Cervantes sublimé
« -Allons, Rossinante, fière et noble monture, toi qui dépérissais à l’ombre des murs tristes de cette écurie, sache que le jour est venu. Le monde nous réclame. »
C’est le grand jour pour Don Quijano, alias Don Quichotte, et pour son cheval Rossinante. Fort de ses lectures lui ayant rempli la tête, vêtu d’un semblant d’armure et coiffé du plat à barbe de son coiffeur, l’hidalgo part sur les routes à la rencontre de son glorieux destin. Sa première rencontre est celle avec celle qu’il nomme Dulcinée del Toboso. Il voit en celle qui est en fait Aldonza Lorenzo, la gardienne d’oies, une sublime déesse et lui promet d’aller risquer sa vie en son nom. C’est ensuite une modeste auberge qu’il prend pour un château. Il s’y fait adouber chevalier. Après avoir chargé une roulotte et ses occupants dans un nouveau délire, Don Quichotte est laissé pour mort en bordure de chemin. Il ne devra son salut qu’à l’un de ses voisins passant par-là, un certain Sancho Panza, qui le ramène chez lui. Afin de juguler sa folie, ses livres sont brûlés dans un autodafé. Ça ne va pas arranger son état, bien au contraire. Don Quichotte propose à Sancho de l’accompagner en tant qu’écuyer lors de sa prochaine virée.
Voici donc nos deux larrons sur la route. Mais qui sont ces géants qui font tourner leurs bras devant eux juste pour les impressionner ? Là où le pseudo-chevalier voit des Goliaths de pierre, son larbin n’aperçoit que des moulins à vent. Peut-être les monstres se cachent-ils derrière ? A moins que ce ne soit un nouveau mirage de Don Quichotte ? De rencontres en rencontres, transcendées par la folie de l’escogriffe espagnol, le duo va écrire une légende. Dans l’étroit sentier de la chevalerie errante, Don Quichotte venge des injures, redresse des torts, châtie des insolences, vainc des géants et affronte des fantômes. Dieu seul sait quelles épreuves l’attendent encore, mais il pourrait bien être la risée de nobliaux qui voudraient se rire de lui.
En près de deux cents planches de bande dessinée, Paul et Gaëtan Brizzi marchent sur le fil tenu entre fantasme et réalité dans l’esprit du héros créé par Cervantes. Le gentilhomme est passionné de littérature de chevalerie et s’imagine en nouvel héros du genre, tant et si bien qu’il tombe dans la schizophrénie. Rien de plus complexe à retranscrire. Les auteurs ont trouvé une recette miracle, si recette il y a. Les scènes de la « réalité » sont traitées en niveaux de gris charbonneux. Dès que l’on pénètre au plus profond du cerveau du héros, car héros il y a, cette fois-ci pas de doute, on bascule dans un sépia sur un soupçon de crayonné bleuté. Les Brizzi offrent ainsi une séquence d’anthologie avec la célèbre attaque des moulins à vent.
Satire politique et sociale, Cervantes écrit en ce début de XVIIème siècle une geste qui a traversé les années. Comme pour L’enfer de Dante, avec fluidité mais précision, avec romance et respect, les frères Brizzi contribuent à la pérennité d’une œuvre du patrimoine mondial.
One shot : Don Quichotte de la Manche
Genre : Poème épique
Scénario & Dessins : Gaëtan et Paul Brizzi
D’après : Cervantes
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741684
Nombre de pages : 200
Prix : 29 €