Gare au Liéchi
« -Victor ! Tu n’as pas changé du tout !
-A part une trentaine d’années en plus, un petit ventre et une cervicalgie ! Je suis déjà un vieux décrépit ! Toi, par contre, tu t’es multipliée par trois ! Voyons si je me souviens…. Sarah, la plus combattive ! Cassiopée, l’artiste de la famille…
-Ecrivaine, merci !
-Et la petite dernière, c’est Lucille, l’amie des animaux, c’est bien ça ? »
Alors que leur père est en partance pour Hawaï afin d’observer le ciel du Pacifique depuis un observatoire situé au pied d’un volcan, les sœurs Grémillet vont passer quelques jours d’automne avec leur mère Magda sur les lieux de l’enfance de cette dernière. Ses parents louaient une maison dans un village de campagne, en pleine forêt. Magda passait le plus clair de son temps chez un ami, Victor, qui habitait dans un bâtiment très spécial. Et pour cause, son père était cheminot. Il habitait dans la gare qui est aujourd’hui désaffectée. Trente ans plus tard, les deux amis se retrouvent et ils n’ont presque pas changé. Pendant que Magda va aider Victor à trier et ranger l’intérieur comme l’extérieur de sa vie restée en l’état depuis la mort de son père, les trois sœurs vont explorer la gare abandonnée et s’intéresser aux esprits de la forêt.

Il y a au moins un demi-siècle que personne n’a dû entrer dans la gare. Le bureau du chef est comme s’il l’avait quitté la veille. Seul un corbeau, que les sœurs pensaient au début empaillé, rend le lieu encore vivant. L’oiseau affolé volète dans des cris : Liéchi ! Liéchi ! Même Sarah ne parvient pas à le calmer. Derrière le bureau, une porte est cachée sous un épais rideau. Un train électrique est installé sur une imposante maquette de la région. Au mur, une fresque représente un étrange personnage à tête en crâne de cerf. On dirait un esprit de la nature. C’est le Liéchi. On dit qu’il est le gardien de la forêt et que les animaux lui obéissent. Couvert d’écorces et de mousse, il peut se camoufler aisément et même changer d’apparence. Tout cela, c’est Victor qui va l’apprendre au trio. Il peut être tout aussi bienveillant que terrible avec ceux qui ont de mauvaises intentions. Peut-être qu’il existe vraiment.

Enfant, Victor jouait avec son père au Liéchi malicieux, une sorte de chasse au trésor à l’envers dans laquelle il fallait remettre à leur place des objets, les uns après les autres, pour au final dénicher des bonbons. La légende disait que c’était le Liéchi qui organisait le jeu de piste. Le morceau de carrelage trouvé par Sarah au milieu de la maquette serait peut-être le début d’un jeu, une dernière piste laissée par l’homme de gare. Pendant que les adultes vont s’occuper de remettre de l’ordre dans la maison, voilà une nouvelle mission pour les sœurs Grémillet. Alessandro Barbucci et Giovanni Di Gregorio emmènent leurs lecteurs dans une ambiance automnale proposant autre chose que ce que l’on peut lire habituellement en période d’Halloween. Ils en gardent certains codes, comme la créature mystérieuse ou les lieux désaffectés, tout en y apportant leur touche qui caractérise la série. Barbucci s’est inspiré des décors des films Ghibli mêlés à une touche un peu creepy. La forêt est tout aussi inquiétante qu’accueillante. On y pénètre avec curiosité et une légère pointe de peur. Les auteurs inventent l’inquiétude rassurante. On sent même l’odeur des champignons des sous-bois.

Série inclassable, Les sœurs Grémillet vole sur la nostalgie heureuse tout en s’ouvrant vers l’époque actuelle. Aussi belle sur le fond que dans la forme, elle s’inscrit dans une bande dessinée tous publics qui invite à prendre le temps, à observer autour de soi, à titiller sa curiosité, à se déconnecter. Le feel good n’a jamais si bien porté son nom.
Série : Les sœurs Grémillet
Tome : 8 – Le gardien de la forêt
Genre : Aventure émotion
Scénario : Giovanni Di Gregorio & Alessandro Barbucci
Dessins & Couleurs : Alessandro Barbucci
Éditeur : Dupuis
ISBN : 9782808510462
Nombre de pages : 72
Prix : 15,50 €



