Japon-Italie reliés par l’art
« -C’est beau ! Madame, tu dessines vraiment très bien.
-Oh ! Merci !
-Il y a beaucoup de dessins de fleurs. Tu aimes ça, les fleurs ?
-Oui. Je trouve les fleurs extrêmement belles. Et j’aime courir mes toiles de belles choses. Regarde. Ceci est un hortensia.
-Non, moi j’appelle ça un ajisai.
-Et là-bas un iris.
-Mais non ! C’est un ayame !! Pourquoi tu leur donnes tous ces noms bizarres ?
-C’est sous ce nom que je les connais…
-Hein ?
-C’est le nom qu’on leur donne là où j’ai vécu. »
Automne 1877, à Tokyo, un occidental portant un kimono, italien travaillant à l’école d’art impériale, est venu visiter un jardin japonais dont la beauté n’est pas à la portée du premier venu. C’est là qu’il va croiser le regard de Otama, jeune nippone occupée à dessiner. Plus de cinquante ans plus tard, au début des années 30, c’est une vieille dame et elle se remémore sa vie avec cet homme Vincenzo Ragusa, sculpteur, qui l’amena en Italie. Aujourd’hui, c’est à un petit garçon de sept ans, Atsushi, qu’elle raconte son voyage, son mariage, sa vie et ses drames à l’avancée de la marche de l’Histoire et au rythme de l’Art. Aujourd’hui, sa petite fille lui propose de l’accompagner à Palerme retrouver les lieux où elle a vécu avec son mari et ses amis. Elle se trouve trop âgée pour effectuer un si long voyage.
La mangaka Keiko Ichiguchi s’adjoint les services du dessinateur italien Andrea Accardi pour un one shot tout en sensibilité et délicatesse. La vie d’Otama est le nouveau scénario de l’autrice de Là où la mer murmure et Les cerisiers fleurissent malgré tout. Librement inspiré de la vie de Tama Eleonora Ragusa, dite Kiyohara Tama (1861-1939), le livre retrace le parcours de la première peintre japonaise de style occidental. Nous sommes au cœur de la « Belle époque », à Palerme. Nul ne pense que le bonheur ambiant sera terni par un vingtième siècle tragique. Otama ne reviendra au Japon qu’en 1933, à soixante-treize ans. Dans un style graphique académique, Accardi démontre que le talent peut se révéler dans la simplicité, à des instants d’une émotion rare.
Plus que l’histoire d’une vie, le manga traite de la place de l’art dans une société à deux vitesses. Le jeune Atsushi en fera l’amère expérience. Subjugué par le talent d’Otama, il rêve de faire une école d’art. Pour son grand-frère militaire Takeo, l’artiste lui a mis des idées ridicules en tête. Pour lui, les riches sont des hypocrites dont la vie de rêve est bâtie sur la sueur et les souffrances des pauvres paysans. Le gamin va fuguer, se réfugier chez Otama. Le récit va prendre un virage philosophique. Chez la vieille dame, le petit garçon dit : « J’ai l’impression d’être dans un tableau… J’aime être ici… » Instant suspendu, lourd de sens. Notre vie conditionne-t-elle notre art ? Ou bien notre art dirige-t-il notre vie ? Otama connaît la réponse. Réussira-t-elle à transmettre le message ?
Fresque historique et artistique, histoire sur l’absence, celle de ceux qui partent, pour un autre pays ou un autre monde, et celle de ceux qui ne sont jamais venus, La vie d’Otama a la force des grands récits qui font qu’on n’est plus tout à fait les mêmes après les avoir lus, parce qu’on a peut-être pris conscience de quelque chose. Inattendu.
Série : La vie d’Otama
Genre : Biographie romancée
Scénario : Andrea Accardi
Dessins : Keiko Ichiguchi
Éditeur : Kana
Collection : Made in
ISBN : 9782505117193
Nombre de pages : 136
Prix : 15,50 €