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Les meilleurs albums de l’année 2025

Posted on 20 décembre 202519 décembre 2025 By Laurent Lafourcade Aucun commentaire sur Les meilleurs albums de l’année 2025
Actualités, Sélection

Quinze albums au pied du sapin

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Comment choisir 15 albums sur une année de lecture de plus de 400 titres ? Forcément, le résultat est subjectif, mais il est là. Choisir, c’est renoncer. Voici donc, sans classement, la sélection des albums retenus pour vous et qu’il est encore temps de déposer au pied du sapin. Parmi eux, sera décerné début janvier le prix Boulevard BD d’or 2025.


Le jour du caillou

Ce jour qui apparaît

« -Attends ! Attends-moi ! Pourquoi tu boites ?

-Ce n’est rien.

-Tu as mal au pied ?

-Non. C’est juste un caillou dans ma chaussure.

-Pourquoi tu ne l’enlèves pas ?

-C’est… un remède. J’ai perdu un ami, il y a… Quel jour on est ?

-Euh. Le 11 avril ?

-C’est ça. Ça fera bientôt un an et demi qu’il est parti.

-Il est mort ?

-Pire que ça. Il m’a juste laissé tomber. »

Eko et Mona sont deux enfants qui le mercredi s’entraînent ensemble à la voltige aérienne. Mais voilà que la mère d’Eko se sépare de son compagnon. Il va déménager. Qu’importe ! Les deux amis pour la vie se promettent de ne jamais se laisser tomber. Quelques années plus tard, ils sont adultes. Eko retrouve Mona. Elle est furax. Ça fait un an et demi qu’il est parti, qu’il l’a laissée tomber. Elle ne l’a pas avalé. La douleur persiste comme ce caillou qu’elle a dans la chaussure. Alors, elle l’enlève, mais Eko l’avale et se jette dans le lac. Elle veut le rattraper mais il disparaît. Mona est repêchée par Florence, une de ses amies. De retour au petit cirque, Mona regagne, ronchon, sa caravane, avant d’aller s’entraîner avec sa partenaire de cerceau après avoir embrassé son compagnon Basile.

Le lendemain, comme si la journée recommençait, Mona, un caillou dans la chaussure, est collée aux basques par Eko encore de retour. Si la jeune femme n’a aucun souvenir de l’histoire du caillou de la veille, lui, annonce s’être retrouvé vingt kilomètres plus loin après avoir sauté dans le lac. Cette fois-ci, Mona lance le caillou dans la flotte. Aussitôt, Eko se volatilise. Le reste de la journée sera des plus heureux pour la circassienne avec une demande en mariage, avant que le lendemain ne se reproduise la même scène ou presque avec Eko. S’il veut que la malédiction cesse, ça va être à lui de prendre les choses en main, parce que Mona a l’air de subir ce cercle vicieux.

© Flogny, Cazot – Dupuis

Comme dans les films Un jour sans fin et Edge of tomorrow, les personnages sont bloqués dans une faille temporelle. C’est en en trouvant la raison qu’ils pourront s’en sortir. Bien que Mona et Basile soient total in love, Le jour du caillou n’est pas une histoire d’amour. C’est une histoire d’amitié entre Mona et Eko. Mais c’est une histoire d’amitié aussi forte qu’une histoire d’amour. Véro Cazot signe un scénario émouvant et drôle. Les personnages ne sont pas des acteurs mais des comédiens, à l’étendue artistique bien plus large. Mis en scène par Anaïs Flogny qui dessine son deuxième album, c’est comme s’ils tentaient de prendre le lead sur leurs auteurs. Les acrobaties ne sont pas qu’au cirque, elles sont dans les cases, dans les planches, dans les scènes, dans les attitudes. Les autrices font preuve d’un incroyable talent.

A ranger à côté de Ces jours qui disparaissent de Timothée Le Boucher, Le jour du caillou inaugure la saison des événements 2025.


One shot : Le jour du caillou

Genre : Comédie

Scénario : Véro Cazot

Dessins & Couleurs : Anaïs Flogny

Éditeur : Dupuis

ISBN : 9791034768585

Nombre de pages : 160

Prix : 21,95 €


Les échos du bonheur

Une construction de soi

« -Faire des bandes dessinées, c’est mon rêve. Mais ce métier est très dur et il y a de grandes chances que tu ne réussisses pas. Je réussirai ! Ou je recommencerai jusqu’au jour où j’y arriverai !

-C’est tout ce que je te souhaite mais au cas où… Mais il faut que tu commences ta vie. On commence à s’inquiéter pour toi. »

Mathilde rêve de faire des bandes dessinées. Pour l’instant, aucun éditeur n’a accepté ses projets. Ses parents s’inquiètent. Elle avance en âge et ils voudraient qu’elle commence sa vie. Mais Mathilde a aussi d’autres préoccupations. Elle s’occupe de sa grand-mère atteinte d’Alzheimer. Des bribes de son âme partent peu à peu. Elle ne reconnaît plus certains visages. Mathilde réalise que tout peut s’effondrer, sans prévenir. Elle ne veut pas trop préoccuper ses parents non plus avec ça. Bref, son amoureux vient de trouver un appartement pour eux. Ils vont emménager ensemble. Que va-t-il advenir de mamie ?

Les échos du bonheur n’est pas un album sur la maladie d’Alzheimer. C’est beaucoup plus que ça. S’il en est évidemment question, le sujet principal est la vie de Mathilde, avec sa famille, ses amis, son petit copain, le temps qui passe et les aléas. Des aléas, il va y en avoir, notamment le plus important que le monde n’ait jamais connu : le confinement. Bien sûr, il y a eu des guerres, mais ce ne sont pas des aléas. Le Covid nous est tombé dessus sans prévenir, sans qu’on ne sache comment réagir et ça a été un strike dans la vie de nombreuses personnes, notamment celles, comme Mathilde, en train de se construire. Mémé venait juste de rentrer en maison de retraite. L’emménagement n’était pas terminé. Dans leur nouvel espace de vie en confection, Mathilde et son amoureux allaient passer ce confinement ensemble.

© Angevin – Des ronds dans l’O

Les échos du bonheur est le premier album de Mathilde Angevin. L’autrice signe un témoignage autobiographique émouvant. Elle nous immerge dans la vie d’une jeune femme de vingt-sept ans. Elle partage ses convictions et ses doutes, son travail et ses loisirs, ses amis et sa famille, ses joies et ses peines. Au fil du livre, le trait de Mathilde évolue, s’assure, se professionnalise. Ses couleurs pastel s’accordent à merveille avec le ton du récit, récit qui est plutôt une chronique qu’une histoire.

Quand on voit son évolution graphique au fil de l’album, on remarque tout le potentiel de Mathilde Angevin. Elle vient d’entrer dans le monde des autrices par une porte qui n’est pas près de se refermer. Les échos du bonheur est une nouvelle perle qui s’intègre naturellement dans le catalogue des Ronds dans l’O.


One shot : Les échos du bonheur

Genre : Emotion

Scénario, Dessins & Couleurs : Mathilde Angevin

Éditeur : Des ronds dans l’O

ISBN : 9782374181578

Nombre de pages : 136

Prix : 24 €


White Only

Le destin tennistique d’Althea Gibson

« -Je sais. Elle fait ce qu’elle veut. Elle ne veut plus aller à l’école. Et puis je suis quoi, moi ? Un simple mécano.

-Papa… On m’a fait une proposition.

