Expériences interdites
« -Ben ça ! R’gad’z-y qu’il est tout habillé çui-là.
-Ben ça…
-Qu’est-ce j’y fais, j’y tire ?
-Attends, tu t’souviens quand l’Dédé avait raconté qu’il était tombé sur des bestioles tout habillées ? Il a dit qu’au labo y z’y avait donné un beau pactole.
-Combien ?
-Assez pour payer la première traite de son pick-up. »
Alors que des chasseurs viennent de trouver en forêt un lapin tout habillé, voici qu’un chat lui aussi vêtu vient s’interposer. Ce chat, c’est Poltron Minet, celui qui recherche sa petite maîtresse Romane, rentrée de vacances sans lui parce que la famille ne l’avait pas retrouvé au moment du départ. Le lapin, c’est Hardi. Pas question pour les tueurs de tirer dessus. Le laboratoire en donnerait un bon prix. Les deux bestioles sont capturées. Féroce, la renarde, va tenter de retrouver leurs traces pour essayer de les tirer de ce bien mauvais pas.
Après un premier tome présentant un univers original entre Billy-the-cat et Balade au bout du monde, Poltron Minet passe un cran dans le domaine de la triste et réelle cruauté. Ça commence simplement, avec des animaux, en pleine forêt, que nos amis tentent d’alerter pour qu’ils fuient les chasseurs. Ce sont eux, lanceurs d’alertes, qui vont se faire prendre et découvrir un lieu dans lequel il valait mieux ne jamais poser la patte. Hardi et Poltron se retrouvent en laboratoire, avec des camarades qui sont là depuis un moment, certains touchés par la folie, sous le regard observateur d’humains visant à les utiliser comme cobayes dans un protocole scientifique sur des expériences cérébrales. Parallèlement, on en apprend plus en même temps que Féroce sur le royaume animal. Son propre père a fait un coup d’état pour prendre le pouvoir.
Le sujet est plus profond que la « simple » expérimentation animale. Comme le faisait Macherot dans Chlorophylle et dans Sybilline, le monde animal n’est qu’un prétexte pour parler des travers de l’âme humaine. Le scénario de Mayen traite en profondeur de l’asservissement de populations par d’autres. Les guerres actuelles le démontrent. Il y a encore des peuples qui tentent de se « bouffer » les uns les autres, que l’on soit au Proche-Orient ou dans les balkans. Mayen politise le propos, à la manière d’une Ferme des animaux. Mayen philosophe. Qu’est-ce qu’une société utopique ? Existe-t-elle seulement ? Le cannibalisme moral est-il un passage obligé dans le contrôle de peuples ? En mêlant humains et animaux dans le propos, la série donne envie de devenir végétarien. Le dessin tout en aquarelle de Madd permet de supporter la rudesse du scénario. Que le premier feuilletage ne trompe pas les parents. La série n’est pas faite pour les plus petits.
On n’avait pas lu de récit animalier avec un message si fort depuis bien longtemps. Intelligente dans sa mise en scène, esthétique dans sa mise en forme, Poltron Minet est une nouvelle vision de bande dessinée engagée.
Série : Poltron Minet
Tome : 2 – Le protocole Seth
Genre : Aventure animalière
Scénario : Cédric Mayen
Dessins & Couleurs : Madd
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034759392
Nombre de pages : 56
Prix : 14,50 €