Un pacte avec la musique
« -Aidez-moi à accueillir celui à qui l’on doit cette magnifique composition autour du personnage mythique de Robert Johnson. Il nous vient des Antilles françaises, mais parle merveilleusement anglais… Applaudissez Monsieur Laup Grangé ! Cher Laup, j’ai cru comprendre que c’est vous-même qui avez insisté pour que votre tournée de promotion passe par notre ville. Je me suis aussi laissé dire que votre désir secret serait de rencontrer l’un de nos illustres concitoyens… Eh bien, il est ici, parmi nous ! C’est le spécialiste unanimement reconnu de l’histoire du blues : le professeur Gordon Kyle Moore ! Alors, professeur ! Vos impressions à la découverte de ce que l’on peut qualifier de chef-d’œuvre ? »
Alors que se termine la projection du film Robert Johnson Du bleu dans l’âme, en présence de son acteur principal Laup Grangé, l’animateur interroge un spectateur pas comme les autres pour recueillir ses impressions. Il s’agit du Professeur Gordon Kyle Moore. L’historien du blues préfère quitter la salle sans un mot. Le vieux bougon a-t-il apprécié le film ? Il est certainement trop fier pour donner son avis. Cela ne perturbe aucunement Grangé, qui joue le rôle de Johnson, et qui décide de conduire Moore, dont le chauffeur vient de jeter l’éponge, sur les routes du Nord du Mississippi, dans une Amérique chargée d’Histoire musicale. Le périple les mènera jusqu’au Delta Blues Café, tenu par une certaine Jezie, rendez-vous des amateurs et des puristes de Blues.
A la manière dont il l’a fait il y a six ans avec Winoc pour le Tango dans Gran Café Tortoni, Philippe Charlot invite à un voyage musical aux sources du Blues. Il faudra les anglo-saxons Rolling Stones ou Eric Clapton pour populariser ce style américain et le faire véritablement découvrir au monde entier. A travers cette musique, Charlot évoque l’émancipation de la population afro-américaine qui a ouvert son âme dans des compositions émouvantes comme celles de Robert Johnson servant de point de départ à ce road movie. C’est le sixième album que Philippe Charlot scénarise pour le dessinateur polonais Miras. Les auteurs ont choisi de le réaliser en couleurs car, comme le justifie le professeur Moore, les bluesmen ont vécu dans les couleurs de leurs paysages, dans le bleu de leur ciel, dans le noir de leur peau et dans le rouge de leur sang. En nous amenant sur ces traces, le vieil homme ne nous entraîne pas que dans une histoire de musique, mais aussi dans une histoire d’amour.
Revenons sur la vie de celui qui sert d’élément déclencheur à cette histoire. Années 30, Robert Johnson est l’un des meilleurs guitaristes de blues de l’époque. S’il est devenu aussi doué, c’est, selon lui, parce qu’il a pactisé avec le diable. Lui qui enregistra seulement vingt-neuf morceaux deviendra mondialement connu dans les années 60 avec la sortie d’un disque. Il est mort depuis bien longtemps, en 1938. Il est le premier à faire partie de ce qui deviendra le fameux club des 27. Il a certainement été empoisonné par un barman dont il eut une relation avec la femme. A cette époque, le vaudou faisait partie intégrante de la culture locale. Johnson a toujours été persuadé avoir été aidé par une entité spirituelle pour en arriver là. Il avait en tous cas un mentor en la personne d’un certain Zimmerman.
Quand on entend des notes en lisant un livre, c’est probablement que le message est passé. Il suffit de quelques planches pour être persuadé qu’une guitare est en train de jouer. Charlot et Miras nous invitent au Delta Blues Café, où l’on a envie de s’attarder sans refermer l’album à la fin.
One shot : Delta Blues Café
Genre : Emotion
Scénario : Philippe Charlot
Dessins : Miras
Couleurs : Anna & Miras
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9782818997673
Nombre de pages : 72
Prix : 16,90 €