Fable contemporaine sur l’avarice
Nous sommes dimanche. Et comme tous les dimanches, Pilou, ses parents, ses tontons et tatas, les cousins-cousines, la sœur de Mémé et son compagnon, bref toute la famille se retrouve à Gaillac pour le traditionnel gigot dominical !
Tout ce petit monde tourne autour de Mémé en venant dîner tous les dimanches chez elle. Par gentillesse ? Par amour filiale ? Par … Non, car elle commence à prendre de l’âge la Mémé, ce serait dommage de ne pas lui montrer qu’on « existe » et qu’on est là pour elle ! Surtout qu’elle a un secret : un trésor caché … des Louis d’or qui feraient bien l’affaire de chacun dans son coin !
Alors, on y va, on se supporte les uns les autres en espérant découvrir quelques indices qui permettraient de mettre la main sur le magot ! Car elle va bien finir par en parler, par lâcher une piste … par offrir une occasion de fouiller de fond en comble, de la cave au jardin son appartement …
Mais Mémé a encore toute sa tête et aime bien le petit Pilou, le seul qui ne semble pas intéressé par l’argent ! Lui, il y va pour elle, pour sa Mémé …
Et le dimanche va se passer comme tous les autres, de façon immuable … gigot, petit tour au jardin, loto de village avec son cochon comme premier prix, match de rugby de l’équipe locale, … plus quelques péripéties pour agrémenter cette « chasse au trésor » familial !
Sous le couvert d’une gentille petite comique franchoullarde se cache, entre cases, une méchante satire sociale douce-amère et piquante du Français moyen de province des années ’80. Le petit secret, à moitié légende « familiale » du trésor caché quelque part dans la maison … ce fameux bas de laine que nos grands-parents gardaient « au cas où… », « pour un gros pépin … » !
Le clivage classique de la famille typique. D’un côté, ceux de gauche, tout heureux de la victoire de Mitterrand à la présidentielle de ’81, certains que tout va changer et aller pour un mieux. De l’autre, le petit bourgeois de droite pas encore remis entièrement du traumatisme de mai ’68 (où si cela tombe, il était lui-même sur les « barricades » à jeter des pavés sur les CRS !), convaincu que désormais les Cocos sont aux portes de Paris.
Entre eux, le fiston « méchant garçon », rebelle et blouson noir, fan de Renaud (mais qui ne fait peur qu’aux mouches, dans le genre « Laisse béton »), le tonton célibataire de 42 ans, légèrement dandy, « coureur de jupons » … familiaux visiblement. Sans oublier, la gamine pré-ado mais qui jouerait bien à des petits jeux d’adulte avec les garçons du coin, style « Diabolo Menthe » !
La sœur de Mémé est également là, accompagnée de son vieux gigolo qui, avec sa bonne bouille, aurait pu jouer le rôle de Marius (Maurice Chevit) dans « Les Bronzés font du ski ».
Un exquis petit tableau social de toute beauté … chacun y a son rôle, sa place, nous pourrions presque dire ses stéréotypes !
Bref, une savoureuse fable de notre époque où s’entre-mêlent, dans un terreau provincial, clichés et vérités, facéties et réalités, avarices et petits secrets, le tout sur un ton satirique léger.
Philippe Pelaez ne cesse donc de nous surprendre par l’étendue de son imagination débordante. Grand écart entre « Le Bossu de Montfaucon », « Furioso », « Hiver à l’Opéra », « Noir Horizon » et ceci ! Il nous prouve une fois encore, si ce n’était nécessaire, qu’il s’accommode parfaitement dans tous les registres scénaristiques, du thriller au dramatique, de l’historique à la parodie, de la fantasy à la comédie satirique. Un gigantesque bol d’air frais burlesque pour passer un agréable moment de lecture.
Côté graphisme, nous restons clairement dans l’ambiance bon enfant du scénario par le trait magique d’Espé. Des personnages adorables et tellement « parlant » dans leur physique, leurs mimiques, expressifs à souhait. Une mise en image idéale, vivante, rythmée permettant au scénario de se dérouler, de débouler de page en page sans longueur ni ennui !
Quant à la mise en lumière de ce conte hilarant, Florent Daniel l’illumine de ses couleurs vives et lumineuses. Un régal visuel qui confère donc à l’ensemble son unicité de genre.
A lire et à savourer sans modération en ces temps pluvieux et maussade !
Titre : Le Gigot du dimanche
Scénario : Philippe Pelaez
Dessin : Espé
Couleurs : Florent Daniel
Editeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
Genre : humour, société
Parution : 2/5/2024
Pages : 72
Format : 24,3 x 32,0 cm
ISBN : 978-2-8189-8784-1
Prix : 16,90 €