La mort au bout des lèvres
« -Monsieur le maire, je vous attendais !
-Salut Daniel. Oublie le « vous », tu es ici chez toi. La commune manque de commerces, ton bar-tabac va apporter une bouffée d’oxygène. »
« Chez Daniel » est une nouvelle enseigne dans ce petit port de la côte normande. Ça ouvre dans quelques jours. On pourra y acheter la presse, valider les bulletins de loto, et surtout se procurer des paquets de cigarettes et des cigarettes électroniques avec leurs parfums aguichant les plus jeunes. Avant, il fallait faire quinze bornes pour trouver des clopes. Les soirs de match, tout le village pourra se retrouver autour d’un grand écran, de bonnes bières en main. Daniel n’arrive pas seul dans la région. Fraîchement divorcé, il est accompagné de son fils Jérémie, un lycéen de quinze ans. S’il ne voit pas d’un très bon œil le commerce de son père, c’est parce que la maman de sa nouvelle amie Maëlys est morte à cause du tabac.

Que l’on vende de la vape goût fraise Tagada, melon ou fruit du dragon, c’est clairement pour cibler les jeunes. Daniel ne voit pas le mal. « De toute façon, tabac et vape sont interdits aux mineurs. » De plus, il en est certain, le vapotage est une alternative à la cigarette pour aider les gens à ne plus fumer. En soirée, Jérémie découvre que la plupart des ados commencent en fait par cela. Il se laisse tenter à essayer ce qui met Maëlys dans une colère noire. La situation est plus dramatique qu’il n’en a l’air. Tout est fait pour inciter les jeunes à s’y mettre. Les influenceurs, sponsorisés par les fabricants, font la promotion des cigarettes électroniques. Ces derniers n’hésitent à utiliser l’iconographie manga pour faire tomber des victimes naïves ou faibles dans leurs filets.

Maëlys et Jérémie vont mener une enquête aux sources de la vape. Il y a trois éléments principaux dans une vape : une résistance, un réservoir à liquide et une batterie. La batterie transmet de l’énergie à la résistance qui chauffe le liquide pour produire un aérosol. Le premier brevet de vapoteuse a été déposé en 2004 à Shenyang, en Chine, avant d’être vendu en 2013 à une société hollandaise qui appartient à… un fabricant de tabac, appartenant lui-même à l’un des cinq plus grands groupes de cigarettiers du monde. Loin d’être ennemis, les vendeurs de cigarettes classiques et de cigarettes électroniques sont les mêmes. Les deux jeunes gens vont creuser leurs recherches et expliquer le programme d’empoisonnement contrôlé par l’industrie, jusqu’au scandale des Puffs.

Journaliste d’investigation, le scénariste Guillaume Coudray est spécialisé dans les questions santé. Il se met ici dans la peau d’un duo d’ados pour raconter le scandale des vapoteuses. Il raconte tout le côté économique de l’arnaque. Dommage qu’il ne creuse pas un peu plus le côté médical, mais peut-être n’y a-t-il pas encore assez de recul pour ça. Aux dessins, Emilie Dambreville représente le tout en niveaux de gris ajoutant à l’ambiance fumées/vapeurs du récit. Si l’album invite au moins un jeune à ne pas fumer, quoi que ce soit, il aura atteint son but, mais espérons que beaucoup plus seront touchés. Instructivement inquiétant.
One shot : La vape Derrière le goût, le mensonge
Genre : Reportage
Scénario : Guillaume Coudray
Dessins & Couleurs : Emilie Dambreville
Éditeur : Des ronds dans l’O
ISBN : 9782374181653
Nombre de pages : 104
Prix : 24 €



