La tête du diable
« -Nous patienterons le temps nécessaire. Le plus court chemin vers Constantinople passe par la Hongrie.
-Le roi Coloman nous refuse le passage. Des pélerins dévoyés ont mis le pays à feu et à sang. Le monarque souhaite cependant vous rencontrer, seigneur Godefroy. »
Nord de la Hongrie, septembre 1096. Les hommes du Comte Emich assiègent un paisible village. Le croisé prétend être le dernier empereur des prophéties, désigné par le Tout-Puissant pour que le royaume éternel advienne. Les soldats torturent, tuent, pillent pour que l’Antéchrist naisse des cendres de leurs exactions afin que Dieu puisse l’affronter à Jérusalem. Il n’en fallait pas moins pour se mettre à dos le roi Coloman de Hongrie. Ce dernier refuse à Godefroy de Bouillon le passage de ses troupes. Pour qu’il les laisse traverser le territoire, Godefroy propose une monnaie d’échange : la tête d’Emich, le diable en personne, insaisissable. Godefroy compte sur la main de Dieu pour guider son épée. Coloman accepte le marché. Et pour être certain de ne pas avoir de problème de pillages par les soldats de Godefroy de Bouillon, il exige que son frère Baudouin et sa famille soient ses invités, en tant que garants, le temps que les troupes traversent le pays.

Le dossier historique rédigé par le scénariste Rudi Miel en fin d’album confirme la véracité des tractations au pont d’Ödenburg où Coloman et Godefroy se sont rencontrés. Le Comte Emich de Leiningen est érigé en antagoniste de Godefroy de Bouillon. C’est là où apparemment l’Histoire et la fiction se dissocient partiellement, mais il est impossible d’en dire plus sans dévoiler un pan du récit. Toujours est-il que Rudi Miel ne commet pas de faute historique et reste dans le plausible. Après tout, BFM n’était pas là pour suivre les croisades. Le scénariste n’est jamais didactique ni pompeux. Avant tout, on est dans une bande dessinée d’aventure. L’essentiel est que l’on ne s’ennuie pas et que l’on vibre, avec un final très blockbuster hollywoodien. On aurait juste pu se passer de quelques scènes crues et d’un running gag qui n’apportent rien au récit. Alors que ce genre de scène était un argument de vente dans les années 80, il est peu probable que ce soit encore le cas aujourd’hui.

Au dessin, Théo Dubois d’Enghien propose une reconstitution médiévale fort honorable. Il relève la très difficile tâche de reproduire des combats à l’épée. On ressent comment les chorégraphies sont pensées. Autant, c’est facile à représenter au cinéma, grâce notamment aux mouvements de caméras, autant en bande dessinée, c’est un réel défi. Comme pour les scènes de sexe, est-ce que les giclées de sang crédibilisent l’histoire ? On peut se poser la question. Bref, dans tous les cas, question atmosphère brutale de l’époque, l’effort est louable, on est en immersion…au grand dam de Nicolas Anspach, éditeur de l’album dans la réalité, et homme d’Eglise bénédictin dans l’aventure.

La route jusqu’à Jérusalem est encore longue. Série historique richement documentée, Godefroy réjouira les médiévistes bédéphiles (et vice versa).
Série : Godefroy
Tome : 2 – Antechristus
Genre : Histoire
Scénario : Rudi Miel
Dessins : Théo Dubois d’Enghien
Couleurs : Angelo Iozza
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782931105474
Nombre de pages : 56
Prix : 16 €



