Aventures et mésaventures d’un héros de bande dessinée et de son créateur André Daix
« De par leur primeur et leur longévité, Les aventures du Professeur Nimbus incarnent toutes les étapes de l’histoire du Comic Strip dans la presse quotidienne française : de sa difficile percée dans les années 1930, son expansion dans la presse de l’après-guerre jusqu’aux années 1960, puis son lent déclin à partir des annéees 1970 à sa quasi-disparition à l’aube du XXIème siècle. » Antoine Sausverd
1934, André Daix, un auteur français publie dans le quotidien parisien Le Journal le premier comic strips en France. Il s’agit des Aventures du Professeur Nimbus. Ce personnage fantasque et lunaire dont le nom est aujourd’hui passé dans le langage courant pour désigner une tête-en-l’air a donc été le premier personnage récurrent de strips qui ne venait pas d’outre-Atlantique. Dans les années 30, Nimbus est une star au même titre que Zig et Puce d’Alain Saint-Ogan. Si ces derniers sont dans tous les livres d’Histoire de la BD, Daix et Nimbus sont bien moins souvent cités. Les déboires entre son auteur et son agence Opera Mundi, ajoutés à l’engagement collaborationniste de Daix pendant la guerre y ont certainement grandement contribué. Dans cet ouvrage, Antoine Sausverd analyse la « carrière » du Professeur Nimbus, jusqu’à ses reprises, et enquête sur André Daix grâce à de nouveaux documents qu’il a pu dénicher.
Avec l’agence Opera Mundi, Paul Winkler décide d’appliquer en France dès la fin des années 20 des méthodes inspirées de la presse américaine, en proposant des contenus, articles et reportages, aux journaux. Il signe des accords pour publier des bandes américaines : Popeye, Félix le chat, Mickey, Donald sont ainsi importés. Dans une maquette proposée au quotidien Le Journal, au milieu des strips américains, figure une série française Les avatars du Professeur Stratus, par un certain André Daix. Séduite par le fait que cette création soit locale, le journal l’achète à Opera Mundi en 1934, le rédacteur en chef du journal la rebaptisant Professeur Nimbus. L’auteur signe un contrat l’engageant à fournir six strips par semaine. Il en est le dessinateur exclusif, mais le personnage appartient à l’agence.
Avec son unique cheveu, qui inspirera sans doute sa mèche à Titeuf, le bonhomme à lunettes, costume et nœud papillon à poids, est l’archétype du savant tête en l’air. Rapidement, Opera Mundi placera la série dans d’autres quotidiens. Il sera même adapté au théâtre en 1937. Chantre du strip muet, les gags du Professeur Nimbus naviguent entre un humour classique et un non sense poétique. Bourgeois roi du système D, il est aussi un aventurier. Au milieu du livre, on peut lire dix-huit gags. Il y a du drôle, mais il y a aussi du pas féministe du tout qui ferait à juste titre scandale aujourd’hui.
Antoine Sausverd revient en détails sur la vie et la carrière d’André Paul Delachanal, alias André Daix, qui fit aussi de la bande dessinée en planches comme Les exploits de Taupinet, Pierrot l’espiègle ou encore Les aventures des Fratellini. Le succès de Nimbus lui apporte un confort financier, mais le torchon brûle entre Opera Mundi et lui, pour une revalorisation pécuniaire et des retards de paiement. Partisan actif du parti franciste, collaborationniste, au service de la propagande allemande, il sera contraint à l’exil à la libération. Opera Mundi récupèrera les droits du personnage qu’ils avaient perdus. Winkler peut organiser la reprise, dont celle par un certain Robert Velter, qui créa un groom bien connu sous le pseudonyme de Rob-Vel. La carrière de Nimbus durera jusqu’en 1991, avant un rapide rebond courant 1993. Le livre se clôt par le retour en France en 1974 de Daix après vingt-cinq ans d’exode pas très glorieux au Portugal.
En dépit des idées politiques de son créateur, Le Professeur Nimbus est objectivement une série majeure du XXème siècle, faisant partie de l’Histoire du Neuvième Art, ne serait-ce que parce qu’elle fut la première série de strips français. Sa carrière témoigne d’une époque. Celle de son auteur, André Daix, est ici détaillée, sans concession, grâce au travail minutieux d’Antoine Sausverd. Ayant déjà écrit sur Benjamin Rabier et Gustave Doré, il est également le créateur du site Töpfferiana.fr qui s’intéresse aux histoires en images et autres littératures graphiques du XIXe siècle, depuis Rodolphe Töpffer jusqu’au début du XXe siècle. Mais ça, c’est une autre histoire…
One shot : Dans l’ombre du Professeur Nimbus
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Antoine Sausverd
Éditeur : PLG
Collection : Mémoire vive
ISBN : 9782917837528
Nombre de pages : 192
Prix : 15 €