Vol au-dessus d’un nid…
« L’histoire racontée dans l’album Les bijoux de la Castafiore se déroule principalement au château de Moulinsart, contrairement aux aventures exotiques habituelles de Tintin, ce qui permet de mettre en scène toutes les figures emblématiques, qui composent et donnent vie au monde créé par Hergé, en un seul et même lieu. Ce huis clos a suscité la surprise, puis la polémique, et enfin la fascination chez de nombreux lecteurs et commentateurs de l’œuvre de Hergé. »
Autant discourir autour du Mal-aimé Vol 714 était original, autant s’attaquer aux bijoux était périlleux tellement l’ouvrage a été analysé en long en large et en travers. L’auteur le revendique en préambule : pour pouvoir proposer un point de vue inédit sur un album aussi mythique que celui des Bijoux de la Castafiore, il est préférable d’avoir des choses à dire… Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on va être servis. Si l’album est avant fascinant, c’est tout d’abord parce que c’est un huis clos, avec un grand parc mais un huis clos quand même. On quitte les aventures internationales et interstellaires pour ne pas quitter l’enceinte d’une propriété. Certains l’ont considéré comme un anti-récit où les relations entre personnages sont la problématique. Ce n’est pas l’avis de Jean Dubois et ses co-auteurs. Pour eux, il est question de quête inutile du pardon quand on n’a pas identifié ses bourreaux. Avec Les bijoux, Hergé montre qu’il a grandi et fait la paix avec ses démons qu’il ridiculise. Tout cela va nous être démontré ici.

Jean Dubois reprend tout ce qui a déjà été dit par les exégètes les plus émérites sur l’album des bijoux, de Benoît Peeters à Jean-Marie Apostolidès en passant par les philosophes Raphaël Enthoven et Michel Serres. Il en fait une synthèse avant de passer à « autre chose ». C’est chez Michel Serres que Dubois découvre une phrase, une intuition déposée : « Oui, la monadologie contemporaine, c’est Les bijoux de la Castafiore. » Cette théorie leibnizienne affirme que l’Univers est composé d’une substance indivisible qui constitue l’élément dernier des choses. Quel est cet élément dans l’histoire ? Serres ne développe pas plus. Dubois va le faire pour nous, avec arguments, montrant à qui en douterait encore du génie d’Hergé. Ce chapitre est incontestablement le climax de l’essai.

Deuxième tome de la trilogie analytique En finir avec Tintin ?, La véritable valeur des bijoux s’attarde évidemment sur l’album mythique mais pas que. Il va être question d’oiseaux, de marbrier et de docteur, bien sûr, mais comme dans le premier volume La véritable destination du vol 714, l’album est prétexte à disgressions sur non seulement les autres aventures de Tintin, mais aussi sur la vie privée de son créateur. Il va être question de la gémellité du père et de l’oncle d’Hergé, d’enfance, d’amour et d’amitié. Sans la nier, Dubois met à juste titre en doute la théorie selon laquelle Hergé aurait subi des maltraitances infantiles à caractère sexuel. L’un des indices est son amitié de vingt ans avec l’immonde écrivain Gabriel Matzneff, pédophile revendiqué, ce qui ne choquait personne dans les années 70, paradoxe avec les valeurs recensées dans l’œuvre d’Hergé. Pourtant, des indices laissent croire qu’Hergé a subi des cicatrices dans l’enfance sans en connaître réellement le responsable.

La véritable valeur des bijoux invite à une relecture éclairée. Ce qui est fort dans l’analyse de Dubois c’est que jamais il n’accuse, il constate, jamais il n’affirme, il démontre. En montrant un écho entre Les bijoux et L’Alph’Art, il boucle une analyse de haute volée. Pour qu’elle soit complète sur le dernier arc des aventures de Tintin, nous n’avons plus qu’à attendre la parution très prochaine de La véritable révolution des Picaros.
Titre : La véritable valeur des bijoux
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Jean Dubois
Éditeur : 7sans14
ISBN : 97983319254788
Nombre de pages : 180
Prix : 14,90 €
© Dubois – 7 sans 14