Barbie in Dark Musical Kentucky
« -Barbie, je te présente Evy, ma petite sœur, et Zach, le frangin…
-‘lut !
-…Eddie, mon autre frangin, et Dad…
-Hé, Bram !! Cachottier !! Tu nous avais pas dit que t’avais épousé une beauté !! Bienvenue ! Bienvenue ! »
En attendant que sa belle-sœur arrive à la gare où il est allé la chercher, Hank, un jeune homme, gratte sur sa guitare. Quand Mary-Barbara, alias Barbie, débarque, il n’en croit pas ses yeux. “Putain, la nénette !” Son frère Bram s’est marié avec elle, mais c’est la première fois qu’il la voit. Attirée par la guitare, elle lui demande ce qu’il joue. Un peu de tout : Jimmie Rodgers, Hank Williams, du rock’n roll,… Il lui demande si elle connaît Elvis Presley. Elle adore. Fats Domino et Bill Haley aussi. Côté cinéma, elle a vu La fureur de vivre avec James Dean. Hank, pas encore. Il n’y a pas de cinoche dans le coin. Faut aller à Hazard. On n’est pas à Memphis. Ici, c’est le trou du cul du monde. Si Hank s’interroge sur le fait que Barbie soit venue se paumer chez eux, elle rétorque que c’est parce que c’est encore pire d’où elle vient. Trois ans dans une institution congréganiste pour filles paumées. La seule solution pour s’en sortir, c’était de se marier.

Bram et Hank vivent avec leur père, leurs deux autres frères Zach et Eddie, et leur petite sœur Evy, dans une maison isolée, à quelques pas de la casse paternelle. Leur mère est partie il y a quelques temps déjà. Le repas du soir est l’occasion pour Barbie, sous le bras protecteur de son époux, de découvrir les travers de chacun. Dad balance des blagues salaces. Eddie la dévisage de son regard ténébreux. Zach fait exprès de laisser tomber son bout de pain sous la table pour zyeuter sous ses jupons. Hank, lui, il rêve de se tirer de ce zoo familial. Le repas va être interrompu par une descente de flics. Ils recherchent Eddie, qui a juste eu le temps de partir se planquer. Il est soupçonné de meurtre. Entre non-dits et secrets, Barbie vient d’arriver dans une famille de l’Amérique profonde qui a bien des choses à cacher.

Après les deux triptyques futuristes Ter et Terre, le duo Rodolphe-Dubois se tourne vers le passé pour une immersion dans l’Amérique des années 60, dans le Kentucky. « Le clair de lune est plus doux au Kentucky ; les jours d’été sont plus riches au Kentucky ; L’amitié y est plus vivace ; Les flammes de l’amour plus tenaces ; Mais le mal est toujours pire au Kentucky. » Ces vers de James H.Mulligan synthétisent à merveille le propos de cet album. La nuit est là, violente et dansante. Les jours sont intrigants et l’amour change de camp. Le mal est sous-jacent, plus profond qu’en apparence. La violence est moins explicite, plus pernicieuse. Rodolphe offre une photographie d’un lieu, d’une époque, en écrivant cette histoire qui ne pouvait se passer que là et qu’en ce temps-là. Christophe Dubois ne dessine pas mais met en musique cette chronique que l’on suit à travers les yeux de Barbie, spectatrice fortuite de la déchéance d’une famille de paumés. Une playlist est proposée grâce à un QR code pour prolonger l’atmosphère de l’album.

Avec Rockabilly, Rodolphe et Dubois prouvent une fois de plus, si c’était encore nécessaire, qu’ils sont un duo d’auteurs, à la manière de Mézières et Christin, qui, quoi qu’ils fassent ensemble, signent des albums solides. Cette immersion américaine est leur coup de maître.
One shot : Rockabilly
Genre : Thriller
Scénario : Rodolphe
Dessins & Couleurs : Christophe Dubois
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741943
Nombre de pages : 104
Prix : 19,50 €