Soudan soudain l’espoir
« -J’espère que ce sera une petite sœur pour jouer à la poupée avec elle…
-Hi ! Hi ! Tatie s’est bien occupée de toi, tu as grandi. Tu es une bien jolie petite fille… Tu vas être bien ici… Moi, je ne peux pas trop bouger ces jours-ci, mais Georges prendra bien soin de toi. Viens, ton frère va te faire visiter le camp. »
Soudan, années 2010, des réfugiés débarquent à Bentiu, un campement surveillé par des Casques Bleus de l’ONU. L’Unicef veille sur eux. Parmi ces rescapés de la guerre civile, il y a la famille de Georges et Nialony. Suite à une maladie, leur père ne voit plus que d’un œil. Leur mère est enceinte. Georges est un jeune adulte ou un grand adolescent alors que sa sœur n’est encore qu’une enfant. Aujourd’hui, Georges fait découvrir le camp à sa sœur et à sa poupée. L’endroit est grand, constitué non pas de quartiers mais de « blocks » où les riches et les pauvres vivent ensemble, dans la « même merde ». Il y a un endroit, où tous les jours les familles viennent remplir leurs bidons. Un mur d’enceinte surveillé les protège des dangers extérieurs, et notamment des rebelles qui cherchent à enrôler les jeunes dans leurs troupes.
En 2016, Jean-Denis Pendanx accompagne l’Unicef au Soudan pour réaliser une fresque sur un mur du camp de Bentiu. Il est intervenu auprès de jeunes et d’enfants qui lui ont raconté leurs conditions de vie. Georges et Nialony étaient de ceux-là, même s’ils ne sont devenus frère et sœur que pour l’intérêt de la fiction. Par leur biais, Pendanx présente les lieux et la problématique de la situation. Attention, le livre n’est pas un simple reportage. Il y a une histoire émouvante, des destins en question. Là où le récit prend une toute autre dimension, c’est lorsque Nialony rencontre le marabout, non pas un vieil homme ou sorcier raconteur de légendes, mais un « vrai » marabout, un oiseau. Un virage onirique et philosophique se prend alors. Les deux personnages se parlent comme le feraient deux humains. Le marabout symbolise à la fois l’âme du pays et la capacité de résilience de la petite fille. Tous les deux assistent impuissants à la folie meurtrière des hommes. Accrochée à son doudou, Nialony a la force de l’enfance en elle.
En postface, un cahier graphique et documentaire met des photos et des dessins pris sur le vif qui raccrochent et rappellent à la réalité. Le vrai Georges tient un dessin qu’il a réalisé en atelier avec Jean-Denis Pendanx. Page suivante, les yeux de la véritable Nialony transpercent le papier pour frapper le cœur du lecteur. « Tout ce que j’ai lu, c’était donc vrai ? » Plus question à présent d’en douter. Perrine Corcuff, membre de l’Unicef, rédige les textes accompagnant les photos, permettant de mieux comprendre la situation et le quotidien des réfugiés, familles parfois séparées qui se retrouvent grâce au travail des bénévoles des associations humanitaires, comme c’est le cas pour Nialony dans le début de l’histoire mise en scène par Pendanx.
Pour vouloir la belle musique
Soudan mon Soudan
Pour un air démocratique
On t’casse les dents
Pour vouloir le monde parlé
Soudan mon Soudan
Celui d’la parole échangée
On t’casse les dents
Oh oh oh et je rêve
Que Soudan mon pays soudain se soulève
Oh oh
Rêver c’est déjà ça, c’est déjà ça
La chanson C’est déjà ça d’Alain Souchon résonne dans les pages de ce magnifique album. L’œil du marabout regarde un monde qui ne tourne pas rond. Il est des auteurs comme Jean-Denis Pendanx qui sont là pour rappeler qu’il y a un monde au-delà de nos frontières dites civilisées et que l’on a de quoi se sentir concerné. Quand en plus, graphiquement, c’est maîtrisé et immersif, il n’y a pas de quoi se priver de cet album pour lequel chaque exemplaire vendu est un don de 0,80 € à Unicef France.
One shot : L’œil du Marabout
Genre : Emotion réaliste
Scénario, Dessins & Couleurs : Jean-Denis Pendanx
Dossier complémentaire : Perrine Corcuff
Éditeur : Daniel Maghen
ISBN : 9782356741530
Nombre de pages : 160
Prix : 26 €