Des sorcières dans le brouillard
« -Sœur Zelda !!! La Brume est dans le village !
-Vraiment ?!!! Mais c’est impossible, on vient de renforcer nos défenses ! A moins que… Yfrid…
-Qu’est-ce que vous faites plantées là ?! Vous essayez de prendre racine, ou quoi !? Rejoignez les autres, et…
-On ne peut pas, Zelda !
-Mais qu’est-ce que vous bredouillez, encore ?!!! »
Ogresse mutante élevée par une sorcière maîtresse de kung-fu, Tempérance cherche à percer le mystère de la Brume, ce brouillard mystérieux dans lequel il est préférable de ne pas se trouver en contact. Ses tantes les sorcières, appelées les brouches, mettent leur magie à la défense du village où la Brume, qui d’ordinaire est en forêt, a commencé à entrer. Zelda se métamorphose pour faire face au monstre armé qui semble la diriger. Ça ne suffira pas pour délivrer la cité de l’emprise noire. De son côté, le démoniaque Sire Langlois est furieux de ne pas encore avoir réussi à mettre la main sur Tempérance. Mais où est-elle, celle-ci ? Les sorcières l’ignorent également. Accompagnée d’une tête coupée volante qui la guide, elle recherche le responsable du malheur qui dévaste la planète, en tous lieux et, semble-t-il, en tous temps.

Un enfant regarde une publicité en dessin animé du Captain Nature. Le super-héros se bat contre Poluxor et invite les téléspectateurs à lutter contre la pollution. En jouant près de la fenêtre avec des figurines, le gamin aperçoit quelque chose de la fenêtre de son immeuble, comme une brume qui monte. Le début de ce deuxième tome de La marche Brume est tellement déroutant qu’on vérifie sur la couverture qu’on ne s’est pas trompé de série. Planche 4, la transition est faite avec Tempérance que l’on retrouve en pleine forêt. A-t-elle rêvé ? Ou bien l’auteur prépare-t-il un subterfuge ? Les époques semblent paradoxalement se mêler entre sorcellerie moyenâgeuse et technologie et armement post-modernes. Le monde des brouches serait-il observé par des visiteurs du futur ?
Stéphane Fert bouleverse les codes en installant un anachronisme temporel. Après tout, ne peut-on pas tout se permettre dans une œuvre de fiction ? Histoire de solidarité, de lutte contre une sorte virus, La Marche Brume montre une pandémie incarnée.

Le précepte du scénariste Fert est résumé dans l’intervention « hors texte » de Clarence, la brouche historienne : « Les humains répugnent à savoir car « savoir » signifie « changer ». Ils ne cherchent dans les livres et les images que des histoires qui les confortent dans ce qu’ils sont, dans ce qu’ils croient, dans la légitimité des privilèges qu’ils ont acquis.(…) Mais la vie est un ouragan qui emporte tout et se moque des statues prétentieuses qui osent le défier. » La Marche Brume est aussi une histoire de métamorphose, la chrysalide devient papillon, l’adolescent devient adulte, Tempérance subit une transformation physique qui lui fait se poser encore plus de question sur qui elle est, d’où elle vient, sur l’héritage qu’elle porte.
Le dessinateur Stéphane Fert montre son côté sombre dans un nouveau genre, une dark-fantasy retro-futuriste qu’il peint de tons mauves et noirs, de façon assez envoûtante. Fert sait aussi être drôle comme dans la scène de la maison Moumounette, moitié masure moitié poule, qui s’envole avec ses occupantes.

La marche Brume avance au rythme du brouillard qui engloutit les êtres et les âmes. Mais les brouches veillent et protègent, au prix du danger. Stéphane Fert ensorcèle les lecteurs dans un conte qui renouvèle le genre.
Série : La marche brume
Tome : 2 – Les chimères
Genre : Sorcellerie
Scénario, Dessins & Couleurs : Stéphane Fert
Éditeur : Dargaud
ISBN : 978250511
Nombre de pages : 136
Prix : 22,95 €