Pas de fesse cachée pour Louis XIV
« -Messieurs, cela fait des semaines que la cour n’a pu assister à mon grand lever ! Cela ne peut plus durer ! Sans compter que la douleur est intolérable ! Alors ?! Allez-vous vous décider à me dire ce que vous voyez ?
-Eh bien, Majesté… Nous voyons votre royal anus en parfait état…
-Avec juste à côté… un orifice putride creusé par le chancre et qui rejoint directement le colon par l’intérieur des chairs…
-Nous ne pouvons que confirmer le diagnostic. Il s’agit bien d’une fistule anale.
-Dont nous ne nous expliquons pas la cause.
-Les voies du Seigneur sont impénétrables. »
1686. C’est un devoir quotidien, un costume qu’il faut mettre pour un rôle qui n’mène à rien. Mais faut-il vraiment s’y soumettre jusqu’à la fin pour être à la hauteur de ce qu’on vous demande, ce que les autres attendent, et surmonter sa peur d’être à la hauteur du commun des mortels pour chaque jour répondre à l’appel et avoir à cœur d’être à la hauteur, d’être à la hauteur. Le rôle de Roi de France n’est pas une sinécure. Tous les matins, par exemple, la cour assite au royal levé. Ou plutôt assistait, car depuis quelques jours, le Roi Louis XIV a un souci. Le souverain souffre d’une fistule anale. Médecins et chirurgiens se pressent à son chevet. Il va falloir opérer. Mais pour cela, il faut l’outil adéquat. De son côté, Geoffroy, jeune homme fils de boucher, rêve de devenir barbier. Deux destins vont se mêler, celui d’un Roi et celui d’un homme du peuple. Ils n’avaient rien pour se rencontrer et pourtant, si cela n’avait pas eu lieu, la fesse… euh… la face de l’Histoire de France n’aurait pas tout à fait été la même.
Philippe Charlot s’empare d’une anecdote véridique et y instille des éléments de fiction pour agrémenter l’histoire. Louis XIV a réellement souffert à son séant. Il s’est réellement fait opérer, sans anesthésie. On a mal rien que d’y penser. Charlot invente le personnage de Geoffroy, apprenti boucher mais qui préférerait être barbier. Par ailleurs, des conspirateurs pourraient bien profiter des problèmes médicaux royaux pour renverser le souverain. Le scénariste aurait pu rester dans un sérieux historique. Il choisit plutôt le ton d’une comédie à la Molière, ou à la Leconte ou Oury. Il ne manque plus que Charles Berling et on est dans le film Ridicule. Il ne manque plus que Louis de Funès et on est dans La folie des grandeurs. Louis XIV lui ressemble d’ailleurs un peu.
Au dessin, Eric Hübsch était le choix idéal pour rester dans une ambiance semi-réaliste. Le dessinateur ajoute un nouveau genre à son arc après l’heroïc-fantasy du Chant d’Excalibur et la Provence de Pagnol dans laquelle il excelle. Le voici donc s’essayer avec succès à la comédie historique. La coloriste Orlan Chambert organise la visite entre les lumineux décors royaux et les sombres ruelles parisiennes, les délicats salons confidentiels ou les crasseux culs-de-basse-fosse.
Comme Xavier Fourquemin, Alain Dodier, Marko ou encore Sylvain Vallée, Hübsch exerce dans un style graphique qui n’est jamais, au grand jamais, reconnu dans les festivals de BD. Populaire, trop populaire peut-être. Mais ça changera. On voit bien à présent des films avec Pierre Richard sur Arte. Peut-être qu’Angoulême récompensera des auteurs comme ça dans trente ans. Ils seront devenus underground, qui sait ?
» Sur le plus haut trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul. », disait Michel de Montaigne dès1588. Louis XIV aimerait bien pouvoir le faire. L’avenir et le bistouri le diront.
One shot : Le royal fondement, la face cachée du Roi-Soleil
Genre : Comédie historique
Scénario : Philippe Charlot
Dessins : Eric Hübsch
Couleurs : Orlane Chambert
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9782818977910
Nombre de pages : 72
Prix : 16,90 €