-Ah ?

-Buddy et des amis à lui ont proposé de m’inscrire au Cosmopolitan Tennis Club.

-C’est quoi ça ?

-Ah ah ah ! C’est des noirs qui se prennent pour des blancs en jouant au tennis. »

Pas facile dans les années 40 pour une jeune fille de Harlem de se faire une place dans le sport. Issue d’une famille nombreuse, papa mécanicien, Althea Gibson joue au basket, au base-ball et au paddle dans les rues de la ville, parfois même avec la police. Elle s’est même mise au tennis. Mais problème, à cette époque, les compétitions sportives de cette activité sont réservées aux blancs. La politique de ségrégation raciale fait la loi. Les noirs avaient leurs propres clubs, leurs tournois et leur fédération : l’American Tennis Association. Plus douée que ses camarades de jeu, Althea écrase ses adversaires. Entraînée par Fred Johnson, elle rêve d’affronter les plus grandes joueuses mondiales sur le circuit. Elle intègre les meilleures écoles de tennis black. Grâce à une tribune de la championne Alice Marble dans l’American Lawn Tennis Magazine, le rêve d’Althea va s’exaucer. Comme dans le football, la boxe et le baseball, les noirs vont pouvoir intégrer les grandes compétitions de Tennis.

Y aurait-il eu Artur Ashe ou les sœurs Williams si Althea Gibson n’avait pas existé ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser. La championne a en tous cas ouvert une brèche. Aujourd’hui oubliée du grand public, elle s’est construite dans une Amérique raciste. Exemple de combattivité et de pugnacité, Althea a remporté Roland Garros, Wimbledon et l’US National (ancêtre de l’US Open) à la fin des années 50. Elle tentera de poursuivre sa carrière dans la chanson, sans trop de succès, puis dans le golf, arrivant jusqu’à la vingt-septième place mondiale. Ces activités ne rapportant pas l’argent qu’elles rapportent aujourd’hui, Althea Gibson pourra-t-elle terminer sa vie avec un niveau de vie plus élevé que celui des quartiers de Harlem où elle a été élevée ?

© Frey, Dorange – Vents d’Ouest

Le scénariste Julien Frey retrace la vie de la tenniswoman méconnue en quatre chapitres. La fille de Harlem s’attarde sur son enfance. Noire et blancs montre ses succès dans le tennis et son combat pour pouvoir affronter les « blancs ». Toutes les balles retrace sa carrière sur le circuit international professionnel. Vivre conclue sur ses derniers choix de vie. L’ensemble est raconté par la voix d’Althea, de façon linéaire, et se termine sur un émouvant flashback entre elle, adolescente, et son père.

Au dessin, Sylvain Dorange navigue des rues de New-York aux courts de Tennis dans une ambiance colorimétrique à mi-chemin entre des tons très fifties et une fausse impression sépia qui va à ravir avec l’atmosphère du récit.

Althea Gibson est au sport ce que Rosa Parks et Claudette Colvin sont au combat des blacks pour se faire une place légitime dans la société. Ce biopic lui apporte enfin un morceau de l’aura qu’elle mérite.


One shot : White only

Genre : Biopic

Scénario : Julien Frey

Dessins & Couleurs : Sylvain Dorange

Éditeur : Vents d’Ouest

ISBN : 9782749309927

Nombre de pages : 152

Prix : 23 €


Ça va aller, mademoiselle

Vis ma vie en H.P.

« -Bonjour, c’est pour quoi ?

-Euh… pour… euh… Pour de l’aide.

-D’accord. Pour les urgences psychiatriques, c’est le couloir à gauche. Des infirmiers vont vous recevoir.

-Ok.

-Je vais prendre votre nom et votre carte vitale s’il vous plaît. »

Blandine Denis est une jeune femme qui a besoin d’aide. Elle est admise aux urgences psychiatriques de l’hôpital. Des infirmiers vont la recevoir. Elle a pris des substances. Elle a 9 de tension. Elle est artiste de bande dessinée. Si elle est là, c’est parce qu’elle a des obsessions et des pensées intrusives qui grandissent dans sa tête. Au fil des jours, elles se font de plus en plus bruyantes et deviennent insupportables. Elle lutte pour ne pas les écouter, mais elles sont très fortes et persuasives. Elles la culpabilisent et la dévalorisent. Ce sont des TOC, des troubles obsessionnels compulsifs. Une psychiatre lui propose une hospitalisation qu’elle accepte. A 19 h, une gentille infirmière lui montre la chambre qu’elle va partager avec Assia, qui vient aussi tout juste d’arriver. Blandine va nous raconter son séjour, au fil des jours et de ses démons.

Les horaires sont stricts. On mange comme les poules. Les affaires personnelles sont auscultées afin qu’il ne reste rien de dangereux. Pas de lacet, pas de rasoir, ni même de téléphone et de chargeur. On n’a droit à son portable que cinq minutes par jour. L’ensemble des effets personnels est inventorié. Blandine est affublée du pyjama de rigueur et reçoit une dose de cheval de médocs. Les sédatifs font leur effet. Elle s’endort dans ce qu’elle appelle « la maison des fous ». De jour en jour, les autres patients lui partagent leurs traumas. Elle réclame aux soignants les outils pour aller mieux. Le temps s’étire. Elle s’ennuie. Elle dort. Elle subit les effets secondaires des médicaments : des décharges, des tremblements, une agitation incontrôlable,…

Chaque patient porte une histoire, un vécu. Certains semblent de bonne humeur. D’autres portent un chagrin immense. Chez certains, ça déborde, comme Michel qui tremble tellement qu’il ne parvient pas à manger son yaourt. Ce sont des enfants blessés qui ont besoin d’être pris par la main, à qui il faut réapprendre à vivre doucement. Tercian, lithium, abilify, paroxétine, sertraline, xanax, aprazolam, fluoxétine, aripiprazole,… : chacun son traitement, quand on ne passe pas de l’un à l’autre afin de trouver le bon.

Blandine se demande où elle en est par rapport aux autres. Comment en est-elle arrivée là ? Va-t-elle s’en sortir ? Est-elle malade ? L’autrice est en errance médicale depuis des années. Elle a rencontré des tas de thérapeutes qui lui ont tous diagnostiqué des pathologies différentes. Alors, autiste ? bipolaire ? HPI ? dépressive ? hypersensible ? borderline ?

© Denis – Lapin

Avec émotion et pudeur, Blandine Denis livre un témoignage inestimable. Une mauvaise rencontre, un mauvais choix, un hasard malheureux, personne n’est à l’abri de se retrouver dans sa situation. Il faut apprendre à vivre avec. Ça peut être long, c’est long, ce sera long. C’est pour ça que dès qu’elle est admise dans l’HP un infirmier lui dit : « Ça va aller, mademoiselle. » Certains auront la patience d’attendre l’hypothétique guérison, d’autres non, comme ma fille Katrina, ma chérie, qui est partie en août 2022, à 18 ans, après près de deux ans de souffrance, d’hospitalisations peu efficaces, d’abandon d’accompagnement par un médecin soi-disant réputé, peut-être parce que le cas était trop complexe pour lui. Dans ces mois sombres, certains soignants ont quand même tenté de tout donner pour l’aider… en vain. Des dizaines de scènes de cet album, elle les a vécues. J’aurais tellement aimé qu’elle puisse le lire pour prendre conscience qu’elle n’était pas toute seule.

