Adolescence belge
« – Pourquoi tu traînes tout le temps avec le Schmet et les autres ?
– Bah. Ils sont sympas.
– Pff … C »est pas pour ça … Ils sont pas sympas ! Tu peux aimer leur côté sans limite ou être fasciné par leur confiance en eux qui est presque indécente … mais pas les trouver sympas.
– Je sais pas. Avec eux, c’est simple. On se met la tête, c’est tout. Ça fait du bien.
– Oublie pas tes vrais copains … »
Marco, un ado dans toute sa « splendeur » ! Ni pire, ni meilleur que la grande majorité des gars de son âge. Une famille aussi absente que dépassée par un père constamment en déplacement et une mère qui a toutes les peines du monde à maintenir le bateau à flot … enfin le ménage !
Marco n’est pas plus méchant qu’il en a l’air. Il est juste « paumé » entre son enfance qui s’envole et son âge adulte qui n’a pas encore atterri. Alors oui, il picole un brin, il fumette un coup, il « draguenette » sans trop savoir comment faire, … En gros, il se cherche. La famille, laquelle ? L’école … bof ! Il réussit sans trop se forcer … ou il pourrait bien réussir en se donnant un peu de peine ! Mais pourquoi ? Il n’en voit pas l’intérêt ! Les copains de virée … plus rien de fort excitant ! Toujours la même chose. Mais ce sont ses potes, alors … Les balades en scooter, oui … surtout lorsque pour rentrer il s’offre son « défi héroïque » : rouler à l’aveugle en comptant jusqu’à 10 ! Inconscient ? Plus que certain et à la longue, le risque d’un crash … La loi des probabilités en somme et surtout de la route ! Et pour lui, c’est quasi à chaque fois ! Cependant, il se relève sans trop de casse. Dès lors, pourquoi s’arrêter ? La copine ? Zoé, la fille avec qui il aimerait bien … Mais aimerait bien faire quoi ? Et comment ? Il est tellement « maladroit et gauche » quand il est avec elle ! D’autant plus, qu’elle n’est peut-être pas « libre » ! Déception et désappointement … pour ne pas dire désespoir ! L’amour est loin d’être toujours réciproque !

Alors il ne lui reste plus grand chose si ce n’est Oli « Schmet ». Ce dernier et sa bande semblent plus « speedés » avec leurs pilules ! Ainsi entre bitures, tests de toutes les substances et mixtures (surtout si alcoolisées) qu’il peut s’offrir, Marco est borderline ! Un malaise malsain, qu’il ne peut contrôler ni contenir et qui le pousse vers de plus en plus d’excès … par rapport à lui-même. En effet, Marco est un « gentil » qui ne ferait de mal à personne, donc il ne s’en prend qu’à lui-même ! Quitte à s’autodétruire … jusqu’à … Le récit pourrait, vu ses thèmes, apparaître comme dérangeant, oppressant pour le lecteur. Pourtant, il n’en est rien. Max de Radiguès réussit à le rendre sensible et humain pour tous. Un style où le ton et l’humour masquent les effluves et autres vapeurs d’excès. Autobiographique ? Oui probablement en partie par son cadre spatiotemporel … En Belgique, le BW (Brabant wallon) chic, voire aux alentours Genval ou dans le genre, « petite classe moyenne », dans un quartier gentiment résidentiel des années ’80-’90. Les jeunes y jouent à la console en attendant le nouveau « Zelda », sans connaître le gsm, roulent en scooter sans avoir de trottinette électrique ni d’Aixam, vont à la MJ pour voir un concert, sortent au Palla (le Palladium, ancienne boîte de nuit à Genappes aujourd’hui rasée, pour les trop jeunes qui n’ont pas connu) et écoutent de la musique via leur disc-man ! Bref, la fin des eighties forever BCBG !

L’adolescence n’est pas un thème innovant chez Max de Radiguès. Il nous y avait déjà replongé dans « Un été en apnée ». « To be or not to be ? » … « to became or not to became a future adult ? Tels pourraient être les leitmotivs de ses récits de vie si percutants et intimistes à la fois. Parlant à chacun, chacune des adultes, impossible de ne pas s’y retrouver un peu. Sous ce titre plus qu’évocateur, un morceau de vie, dix malheureuses petites secondes … un fragment d’instant pour une éternité où tout basculera ou se perpétuera dans la joie … ou la douleur. Le temps de compter jusqu’à 10 et tout sera fini … Mais pour qui ? Chacun devra y trouver sa propre réponse, son propre espoir, son ultime souhait avant de refermer un album plus profond qu’imaginé au début ! Cette introspection dans un vécu d’adulte en devenir est renforcée par un dessin simple tout en étant efficace. Un graphisme clair, net, soigneux sur les détails d’ambiance et de décors facilite cette immersion dans une adolescence qui tangue au gré des jours.

Avec Dix secondes, Max de Radiguès offre ici une madeleine de Proust ado-belgicaine.
Titre : Dix secondes
Scénario, dessin & couleurs : Max de Radiguès
Genre : Récit de vie
Éditeur : Casterman
ISBN : 9782203290372
Pages : 120
Prix : 22 €



