Féministe, isn’t it ?
« -Et pour finir, il y a la question du salaire. Oui, Nicole. Moi je suis tout à fait d’accord pour que le salaire des femmes soit identique au salaire des hommes… Mais pour se faire… compte tenu de la conjoncture difficile, nous allons devoir baisser le salaire des hommes de l’entreprise de 25 %.
-Hein, quoi ? Mais pas du tout !
-Ah, j’en entends une qui s’exprime contre l’égalité salariale entre les sexes, c’est bien ça ? Parle plus fort, Nicole, avec ta petite voix de crécelle. Je ne suis pas sûr qu’ils t’entendent au fond de la salle. »
Le conseil d’administration de l’entreprise commence bien. Il y est question de l’égalité salariale. Mais dès que Nicole va ouvrir la bouche, ça va foutre le bordel, comme on dit vulgairement. Comme il ne va pas être possible d’augmenter de 25 % le salaire des femmes pour l’amener à niveau, va falloir trouver une solution pour l’équilibre. On en reparlera plus, au prochain CA, dans… un an. Ailleurs, deux hommes discutent et l’un se plaint que sa femme est devenue féministe. Son problème, c’est qu’elle ne veut plus faire au lit des trucs qu’elle aimait bien avant. Forcément, elle risque d’être moins épanouie. Côté seniors, la situation n’est pas bien plus reluisante, mamie râle que depuis qu’il y a des courants pro-féministes, elle n’a plus de macho à la maison. Son mari lui explique que c’est pour son bien. Alors, elle sera féministe. Le féminisme couillu, il n’y a que ça de vrai.
Le chant du cygne, c’est la grâce musicale qu’entonne le volatile avant de mourir. Ici, c’est celui du macho dépassé dans une époque dans laquelle il ne se reconnaît plus, écrasé par la révolution féministe qui met ou qui tente de mettre les femmes à la place qu’elles devraient avoir dans la société. Jim aime les femmes. Il suffit de jeter un coup d’œil dans sa bibliographie pour s’en rendre compte. Dans cet album de gag, Jim observe la société, s’interroge et interroge sur la vie de couple. L’auteur se définit lui-même comme féministe, tant les questions d’égalité relèvent de la logique. Il y a trente ans, il s’attaquait déjà au sujet avec Fredman dans Tous les défauts des mecs, montrant le côté ridicule du macho. Ici, il cible ceux qui ne voient pas que le monde change et que la société tend à plus d’égalité. Il pousse dans le transgressif, en étant limite, pour soulever les réflexions. Il y a un côté provocateur qui permet de lancer le débat.
Incompréhensiblement, le livre a connu vingt-quatre refus d’éditeurs avant d’en trouver un, la plupart étant frileux. Il faut dire que si on lit certains gags au tout premier degré, ça peut surprendre. Mais, pour parler cash, il faut vraiment être couillon pour ne pas prendre de la distance. Jim, homme de plus de cinquante ans parlant des femmes, a tenu bon. Il le dit lui-même, il a fait un album doux qui prône la réconciliation. Il place subtilement des énormités, laissant aux lecteurs le tri à faire pour rétablir la vérité… et l’égalité. Il dénonce des excès, dans un sens comme dans l’autre, qui soulèvent des contradictions. Graphiquement, Jim joue sur l’itération iconique avec, la plupart du temps, une case unique qui se répète sur toute une planche, portant l’accent sur les dialogues.
A ranger entre les albums d’Emmanuel Reuzé (Faut pas prendre les cons pour des gens) et ceux de Fabcaro, Le chant du cygne montre que l’humour peut être plus que drôle. Il peut être aussi intelligent si on sait le lire.
One shot : Le chant du cygne
Genre : Humour
Scénario & Dessins : Jim
Couleurs : Delphine
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782931105160
Nombre de pages : 56
Prix : 14 €