Personne ne devrait mourir en cette saison
« -V-vous pouvez me redonner l’adresse ?
-Mama, qu’est-ce qu’il y a ? Mama, où est Licia ? »
Eté 2011, lorsque Joaquim quitta sa petite amie Licia après une dispute, il ne se doutait pas qu’il ne la reverrait jamais. Partie sur un scooter avec une copine, elles seront percutées par un chauffard. Licia laisse ses parents et sa petite sœur Rachel sur leur lieu de vacances, l’endroit des journées ensoleillées, des doucereuses soirées d’été et des premières amours. Dix ans plus tard, la famille organise une réception souvenir en la mémoire de leur fille. Licia aurait eu vingt-six ans. Il est encore difficile d’accepter son absence, mais les siens lui doivent de continuer leurs vies, d’avancer… comme on peut. Rachel y retrouve ses tantes, son cousin Thomas, ainsi que Joaquim. Ils ne s’étaient jamais revus. Ils sont venus sans leurs conjoints. Chacun a fait sa vie. Joaquim est « consultant supply chain », un truc en logistique. Il navigue entre Paris et Rennes. Rachel est consultante en bourgeons, autrement dit fleuriste. Cette commémoration, c’est une volonté des parents de Rachel. Elle, elle aurait préféré penser à sa sœur chez elle, à sa façon, sans tout un tas de pique-assiettes. L’événement aura néanmoins permis aux jeunes adultes de se revoir. Et ça risque bien de bouleverser leurs vies.
Evidemment, la fleuriste et le consultant ne vont pas en rester là. Leurs quotidiens vont changer de direction. Petit à petit, les fils du passé vont lier leurs destins. Leurs couples respectifs risquent d’en être chamboulés. L’avenir va s’écrire sans précipitation. Les choses qui doivent se faire se feront comme il se doit. Ni l’un ni l’autre ne cherchera à aller plus vite que la musique. On devine que l’amitié devra laisser sa place à de nouveaux sentiments. Y aura-t-il une quelconque concrétisation ? C’est le propos émergent de cette belle histoire d’amours, avec un « s », amour d’adolescence qui ne s’oublie jamais, amour sororal même si l’une des sœurs n’est plus physiquement présente, amour entre adultes, Rachel et Yann, Joaquim et Amélie, … et les conséquences collatérales. Mais si ce propos est émergent, c’est un autre sujet qui donne toute sa force au récit.
Les autrices Laura Nsafou et Reine Dibussi mettent en scène l’une des histoires les plus poignantes du moment. Bien plus qu’une histoire d’amour, elles abordent le douloureux sujet du deuil et de la place de ceux qui restent. Les parents de Licia ne se sont jamais remis de la tragédie. D’ailleurs, comment pourrait-on s’en relever ? Il n’y a rien de plus douloureux que la perte d’un enfant, de son enfant. Pourtant, c’est Rachel qui va avoir l’héritage le plus lourd à porter, celui du fait que tout le monde veuille qu’elle vive la vie qu’aurait dû vivre sa grande sœur. Sans l’oublier, elle va devoir s’émanciper, apprendre à agir pour elle-même, en tant que Rachel. Joaquim, lui, va-t-il se remettre du jour de la dispute où il a vu Licia pour la dernière fois, quand ils se sont quittés fâchés ?
Reine Dibussi met en scène le théâtre de la vie avec une délicatesse, une pudeur et une sensibilité émouvantes. Les couleurs vont toujours par deux, selon les chapitres, pastellisées pour mettre en valeur les personnages. Il est juste dommage que le lettrage informatisé donne de la distance. Heureusement, on est si vite emporté par le récit qu’on l’oublie, parce que l’on s’est insinué entre Rachel et Joaquim.
« Personne ne devrait mourir en été… » Et pourtant… Magnifique regard sur le sens de la vie, histoire de reconstruction, « Quand vient l’été » aurait pu s’appeler « Ceux qui restent ». L’album restera en tous cas dans toutes les bibliothèques de ceux qui l’ouvriront.
One shot : Quand vient l’été
Genre : Emotion
Scénario : Laura Nsafou
Dessins & Couleurs : Reine Dibussi
Éditeur : Marabulles
ISBN : 9782501163293
Nombre de pages : 224
Prix : 25,90 €