Une histoire de la « Retirada »
« -Téléphone pour toi ! C’est René !
-René !?!
-Ça m’a l’air important, il est paniqué !
-Oui, René, que se passe-t-il ? Quoi !?! Maman !?… Mais ?!… Comment… Qu’est-ce que… !?! Ce n’est pas possible ! »
Montpellier, un soir de 1975. Angelita prend un verre dans un bistrot avec le directeur de la comptabilité de sa boîte. Un simple verre, une discussion, un peu de charme, puis un baiser au moment d’être raccompagné à sa voiture. Un dérapage pour une femme mariée. Bien loin de l’ambiance routine de la maison entre un mari professeur de lettres, aimant mais dont elle est lassée, et un fils étudiant avec qui les discussions sont parfois houleuses. Le lendemain matin, c’est un coup de téléphone qui va changer son emploi du temps. Son beau-père René lui annonce que sa mère a fait une crise cardiaque. Elle est hospitalisée à Barcelone, alors qu’elle était censée être en Auvergne avec son groupe d’archéologues. Angelita retrouve René à la gare, direction l’Espagne.
Le voyage en train va être l’occasion pour René d’apprendre par sa belle-fille comment la famille est arrivée en France. Angelita va fouiller ses souvenirs, remontant presque quarante ans plus tôt, en 1939. Elle a huit ans. Barcelone est alors bombardée par des avions italiens. Elle se réfugie dans les couloirs du métro avec son père, sa mère et des dizaines d’habitants de la ville. Ils songent à l’exil, à partir pour la France, en convoi. On ne peut pas dire que l’accueil y sera des plus chaleureux. Ils étaient sauvés mais avaient perdus tous leurs droits. Les femmes sont parquées dans un camp sommaire en bord de plage, tout comme les hommes, mais séparés. Depuis, Angelita n’a pas revu son père, disparu dans les drames de la guerre. Aujourd’hui, en rendant visite à sa mère malade qui avait pourtant juré ne jamais retourner en Espagne sous Franco, Angelita ne se doutait pas que c’était elle qui allait voir sa vie bouleversée par des révélations.
La « retirada » est le nom donné à l’exil de 450 000 républicains espagnols fuyant le franquisme et la guerre civile en franchissant la frontière française. Les réfugiés sont parqués dans des camps dans les Pyrénées-Orientales. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’une guerre mondiale allait bouleverser la donne. Denis Lapière imagine la vie d’une famille déracinée, puis séparée par le conflit, par les conflits. Le convoi est un récit historique, mais aussi une histoire de secrets. Lapière démontre comment la grande Histoire a induit des trajectoires de vie imprévisibles, puis comment des révélations peuvent faire prendre conscience qu’il est possible, ou qu’il est temps, de changer de vie. Au dessin, Eduard Torrents invite en particulier à plonger dans les regards, les yeux des personnages qui racontent leurs parcours.
Paru une première fois sous forme de diptyque, Le convoi trouve chez Aire Libre l’écrin que mérite un tel récit, historique, puissant et émouvant.
One shot : Le convoi
Genre : Drame historique
Scénario : Denis Lapière
Dessins : Eduard Torrents
Couleurs : Marie Froidebise
Postface : Christelle Pissavy-Yvernault
Éditeur : Dupuis
Collection : Aire Libre
ISBN : 9782808502825
Nombre de pages : 136
Prix : 27,95 €