La douce innocence de l’enfance
« -Ohééé ! Y a quelqu’un ici ? J’ai comme un léger bruit dans le moteur. Et je n’aimerais pas tomber en panne sous ce déluge. Eh ! Oh ! Quelqu’un m’entend ? »
Par une nuit pluvieuse, un automobiliste appelle de l’aide. Il a un léger bruit dans le moteur et n’aimerait pas tomber en panne sous le déluge. Seul un enfant l’entend. Dans sa parka jaune, une main derrière le dos, il s’avance vers le véhicule. Tout a commencé quelques jours plus tout dans ce petit village de campagne, un endroit où personne ne s’arrête. Un enfant explose froidement par terre la tête de son demi-frère avant de faire passer sa mort pour un accident de balançoire. Serial killer en puissance, le môme a bien l’intention de faire subir le même sort à tous les habitants du hameau, à commencer par Madame Esplonde qui fait office de maîtresse dans une caravane toute pourrie sans chauffage qui sert d’école. Dans cet endroit qui pue la mort, il y a quand même une lueur de soleil, c’est Laurie Gandriale, une jolie fille.

Autre lieu, même mœurs, en pleine ville, il était une fois une petite fille de la ville, la plus jolie qu’on eût su voir. Sa mère était folle, et sa grand-mère plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire une petite robe de fée qui lui seyait si bien que, partout, on l’appelait la petite « Fée pas chier ». Ha, c’est sûr que celle-là, faut pas l’embêter. Elle dégomme les pigeons au caillou et organise des tea-parties avec leurs cadavres. Elle déteste son grand-frère, mais aime jouer à cache-cache avec lui. Dans l’immeuble où elle habite, elle déteste à peu près tous les résidents, comme cette vieille sorcière de bonne-sœur qui n’a même pas d’ailes pour voler. Plus dure sera la chute. Dans son univers, il y a aussi une lueur. C’est Pierre, qui fait pousser tout plein de plantes et de fleurs dans son jardin.

Ce sont des enfants qui tuent les gens. Ce sont des enfants sans sentiments qui assassinent avec un sang froid indescriptible. Ce sont des histoires sans morales, implacables et fatales. « Un léger bruit sans moteur » est l’adaptation d’un roman de Jean-Luc Luciani. Publié pour la première fois en 2012 chez Physalis, l’album est réédité chez Petit à petit à l’occasion de la sortie de « Un léger goût sous le palais », qui, bien qu’il y ait une transition entre les deux tomes, n’est pas une suite mais le développement d’un univers similaire.

Avec ces enfants narrateurs, Gaet’s utilise de nombreux récitatifs et peu de dialogues, comme pour préserver le lecteur, dans une position décalée d’observateur, peut-être pour mieux supporter les meurtres, si tant est que ce soit supportable. Rassurez-vous, ça l’est, grâce aux graphismes des dessinateurs. Futur pilier de Fluide glacial, Jonathan Munoz est aux dessins du tome 1, dans un style Tirabosco. Plus proche de Prado, Etienne Friess illustre le tome 2. Leurs traits acides associés aux cadres morbides des histoires s’inscrivent dans un héritage Foerster, bien que l’on soit ici dans une veine scénaristiquement totalement réaliste.

A la manière d’American Horror Story, Un léger… pourrait devenir une collection horrifique d’anthologie. Ces deux tomes s’inscrivent dans des univers machiavéliques plus sombres que sombres. Tiens, et si Julien Monier, dessinateur de RIP, s’attelait à un troisième épisode ?


Série : Un léger…
Tomes : 1 -Un léger bruit dans le moteur / 2 – Un léger goût sous le palais
Genre : Horreur
Scénario & Couleurs : Gaet’s
Dessins : Jonathan Munoz / Etienne Friess
D’après : Jean-Luc Luciani (T1)
Éditeur : Petit à petit
ISBN : 97823804622-89/-72
Nombre de pages : 120/112
Prix : 19,90 €



