La sorcière des Pyrénées
« -L’avenir, c’est toi et moi, que le monde le veuille ou non.
-Tu n’es qu’un cauchemar. Demain, à mon réveil, tu auras disparu.
-Tu ne peux pas me fuir. Nous sommes inséparables. N’oublie pas ton manteau. Tu rencontreras quelqu’un qui en aura besoin. Tu sauras alors quoi faire. Et tout redeviendra comme avant. »
Milieu du XIXème siècle, en pleine montagne des Pyrénées, Serena, une jeune femme, est abordée par un loup. Elle lui reproche d’avoir détruit son avenir. Il lui prédit que tout redeviendra comme avant le jour où elle rencontrera quelqu’un qui aura besoin de son manteau. De son côté, la vieille Mara vit isolée dans sa masure, sur les hauteurs, à l’écart du village. Elle visite les maisons avec ses décoctions à base de plantes afin de soigner les uns et les autres. C’est une trementinaire, comme ces femmes des Pyrénées catalanes qui cueillaient des herbes pour élaborer des remèdes qu’elles commercialisaient à travers les villages de catalogne, parcourant les routes à pied. Sur le marché, les commerçants commencent à rechigner le troc qu’elle propose pour s’assurer des biens de première nécessité. Les enfants la traitent de sorcière.
Avec le poids des ans, les tâches quotidiennes deviennent de plus en plus ardues pour Mara. Leo, le père de la petite Sol, lui propose de racheter sa maison. Hors de question pour elle. Un jour, elle va recueillir Serena, inanimée et muette. Mara va alors initier Serena aux secrets des plantes afin d’en extraire leurs propriétés de guérison. Au village, la nouvelle venue suscite bien des interrogations, d’autant plus qu’une mystérieuse épidémie contamine les habitants. Lorsque Leo va disparaître, tout va changer. Suspectées d’en être responsable, les deux femmes vont devoir déployer de fines stratégies pour échapper à… la chasse aux sorcières.
En quelques albums, Ce que le vent apporte, Toute la poussière du chemin, Les guerres silencieuses, Jamais je n’aurai 20 ans, Nous aurons toujours 20 ans, et à présent Un sombre manteau, le dessinateur Jaime Martin est devenu un pilier de la collection Aire Libre. Ses livres s’attachent à l’Histoire et aux coutumes. Celui-ci est un drame aux frontières du réel, qui fait appel à la tradition de sorcellerie des montagnes pyrénéennes, qui ont valu bien des procès dès le Moyen-Age. Martin ne tombe jamais dans le spectaculaire. Les rares éléments fantastiques peuvent très bien être vus comme des disgressions psychédéliques de Serena. Ce sombre manteau est l’aventure de deux femmes dont on apprendra en toute fin d’album les origines de leurs maux. L’émotion est au rendez-vous. Martin justifie tous les éléments qu’il pose dans un souci de cohérence scénaristique fort bien menée. Graphiquement, l’auteur est proche de la ligne claire, détournée par une colorisation ombrée dans des tons gris-mauves.
Dénonçant certains travers de l’âme humaine, Un sombre manteau est un récit aux sources du féminisme, témoignage d’une époque et dans un décor assez rare. Un très bon album.
One shot : Un sombre manteau
Genre : Conte
Scénario, Dessins & Couleurs : Jaime Martin
Traduction : Alexandra Carrasco-Rahal
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9791034769810
Nombre de pages : 104
Prix : 21,95 €