L’inimaginable retour
« -Quand j’ai appris par quelqu’un qui passait dans mon association de déportés que tu étais encore en vie, j’ai battu ciel et terre pour trouver ton numéro !
-Tu as bien fait, ça fait des années que je n’étais pas venu en France, c’était l’occasion.
-Je n’ai jamais eu de nouvellesde Sonia, en revanche.
-Elle m’a sauvé la vie, tu sais. Tiens, j’ai gardé un souvenir d’elle. »
1983, Paris, Quatrième arrondissement. Dans la crypte du mémorial du martyr juif inconnu, Simone Lagrange témoigne devant une classe de collégiens de l’horreur qu’elle a vécu pendant la Seconde Guerre Mondiale, en déportation. Dans ce tombeau symbolique des six millions de juifs morts sans sépulture, elle se souvient, afin de contrer la propagande immonde des négationnistes, pour que ça ne recommence pas. En quittant les lieux, la rescapée tombe sur Macha, l’une de ses compagnes d’infortune à Auschwitz, qu’elle a perdu de vue depuis 39 ans.
A comme Auschwitz, R comme répression, B comme bannissement, E comme expérience, I comme infanticide, T comme torture : Arbeit, Arbeit macht frei, Le travail rend libre. C’était la devise arborée à l’entrée. Dans le camp de la mort, Simone avait imaginé une comptine, pour se donner du courage, face à l’indicible.

Tout allait changer le jour, ou plutôt la nuit, où des avions larguèrent sur le site des tracts de l’armée rouge stipulant que les allemands étaient sur le point de se rendre. Mais dans un ultime baroud d’honneur, les derniers bourreaux boches n’allaient pas laisser les choses se faire dans la simplicité. Ils décidèrent de faire sortir les prisonniers pour une longue marche. Vers où ? Ils l’ignoraient. Ce sera l’occasion pour Simone, Simy comme il l’appelait, de revoir son père, pour une dernière scène tragique, poignante, dans des larmes de sang. Miraculeusement, avec une poignée de camarades, Simone va échapper au pire.
Alors qu’en 1987, Simone témoigne au procès de Klaus Barbie, en 1945, la route est encore longue pour la gamine de 13 ans qui vit un long chemin de croix afin de recoller les morceaux qu’il reste de sa famille.

La trilogie sur la vie de Simone Lagrange se clôt dans une émotion incroyable. Alors qu’on pouvait penser naïvement de notre XXIème siècle qu’une fois l’armistice signée, tout était rentré rapidement dans l’ordre, on apprend combien le retour fut long et difficile pour les survivants des camps de déportation. Avec son témoignage, Simone Lagrange apporte une pierre majeure au devoir de mémoire, relayé en bande dessinée par Jean-David Morvan et David Evrard. Après Irena Sendlerowa, ils offrent à Simone Lagrange une gravure de sa vie, pour que jamais jamais jamais une telle horreur ne se reproduise. Aux couleurs, Walter nous gèle dans la neige de l’hiver 45, avant de nous réchauffer peu à peu, nous amenant vers la libération, vers le retour à la vie.
Présent au procès Barbie, Marek Halter signe une postface poignante, racontant sa rencontre avec Simone Lagrange, née Kadosche, issue d’une famille juive de Mogador immigrée en France en 1920.

Il est des blessures qui ne cicatriseront jamais. La Shoah est de celles-ci. « On ne corrige pas celui qu’on prend, on corrige les autres par lui. », disait Simone en paraphrasant Montaigne. David Evrard et Jean-David Morvan participent à cette correction avec cet indispensable biopic de Simone Lagrange.
Série : Simone
Tome : 3 – Mais un jour dans notre vie le printemps refleurira
Genre : Drame historique
Scénario : Jean-David Morvan
Dessins : David Evrard
Couleurs : Walter
Postface : Marek Halter
Éditeur : Glénat
ISBN : 9782344053140
Nombre de pages : 72
Prix : 15 €



