Les confidences du secrétaire particulier de Georges Remi
« En janvier 1960, donc, à quelques jours de mon neuvième anniversaire, ma mère me fait la surprise d’une rencontre dont peu d’enfants de mon âge auront le privilège. Nous habitons rue Souveraine, un coin tranquille d’Ixelles, à quelques dizaines de minutes du centre de la capitale belge. Pas loin de chez nous, au 162 de l’avenue Louise, Georges Remi a installé, au début des années 1950, les fameux « Studios Hergé », un véritable atelier d’artistes, chargé de l’épauler dans la création des albums, en particulier pour les décors, les couleurs et le dessin, des nombreux véhicules, qui parsèment les aventures de Tintin : voitures, motos, bateaux et autres engins en tous genres. » (Alain Baran)
Janvier 1978, Alain Baran devient secrétaire particulier de Hergé. Pendant cinq ans, il va être tout aussi proche de Hergé l’auteur, que de Georges Remi l’homme, qu’il connaît depuis l’enfance. Les liens fusionnels qui les lient sont si fort que certains pensaient qu’un lien de parenté les unissait. Qu’en est-il en réalité ? Ce livre nous l’apprendra-t-il ? Qui sait ? L’auteur joue à semer le doute. Baran est né en 1951. Hergé a rencontré sa mère en 1939. Passionnée par la Chine et toute la culture qui s’y réfère, elle a voulu rencontrer le dessinateur qui a publié Le lotus bleu, une bande dessinée dont la justesse doit tout à Tchang, un étudiant chinois de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Avant de partir pour la Chine, Hergé lui fait promettre de lui donner ses impressions sur le pays. Une relation amicale va s’installer entre eux. C’est comme ça que, à quelques jours de ses 9 ans, en 1960, le petit Alain rencontre pour la première fois Hergé. En visitant les studios, il ne se doute pas qu’il y aura son bureau quelques années plus tard.
Avant cela, Alain Baran sera danseur dans la troupe de Maurice Béjart. C’est d’ailleurs lors d’un dîner organisé par sa mère que le chorégraphe et le dessinateur se rencontreront. Le drame de la disparition de son père biologique vient ternir la carrière grandissante d’Alain dans les ballets. A vingt-six ans, il apprend qu’Hergé cherche un secrétaire, celui qui l’avait étant malade et remplacé par sa femme qui ne faisait pas l’affaire. Après les explications sur les tenants et aboutissants de la tâche, sans lui promettre un avenir mirobolant, Hergé embauche le jeune homme pour un salaire deux fois plus élevé que celui qu’il touchait chez Béjart. L’aventure va commencer le 3 janvier 1978, avenue Louise.
Le métier n’est pas facile. Tel Gaston, Alain se laisse rapidement déborder par le courrier en retard. Il manquera même d’être débarqué. En 1979, ce sont les cinquante ans de Tintin. L’année s’annonce riche en événements, encore faut-il que les studios Hergé, les éditions Casterman qui publient les albums, et également les éditions du Lombard qui éditent le journal Tintin travaillent de concert. Ce ne sera pas simple. Le point d’orgue de l’année restera l’exposition Le Musée imaginaire de Tintin, au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, qui, comme dans une mise en abime, sera le théâtre du vol du fétiche Arumbaya prêté par les Studios Hergé.
Baran nous emmène également dans les prémices de la création de l’Alph’Art. Il nous invite au retour de Tchang en Belgique, puis à la rencontre avec Steven Spielberg. Pendant ce temps, la santé d’Hergé décline. Le 22 février 1983, l’auteur franchit pour la dernière fois le seuil des Studios. Il mourra le 3 mars.
Tous ces événements n’occupent que la première moitié de ce livre dont le sous-titre n’est pas galvaudé. Alain Baran n’est pas avare en confidences. L’après-Hergé démontre que, plus que des Studios, l’homme avait construit un empire dont il allait falloir s’occuper, ce dont se chargera Baran. Que faire de l’Alph’Art ? Comment gérer les droits ? La télévision, le cinéma, la fin du journal Tintin et le flop de Tintin Reporter, les relations plus que complexes avec Nick Rodwell, la colorisation contestable des premières versions non redessinées, Alain Baran ne cache rien. En courts chapitres, percutants, efficaces, le secrétaire dévoile des coulisses passionnantes qui donnent envie, encore une fois, de se replonger dans l’œuvre grandiose de Hergé.
Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Dans l’ombre d’Hergé
Genre : Biographie
Auteur : Alain Baran
Avec la collaboration de : Grégoire Comhaire
Éditeur : Racine
ISBN : 9782390252788
Nombre de pages : 288
Prix : 24,95 €