                Ce journal intime est une immersion poignante et instructive sur la vie des patients d’hôpitaux psychiatriques. Il est temps que leurs troubles cessent d’être tabous. Ce ne sont pas des fous. Ceux qui s’interrogeaient n’auront plus de doute après avoir lu ce livre qui leur apprendra qui ils sont.

A tous ceux qui souffrent de troubles psychiques, à tous ceux qui ont dans leur entourage quelqu’un dans cette peine, la lecture de « Ça va aller, mademoiselle » vous donnera la force d’avancer, non pas vers la lumière totale, Blandine Denis ne nous ment pas dans la conclusion, mais vers de belles éclaircies de plus en plus fréquentes et longues. Et habillez-vous en couleur, ça aide à les faire entrer à l’intérieur.


Titre : Ça va aller, mademoiselle

Genre : Tranche de vie

Scénario, Dessins & Couleurs : Blandine Denis

Éditeur : Lapin

Collection : Causes en corps

ISBN : 9782377541928

Nombre de pages : 176

Prix : 21 € 


L’enfant démon

La forêt maléfique

« -Toc toc ? Y a du monde ? C’est à moitié ouvert…

-Ou à moitié fermé…

-Oh putain !

-Quoi ?

-Entre pas là-dedans !

-Qu’est-ce que tu as vu ? Mais putain, c’est quoi ?!

-C’est… c’est… une infection ! »

                En balade en forêt, un jeune couple découvre une tente abandonnée. Jetant un œil à l’intérieur, le garçon est saisi par la puanteur et l’horreur de trois cadavres de corbeaux les entrailles à l’air. Quelques jours plus tard, on retrouve l’homme au commissariat. Il est interrogé par la police, suspecté du meurtre de sa petite amie. Que s’est-il passé entre la découverte des oiseaux et ce moment ? D’après lui, elle aurait été attaquée par des loups… alors qu’il n’y en a plus depuis belle lurette dans le Limousin. Quant à la campeuse, elle n’a pas donné signe de vie depuis trois jours. Afin de les aider dans leurs recherches, les enquêteurs font appel à Blanche Fontaine. Spécialiste en sciences occultes, avec Gaëlle Demeter, lieutenant de gendarmerie, c’est elle qui, il y a quelques mois, a résolu l’énigme de l’homme-bouc qui a conduit à l’arrestation de Constantin Verger. Le vieil homme qui croupit en prison a fait un rêve. Il a vu l’enfant démon. Il errait dans les bois parmi les loups et les cerfs. Quelqu’un doit s’occuper de lui sinon sa colère sera terrible…car ce n’est pas la sienne. Il pourrait bien y avoir d’horribles morts.

                Cinq ans après L’homme bouc paru chez Robinson, Aurélien Morinière et Corbeyran prolongent les mystères de la forêt limousine. Comme souvent, Corbeyran fait osciller son scénario entre fantastique et réalité. Au fond, qu’est-ce qui nous dit que les apparitions surnaturelles ne sont pas des représentations des démons internes des personnages bien réels ? Schizophrénie ou pas ? Le doute plane… ou pas. Le scénario de Corbeyran a ceci de malin qu’il ne donne pas toutes les clefs. L’interprétation du lecteur est l’une des réponses et non pas forcément la réponse. Et cela va jusqu’au final, magistral final.

© Morinière, Corbeyran – Komics Initiative

                Après l’exceptionnelle quadrilogie historique Visages – Ceux que nous sommes, Aurélien Morinière peut laisser plus de liberté à son imagination. Les passages en forêt sont immersifs. Les scènes nocturnes sont angoissantes. Alors que L’homme bouc était en niveaux de gris, ce deuxième épisode, qui peut parfaitement se lire indépendamment du premier, est dans des couleurs ternes, chamaniques. Morinière s’en sert pour jouer sur les ambiances. L’auteur a un don pour mêler des tons improbables : du rouge côtoie un vert-noir. Des illustrations pleines pages s’intercalant entre les chapitres ou faisant partie intégrante de l’histoire démontrent que le dessinateur est aussi un grand illustrateur.

                L’enfant démon est un thriller fantastique de haute volée. Tout l’ADN du créateur Corbeyran est présent dans cette histoire dont on ne peut imaginer qui, mieux qu’Aurélien Morinière, l’aurait dessinée. L’album montre par ailleurs que c’est souvent chez les tout petits éditeurs, ici Komics Initiative, qu’il se passe des choses remarquables.


One shot : L’enfant démon

Genre : Thriller fantastique

Scénario : Corbeyran

Dessins & Couleurs : Aurélien Morinière

Éditeur : Komics Initiative

ISBN : 9782386030093

Nombre de pages : 208

Prix : 30 €


Folkore 1 – Le renard de roman / 2 – La mécanique des rêves

Les clés de la vie

« -Qu’est-ce qu…

-Papa, maman ! Elle est apparue subitement ! Est-ce que c’est … ?

-Oh !

-Ah !

-Oui mon fils, c’est la clé de l’appel.

-Ça veut dire qu’il est temps… Il est temps pour toi… »

                Ascelin est un renard bien coquin. Aujourd’hui, l’ado sèche les cours, préférant flâner dans les allées de la fête foraine. Il est roublard. Il consomme, ne s’acquitte pas de tout ce qu’il doit, en particulier à Drouin, le marchand de douceurs. C’est bien le fils de son père, le vaurien. Si sa mère ne cautionne pas l’école buissonnière, le pater familiae excuse son fils. Il lui avait promis de s’occuper du stand de voyance. Il y a des pigeons qui attendent. Voilà donc le rejeton déguisé en voyante (hommage non dissimulé au Robin de Disney), parti lire les lignes de la main pour deux séquins par personne. Si sa mère s’inquiète plus pour son avenir que son père. Les parents vont être mis d’accord par une apparition subite, celle de la clé de l’appel. Cela signifie qu’il est temps pour Ascelin d’accomplir son Folklore.

                A travers le monde, chaque adolescent doit un jour accomplir son Folklore. Matérialisée par l’apparition d’une clef magique, cette coutume signe le début de l’émancipation de l’enfant qui doit partir en voyage pour trouver sa propre voie dans la vie. Le jeune appelé se soumet alors à un rite d’apprentissage au sein de Bäbel, capitale cosmopolite et cité de tous les possibles, afin de déterminer quelle sera sa place parmi les autres. Voici le pitch de la nouvelle série concept que lancent Loïc Clément et Anne Montel, les nouveaux phares de la bande dessinée animalière, dont les deux premiers tomes paraissent simultanément : Le renard de Roman et La mécanique des rêves. Ils peuvent se lire dans n’importe quel ordre.

                Dans le deuxième épisode, Gayatri, une panthère princesse, ne comprend pas pourquoi, à Jaïpura, tous les habitants ne naissent pas égaux. Son père lui explique qu’elle est au sommet de la pyramide sociale. Les personnes et leur rôle dans la société sont décrits au travers de leur varna. Le système des castes permet la reconnaissance par la société de l’identité culturelle de chacune des communautés qui la composent. Gayatri ne l’entend pas de cette oreille. Un jour, elle sera assez compétente pour réparer le mécanisme enrayé de l’horloge. Son père ignore que la clé de l’appel lui est apparue. Elle va partir faire son Folklore. Les trois petits éléphants qui décorent l’horloge en sont tout excités. Lorsqu’il va l’apprendre, son père, frustré de ne pas avoir pu réaliser ses rêves, va tout faire pour donner à sa fille les moyens de ses ambitions en l’envoyant en apprentissage chez Piccolo, vieux maître réparateur.

