Allo ? C’est Hergé !
« -Ah ! C’est votre ami !… Eh bien toutes mes félicitations : vous avez de jolies relations ! » (Le professeur Topolino à Haddock, dans L’Affaire Tournesol)
Novembre 2007, pour le remercier de son aide à la rédaction de la biographie Hergé Lignes de vie, Philippe Goddin, ancien secrétaire général de la fondation Hergé, offre à Jacques Langlois le dernier répertoire de l’auteur des aventures de Tintin. A la page des « L », il y figure. Pendant près de vingt ans, depuis ses dix ans, il a entretenu une correspondance avec Hergé. Le jeune Jacques lui a envoyé des dessins. Le maître lui a répondu. Au fil des ans, les échanges se sont enrichis. L’enfant a grandi, est devenu adolescent, puis jeune adulte. Ses succès dans les études ont été félicités par Hergé. Ils se sont rencontrés, plusieurs fois. Si Jacques Langlois a connu Hergé, il ne connaissait pas Georges Remi, dont il a vraiment découvert la vie dans des biographies et ouvrages d’étude. A travers les trois-cent-soixante noms inscrits dans le carnet, Langlois nous offre une enquête, un aperçu de la vie du père de la ligne claire.
Ce Hergé et le carnet oublié est une somme de plus de quatre-cent pages. Plutôt qu’un chapitrage alphabétique qui en soit n’aurait aucun sens, l’héritier du carnet choisit des entrées thématiques.
Question famille, les Remi sont loin d’occuper une place prépondérante. Pour Hergé, la famille, c’était le lieu où l’on s’aime bien mais où l’on n’a pas grand-chose à se dire. On trouve dans le carnet son frère Paul et trois autres membres de la famille. Paul et Georges, cinq ans de différence, n’ont jamais été proches. Pourtant, Paul aurait inspiré Georges pour dessiner Totor, Tintin, puis, paradoxalement, Spönz ! A la lettre G, il y a bien sûr Germaine, sa première épouse. Il ne l’a jamais complètement oubliée. Il réservera même à celle qui refusait de divorcer le premier des cinq albums numérotés de la réédition de Tintin au pays des soviets.
Il est des amitiés plus fortes que des liens familiaux. Un exemple en est certainement celle avec Philippe Gérard, un camarade scout, avec qui les relations furent brouillées en 1941 à cause de la participation de Hergé au journal Le Soir. Le dessinateur tentera en vain de renouer les liens. Jacques Langlois reviendra sur cette période lorsqu’il sera question de Jacques Van Melkebeke qui lui présentera Jacobs, dont la patte marquera fortement la production d’Hergé.
Avec le C de Casterman, on (re-)découvre les relations entre un auteur et son éditeur. Avec le T de Tintin, on ne va pas rue du labrador mais au siège du fameux journal du même nom, tout comme avec le L du Lombard pour trouver le numéro du standard de la maison d’édition de l’hebdomadaire. Avec le V de Vernes, Henri Vernes, Langlois montre l’inimitié du créateur de Bob Morane pour Hergé qui préférait laisser leur rivalité commerciale (toute relative) de côté. Avec le B de Baujot, ceux qui n’en ont jamais entendu parler feront la connaissance de Josette Baujot, coloriste en chef des studios, qui deviendra la compagne de Jo-El Azara et dont le franc-parler irritait Hergé. Un personnage. Dans le chapitre Chers collègues, le G de Greg rappelle le travail sur le jamais terminé Thermozéro. Les relations avec Franquin, Goscinny, Pratt, entre autres, sont racontées. Au F, on trouve Folon, dont Hergé admirait les œuvres dans les galeries. Fidèle au carnet, Langlois consacre de larges paragraphes aux rapports de Hergé avec l’art contemporain, allant même jusqu’à se poser la question de savoir si dans l’inachevé Alph-Art Georges Remi n’allait-il pas prendre le pas sur Hergé.
Sur les 360 entrées du carnet, Jacques Langlois, en enquêteur minutieux, en a identifié plus de 340, permettant ainsi de parcourir la carrière et la vie de Hergé. Impossible d’en faire ici une synthèse exhaustive. Hergé et le carnet oublié est un livre passionnant, qui peut s’ouvrir, comme un répertoire, à n’importe quel chapitre. Tout tintinophile aurait rêvé que son nom figure dans ce fameux carnet. Jacques Langlois a cette chance. Il a l’amitié de nous la faire partager.
Quand on a fini de lire Tintin, on peut recommencer à lire Tintin. On y trouvera toujours quelque chose de nouveau.
One shot : Hergé et le carnet oublié
Genre : Ouvrage d’étude
Auteur : Jacques Langlois
Préface : Michel Porret
Éditeur : Georg
Collection : L’équinoxe
ISBN : 9782825713372
Nombre de pages : 440
Prix : 21 €