La bête n’est pas morte
« -Amaï ! Tu n’as pas touché à ton déjeuner ? Tu n’as rien mangé depuis jeudi soir, Franz. Même ta caille nudiste a meilleure allure que toi ! Au fait ! Le lieutenant de gendarmerie a eu la gentillesse de passer pour me tranquilliser : le zoo d’Anvers a accepté de prendre en charge ton drôle d’animal. Ils viendront le chercher à la fourrière lundi à la première heure. Ton ami sera mieux là-bas en compagnie d’autres animaux, tu ne trouves pas ? »
Echappée des cales d’un bateau en provenance du Brésil au Port d’Anvers en Belgique, une bête au pelage jaune tacheté de noir a été recueillie par le jeune Amaï. Souffre-douleur de ses petits camarades de classe, il est le fils d’un allemand quelques années après la guerre. Pas forcément facile. L’enfant vit dans son monde. Au grand désespoir de sa mère, il récupère tous types d’animaux et transforme sa maison en véritable arche de Noé. La rencontre avec la bête va bouleverser sa vie, jusqu’à ce jour où la fourrière va la capturer. Pour Amaï, le monde s’arrête. Il se laisse dépérir pendant que l’animal s’apprête à devenir la future attraction numéro un du zoo d’Anvers. Le destin ne va pas tarder à les lier à nouveau..
Zidrou situe le récit en 1955, juste avant que Spirou et Fantasio n’aient ramené l’animal de Palombie. L’introduction du tome 1 était proche de films comme Godzilla, Alien ou Les dents de la mer dans lesquels les monstres se devinent plus qu’ils ne se voient. De part son traitement plus adulte, de part la tension inhérente, « La bête » a tout d’un blockbuster. Le tome 2 est à une véritable course-poursuite pour la survie que nous invitent les auteurs Fran Pé et Zidrou dans ce second opus du diptyque qu’ils consacrent au Marsupilami, à la Bête comme elle est nommée. Spirou et Fantasio ne l’ont pas encore découverte. Tout ça n’aura lieu que plus tard. D’ailleurs, comment se fait-il qu’ils dénicheront l’animal en Palombie alors que ce dernier était déjà venu en Belgique ? Peut-être que cette histoire nous le dira. Zidrou multiplie les clins d’œil à l’âge d’or de la bande dessinée franco-belge. Si l’on avait aisément reconnu Jijé et Franquin à l’école, ce dernier en instituteur au grand cœur, on aperçoit ici Will et Morris en figurants, dans un tramway, lors de la revisite d’une scène mythique s’étant réellement déroulée. C’est dans un tramway que Franquin eut l’idée du Marsupilami, en imaginant le contrôleur avec une grande queue qui lui permettrait de composter de nombreux tickets à la fois. Ici, c’est le contrôleur lui-même qui l’imagine en voyant la bête.
Frank Pé est l’un des plus formidables dessinateurs animaliers du moment. On le savait depuis Zoo, la trilogie qu’il a signé avec Philippe Bonifay. On s’en doutait déjà bien avant, grâce à Broussaille, mais aussi grâce à un one shot aujourd’hui oublié qui mériterait une remise en avant dans une belle réédition : Comme un animal en cage, l’unique aventure de Vincent Murat, scénarisée par Terence. « La bête » d’aujourd’hui est un étonnant écho à cette œuvre de jeunesse. Dans ce pavé, Frank montre toute sa puissance et se rapproche du trait d’un Bernard Yslaire sur Sambre, tout en finesse, en détails et en émotion. Il se fait bien évidemment plaisir dans le Museum, mais il prend aussi des risques sur les routes bruxelloises. Les quelques planches finales sont de grandes cases incroyables et l’image conclusive ne pourra laisser insensible aucun lecteur avisé de Spirou.
Le potentiel d’un personnage comme le Marsupilami semble infini. Entre les mains d’artistes comme Frank Pé et Zidrou, son temple est bien gardé.
Série : Le Marsupilami – La bête
Tome : 2
Genre : Aventure
Scénario : Zidrou
Dessins : Frank Pé
Couleurs: Elvire De Cock
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9791034738229
Nombre de pages : 208
Prix : 35 €