© Clément, Montel, Richerand – Dargaud

                Après Mauvais sang, un conte des cœurs perdus, Lionel Richerand retrouve Loïc Clément. Il dessine l’aventure d’Ascelin. Le renard va se trouver au cœur d’un lourd secret de famille qu’il va tenter non seulement de comprendre, mais aussi de réparer. Un adolescent peut-il soigner des plaies familiales passées ? Sa mère a été reniée par ses parents et a tenté en vain d’entamer une correspondance avec sa propre mère aujourd’hui décédée. Ascelin va comprendre que l’on est parfois victime de paramètres que l’on ne maîtrise pas et qu’il faut par conséquent se méfier de ce qui peut sembler être des évidences. Sera-t-il le ciment qui va « réparer » la famille ? Ce n’est pas innocent si dans une bibliothèque il prend en mains l’album Mitsuko du même scénariste.

Maud Begon, autrice entre autres du Jardin secret, s’empare du dessin et du destin de la féline Gayatri. La mécanique des rêves est une histoire d’émancipation et de confiance en soi. A quel moment se défait-on de ce qui nous raccroche à l’enfance ? D’ailleurs, pourquoi faudrait-il le faire ? Ça, ce n’est pas nous qui le décidons. On ne choisit pas le moment où l’on quitte l’adolescence, et si on le fait, c’est parce que la vie nous a fait la démonstration qu’on en était capable. C’est ce qu’on apprend avec l’histoire de Gayatri. Pour autant, les auteurs nous rassurent : ce qui nous a construit ne nous quitte jamais.

Folklore est une série concept aux histoires indépendantes. L’histoire d’Ascelin est tournée vers le passé, celle de Gayatri vers le futur, mais toutes deux ont pour point commun de montrer des transitions, des transmissions entre l’adolescence et l’âge adulte. C’est ça, le Folklore. Trois autres tomes sont déjà annoncés, dessinés par Clément Lefèvre, Anne Montel et Nancy Peña. Sous une maquette sublime, les auteurs prouvent que la bande dessinée animalière intelligente tous publics a encore de beaux jours devant elle.


Série : Folkore

Tomes : 1 – Le renard de Roman / 2 – La mécanique des rêves

Genre : Aventure fantastique

Scénario : Loïc Clément

Dessins : Lionel Richerand / Maud Begon

Couleurs : Grelin & Lionel Richerand / Grelin

D’après l’univers de : Anne Montel & Loïc Clément

Éditeur : Dargaud

ISBN : 97822052028-30 / -47

Nombre de pages : 56

Prix : 17,50 €


Vous n’aurez pas les enfants

La rafle désarçonnée

« -Quand l’avez-vous appris ?

-Tout à l’heure. Au détour d’un couloir. L’opération doit rester secrète. Après le Vél d’Hiv, Vichy va maintenant livrer les juifs étrangers de la zone libre. C’est le préfet Angeli qui est chargé d’organiser la rafle de la région de Lyon dans les dix départements dont il a la charge. Je demande solennellement l’aide de l’amitié chrétienne.

-Vous l’aurez. Les enfants sont-ils concernés ?

-J’en ai peur. Mais il est question d’un télégramme officiel, qui doit préciser une liste d’exemptions. Je vais me le procurer et vous ferai parvenir cette liste dès que possible, demain sans doute. »

                5 août 1942, presbytère de Notre-Dame-Saint-Alban, 8ème arrondissement de Lyon. L’Abbé Alexandre Glasberg reçoit la visite de Gilbert Lesage, chef du service social des étrangers de Vichy, un humaniste et résistant. Ce dernier demande solennellement l’aide de l’amitié chrétienne car Vichy s’apprête à livrer les juifs étrangers de la zone libre. Une liste d’exemptions va peut-être permettre d’en sauver quelques-uns.  L’obsession administrative du régime pourrait se retourner contre lui en ouvrant une faille. C’est cette faille que l’Abbé Glasberg va tenter de creuser. La rafle est imminente. Les personnes arrêtées seront internées dans la banlieue de Lyon, au camp de Vénissieux, afin d’y être triées, puis déportées ou libérées. Il va donc falloir jouer sur les exemptions.

                Le bureau de l’OSE (Œuvre de secours aux enfants juifs) s’organise. Charles Lederman, fondateur du bureau, expose la liste des exemptions. L’objectif est de faire sortir légalement le plus d’internés possible, ceux arrêtés par erreur et, pour les autres, en « jouant » sur ces exemptions. Ne sont donc pas concernés par la rafle : les individus ayant servi dans l’armée française ou ex-alliée, ainsi que leurs familles, ceux qui ont des enfants ou un conjoint français, les intransportables, les vieillards de plus de soixante ans, les femmes enceintes, les parents d’enfant de moins de cinq ans, ceux incorporés dans un groupement de travailleurs, les artistes, auteurs et scientifiques, ainsi que, et c’est là que va se trouver le principal levier, les enfants de moins de dix-huit ans non accompagnés. Le premier objectif est de faire exempter les familles entières. Si ça ne marche pas, il faudra convaincre les parents d’abandonner leurs enfants pour les faire entrer dans la catégorie des mineurs non accompagnés.

© Balez, Le Gouëfflec – Glénat

                L’historienne Valérie Portheret a mené une enquête de vingt-cinq ans pour reconstituer le sauvetage des enfants du camp de Vénissieux grâce à de nombreux témoignages. Arnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez adaptent son livre qui raconte la chaîne de solidarité qui s’est mise en place entre le 26 et la nuit du 28 au 29 août 1942 pour faire sortir 108 enfants du camp. Cette relecture par le prisme de la bande dessinée permet ainsi de toucher de nouvelles générations et de rentrer dans les écoles. Aux enseignants de s’en emparer. La résistance sans arme a fait mettre un genou à terre au régime nazi en le prenant à son propre piège des contraintes administratives. Les auteurs signent un quasi-huis clos, sombre dans le fond et dans la forme. La mise en abime du prêtre dans la paperasse administrative est une composition magistrale, tout comme ses travaux de couture où le cosaque géant déambule en broderie.

                Valérie Portheret en personne signe la préface et le large dossier historique final de ce vibrant témoignage historique. Vous n’aurez pas les enfants raconte l’un des plus grands coups d’éclats de la résistance française. On entre au cœur de destins de familles qui vont se séparer en sachant pertinemment qu’ils ne seront jamais réunis à nouveau. L’album est artistiquement puissant et l’histoire à la force de celle de La liste de Schindler. Un des indispensables de l’année.


One shot : Vous n’aurez pas les enfants

Genre : Histoire

Scénario : Arnaud Le Gouëfflec   

Dessins & Couleurs : Olivier Balez

D’après : Valérie Portheret

Editeur : Glénat

Collection : 1000 feuilles

ISBN :  978244055489

Nombre de pages : 152

Prix : 24 €


La solidité du rêve

A la croisée des arts

« -Vous êtes chanteur ! Quel genre ?

