La vie mouvementée d’un photographe
« -Flou ou figé, c’est tout ce qu’on arrive à faire ! Quelle misère ! Toutes ces photos sont mortes, il n’y a pas de vie, ce n’est pas naturel !
-Le client aime bien.
-Et tous ces décors en carton, c’est ridicule ! Depuis quand une colonne romaine repose sur un tapis ? Ça ne rime à rien !
-Mais calme-toi…
-Je… Ce n’est pas pour moi… Je démissionne !
-Enfin, Eadweard…
-J’ai besoin d’espace… de beaucoup d’espace ! »
1855, à bord d’un navire à aubes, un jeune homme quitte son Angleterre natale pour la promesse d’un Nouveau Monde. Après une expérience de libraire à New-York, Eadweard Muybridge, c’est son nom, s’installera à San Francisco pour exercer le même métier. C’est alors qu’il découvre chez un ami une plaque d’argent sur laquelle est fixée une image de la réalité, autrement dit une photographie. Ça l’intéresse. Mais est-ce que cette mode va durer ? Peu importe. L’homme est pris par le virus et la technique mise au point par Nicéphore Niepce, puis Louis Daguerre, quelques années auparavant. Après un accident de diligence, puis un retour en Europe, Eadweard revient tenter sa chance aux Etats-Unis en tant que photographe professionnel. L’exiguïté des studios en intérieur va le peser. Ce qui l’intéresse, c’est l’espace, c’est la nature, c’est le mouvement.
Muybridge se marie. Le sénateur Leland Stanford l’engage pour photographier sa maison. Il deviendra en quelques sortes son mécène. Sur l’idée du politicien, comme d’autres, le mystère du galop du cheval sera l’objectif à résoudre de sa carrière. Il cherche à prouver par la photographie qu’il y a un instant dans le galop de l’équidé où aucune jambe ne touche de sol. Il va devoir pour cela trouver la stratégie et la technique pour immortaliser l’instant. Après son procès pour le meurtre de l’amant de sa femme pour lequel il sera acquitté, il poursuit ses recherches, en procédant par essais-erreurs. Y arrivera-t-il ? On va ainsi suivre la vie d’un des pionniers de la photographie jusqu’à sa mort en 1904 à l’âge de 74 ans.
On n’attendait pas Guy Delisle dans le domaine du biopic. Habitué à raconter sa vie et ses voyages, il était somme toute logique qu’il s’intéresse à celle et ceux des autres. En choisissant Eadweard Muybridge, il pouvait difficilement trouver quelqu’un à la vie plus mouvementée, comme le souligne le sous-titre de l’album. On va croiser des célébrités de l’époque : Meissonier, Nobel, Edison, Tesla, les frères Lumières, Alice Guy et bien d’autres. Les chapitres sont entrecoupés de photographies prises par Eadweard, à commencer par les paysages, sans vent évidemment, les individus en (longues) poses, les sordides clichés de cadavres en famille ou en cercueil, qui ne risquaient pas de bouger, jusqu’aux prises de vues en mouvement. L’album est dans des tons de gris-marron avec quelques rares touches de couleurs pour des instants marquants.
En près de deux cent planches, la vie mouvementée d’Eadweard Muybridge défile à la vitesse d’un cheval au galop qu’il faut saisir en une fraction de seconde. Delisle s’invite dans le domaine du biopic. Espèrons que ce ne soit pas pour un seul coup d’essai.
One shot : Pour une fraction de seconde
Genre : Biopic
Scénario & Dessins : Guy Delisle
Couleurs : Enki Dupaquier & Guy Delisle
Éditeur : Delcourt
Collection : Shampooing
ISBN : 9782413085850
Nombre de pages : 208
Prix : 23,95 €