed
Éditeur : Fluide glacial
ISBN : 9791038207295
Nombre de pages : 56
Prix : 15,90 €