-Un qui raconte des histoires de toutes sortes… Des lumineuses et des dramatiques, des fulgurantes et des vénéneuses… Des voyages souvent sans fin…

-Un conteur chanteur, quoi…

-Pourquoi pas…

-C’est pas banal. »

Lors d’une nuit de balade, Alfred, dessinateur de bandes dessinées de son état, pénètre dans un théâtre abandonné pour une petite session de dessin sauvage. Dans une loge envahie de végétation, le dessinateur rencontre un homme affalé sur un hamac. Ce type vit-il ici ? Ici ou là, quelle différence ? C’est un chanteur : Arthur H. Il raconte des histoires de toutes sortes, des lumineuses et des dramatiques, des fulgurantes et des vénéneuses, des voyages souvent sans fin. Ça tombe bien, Alfred aime qu’on lui raconte des histoires. Qui n’aime pas ça ? Arthur propose de lui en raconter une romantique, hypnotique et divinement tragique à la fois. Ce n’est que la première. Il va lui en conter plusieurs, ce sont celles de ses chansons.

Avec Alfred, nous allons faire la connaissance d’Eléonore et Léonard, une chanteuse de bar et son gigolo, adeptes de la roulette russe. Dans la forêt vierge, surprise par l’orage, une fille sauvage va pleurer pendant que la pluie redouble sur les deux promeneurs. Un baron noir les embarque dans son aéroplane pour survoler la Tour Eiffel. De retour d’un voyage dans l’espace de la galaxie Higelin, c’est sur un océan de glace qu’ils vont entendre les dernières notes de l’orchestre du Titanic. Un chercheur d’or, une boxeuse amoureuse, un cheval de feu et bien d’autres rencontres scanderont leur voyage onirique. Sans destination et sans but, n’est-ce pas la plus belle façon de voyager ?

© Alfred, Arthur H – Casterman

Alfred et Arthur sont deux créateurs, chacun dans leur style. Ici, c’est le musicien qui initie le dessinateur à l’immense plaisir de se perdre dans des sons, de s’abandonner aux flux d’énergie pour s’oublier complètement, se connecter à soi-même et entrer en résonance avec son être profond grâce à la musique. Alfred lui répond que le dessin lui fait le même effet, quand son corps disparaît littéralement dans le trait en une transe légère. Faire de la musique, c’est jouer avec le temps. Dessiner, c’est faire apparaître ce qui bouillonne dedans sur la feuille blanche dehors. Alors que le dessin est un lien fort à l’enfance, la musique est une grande chance qui te prend et t’habite d’une façon mystérieuse. Dessiner en musique rend le dessin musical. La musique, c’est de la vie, dit Alfred. La vie, c’est du dessin, rétorque Arthur. Les arts s’imbriquent dans une douce mélopée.

La solidité du rêve est un voyage onirique. Les auteurs convoquent Fellini pour une quête spirituelle célébrant la jouissance du voyageur. Dans des vertiges graphiques diversifiées selon les chansons d’Arthur H, Alfred fait de ce livre un support de rêve, d’imagination, de création et de liberté. « Après tout, de quoi d’autre a-t-on vraiment besoin ? » A lire par une belle nuit étoilée.


One shot : La solidité du rêve

Genre : Ballade poétique

Scénario : Alfred & Arthur H

Dessins & Couleurs : Alfred

Éditeur : Casterman

Nombre de pages : 128

Prix : 18 €


La valse des montagnes

Pour un air d’accordéon

« -Mademoiselle Amandine ! Bienvenue parmi nous. Nous vous attendions. Je suis Monsieur Lemaire. Voici Monsieur Legrand, à ma gauche, et Monsieur Lebrun, à ma droite.

-Enchantée.

-Fichtre ! Une jeune joueuse d’accordéon… Avec tous ses doigts !

-Pardon ?

-Ha ha ha ha ha ha ! Je plaisante, j’adore plaisanter.

-Je vous en prie, Mademoiselle, prenez place.

-Vous permettez que je fasse la route avec vous ? Il est assez rare de voir de nouvelles personnes dans nos montagnes. Le village et votre hôtel sont un peu plus loin dans la forêt. Encore merci d’avoir accepté notre invitation. C’est très important pour nous. »

Jouer de l’accordéon, c’est comme respirer. Amandine le sait bien, le ressent bien. La jeune accordéoniste l’a appris de son grand-père Papy Ernest. Ecouter l’air entrer et sortir du soufflet de l’instrument. L’entendre se transformer en cette langue magique qu’est la musique. Se laisser emmener dans un autre monde pour nourrir nos âmes, se laisser envelopper d’une douce magie. Aujourd’hui, Amandine est accordéoniste professionnelle. Elle se produit sur scène sous les applaudissements de salles combles. Rendre les gens heureux est sa récompense. Un soir, en rentrant à son appartement, le gardien lui remet une lettre, une invitation.

Chaque année, à l’approche des premiers vents d’octobre, un petit village de montagne célèbre l’automne, une tradition ancienne entourée de chants, de rires et de danses au son de l’accordéon. Dans sa missive, l’édile de la cité propose à Amandine de venir représenter l’âme musicale qui ferait vibrer les cœurs des villageois. Elle serait l’invitée d’honneur des festivités. Fatiguée de ses concerts, Amandine hésite à accepter. La nuit portant conseil, le lendemain, elle est décidée. Le jour venu, dans le train qui l’amène à destination, le contrôleur s’étonne de sa destination : « Oh ! Personne ne s’arrête jamais dans ce village. Je ne savais même pas qu’il existait encore. » C’est seule qu’elle descend sur le quai, accueillie par ses hôtes. Les festivités vont durer quelques jours, plus que prévus, dans une ambiance mystérieuse et avec une pression mise par les habitants pour que la représentation soit impeccable le jour J.

© Aparicio Català – Bamboo

Tombée sous le charme des montagnes de Bagnères-de-Luchon, l’autrice espagnole Anna Aparicio Català y a trouvé un cadre élégant et mystérieux, au passé riche d’une époque mondaine révolue. Elle a tiré de cette beauté isolée ce conte féérique dans lequel on ne sait pas s’il faut avoir peur pour Amandine ou pas. Qu’attendent d’elle exactement les villageois ? Anna entretient le suspense le plus longtemps possible dans cette histoire de transmission. Ses personnages aux yeux gigantesques à la Yomgui Dumont sont des passeurs d’émotion. Ses décors automnaux arrondis sont de la plus grande délicatesse. Entre réalisme et onirisme, l’histoire volète au son de la musique que l’autrice parvient à dessiner, à faire entendre. A écouter en lisant l’album, Marta Ledesma a composé un morceau spécifique téléchargeable grâce à un QR code qui se trouve en préambule.

Si vous ne parvenez pas à vous arrêter de courir, lisez La valse des montagnes. Cet album a la capacité magique de suspendre le temps. La musique a le pouvoir de sauver plus que la vie. Qu’est-ce que ça fait du bien de lire de si belles histoires.


One shot : La valse des montagnes

Genre : Aventure fantastique

Scénario, Dessins & Couleurs : Anna Aparicio Català

Éditeur : Bamboo

Collection : Aventuriers d’Ailleurs

ISBN : 9782386040191

Nombre de pages : 152

Prix : 22,90 €


Son odeur après la pluie

Un chien pour la vie

« -Cédric, tu travailles ?

-Tu vois, Marie ? Même les profs de gym doivent préparer leurs cours !

-Je cherche un nom pour un cabot que je vais adopter.

-Ah ! L’aventurier nomade commence à prendre des responsabilités !

-Si tu penses à trouver une compagne, tu sais où j’habite, beau gosse…

-Chère Madame, je vous rappelle que vous nagez dans le bonheur en étant marié avec moi.

-Le bonheur est surestimé.

