Vae victis !
« -Comment va-t-elle ?
-La blessure est mauvaise, elle n’a pas repris conscience… Elle a perdu beaucoup de sang… Elle ne passera pas la nuit…
-Il ne faut pas qu’elle meure »
Deuxième siècle de notre ère. Caledonia. Une légion romaine avance dans la plaine. Une fois franchi le défilé, les soldats ne devraient pas tarder à apercevoir la côte. C’est en le traversant qu’ils sont assaillis par une horde de guerriers caledonii. Le combat est sans pitié. Les deux camps subissent de lourdes pertes, mais les romains font une prise de guerre inestimable. Ils parviennent à capturer Leta, la fille de Galam, chef de camp scot. Lucius, le commandant en chef de la IXe légion, tient là une importante monnaie d’échange. Mais c’est sans compter sur Ciris, à qui Leta est promise s’il parvient à la délivrer. Avant cela, dans la nuit, de mystérieuses créatures attaquent le camp romain.
Après l’excellente histoire de freaks SideShow, le duo Corbeyran/Despujol se reforme pour une tragédie antique aux accents fantastiques. Si l’histoire commence comme une aventure racontée par le grand Jacques Martin, le virage fantastique du milieu d’album montre à ceux qui en doutaient encore que l’on est bien dans un album signé Corbeyran. Encore plus que d’habitude, le scénariste brouille les pistes dans toute la première partie, tant et si bien que l’on ne s’attend pas du tout au virage mis en place, et qui connaîtra un rebond spectaculaire en toute fin d’album. On en reparlera dans le tome 2. Corbeyran soigne les dialogues, en particulier ceux entre Lucius et Leta. Si l’une parle de ses terres comme un espace qui l’a façonnée, l’autre lui présente une nécessité de développer la région. Comme quoi, la pression du capitalisme ne date pas d’aujourd’hui.
Emmanuel Despujol s’aventure sur un nouveau terrain pour lui : la bande dessinée historique. Ses combats n’ont rien à envier à ceux d’un Jean-Yves Mitton dans Vae Victis. Il oppose la finesse et l’exactitude des apparences romaines à la rudesse et la sauvagerie des barbares scotishs. Contre toute attente, on ne peut s’empêcher de penser à Astérix dans la scène où Lucius rencontre le légat Deodatus Faustus. Elle aurait pu se passer à Babaorum ou à Laudanum, tant dans le fond que dans la forme. La mise en couleur de Juliette Despujol transmet le climat fin de terres de la saison. Les scènes nocturnes, très sombres, accentuent le mystère et trouvent une autre dimension lorsqu’on les éclaire…juste pour voir les détails du trait.
Caledonia s’annonce comme un tryptique impitoyable avec un équilibre historico-fantastique et une violence ordinaire pour ces guerriers des temps jadis. Vikings et Game of thrones sont passés par là. Il n’y a plus de concession. Corbeyran n’en avait jamais fait. Ne serait-il pas un précurseur ?
Série : Caledonia
Tome : 1 – La IXe légion
Genre : Historico-fantastique
Scénario : Corbeyran
Dessins : Emmanuel Despujol
Couleurs : Juliette Despujol
ISBN : 9782302095816
Éditeur : Soleil
Nombre de pages : 56
Prix : 14,95 €