Les nouveaux naufragés du A
« -C’est dans votre tête que le monde est dangereux, père. Je sais qu’il peut être merveilleux, plein de belles choses et de gens extraordinaires. Si vous sortiez d’ici, vous pourriez le voir… Père, si vous brûlez les livres de notre mère, je quitte cette maison !
-Vas-y ! Pars ! Tu reviendras terrifié après avoir croisé le premier inconnu venu, bien décidé à te détrousser et à laisser ton corps pourrir dans un fossé. »
XVIIIème siècle. Dans une vallée des Pyrénées, vit un veuf et ses deux fils. Aujourd’hui, le plus jeune, Enric, a huit ans, l’âge auquel son frère Fabian lui a promis qu’il lui révèlerait un secret. Ce secret, ce sont des livres que leur mère lui avait demandé de cacher. Maman en avait plein, mais ceux-ci, ce sont les tomes d’une encyclopédie. Les savants ont mis dedans tous les secrets du monde. Lorsque le paternel l’apprend, il entre dans une colère noire. Il a interdit les livres dans la maison. Ses fils n’ont pas besoin de lire, parce que, dixit, le monde est une pourriture et les hommes ne valent pas mieux puisqu’ils l’ont laissé pour mort sur un champ de bataille au milieu des cadavres. Le vieil homme brûle les livres. Le lendemain, l’aîné, Fabian, quitte le domaine d’Ortis. Le cadet ne tarde pas à lui emboîter le pas. Le père demande aussitôt à Firmin, le garçon de ferme, de les suivre. Iront-ils jusqu’à l’Atlantique, cet océan dont parlait le livre et qu’ils n’ont jamais vu ?

Non loin de là, dans une roulotte, les cadavres des deux occupants sont découverts. Ils étaient montreurs d’ours. La bête ne s’est pas échappée toute seule. Elle a été libérée. Le peau-rouge qui travaillait avec eux a disparu. Le maréchal des logis déclare la chasse à l’homme et à l’ours lancée.
Au-delà d’une double épopée montagnarde, Philippe Charlot écrit celle d’un homme meurtri. Si le père Flanchin ne souhaite pas que son second apprenne à lire, c’est pour qu’il ne devienne pas comme ces imbéciles de savants qui n’ont pas pu sauver sa femme. Qu’à cela ne tienne, Fabian lui apprendra. De son côté, Firmin est rentré à la ferme bredouille. Une nouvelle fois furieux, le père prend son fusil et file dans la montagne. Alors que les frères sont aux abois, persuadés que les traqueurs de l’indien les recherchent à eux, ce dernier les tire d’un bien mauvais pas. Les chasses à l’homme ont démarré. Rien ne peut arrêter les meutes acharnées.

Dans un décor mettant à l’honneur les sublimes montagnes pyrénéennes chères autant au scénariste béarnais Charlot qu’au dessinateur basque Marko, la formidable aventure des frères Flanchin dénonce aussi l’absurdité de la guerre. Sur les champs de bataille, on y tue pour des considérations qui dépassent les hommes. Alors que tout laissait à penser qu’on serait dans une sorte de quête initiatique des jeunes frères, on se rend compte que c’est la quête spirituelle d’un père en quête de rédemption qui est véritablement au cœur de l’intrigue. Les auteurs ajoutent au conte naturaliste une dose de culture amérindienne avec le personnage de Kuti Hikut, « De l’autre côté du lac ». Un cahier complémentaire dévoile les coulisses de la création de l’histoire et sur les éléments historiques la composant, du montreur d’ours au peuple constituant les premières nations américaines.

Les hauteurs des Pyrénées permettent à deux auteurs d’atteindre les sommets de leur art. La formidable aventure des frères Flanchin est une belle histoire dans tous les sens du terme. Voici l’un des meilleurs albums de l’année.
One shot : La formidable aventure des Frères Flanchin
Genre : Aventure
Scénario : Philippe Charlot
Dessins & Couleurs : Marko
Éditeur : Bamboo
Collection : Grand Angle
ISBN : 9782818998007
Nombre de pages : 80
Prix : 16,90 €