-C’est pas une tâche facile. Il faut un nom court, qui claque… et qui ait du sens. »

                La trentaine rugissante, Cédric est un professeur d’EPS passionné et adepte de montagne. Alors, lorsqu’il cherche un nom pour le chien qu’il va adopter, quoi de mieux qu’un nom court, qui claque et qui ait du sens, donc du lien avec sa passion. Il a trouvé, quatre lettres, comme de la terre au feu, deux syllabes fuyant la lumière mais ne refusant pas les éclats du bonheur, l’animal s’appellera Ubac. Quelques jours plus tard, il ramène chez lui une adorable petite boule de poil, qui ne restera pas petite et bouleversera sa vie, un magnifique bouvier bernois qui sera un compagnon de route inestimable.

                Ce ne sont seulement dans les balades en forêt qu’Ubac va accompagner Cédric. Ce dernier va aussi l’amener en cours, avec ses élèves, au grand dam de l’inspecteur de l’éducation nationale qui ne va pas tarder à le lui reprocher, tout comme il déplore que l’enseigne fasse sortir les enfants de l’école pour les emmener en montagne, à un jet de pierre de l’établissement. Il le menace de le déplacer s’il ne suit pas une formation professionnelle. Décidément, ce n’est pas une bonne période pour Cédric, lui qui vient de se faire virer de son appartement parce que le bail, soi-disant, n’autorisait pas les chiens. Il va trouver son salut grâce à un couple de retraité qui lui propose de le loger dans une partie du logement qu’ils viennent d’acheter pour ne pas passer leur retraite à Paris. Le karma semble de nouveau tourner dans le bon sens, d’autant plus qu’il a rencontré une sympathique jeune photographe dans un parc.

© Munuera, Sedyas – Le Lombard

                Son odeur après la pluie est l’une des plus belles histoires d’amour qui ait été écrite entre un homme et son chien. José-Luis Munuera, non content d’être l’un des meilleurs dessinateurs du moment, confirme ici qu’il est aussi l’un des meilleurs adaptateurs de romans. Après Melville, Dickens et Barrie, c’est un auteur contemporain qui lui offre aujourd’hui matière à un album marquant dont le héros du quotidien est un bouvier bernois, race de chien de berger qui autrefois gardait le bétail et tirait des charrettes de lait. Ubac est le compagnon des promenades de Cédric, mais aussi de celles du lecteur. Graphiquement, Munuera laisse également éclater son talent dans les scènes d’escalade en montagne.

                Si un travail est à souligner particulièrement dans cet album, c’est celui de Sedyas. Et pas seulement dans les rochers blancs-bleus aux reflets jaunes d’un soleil éblouissant les yeux. Dans des planches grisâtres, seul Ubac apparaît en couleurs. La scène des retrouvailles avec Mathilde est particulièrement bien pensée dans ce sens où Sedyas montre comment l’animal illumine la vie des gens qui croisent sa route.

                Une vie avec un chien, ce sont de nombreuses joies, mais aussi quelques peines. On suivra le destin d’Ubac jusqu’au bout, avec une inévitable petite larme à la fin, mais pour combien de bonheur. Avec cette histoire, Cédric Sapin-Defour se promène une dernière fois avec Ubac. En acceptant cette adaptation par José-Luis Munuera, il ne se doutait pas que le dessinateur allait lui offrir une éternité. Magnifique.


One shot : Son odeur après la pluie

Genre : Biopic canin

Scénario & Dessins : José-Luis Munuera

D’après : Cédric Sapin-Defour

Couleurs : Sedyas

Éditeur : Le Lombard

Nombre de pages : 136

Prix : 22,95 €


Le roi des fauves 1 – Hadarfell / 2 – Falko

Jugement métamorphique

« -Où est-ce qu’ils nous emmènent ?

-A ton avis ?

-Au château des Thorwalds. Regarde leurs uniformes. Ce sont des hommes de la garde royale… La réponse à ta question, c’est qu’on va à Sigvard, bien sûr. C’est là qu’on sera torturés, jugés… et condamnés. »           

Enfermés dans une cage tractée par des chevaux, Ivar, Oswald et Kaya avancent vers leur destin. Ils vont être jugés et condamnés. C’est inévitable. Mais qu’ont-ils donc fait ? Il se trouve que chaque année, malgré les abondantes récoltes et les chasses fructueuses dans la région, les villageois arrivent à grand peine à subvenir à leurs besoins, tout ça parce que les Thorwalds pillent leurs récoltes. Ivar, qui doit reprendre la forge de son père, a décidé d’aller chasser malgré les interdictions, avec ses deux camarades. Leurs familles crient famine. Pas question de les laisser crever. Mais tout ne va pas se passer comme prévu. Ils vont être surpris dans leur partie de chasse par un jeune Seigneur qu’ils vont laisser pour mort. C’est quelques jours après qu’ils seront capturés et c’est pourquoi ils sont aujourd’hui enfermés dans cette cariole qui les mène vers le jugement.

Sur la terre des Fauves, un tribunal les condamne, tous les trois, malgré les supplications d’Ivar voulant s’accuser seul coupable. Pourtant, ils ne seront pas condamnés à mort. Non. Mais à bien pire. Ce sera long, long et douloureux. Ils sont soumis à la cérémonie du lehring. On les force chacun à avaler un maudit parasite qui va prendre possession de leurs corps et les changer en bêtes enragées en quelques jours, huit environ, ça dépend des gens. On ne trouve cette bestiole, le lehring, que dans l’ancienne province de Hadarfell où plus personne ne vit. Cette sentence leur donne une deuxième chance, celle de revenir sous la forme d’un berserkir afin de servir le pays qu’ils ont trahi. Dès l’ingestion, Ivar aperçoit dans son esprit Falko, le roi des Fauves, dont il est devenu l’un des sujets. Abandonnés dans la nature, les condamnés sont voués à se transformer en animaux avant d’être chassés par des seigneurs et des mercenaires qui tenteront de les revendre aux plus offrants. Les membres du trio ont-ils une chance de survie et de guérison ? Il va falloir faire vite, et être assez fort pour lutter contre le mal qui ronge de l’intérieur.

© Chauvel, Guinebaud, Lou – Delcourt

Le roi des Fauves est un diptyque adapté par David Chauvel du roman d’Aurélie Wellenstein paru en 2015 aux éditions Scrinéo. On est dans un genre particulier d’Heroïc-Fantasy Survival horrifique. La tension est à son comble et monte crescendo. Les personnages semblent dans une situation inextricable dont le climax est atteint en toute fin de première partie. La bête cogne à l’intérieur. Alien rencontre Hunger Games. Aux dessins, Chauvel retrouve Sylvain Guinebaud, son complice du truculent Robilar ou le Maistre Chat. Deux salles deux ambiances. La comédie fait place au drame. Guinebaud passe d’un graphisme Maïorana époque Garulfo à un trait plus réaliste, plus rude, plus en adéquation avec le ton du récit.

La deuxième partie met les personnages face à des choix inéluctables. Qui en ressortira ? Et dans quel état ? Tout ce que l’on peut dire, c’est que le final donne une explication sur ce qu’est le monde aujourd’hui.

Histoire impeccable (qui aurait été développée en série plus longue dans les années 90), le diptyque Le roi des Fauves est l’un des grands moments fantastique moyenâgeux de l’année. Redoutablement efficace.


