La belle (bête) et les clochards
« -Qu’est-ce que c’est que ça ? Qu’est-ce qu’il fout là, ce clebs ?
-Peut-être chien sauvage, faire prudent.
-Chien sauvage ? Mes fesses ! C’est pas un bâtard, ça ! Il est toiletté comme un militaire en permission. Il est super mignon. On peut pas le laisser là. C’est dangereux.
-Pssshhh ! Allez ! Pssshh ! Partir !
-Ben quoi ? T’aimes pas les chiens ? Il a l’air gentil. »
En pleine ville, sous un pont, deux clochards se réveillent. Théo, le plus vieux, n’a pas bien dormi, à cause du cauchemar d’Amir, toujours le même. L’homme est un réfugié kurde. Est-ce aujourd’hui le jour où ils vont trouver du travail ? Pas sûr. Le premier boulot, c’est de virer un jeune taggueur. Pas question de laisser les artistes s’installer sur le squat. « Les artistes, c’est l’avant-garde de la bourgeoisie ! » Ils sont capables de sublimer n’importe quel taudis et après il faut trouver un autre endroit où crécher.

Après cela, la journée peu commencer, au travail. Fouiller les poubelles, ramasser les mégots pour se constituer une cigarette, rapiner une pomme sur un étalage, … et ces poulets dorés qui tournent dans la vitrine de la rôtisserie…. Hmmmm ! Quel parfum ! Théo ne résiste pas. Va falloir être rapide à la course avec la police municipale aux fesses.
On le voit dès la couverture, le trait de David Ratte s’est duhamélisé. Deux hommes courent à vive allure sur les berges d’un fleuve, faisant fuir les pigeons qui détalent à tire d’ailes. Le second type s’enfile une rasade, on le suppose, de whisky en portant une fiole à sa bouche. De la rue en hauteur, un groupe de jeunes les observe, l’un d’eux les montrant du doigt. Un chien les précède en surveillant d’un œil qu’il est bien suivi. Ce chien, c’est Whisky. Surgissant d’un buisson, il s’était donné aux clochards en vadrouille. Ce n’est pas un bâtard. Il est toiletté comme un militaire en permission. Alors qu’Amir tente de le faire fuir, Théo va l’adopter. Un chien, ça monte la garde, ça aboie sur les intrus et ça permet de ne pas être embarqué dans les foyers d’urgence. Problème : une récompense est promise à qui retrouvera le chien. Pas question pour autant de se séparer de la bête.

L’histoire de Whisky est un conte moderne. Bruno Duhamel écrit un de ces récits dont il a le secret. Comme dans Jamais (dont une cousine de l’héroïne fait de la figuration planche 11), le scénariste se penche sur le destin de personnages en marge de la société, des exclus qui s’accrochent à ce qu’il leur reste, des gens de peu dont le peu qu’ils ont suffit à leur bonheur mais pas question que quelqu’un y touche. Au fond, ne sont-ce pas eux les plus heureux ? L’association Duhamel-Ratte est une idée d’Hervé Richez, Duhamel ayant envie d’écrire plus d’histoires qu’il ne peut en dessiner. Comme Amir-Théo, le duo Bruno-David fonctionne à merveille dans cette histoire aux frontières des univers de Buster Keaton et du Terry Gilliam de Fisher King.

Vous reprendriez bien une rasade de Whisky ? Quand celui-ci est à consommer sans modération, il n’y a pas de mal à se faire du bien. Ce Whisky-là, tout le monde voudrait l’adopter. A la vôtre !
One shot : Whisky
Genre : Comédie
Scénario : Bruno Duhamel
Dessins : David Ratte
Couleurs : Atomix et David Ratte
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9791041111657
Nombre de pages : 64
Prix : 16,90 €