La géante et les sorcières
« -Tempérance !! Lâche immédiatement cette tarte !
-Grrr…
-Ne baisse pas ta garde ! Attention à ton équilibre ! Esquive !
-Aïe !
-Tu as encore des progrès à faire si tu veux me voler mes pâtisseries, petite. Garde la tête froide et sers-toi de tes hanches, tout vient de là. Je te l’ai dit mille fois ! (…)
-Comment je pourrais être une bonne brouche alors qu’on ne m’apprend aucun sortilège ?! »
Au cœur d’une forêt, Tempérance est élevée par Mémé. Elevée, c’est un bien grand mot pour une sorte d’ogresse de grande taille par rapport à une petite sorcière rabougrie. Toujours est-il que cette dernière, bien qu’âgée, est une maîtresse de kung-fu. Ce que voudrait surtout Tempérance, c’est qu’elle lui enseigne la magie. Mais pour Mémé, la jeune géante n’est pas prête. La magie est un art à utiliser avec sobriété. De temps en temps, Tempérance se rend au village pour troquer du bois contre l’une ou l’autre denrée. Attention, les jours de Brume, il ne faut pas couper par la forêt. Au village, Tempérance retrouve ses tantes : tante Louise, tante Inaya, tante Ezilda, tante Asma et les autres. Il faut dire que la communauté est composée uniquement de sorcières. C’est une sororité de brouches comme elles disent, ce qui donne de plus en plus envie à l’ogresse de tâter de la magie.
C’est un bébé que Mémé a empêché jadis de tomber dans les griffes des Omis, juste une petite fille. Elles ont été sauvées in extremis par la montée de la Brume. L’enfant nommée Tempérance va grandir paisiblement entourée des sorcières, jusqu’au jour où elle va se rendre compte qu’elle est mystérieusement et dangereusement attirée par la forêt. Elle sent un lien qui lui parle et qui l’appelle tout au fond d’elle, jusqu’au jour où elle va se retrouver face au monstre. La Brume revient… Le passé ressurgit.
Avec La marche Brume, Stéphane Fert signe sa première série. Remarqué pour des one shot remarquables comme entre autres Peau de mille bêtes ou Blanc autour, scénarisé par Wilfrid Lupano, Fert retrouve l’ambiance moyenâgeuse qui est le cœur de son univers. Ici, il met à l’honneur les femmes et leur force. La communauté exclusivement féminine n’a besoin d’aucun élément mâle pour vivre en autonomie. Même quand il va falloir faire face à l’ennemi, bien masculin celui-ci, leur union va être leur force. Sans être féministe, le récit montre et démonte des stéréotypes non seulement du conte mais de la réalité. Il remet tout simplement les femmes à une place légitime. Fert aborde aussi le sujet de la différence. Tempérance n’est pas comme les autres. Son prénom marque son originalité. Acceptée par toutes, elle se sent quand même en marge de la société. Ce n’est pas sa différence physique qui la dérange, mais le fait qu’elle n’ait pas accès à la magie. Graphiquement, l’album peut se ranger à côté de l’âge d’or de Cyril Pedrosa. On retrouve comme un enchantement l’ambiance Belle au Bois Dormant. Les couleurs pastel-sombre offrent quelques planches sublimes.
Ne restez pas statique. La brume est en train de monter. Suivez la marche, la marche brume, à travers la forêt, mais prenez garde… C’est beau, c’est bien, c’est fait, c’est Fert.
Série : La marche brume
Tome : 1 – Le souffle des choses
Genre : Sorcellerie
Scénario, Dessins & Couleurs : Stéphane Fert
Éditeur : Dargaud
ISBN : 9782505113638
Nombre de pages : 136
Prix : 21,50 €