Série : Le roi des fauves

Tomes : 1 – Hadarfell / 2 – Falko

Genre : Fantastique

Scénario : David Chauvel

D’après : Aurélie Wellenstein

Dessins : Sylvain Guinebaud

Couleurs : Lou

Éditeur : Delcourt

Collection : Terres de légendes

ISBN : 97824130-18728 / -85003

Nombre de pages : 64

Prix : 16,50 €


The strange house 1

Un plan bien mystérieux

« -On va bientôt avoir un bébé.

-Oh ! Toutes mes félicitations !

-Et donc on pense acheter une maison. On a trouvé cette jolie maisonnette de deux étages dans un quartier calme proche de la gare et de la forêt. C’est pas du neuf mais elle a été construite très récemment. Elle est lumineuse et spacieuse. Ma femme et moi avons tout de suite eu un coup de cœur ! Mais… Regarde ici… Il y a un étrange espace. « 

Un futur papa présente à un ami, Yanaoka, les plans d’une maison qu’il prévoit d’acquérir, mais il a décelé une anomalie qui le retient dans son achat. Un étrange espace intérieur sans porte sans fenêtre est situé entre la cuisine et la salle à manger. Yanaoka est un auteur spécialisé dans l’occultisme. Il s’y connaît en phénomènes étranges et entend beaucoup d’histoires de fantômes et un tas de trucs étranges dans le cadre de son travail. Certaines maisons sont hantées, mais le cas de celle-ci semble différent. Yanaoka appelle Kurihara, un architecte passionné de polars. En analysant les plans des deux étages de la maison, il remarque tout un tas d’ambiguïtés qui laissent penser que celle-ci pourrait être le théâtre de meurtres sordides.

Entre conjectures et suppositions, Yanaoka et Kurihara imaginent ce qui a pu se passer. Une pièce est infranchissable, sauf peut-être d’un étage à l’autre. Une autre salle, sans fenêtre fatalement, se trouve au beau milieu de l’étage. Tout est conçu pour que des choses puissent se passer alors que les voisins pensent qu’ils ont vision sur tous les lieux. Alors, réalité ? Spéculations ? On ne sait pas trop si les deux analystes savent ou fantasment sur d’éventuels crimes. Ce qui est certain, c’est qu’un corps découpé en morceaux a été retrouvé dans un bois près de cette maison, qui a été construite il y a à peine un an.

© 2023 Uketsu, Kyo Ayano. All rights reserved 
First published in Japan in 2023 by Ichijinsha Inc., Tokyo
© Kana 2025

The strange house est l’adaptation d’un roman du youtubeur Uketsu. Derrière un masque blanc et dans une combinaison noire, le vidéaste mystérieux est une star du web au Japon. On ne connaît ni son âge, ni sa voix. Uketsu signifie « trou de pluie ». Il raconte des récits effrayants, dont celui de cette maison aux plans étranges. L’histoire est devenue un manga et un film. L’auteur est l’un des leaders de la nouvelle vague nippone et a déjà rebondi avec Strange pictures basé sur des dessins d’enfants. Son histoire de maison date à peine de 2023 et fait déjà figure de phénomène mondial. Détective Conan aurait adoré résoudre l’énigme de ce manga.

Quand on ne peut pas refermer un livre avant de l’avoir terminé, c’est qu’il se passe quelque chose de fascinant. The strange house est l’événement manga de cette fin d’année. Indispensable.


Série : The strange house

Tome : 1

Genre : Thriller

Scénario : Uketsu

Dessins : Kyo Ayano

Éditeur : Kana 

ISBN : 9782505129028

Nombre de pages : 178

Prix : 7,90 €


Deryn Du

Morts mystérieuses en bord de mer

« -Monsieur l’agent ! Monsieur l’agent, s’il vous plaît ! La nuit du défenestré, j’ai vu une enfant dans la rue. Elle était seule, cela m’a paru étrange…

-A cette heure-là, nos enfants sont couchés, jeune homme. »

Dans un petit village de campagne galloise en bord de mer, l’été commence bien. Une baleine est retrouvée échouée sur la plage, le corps lacéré et les entrailles à demi dévorées. Quelle créature a bien pu lui faire subir ce sort ? Le soir, un homme trouve une poupée devant sa porte. Sa femme lui demande de faire disparaître cette abomination. Il file jusqu’au port et la jette à la mer. Le lendemain, le couple est retrouvé mort dans leur lit, comme s’ils avaient été piétinés par des chevaux. Chose étrange et paradoxale, il n’y a aucune éclaboussure de sang sur les meubles et les rideaux. Les morts se succèdent. Mortimer a été retrouvé comme broyé par un kraken. Le charpentier semble avoir été empoisonné par mille araignées. Depuis quinze jours, le village est devenu un berceau de l’enfer. Pendant ce temps, dans un grenier, une petite fille récite des poèmes morbides au milieu de poupées de porcelaine.

L’enquête piétine. Les mises en scène macabres sont dignes du théâtre de Grand-Guignol. La police est sur les dents. Arrivera le jour où un coupable sera trouvé et pendu. Si les forces de l’ordre veulent rester cartésiennes, il semble pourtant bien que le surnaturel pointe le bout de son nez. C’est l’avis de Gwilym, venu de la ville et qui loge à l’auberge. Lecteur d’Arthur Machen, il aime se promener dans les près au-dessus des falaises. C’est là qu’il va rencontrer la jeune Deryn, étrange petite fille qui l’invite à prendre le thé. Elle considère son invité comme un passeur de fées. Qui est-elle ? D’où vient-elle ? Nous, lecteurs, savons que c’est l’occupante du grenier. Mais quelles sont ses intentions ? A-t-elle un rapport avec toutes ces morts ?

© Sorel – Dupuis

Avec Deryn Du, le but de Guillaume Sorel était de susciter la peur en bande dessinée, peut-être la sensation la plus complexe à retranscrire par ce média. C’était aussi le défi de Luc Brunschwig quand il a écrit L’esprit de Warren à la fin des années 90 avec Servain chez Delcourt. Chacun dans son genre, l’un comme l’autre a réussi son coup. Lorsque Gwilym s’endort avec son livre au pied d’un arbre, on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour Alice au pays des merveilles, au tout début de l’histoire de Lewis Carroll. La suite n’est pas à mettre entre les mains des disneyphiles. On quitte très rapidement Carroll pour faire un tour chez Lovecraft et Edgar Allan Poe. Deryn Du s’inspire de la littérature et du cinéma britannique fantastique. Sorel en a eu l’idée après avoir regardé le film Opération peur de Mario Bava. Le projet aura mis vingt ans à se concrétiser. Sorel installe des séquences de calme pour mieux surprendre. Un léger doute est fugace sur du rêve. Le surnaturel se concrétise.

Avec des coups de maître comme Deryn Du, la collection Aire Libre justifie sa raison d’être. Le scénariste maîtrise, le dessinateur crédibilise. Guillaume Sorel en a parcouru du chemin depuis Le fils du grimacier et L’île des morts. Il est de retour au sommet de son art. En postface, il annonce à présent se diriger vers d’autres pistes. On verra ce qu’il va explorer. On ne peut que le saluer d’essayer de nous surprendre encore, mais on sait ce qu’il sait faire de mieux. Deryn Du en est la preuve.


One shot : Deryn Du

Genre : Horreur

Scénario, Dessins & Couleurs : Guillaume Sorel

Éditeur : Dupuis

Collection : Aire Libre

ISBN : 9791034767557

Nombre de pages : 136

Prix : 25 €


L’homme à la licorne

La réalité de la fiction

« -Parrain, on va marcher longtemps ?

