Chien et chat
« -Hum ! Bonjour Mesdames. J’ai deux lettres recommandées. Une pour Madame Lise Dutilleul. Et l’autre pour Madame Camille Dutilleul. Comme ça, pas de jalouses ! Hum… Une petite signature, s’il vous plaît ?… Fait plutôt beau aujourd’hui… Non ? Bonne journée, Mesdames ! »
Lise et Camille sont sœurs. Elles habitent la même maison. Enfin, elles habitent la même maison coupée en deux. Elles sont fâchées et n’ont pas du tout le même mode de vie. Lise est dans la finance. Elle est fan de football et pratique la méditation. Elle entretient un jardin vert et du lierre pousse sur sa façade. Côté droit mais le cœur à gauche, Camille, l’aînée, est enseignante. Sa cour est bétonnée, soi-disant à cause de la pollution d’une station-service avoisinante. Férue de musique, elle vient d’acquérir une gigantesque corne tibétaine. Ça fait vibrer les murs de Lise. La voilà énervée au point de démarrer sa tondeuse, alors qu’elle l’a déjà passé la veille. On ne peut pas dire que Lise et Camille soient sur la même longueur d’onde. Pourtant, un jour, il va falloir qu’elles prennent une décision en commun. Leur propriétaire souhaite vendre la maison. Pourront-elles la racheter ou faudra-t-il partir ?
Décidément, Bruno Duhamel aime bien les histoires de maison. Après celle de la vieille dame de Jamais, voici celle de deux sœurs. Les lieux ne sont pas les mêmes. On quitte les falaises de bord de mer pour une maison de ville, enclavée entre d’autres maisons du même style, mais entourées d’immeubles, à la manière de celle de Monsieur Fredericksen dans le dessin animé long métrage Là-haut. Pour l’occasion, Duhamel retrouve Isabelle Sivan, sa scénariste du Voyage d’Abel. Mais peut-on dire que Lise et Camille sont réellement des sœurs fâchées ? Elles n’ont simplement aucun atome crochu. Elles ont pourtant été élevées ensemble, par les mêmes parents. Qu’est-ce qui les a alors amenées sur des chemins différents ? Sans donner de véritable explication à la brouille, s’inspirant d’une histoire vraie, Anne Sivan interroge sur la sororité et sur le sens de la famille.
La scénariste construit son récit sur un système de symétrie, soit sur une même planche, soit sur deux planches en vis-à-vis. Duhamel met les pions en place, comme au théâtre côté cour et côté jardin. Il a utilisé une perspective faciale et éliminer les cadrages dynamiques comme les plongées ou contre-plongées. Cette contrainte l’a invité à aller chercher le dynamisme ailleurs, avec un trait légèrement vibrant, un peu à la Sempé. Il a travaillé au lavis pour les modelés, en niveaux de gris, avant de poser les lumières pour avoir une texture de peinture qui sera transformée en numérique.
L’histoire de Lise et Camille invite à reconsidérer ses relations familiales, même si elles sont déjà bonnes. Il y a toujours moyen de construire ou de rajouter des ponts. Ici, il y en a un qui s’appelle Néfertiti, la chatte de Camille qui navigue d’un côté à l’autre et qui trône victorieuse sur la couverture au beau milieu des deux portails, bien au-dessus de toutes les préoccupations des sœurs.
One shot : Deux soeurs
Genre : Chronique de la vie
Scénario : Isabelle Sivan
Dessins & Couleurs : Bruno Duhamel
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9782818999684
Nombre de pages : 72
Prix : 16,90 €