Comme un air de Griffo
« -Bonjour, Emile ! Il y a de la brume, hein ?
-De la brume ? On dirait plutôt de la fumée ! Je suis en train de cracher mes poumons, bon dieu !
-Trois jours que ça dure ! Rarement vu un brouillard aussi persistant !
-Et qui pue autant ! Qu’est-ce que c’est ?… Du soufre ?
-Oui, c’est étrange ! »
France, juin 1783. Le jeune Benjamin se fait enguirlander par sa grande sœur Madeleine. L’aubergiste reproche au gamin de faire attendre les clients en n’étant pas assez rapide pour transporter leurs bagages. Benjamin est le demi-frère de Madeleine. Après avoir abandonné la fille à sa mère et être parti exercer son métier de botaniste à travers le monde, leur père est revenu pour confier le petit à la grande avant de mourir, alors qu’elle ignorait jusqu’à son existence. Entretemps, elle s’était mariée à un tavernier dont elle avait réussi à développer le commerce. Le caractère bien trempé, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Madeleine assume aujourd’hui son petit frère Benjamin, qui parfois la rend folle, avec beaucoup de rudesse mais un peu d’empathie quand même.

Un matin, une brume étouffante envahit la contrée. On dirait une fumée. Au fil des jours, ce brouillard persiste. Ça brûle les yeux et ça sent mauvais, comme du soufre. On dit dans le journal que ça pourrait être annonciateur de tremblements de terre. Alors que la situation ne s’améliore pas, la populace invoque le Seigneur pour délivrer de ce brouillard satanique. Les portes de l’enfer ont-elles été ouvertes ? Ces histoires n’effraient pas Benjamin… Enfin, il a quand même quelques doutes. Et si les démons s’en prenaient à lui ? Entre les cauchemars qui hantent ses nuits et le ciel qui fait des siennes, le garçon ne sait plus que penser. Il ne manquerait plus qu’un loup entre dans la bergerie… ou l’auberge.

L’auteur anversois Ken Broeders surfe sur le fantastique dans ce thriller énigmatique. Comme les personnages, on ne sait pas sur quel pied danser. Les phénomènes atmosphériques prennent rapidement une tournure mystérieuse. Broeders sème le doute et le trouble par des représentations diaboliques dont on ne sait jamais si elles sont issues de l’imagination de Benjamin ou si ce sont de réelles apparitions fantastiques. Jusqu’à la scène finale, toutes les certitudes sont remises en question. Le doute ne sera levé que dans une explication dans un dossier en toute fin d’album, après le mot fin.

Si le scénariste Broeders invoque des auteurs comme Edgar Allan Poe ou même Lovecraft, le dessinateur Broeders marche avec promesse sur les pas du Griffo de la meilleure époque dont les influences graphiques sont marquées.
Le souffle du diable est un one shot oppressant et enveloppant comme le brouillard. C’est le genre d’album qu’il est impossible de refermer avant d’avoir une explication. Ken Broeders a bien réussi son coup.
One shot : Le souffle du diable
Genre : Fantastique
Scénario, Dessins & Couleurs : Ken Broeders
Éditeur : Anspach
ISBN : 9782931105467
Nombre de pages : 64
Prix : 16,95 €