La loi est aveugle
« -Vous êtes bien Madame Iemori, la personne qui nous a contactés par téléphone ? En quoi puis-je vous aider ?
-J’aimerais que vous récupériez l’héritage de mon père. Il a laissé un testament écrit dans lequel il affirme vouloir léguer 400 millions de yens à une association. Mais mon père n’a pas pu écrire un tel document. »
Hanae Iemori, gestionnaire d’une société de conseil, se présente au cabinet de Taiza Kujô, avocat réputé de la ville. La dame pense avoir été spoliée de son héritage. Son père a laissé un testament écrit dans lequel il affirme vouloir léguer 400 millions de yens à une association. D’après elle, il n’a pas pu écrire un tel document. Souffrant de démence, pensionnaire d’une maison de retraite, il aurait été escroqué par le gérant de l’institut, qui préside l’association bénéficiaire, et par son avocat, un certain Yûzô Yamashiro, l’ancien mentor de Kujô. Dans un premier temps, ce dernier refuse de prendre en charge l’affaire. Il se trouverait en situation de conflit d’intérêts, un cas de figure dans lequel ses intérêts et ceux de sa cliente seraient opposés. Il pourrait manquer d’impartialité. Kujô hésite. Va-t-il aller au front et en toute objectivité combattre celui qui lui a appris son métier ?
Shôhei Manabe poursuit la vie hors du commun de Taiza Kujô, l’avocat pas comme les autres qui vit dans une tente sur le toît d’un immeuble en pleine ville. Il place son héros dans une situation délicate, celle où, à moment donné dans la vie d’un homme, on se trouve confronté à devoir selon l’expression « tuer le père ». On apprend que la situation familiale de Kujô est complexe. Alors qu’il se recueille sur la tombe de son père, l’attitude de son grand-frère procureur Kuroudo Kurama en dit long. L’aîné est autoritaire et impérieux, comme « papa ». Le cadet est désinvolte. Kurama ne comprend pas comment son frère a pu ouvrir un cabinet d’avocats après avoir échoué cinq fois au concours national du barreau. De mauvaises rumeurs circulent. Kujô est la honte de la famille. Pour les autres membres, il est un perdant. Ce point de vue va certainement influencer son choix dans la décision de « tuer » ou pas l’autre « père », le professionnel.
Un fait de société grave est au cœur de ces deuxième et début du troisième volumes des affaires de Kujô l’implacable, celui de la maltraitance dans les maisons de retraite. Partout dans le monde, la situation dans les Ehpad n’est pas reluisante. Il arrive parfois que les actualités dénoncent des agissements inappropriés d’aides-soignants considérant leur « public » comme du bétail. Ici, Manabe n’y va pas avec le dos de la cuillère avec des scènes à la limite du soutenable mais que l’on imagine plausibles. Le volume 3 enchaîne avec une double histoire de suicides, celui d’un vieillard esseulé et celui d’un avocat isolé, et dans laquelle on apprend qu’il faut se méfier des apparences. On conclue avec une intrigue dans laquelle Mibu va se trouver en plus que mauvaise posture.
« Criminel ou victime, la loi est aveugle… » Ce slogan en dos de jaquette est la parfaite synthèse de l’univers de Kujô l’implacable. En marge de la société, Kujô se place en observateur de tous ses travers, comme pour mieux les voir de haut. Intriguant et fort intéressant.
Série : Kujô l’implacable
Tomes : 2 & 3
Genre : Thriller/Polar
Scénario & Dessins : Shôhei Manabe
Éditeur : Kana
Collection : Big Kana
ISBN : 9782505120421 / 9782505120438
Nombre de pages : 208
Prix : 7,70 €