Prédictions et disparitions
« -Tout va bien, Nathan ? Tu fais une drôle de tête…
-Oui, je sais, je suis comme ça…. Quand je suis dans ce que j’appelle « mes pensées profondes », c’est ce que me disent souvent les… gens normaux.
-Mais… C’est qui, les gens normaux ?
-Ben… Ceux qui savent que je suis autiste et que je ne suis pas comme eux !… Que je suis une sorte de malade. »
Nathan est un jeune étudiant pas comme les autres. Il est autiste. C’est un génie des mathématiques et de l’informatique. Il ne comprend pas pourquoi les gens normaux sont incapables de prévoir ce qui va leur arriver, parce que lui, il le peut. C’est ce qu’il confie à ses amis à la sortie de leur cours de dessin sur modèle vivant. Pourtant, quand Nathan demande à Mathilda de ne pas laisser son père pianiste rentrer seul en voiture après un concert à Bordeaux, elle ne voit pas pourquoi il y aurait un problème. Nathan va-t-il réussir à prouver qu’il a un pouvoir de prédiction ? Parallèlement, Juliette, une jeune fille du même groupe d’amis, est en proie au désespoir. Son père est au plus mal. Il a un cancer en phase finale, ce qui ne semble pas beaucoup préoccuper sa mère qui est le modèle nu dessiné par ses camarades.
On ne présente plus Pierre Makyo, scénariste phare depuis le début des années 80. La mode n’étant malheureusement plus aux séries, Makyo se réfugie dans les one shot. On l’a vu, ou plutôt lu, dernièrement avec Effet miroir ou Celle qu’il n’attendait pas. On peut les ranger dans la catégorie des thrillers psychologiques aux frontières du fantastique. « Aux frontières » parce qu’il nous amène à nous interroger sur les possibilités et les limites du cerveau humain. Concernant Nathan, principal protagoniste de cette histoire, qui se pense « anormal », qu’est-ce qui prouve que ce ne sont pas les autres qui le sont ? Pour Makyo, l’homme normal, c’est bien Nathan. Pourquoi avoir des visions d’avenir serait-il impossible ? Les connaissances actuelles sur la linéarité du temps ne permettent pas de l’affirmer.
Au dessin, la dessinatrice espagnole Sasa, fille de Ruben Pellejero, signe son premier album en France. Comme on dit, elle fait le job. Malheureusement, pour qu’un one shot comme celui-ci sorte du lot, il faut un trait plus travaillé. Son trait jeté est certes dynamique, mais il manque de finitions. On ne peut pas dire que la tempête finale soit une réussite. Bien sûr, cet « homme normal » est avant tout un drame psychologique basé sur les dialogues et les relations entre les personnages, mais il ne faut pas oublier qu’on est dans une bande dessinée et que le lecteur est en droit d’en exiger plus au niveau graphique. Ceci dit, le trait de Sasa est loin d’être désagréable. La dessinatrice a du potentiel. Laissons-lui le temps de grandir.
Avec une tension croissant au fil du récit et un twist final bien pensé, Un homme normal est un one shot sauvé par son scénario énigmatique. Mais on aimerait tant retrouver Makyo aux commandes de nouvelles séries. Cette histoire pourrait très bien être le déclencheur de l’une d’entre elles.
One shot : Un homme normal
Genre : Drame
Scénario : Pierre Makyo
Dessins & Couleurs : Sasa
Éditeur : Delcourt
Collection : Mirages
ISBN : 9782413048336
Nombre de pages : 120
Prix : 17,50 €