Un bijou de Tintin
« -Tchang m’écrit de Londres : tout va bien, et il vous adresse son meilleur souvenir.
-Quel charmant garçon, ce Tchang !
-Oui… et une autre lettre signée – vous ne le devineriez jamais – Bianca Castafiore…
-Bianca Castafiore !… Ha ! Ha ! Ha ! Ce cher rossignol milanais !… (…) Et que nous annonce-t-elle, cette charmante créature ? (…)
-Ce qu’elle nous annonce ?… Son arrivée pour demain !… »
A Moulinsart, Tintin, Haddock et Milou se promènent dans la campagne environnante du château. Ils rencontrent une enfant qui pleure en plein forêt. C’est une petite tzigane. Elle les conduit au campement où se trouve sa famille. Les lieux sont insalubres. C’est un véritable dépotoir. Le capitaine Haddock leur promet une belle pâture près de son domicile, auprès d’une rivière. De retour au château, après une chute de Tournesol dans l’escalier à cause d’une marche cassée, un coup de fil à l’artisan Monsieur Boullu après une mauvaise direction à la boucherie Sanzot, c’est l’heure de l’apéritif pour le propriétaire des lieux. Tintin en profite pour ouvrir le courrier qu’il vient de récupérer. Il y a une lettre de Tchang, et une autre de Bianca Castafiore… annonçant sa venue pour le lendemain, à la grande joie de Haddock.
Le décor est en place. Les acteurs sont en place. Il ne reste plus qu’à la star, à la diva, à entrer en scène. Nous sommes dans le huis-clos le plus célèbre du Neuvième Art, celui qui est à la comédie ce que Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux est au polar. Nous sommes en train de lire les mythiques bijoux de la Castafiore. Le rossignol milanais débarque avec sa fidèle dame de compagnie Irma et son pianiste attitré Igor Wagner. Le séjour va être perturbé par une disparition : celle de ses bijoux. Il faudra toute la lucidité d’un Tintin qui, comme une didascalie sur la couverture originelle, fait le pont entre ses compagnons d’aventure et les lecteurs. On dit souvent que l’aventure est au coin de la rue. Là, elle est carrément à domicile. Coup de génie et coup de maître, Hergé fait une démonstration de virtuosité.
La préface non créditée est signée Philippe Fontaine. Elle détaille la genèse de la vingt-et-unième aventure de Tintin présentée ici dans la version de sa parution dans le journal de Tintin, avec le grain et les couleurs de l’époque, un sublime travail éditorial. Après Tintin au Tibet, Hergé, empêtré dans Tintin et le thermozéro sur un scénario de Greg (qui restera inachevé), tombe sur un Paris Match avec Sophia Loren en couverture, annonçant le vol de ses bijoux sur le tournage d’un film. Un autre fait divers attira son attention : un camp de tsiganes était installé non loin de chez lui près d’une décharge. La problématique de départ était alors toute trouvée : les gens du voyage allaient être injustement accusés du vol des bijoux de la Castafiore. Entre autres anecdotes, on apprend qu’Igor Wagner s’est d’abord appelé Casimir, puis Wladimir. On admire le plan du château réalisé par les collaborateurs du maître pour mieux réaliser l’intrigue, dévoilant quelques contradictions avec des mises en place dans des albums précédents. Sont également mises en évidence quelques cases redessinées entre cette version et la parution en album.
Pour accompagner la relecture de cet album exceptionnel, on ne peut que vous conseiller de (re)lire le truculent roman Meurtre à Mouliserre, signé Renaud Nattiez, paru chez 1000 sabords. Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau. Ciel, mes bijoux !
Série : Tintin
Tome : Les bijoux de la Castafiore Version du Journal de Tintin
Genre : Aventure
Scénario & Dessins : Hergé
Dossier introductif : Philippe Fontaine
Éditeur : Moulinsart/Casterman
ISBN : 9782203254404
Nombre de pages : 80
Prix : 16,95 €