-Oui.

-C’est ça la chasse à la bécasse, mon petit Christophe.

-Pourquoi on la voit jamais la bécasse ?

-C’est l’animal le plus difficile à chasser. Elle se cache, elle attend toujours le dernier moment pour partir. »

                Au début du printemps, il y a de l’enthousiasme dans l’air. Christophe, un auteur de BD, traverse la place sous les grands arbres. Il a rendez-vous avec la licorne. Il appelle Albert, Albert Lustig, un drôle de loustic. Son histoire est folle. La réalité est parfois si incroyable qu’il faut en faire une fiction. Une visite au musée de la chasse et de la nature fait remonter chez Christophe le souvenir d’une partie de chasse à la bécasse avec son parrain. Celle-ci se cache et fait tourner ses prédateurs humains en bourrique. Au musée, Christophe cherche la vitrine de la licorne avec toute l’histoire d’Albert Lustig. Renseignements pris, elle est en réparation car un visiteur s’est approché trop près. Qui est cet Albert qui semble si important ?

                Avant de s’attarder sur son destin, il est indispensable de passer par l’histoire de son père Victor, un affabulateur, un malin, un escroc. Dans les années 1920, il y a un siècle de cela, il a vendu la Tour Eiffel. L’histoire de Victor est connue. C’est pour cela que Christophe a décidé de raconter l’histoire de son supposé fils Albert, supposé car dans toute histoire d’arnaque, rien n’est jamais sûr. Pourtant, tout est dans l’ADN. L’escroquerie semble être dans les gênes familiaux. Le cheval de bataille d’Albert est une licorne. Le type va tenter de faire croire à Rob O’Hara, un milliardaire américain féru de chasse, qu’il y a une vallée des licornes dans le désert du Kalahari, entre l’Afrique du Sud et la Namibie.

© Nylso, Dabitch – Futuropolis

                Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est faux ? Albert, Victor,… Le mensonge de l’un est vrai, celui de l’autre est faux, mais pourquoi ne serait-il pas vrai ? En se basant sur un personnage réel, suivant les bases posées par Claude d’Anthenaise qui fut directeur du musée de la chasse et de la nature, Dabitch met en scène un descendant qui va dans la surenchère du mensonge. Cela permettra-t-il au personnage auteur, Christophe, de raconter l’histoire parfaite ? Christophe Dabitch écrit une histoire sur mesure pour Nylso, non dénuée d’humour.  Au dessin, le hachuriste maîtrise sa technique avec des natures fouillées mais jamais fouillis. Les planches avec la licorne dans la forêt sont d’une poésie incroyable. Pilier des éditions FLBLB avec la sublime série Jérôme d’Alphagraph, et des éditions Misma, c’est la première fois que Nylso est édité dans une maison mainstream. Largement grandprixmable, l’auteur n’a pas fini d’être remarqué.

                Avec un sujet original et une narration hors norme, L’homme à la licorne invite à la fois à la méfiance et au rêve. Impossible de ne pas s’imaginer dans la tête des dupés. Et d’ailleurs, les licornes, pourquoi n’existeraient-elles pas ? Un des événements de cette fin d’année.


One shot : L’homme à la licorne

Genre : Rêverie

Scénario : Christophe Dabitch

Dessins : Nylso

Éditeur : Futuropolis

ISBN : 9782754845038

Nombre de pages : 224

Prix : 25 € 


Mimésia

Demain contre l’Art

« -Tin-3.103. Vous êtes en possession d’un objet prohibé par le Canon. En cas de résistance, vous et l’objet serez détruits.

-Un nettoyage de votre disque interne sera imposé.

-Mais ? Monsieur Alain me dit que c’est une œuvre d’art. Du vivant.

-Tin. Ils vont la démolir. Tu dois la sauver.

-Mais !

-Un droïde qui n’obtempère pas ?! »

Ben City. Galaxie Nord-Ouest. Siège du Canon. Population d’environ 350 millions d’habitants, composée principalement d’humanoïdes augmentés et d’humains assistés par ordinateur. Quelques réfractaires tentent de s’opposer à la pensée unique. Parmi eux, trois « insuffisants » ont subtilisé un artefact. Deux opérateurs sont à leur poursuite. Avant d’être repéré, le trio balance son larcin dans un sac-à-dos dans le fleuve.  Le lendemain, l’androïde Tin-3.103 trouve le sac. Il l’ouvre et découvre un buste, une sculpture de la fin du XVème siècle terrien, façonnée à la main, à l’image d’une femme réelle. Monsieur Alain, un professeur, lui apprend que la confection de l’objet est un cas de mimesis, une notion philosophique ancestrale consistant à imiter un objet de la nature. Le sujet n’est pas la beauté mais la façon de représenter le sujet. C’est une véritable création. On appelle ça une œuvre d’art.

Pour le Canon, la mimesis est une forme de mensonge, une mauvaise copie de la réalité qui éloigne le peuple du factuel. En bref, c’est une menace pour le pouvoir en place. Heureusement, un groupe secret d’agrestes tente de sécuriser l’héritage humain. Alors que deux agents surgissent pour reprendre possession du buste, Tin-3.103 s’enfuit avec l’œuvre. Il va tenter de rejoindre un groupe de rebelles sur la planète Door Ka Grah qui accumule des ouvrages anciens pour les réunir dans un sanctuaire. Puissance numérique, Canon craint la menace de la matière qui doit rester triviale et utilitaire. Il voit le passé comme une fiction qui s’oppose à sa permanence. Il craint en fait le mystère qui défie sa norme. Tin-3.103 parviendra-t-il à déjouer les plans des sbires du Canon lancés à ses trousses et à mettre l’œuvre en sécurité ?

© Micol – Futuropolis

Mimésia aurait dû être le nouvel album de la collection Louvre-Futuropolis. Comme ses camarades auteurs avant lui, Hugues Micol a arpenté les couloirs du Musée pour préparer son livre. Le premier projet de l’auteur n’ayant pas trouvé d’adhésion, ajouté au départ de Fabrice Douar, éditeur au musée du Louvre, Micol et Futuropolis ont repris leur indépendance. Avec moins de contraintes et plus de libertés, l’histoire s’est transformée en dystopie futuriste intergalactique. L’intelligence artificielle veut la peau de l’Art. Micol met en garde sur une uniformisation et une aseptisation de la pensée, débarrassée de l’Art qui fait réfléchir. Enfin, avec ses cheveux châtains et son haut bleu, avec son nom également, Tin-3.103 n’est pas sans rappeler un certain reporter à la houppe. Mimésia ne serait-il le projet Tintin du futur ayant traversé l’espace-temps depuis 2053 ?

Réflexion sur l’avenir de l’Art, Mimésia est le nouveau coup de maître d’Hugues Micol, auteur qui, d’album en album, se remet sans cesse en question autant scénaristiquement que graphiquement. Si Le Louvre ne veut plus de bande dessinée, la bande dessinée veut encore du Louvre. Du passé au futur, le Musée n’en finit pas d’étonner.

Laurent Lafourcade

One shot : Mimésia

Genre : Thriller art futuriste

Scénario, Dessins & Couleurs : Hugues Micol

Éditeur : Futuropolis

ISBN : 9782754846394

Nombre de pages : 72

Prix : 19 €


Étiquettes : bd

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