Une chevauchée fantastique
« Je n’ai jamais cherché à utiliser des ficelles pour m’aider car je préfère me laisser guider par ce que je ressens. Il y a bien sûr des méthodes de narration. Dans la progression des images, il faut respecter certaines règles, mais je n’ai pas d’autres critères que la lisibilité – et surtout pas la facilité. Si l’image est compliquée, c’est un nouveau défi et je la réalise comme elle l’être, avec le plus de détails possible. S’il s’agit d’une scène de bataille avec des dizaines de personnages, je n’hésiterai pas à les dessiner. » (Willy Lambil)
Avec vingt et un millions d’albums vendus, Les tuniques bleues est une série qui peut se targuer de faire partie du patrimoine de la bande dessinée franco-belge, témoin survivant d’un âge d’or qui a laissé des traces à tout jamais. Créée par Raoul Cauvin et Louis Salvérius, c’est Willy Lambil qui conduira sa chevauchée graphique vers le chemin du succès, suite au décès subit de son dessinateur d’origine au beau milieu de Outlaw, qui deviendra le quatrième album de la série. Récemment, Les cahiers de la bande dessinée ont consacré un hors-série à cette aventure bédessinée. Voici à présent Les Tuniques Bleues dans le plus bel écrin : la collection Une vie en dessins, co-éditée par Dupuis et Champaka.
Il ne faut pas oublier qu’au départ, Les Tuniques Bleues est quasiment une série de commande. Lucky Luke et Morris ayant fuit chez l’ennemi (Dargaud), il fallait un western, pas trop ressemblant quand même, dans les pages de Spirou, l’hebdomadaire maison de chez Dupuis. Au départ composée de gags et courts récits humoristiques, la série prend rapidement un virage semi-réaliste, tout en gardant des dialogues savoureux et des côtés à la fois patriotiques et antimilitaristes. Le sergent Chesterfield est le prototype du gradé dévoué, prêt à tout sacrifier pour son pays, obéissant aveuglément aux ordres de la hiérarchie. Le caporal Blutch, lui, cherche constamment à éviter les combats. Il a appris à son cheval Arabesque à faire le mort dès qu’il entend le mot « Chargez ! ».
Le scénariste Raoul Cauvin a choisi de s’attarder sur la guerre de Sécession et base la plupart de ses histoires sur des faits historiques réels. Le duo Cauvin-Lambil a ceci de magique que chacun a nourri l’autre. Issu d’un dessin réaliste avec la trop méconnue série Sandy et Hoppy, Willy Lambil, qui a l’immense Jijé pour modèle, a apporté une certaine rigueur qui ne s’est jamais démentie. Raoul Cauvin lui permet d’assouplir un poil son trait, de le décomplexer. L’alchimie est parfaite. Dans un long texte de préface, Didier Pasamonik montre comment la série s’est développée au fil des années, allant jusqu’à traiter de thèmes d’actualité comme le racisme et l’extrémisme, toujours par le prisme du conflit Nord-Sud, tout en restant une comédie, dramatique certes, mais une comédie. Le bel ouvrage fait ensuite la part belle aux illustrations, planches en noir et blanc, couvertures, aquarelles et cases agrandies, scandées par des citations de Lambil et Cauvin extraites d’interviews.
Les auteurs mis à l’honneur dans Une vie en dessins ont tous le point commun que leur travail sert de fondations aux générations suivantes. La carrière de Lambil et Cauvin ne pouvait rêver plus bel écrin que cet ouvrage luxueux et sublime.
Série : Une vie en dessins
Tome : Les Tuniques bleues Lambil & Cauvin
Genre : Artbook
Texte : Didier Pasamonik
Images : Willy Lambil & Raoul Cauvin
Éditeur : Dupuis / Champaka
ISBN : 9782390410409
Nombre de pages : 256
Prix : 69 €